vendredi 19 octobre 2018

Maison de retraite.

Pour tirer avec précaution un fil parmi l’écheveau des nœuds qui enserrent ce titre, j’ai éloigné le terme EHPAD (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), trop technocratique, afin de proposer une allitération qui aurait sonné faux de toute façon : « épatantes EHPAD ».
Pourtant un hommage ne serait pas superflu pour les personnels qui travaillent en ces lieux, alors que l’acharnement médiatique substitue le mot «  maltraitance » à tout traitement des personnes âgées en institution.
En ce domaine comme en d’autres, les généralisations sont à bannir.
Les aides-soignantes qui s’attardent à fumer à la pause éloignent peut être d’autres fragrances, mais ne contredisent pas l’admiration qu’elles peuvent susciter.
Cette reconnaissance est augmentée pour moi par un brin de mauvaise conscience qui subsiste pour avoir confié ma mère à d’autres, pour des tâches pénibles. Je connais bien peu d’enfants qui aient sacrifié leur liberté aux soins de leurs parents ; je les applaudis, mais n’en fais pas autant. 
Les vieilles ne sont pas toutes des victimes innocentes, ni toutes méchantes. Elles peuvent être drôles ou désespérantes, fragiles et inébranlables, récitant Hugo et s’oubliant dans les couches «  Confiance », comme tout le monde.
Des résidences pour séniors ayant atteint « L’âge d’or », favorisent des actionnaires au détriment d’un personnel en nombre insuffisant, mais toutes n’appliquent pas fatalement et exclusivement la règle de l’inhumain profit. Les talents ou les insuffisances individuelles ont leur importance quant aux conditions de soins.
Qui milite aujourd’hui en faveur d'un service public généralisé pour la gestion des vétérans ?
Concernant les conditions économiques qui permettent l’hébergement de nos ainés, je suis saisi de vertige chaque fois que je mesure les sommes épargnées par mes parents exploitants agricoles dont les sept vaches ne leur ont pas fourni de bien grasses retraites. Notre génération cigale est actrice dans cette affaire, a profité des fourmis hors course, mais si elle vit à court terme, cela peut apparaître une incertaine éternité pour beaucoup de jeunes.    
Mes ascendants ayant vu la mer deux trois fois dans leur vie, avec mes voyages en Chine et ailleurs, mon héritage se présente d’une façon plus gazeuse, le bonheur s’étant indexé parfois sur notre empreinte carbone.
Une tendance riante vue d’ici apparaît au moment où s’ouvrent des EHPAD en Tunisie à la place des hôtels délaissés par les touristes, avec aide-soignante personnelle pour des prix défiant toute concurrence. Cet aspect de la mondialisation fait se rejoindre loisirs et soins ; mais la solitude sera-t-elle plus douce de l’autre côté de la Méditerranée ?
« …Vous envierez un peu l'éternel estivant
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant
Qui passe sa mort en vacances …»
Brassens
Dans le Monde parlant de nos « bien chers vieux » : « Leur niveau de vie moyen est légèrement supérieur à celui de l’ensemble de la population.» et le quotidien du soir de lancer des pistes concernant la dépendance qui touche actuellement un million de personnes et en touchera 2,5 millions en 2065, tandis que « Le système financé par les départements est à bout de souffle ».
Au sujet des retraites avec ou sans maison, moi qui en ai bénéficié à 55 ans en ayant dans la tête une idée dépassée : laisser la place à un jeune, je serai bien malvenu de souligner que les âges de départ dans toute l’Europe ne cessent de reculer. Le débat qui s’engage sur le sujet va être musclé, pourtant parmi les vociférants attendus, Mélenchon qui fut sénateur fort jeune ferait bien de faire valoir son droit à se reposer. A gauche où une des valeurs constitutive est le travail collectif, un Collomb devrait lui aussi se consacrer à la transmission plutôt que de briguer un mandat de trop.

1 commentaire:

  1. Oui, Guy, je partage la complexité de ton regard sur cette question si difficile, si éprouvante pour ceux et celles qui se trouvent confrontés à un proche très dépendant (se souvenir que dans la république des Lumières, personne n'a vraiment le droit d'être dépendant... c'est.. CONTRE NATURE (ou plutôt, contre idéologie, mettons).
    C'est un paradoxe que nous mettons les personnes dépendantes dans des institutions où on s'affaire à s'occuper d'eux, et à les occuper, POUR LEUR BIEN (et là, je peux parler de l'école comme de la maison de retraite...), avec, sur les lèvres, des discours de belles âmes, pour dissimuler à nos propres yeux combien la société, le corps social méprise les dépendants, quels qu'ils soient.
    Ce... fait permet de rendre compte en partie des salaires des personnes qui ont... LA CHARGE de nos dépendants, mais il faut également tenir compte du fait que cette charge... est un service, et une grâce rendue à la collectivité, et tout le monde sait que la grâce... ne se monnaie pas... et ne doit pas être monnayée. (Je ne dirai rien sur ce chapitre ; il n'y a rien à en dire.)
    Ce qu'on peut dire, et faire, c'est de se rendre compte que ça vit dans les maisons de retraite, tant bien que mal, avec les difficultés qu'on peut rencontrer dans des lieux difficiles, et que le fait de tenir des discours de belles âmes avec des généralisations n'aident personne, et surtout pas les vieux dans les maisons de retraite.
    Merci pour ce beau billet.

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