samedi 9 juin 2018

En attendant la fin du monde. Baudoin de Bodinat.

Le titre m’a accroché, et la première page, où l’auteur, qui n’a même pas été démasqué par le web, met en perspective l’expression qui me turlupina : «  j’m’en bats les c… » dans la lignée de « Me ne frego », « rien à foutre » : une devise fasciste.
Mais la lecture est ardue, hachée de parenthèses et de tirets, de ligatures, de charmantes esperluettes (&), farcie de mots rares : cautèle (prudence rusée), éréthisme( appliqué au cœur : accélération du rythme cardiaque) ou hypoxie (manque d’oxygène) et de néologismes heureux : internité ou optiphone. Presque aussi chichiteux que certains de mes articles abusant des allusions, des digressions.
La prose savante laisse pourtant sur 70 pages une élégante impression mélancolique, quand tout n’est pas aussi limpide que lorsqu’il décrit sans agressivité : «  un vieil essayiste faisant l’apologie de l’amélioration (un livre à vendre) et entiché vraiment de cette jeunesse qu’il voit si aisément tactile à circuler dans les données y saisir ce qui s’y offre en temps réel, mais sourcilleux d’un déclinisme du «  c’était mieux avant » dont il entend des voix partout, concédant « quelques difficultés aujourd’hui »… » Michel Serres si tu m’entends…
C’est que nous sommes dans le déni de la réalité, on fait comme si de rien n’était, et pourtant quand on dit « glacier » vient immédiatement : « fonte » ou pour  les eaux : leur « montée ».
La falaise, les seuils sont derrière nous. Rappel de l’appel des 15 000 scientifiques :
« on fit cette remarque que ce n’était pas le premier et puis l’on s’exhorta à multiplier en hâte ces aérogénérateurs qui feraient magiquement l’électricité pour animer le crépuscule dans nos bunkers thermiques »
L’avenir avec des puces indolores pour faciliter le shopping, et pour les poulets des petits casques de réalité virtuelle pour qu’ils se croient dans le Gers, n’est pas très appétissant, surtout si c’est pour aller jusqu’à 150 ans.
Les citations sont nombreuses «  Dans le monde qui va naître, le silence et la solitude seront les derniers luxes de l’individu » Edmond Jaloux, dans les années 50, avec pas mal de Jünger. Après quelques photographies banales d’un village prises par lui-même, qui aèrent le joli petit livre, il se laisse aller in extremis:
 « quelque chose en soi semble sur le point de s’ouvrir et tout réconcilier »
pour se reprendre aussitôt :
«  un assez bon endroit pour venir y attendre le collapsus, le black – out inaugural »


2 commentaires:

  1. Je me suis offert le luxe incroyable de balancer l'expression "déni de la réalité" dans les toilettes.
    C'est que "laréalité" est un concept assez difficile à apprécier pour tout un chacun.
    Presque tous les jours, à ce jeu là, je trouve que mes compères sont dans un déni de la réalité charnelle de nous-mêmes en tant que corps.
    Nous avons nos raisons de nier la réalité de nous-mêmes comme corps charnels.
    Il y a un truc que me chagrine à regarder la jeunesse (et la vieillesse...) tactile sur les engins tactiles qui sont si peu appétissants au toucher, d'ailleurs, c'est de voir tant de têtes... baissées, forcément baissées, et les regards perdus (pour autrui) sur la came.
    On peut dire ce qu'on veut, mais après tout, peut-être que la meilleure définition de l'esclave, c'est celui qui a la tête baissée... (sauf pour Dieu, et le roi, peut-être, là, j'accorde des exceptions.)
    Oui, ça me semble une très bonne définition de l'esclave.

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  2. oui, la phrase la plus juste est celle-ci: "Dans le monde qui va naître, le silence et la solitude seront les derniers luxes de l’individu"... Il faudra aussi éteindre les portables.

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