mercredi 27 juin 2018

La tête qui tourne et la parole qui s’en va. Béatrice Gurrey.

Le titre est une des phrases de la mère d’une rédactrice du « Monde » qu’elle a relevée parmi d’autres parfois colorées artificiellement de poésie, au cours du récit du cheminement de sa maladie d’Alzheimer.
L’auteur est en train d’écrire un livre sur Jacques Chirac, atteint par une maladie dégénérative du cerveau, alors qu’elle se rend compte que ses deux parents sont touchés simultanément comme un million de personnes en France.
Dans la même veine que « Des phrases courtes ma chérie » de Pierrette Fleutiaux, l’écriture aide à surmonter, partager, vivre.
La famille est unie, elle a les moyens, le savoir et pourtant se retrouve démunie, bête, face à une fin de vie troublante. Nous pouvons avoir connu intimement le déni et la sidération, avec les caractères dont les traits s’accentuent jusqu’à la caricature, la violence et la gratitude.
Et constater le fonctionnement problématique voire scandaleux de certaines EHPAD,  et le dévouement, l’humanité des personnels, pas tous.
La journaliste s’autorise les clichés de tout un chacun : « les parents deviennent nos enfants », mais enregistre avec finesse des signes qui donnent du sens à l’existence :
« Elle fouille, elle ouvre tout, comme dévorée de curiosité, les tiroirs, les sacs de patates, les tubes de crème. Elle aime par dessus tout saisir des sacs en papier qui servent à allumer le feu, près de la cheminée, et les défroisser soigneusement. Je ne peux m’empêcher d’imaginer qu’elle tente d’aplanir le chaos qui est en elle et de mettre de l’ordre, elle qui tenait si bien sa maison. »

1 commentaire:

  1. Dans le contact avec ma belle mère de 91 ans, démente, mais présente à certaines occasions, et pas atteinte par ce qu'on appelle la maladie Alzheimer (mais à l'heure actuelle, le "mono" si confortable pour notre pensée tend à aplanir les complexités du monde pour notre... confort intellectuel, entendons, notre très grande paresse), il m'est arrivé de lui dire que j'avais connu par le passé des épisodes de grande détresse, de confusion mentale qui ont à voir avec les états décrits dans ce livre...
    La plupart de nos contemporains (y compris nos vieux...) veulent croire que nous nous usons de manière linéaire, et prévisible dans un trajet qui suit une ligne droite de la naissance à la mort.
    Pourtant, mon propre chemin de vie ne me laisse pas cette vision... rationnellement confortable ? qui séduit tant à l'heure actuelle, mais qui a quelques conséquences lourdes à long terme.
    La vieillesse n'est pas une longue déchéance. Mon mari voit mieux à 67 ans que pendant sa jeunesse, car sa presbytie corrige sa myopie.
    Ce n'est qu'un exemple... Il y en a d'autres.
    Ce qu'on ne peut pas dire avec certitude, c'est combien nous sommes façonnés par nos idées sur la vieillesse, les vieux, ce que les vieux.. DOIVENT être, ce que la vieillesse DOIT ETRE afin de se conformer, et NOUS CONFORMER à nos attentes, par désir de sécurité, même au prix de notre confort (si, si).
    Et nous ne nous interrogeons pas sur comment un individu prenant place dans une société qui décrète que son identité se constitue principalement dans le fait d'être utile à la collectivité par son travail actif monnayé, afin de trouver le sens de sa vie, sera amené à vivre sa retraite du monde "actif".
    Le mot "retraite" est très lourd de sens. A méditer...

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