jeudi 4 octobre 2018

Jeff Koons. Didier Ottinger.

Même pour le directeur adjoint du centre Pompidou, présenter l’ancien trader dont les œuvres sont les plus chères sur le marché de l’art contemporain, était un défi à relever devant les amis du musée de Grenoble.
Le conférencier nous invite à examiner surtout les œuvres, interpréter les formes créées par le personnage clivant, si loin de l’idée traditionnelle de l’artiste souvent valorisé en France à proportion de sa misère.
Koons souvent insaisissable, assume : «  mon œuvre et ma biographie sont indissociables ».
Il est né à York, à côté d’une brocante spécialisée dans les souvenirs des premiers pèlerins du Mayflower qui débarquèrent en 1620; persécutés en Europe, ils pensaient trouver en Amérique l’Eden, tel que le peignit Thomas Cole « The Garden of Eden ».
Ses fleurs pleines d’air, « Inflatable flowers », objets de la culture populaire reflètent des images précaires, mouvantes.
Et ses aspirateurs aspirent, respirent. « New Hoover Deluxe Shampoo Polishers »
L’admirateur de Dali, est influencé par les « ready made » de  Duchamp.
« One Ball Total Equilibrium Tank »  a été exposé à Francfort parmi quelques crucifixions qui ont constellé la culture européenne. Le ballon est un défi à la gravité sous toutes ses formes.
Si les copies romaines des statues grecques étaient taillées dans la pierre, les pièces originales étaient souvent coulées en bronze comme « L’Éphèbe dit de Sarrebruck ».
« Ces Grecs comme ils savaient vivre. Cela demande la résolution de rester bravement à la surface, de s’en tenir à la draperie, à l’épiderme, d’adorer l’apparence et de croire à la forme, aux sons, aux mots, à tout l’Olympe de l’apparence. Les Grecs étaient superficiels par profondeur. » Nietzsche
La finesse de baudruche de « Rabbit », certes représentative d‘une mythologie américaine, rappelle-t-elle la pellicule des statues millénaires?
Sa légèreté faisait écho à la théâtralité des lieux du pouvoir à Versailles où furent exposées pour la première fois des « propositions » contemporaines.
Comme avec Disney : « surgit l’image libératrice d’une existence qui en toute circonstance se suffit à elle-même de la façon la plus simple et en même temps la plus confortable, une existence dans laquelle une automobile ne pèse pas plus lourd qu’un chapeau de paille, et où le fruit sur l’arbre s’arrondit aussi vite que la nacelle d’un ballon. » Walter Benjamin
« Michael Jackson et Bubbles » en porcelaine est kitsch,
cependant l’humanité est elle réconciliée avec l’animalité ? « St. John the Baptist »
Les enfants sont innocents : « Naked »
« Jeff and Ilona (Made in Heaven) » tels Adam et Eve dans le couple qu’il a formé avec la Cicciolina, célèbre le plaisir. Mais les mariés vont devoir quitter le paradis. Leur divorce entraine une dépression chez ce père qui n’aura pas la garde de leur fils.
La légèreté disparaitra des productions. « The cake » semble bien indigeste.
Six exemplaires en acier de « Ballon dog », ont nécessité six ans de travail, « un cheval de Troie » a-t-il déclaré, que cache-t-il ? Le souffle s’en est allé.
« Play doh » la pâte à modeler évoque le stade caca boudin.
Kundera dans « L’insoutenable légèreté de l’être » a beaucoup écrit sur le kitsch :
« Le kitsch, par essence, est la négation absolue de la merde ; au sens littéral comme au sens figuré : le kitsch exclut de son champ de vision tout ce que l'existence humaine a d'essentiellement inacceptable. »
 « C’est une esthétique qui est soutenue par une vision du monde, c’est presque une philosophie. C’est la beauté en dehors de la connaissance, c’est la volonté d’embellir les choses et de plaire, c’est le conformisme total. »
« Dogpool » est lesté par des bûches et pris par des chaînes.
« Liberty Bell » la cloche qui sonna l’indépendance, l’émancipation, est fêlée.
Reste du souffle initial quelques sphères de Murano pour accompagner des œuvres antiques « Gazing Ball (Ariadne) », une de ces boules brillantes comme celles des jardins de Pennsylvanie est posée sur la statue qui symbolise la mélancolie chez De Chirico « La mélancolie d'une belle journée ».
« Le sourire positiviste est-il devenu le rictus de Gwynplaine ? » Ainsi qu’il était écrit dans la brochure des amis du musée ouvrant sa saison par cette conférence. Je suis allé chercher qui était ce Gwynplaine : c’est le personnage monstrueux du roman de Victor Hugo, « L’homme qui rit ».

1 commentaire:

  1. Pour un peu, tu raconterais dans le parcours de cet artiste la montée et la chute.. des U.S.
    Pour rectification et réflexion : on peut se demander si les premiers pèlerins (je descends de l'un des passagers du Mayflower, en l'occurrence...) recherchaient tant à retrouver le jardin d'Eden que de BATIR LE NOUVEAU JERUSALEM.
    La nuance est de taille. Elle est même fondamentale, et on peut la voir dans tout le défilé des images que tu déroules.
    Pauvre Amérique... condamnée à chercher à copier ? reproduire ? la (feu..) grandeur de l'héritage européen.
    Et maintenant tu peux comprendre pourquoi je désespère de voir tant de SOI DISANTS ARTISTES ET BONIMENTEURS EN TOUS GENRES copier "l'art" et la "modernité" d'un pays d'où le souffle... s'en est allée d'une manière si évidente.
    Un pays qui est devenu.... la caricature de lui-même.
    "How have the mighty fallen"...

    RépondreSupprimer