jeudi 13 décembre 2018

Léonard de Vinci. Damien Capelazzi.

Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble a surtout évoqué l’homme sensible, fragile, disparaissant  trop souvent derrière la légende. Ainsi cet « autoportrait » digne du mythe à propos duquel tout aurait été dit, alors que cette représentation en Platon renaissant mériterait plus de nuances. « Le phare se révéla aussi technique que poétique. »
Il est né en 1452, des amours illégitimes de son père notaire et d’une paysanne qui le nourrira jusqu’à ses cinq ans avant qu’il ne soit installé chez sa belle mère. Celle-ci ne pouvant avoir d’enfants, le reçoit à bras ouverts. La famille recomposée s’installe à Florence qui compte à l’époque 400 000 habitants, mais le « batard » ne peut suivre par exemple des cours de latin. Alors que depuis le « poggio » (la colline), les Pitti s’opposent aux Médicis du « piano » (la plaine), le père de Léonard cherche des contacts du côté des congrégations religieuses. « L'Annonciation » peinte par le fils avait été commandée par l’abbaye Santa Maria de Monte Oliveto Maggiore.
Il apprend chez Verrocchio, orfèvre et grand maître de la sculpture, comme en témoigne une puissante « Statue du Colleone » condottiere vénitien.  Verrochio, également peintre  talentueux avait résolu entre autres le problème technique consistant à surmonter le dôme de Santa Maria del Fiore d’un globe de deux tonnes.  
Son « David » exposé au Bargello à Florence aurait les traits du beau Léonard, à rapprocher de ceux de Michel sous sa cuirasse, un des  « Trois archanges avec Tobie » de Boticcini.
Dans cet atelier qui fut une pépinière de talents, caquètent les poules et vibre le luth ; on danse, on lit Ovide. Les élèves utilisent plus volontiers du bois que le coûteux papier. Les jeunes sont employés à transférer les dessins du maître au moyen de cartons percés appelés « poncifs » au dessus desquels sont tamponnés de petits sachets de charbon.
« Le portrait de Ginevra de Benci »  devant son genévrier, bien que tronqué, annonce la force et la douceur des travaux à venir de l’élève devenu maître.
« La Madone à l'œillet » dite de « la carnation » ou « à la carafe » pour les reflets d’une colonne, signe du début de la Passion ; le tableau déploie tel un film toute une temporalité. Alors que ce sont souvent les brunes qui portent le deuil, la blonde semble triste, le contrapposto  de son petit à qui ne manque pas un pli, vient de l’antique. Le paysage a son importance.
Florence devient dangereuse : « Bernardo di Bandino Baroncelli » a été pendu après avoir assassiné le frère de Laurent de Médicis lors du conflit avec la famille Pazzi soutenue par le pape Sixte IV.
Vinci rejoint Milan et laisse inachevé une « Adoration des mages » mouvementée.
Son nouveau commanditaire Ludovic Sforza a été séduit par sa lettre de motivation. :
« Je puis construire des voitures couvertes et indestructibles portant de l’artillerie et, qui ouvrant les rangs de l’ennemi, briseraient les troupes les plus solides. L’infanterie les suivrait sans difficulté. » Il organisera les fêtes. Le végétarien habillé de rose, défraie la chronique, il est capable de franchir un cheval à pieds joints. Tout le passionne: l'ingénierie, la géologie, la biologie, l'anatomie. « L’eau déferle. Elle jaillit. Elle plonge. Elle gicle. Elle murmure. Elle tombe goutte à goutte. Elle bouillonne. Elle gargouille. Elle s’écrase. Elle cogne » 
Il rêve de voler. « L’air se meut comme un fleuve et entraîne avec soi les nuages. »
« La Cène » pour le réfectoire du couvent où Sforza se retirait parfois s’est dégradée, mais la gestuelle des apôtres a pu inspirer Le Caravage. Et la fresque perdue de la « Bataille d'Anghiari » dont quelques cartons préparatoires ont subsisté a été reprise par Rubens.
Il n’a peut être pas résolu la quadrature du cercle, mais son « Homme de Vitruve » demeure le symbole de l’humanisme. http://blog-de-guy.blogspot.com/2018/05/le-nombre-dor-eric-mathieu.html.
Le penseur, enfant illégitime, a gagné sa légitimité avec l’expérience.
Parmi ses portraits : d’un musicien, de Louis XII, d’une dame de Mantoue dit la Belle Ferronnière, La Madone Litta qui a ouvert sa robe d‘allaitement, une vierge dont l’enfant malmène un agneau, je retiens la « Dame à l’hermine ».  « La pittura è cosa mentale ».
Les arbres de « La vierge au rocher » portent la trace de ses doigts dont l’empreinte aurait trahi les origines arabes de sa mère. Des exemples de paréidolie, comme lorsqu’on devine la forme  d’un visage dans des nuages, s’y trouveraient ainsi que dans le paysage peint avec la technique en « sfumato » (vaporeux) en arrière plan de « La Joconde », qui n’en est pas à une interprétation près. Les vénitiens ne savaient pas dessiner disaient les Florentins mais ils savaient peindre la chair ; Léonard était passé aussi à Venise.
Il mettra Mona Lisa dans ses bagages en suivant François I° jusqu’à Amboise où il sera logé dans la maison d’enfance du roi, au Clot Lucé.
Parmi les disciples qui le suivirent, Salaï, une petite frappe qu’il aimait bien, servit de modèle, pour « Saint Jean Baptiste ».
 « Nul être ne va au néant ». Il meurt en 1519, non dans les bras du vainqueur de Marignan comme Ingres le représenta, mais dans une gloire qui jamais ne s’est éteinte.
« Il a su dans son œuvre, aussi bien dialoguer avec son temps, se révéler intensément et penser l’humain grâce à son génie fécond.  »

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