samedi 30 juin 2018

Eloge des coiffeurs. Vincent Duluc.

Peu importe le mot « coiffeur » qui attire l’œil, quand il s’agit de traiter en 173 pages de l’utilité des remplaçants en équipe de France à travers les âges, où avec un ballon rond se lit le monde et le temps qui a passé, comme dans une boule de cristal.
Cette fois le suiveur des bleus pour « L’Equipe » écrit plutôt comme un journaliste, alors que c’était en écrivain qu’il livrait ses émotions de jeunesse dans un ouvrage précédent 
De la même façon que les élèves en difficulté ont pu révéler des caractéristiques ou des failles dans le système éducatif, ceux-ci ont appelé à développer des pédagogies adaptées. Les « en marge » ne sont pas forcément sur la photo,  mais peuvent être des révélateurs, voire se montrer décisifs.
Entre les 16 joueurs embarqués pendant deux semaines en transatlantique de Villefranche-sur-Mer à Montevideo en 1930, alors qu’il n’y avait pas de remplacement autorisé pendant les matches, et la gestion d’ego de milliardaires à l’heure du coaching, que d’anecdotes !
En 1938, Raoul Diagne, futur ministre du Sénégal, premier joueur noir en équipe de France, avait le droit de fumer une cigarette à la mi-temps.
En 1982,Tigana était allé chercher une bougie en cuisine qu’il avait plantée dans son riz au lait :
« Bon anniversaire à toi aussi mon Jeannot »,
car le staff avait oublié de lui souhaiter son anniversaire quelques jours après celui de Platini, dignement fêté.
Mahut avait veillé Battiston dans la nuit de Séville (82), et c’est à Vincent Candela que l’on doit la chanson de l’été 98 qui ne nous lâchera plus : « I will survive » de Gloria Gaynor.
Platini se souvient d’Hidalgo, l’humaniste qui avait commencé sa causerie d’avant match en évoquant les petites mains qui avaient brodé les coqs sur les maillots.
A l’heure de la transparence,  et des caméras dans les douches, des films révèlent et cachent : le mélancolique « Substitute » par Vikash Dhorasoo (2006) et « Les yeux dans les bleus » (1998) :
« Stéphane Meunier racontait l’histoire d’une béatification, et celle-ci avait besoin d’un évangile à la hauteur de la démarche. Son film au moins rendait grâce à tous, même aux apôtres les moins exposés. »
Entre deux rencontres, les joueurs pêchent à la ligne en 58 en Suède, jouent à la pétanque, se retrouvent  parfois en boîte de nuit, ou casques sur les oreilles descendent du bus à Knysna en 2010.
Les Nasri, Anelka, souvent problématiques dans les groupes, avaient eu de fâcheux prédécesseurs quand pour un surcroît de prime, certains avaient passé les trois bandes au cirage en 78 en Argentine.
Du temps de l’équipe de Nantes dominatrice, chaque sélectionné avait reçu à Buckingham deux verres en cristal où était gravé : « World cup 66 ».
En juin 2018 on a beaucoup parlé de la coupe à Neymar, de laquelle s’agira-t-il en juillet ?

vendredi 29 juin 2018

Le Postillon. N°46 Eté 2018.

Le trimestriel sarcastique revient à ses fondamentaux, plus en forme que lors de sa dernière livraison  http://blog-de-guy.blogspot.com/2018/03/le-postillon-fevrier-mars-2018.html,
mais il n’y aurait pas de bon, s’il n’y avait pas de moins bon, n’est ce pas ?
Le témoignage d’un gardien de la paix est courageux, dénonçant des pratiques malhonnêtes à l’intérieur de la police avec une gestion des indics douteuse lors du cambriolage de la bijouterie Delatour à Saint Egrève, ou au moment du braquage du casino d’Uriage avec les émeutes qui s’en suivirent à la Villeneuve, et une affaire de « go fast ».
Les conditions de travail d’un infirmier sont habilement présentées lors d’une soirée avec un groupe de jeunes ingénieurs qui s’expriment en « kilos €uros » pour parler salaire, mais trouvent  tellement « beau » le métier d’urgentiste qui avec précautions pour ne pas casser l’ambiance décrit son quotidien harassant, tout en sachant sa grandeur. 
Un guichetier de la poste rencontre des clients munis de leur portable, qui le considèrent comme une machine de plus qui ne serait pas tombée, elle, en panne.
Il lui est arrivé de répondre par exemple à une personne qui demande combien il reste sur son compte :
"- 73 centimes.
- Alors je les prends."
Le reportage  à partir des bars d’Autrans est intéressant qui permet de ne pas confondre les « autrandouilles » et les « miaulants » de Méaudre qui viennent de fusionner. A la place de l’OCCAG centre de vacances aujourd’hui abandonné, s’installerait un centre de cuisine française pour étudiantes chinoises.
La sommité qui passe cette fois à la moulinette est Antonio Placer qui aurait mis le Théâtre de Sainte Marie d’en Bas « au plus bas ». Mais face à de fortes personnalités, les collaborateurs s’épuisent décidément bien vite, le « burn out » devient banal.
Si j’ai révisé avec ces reportages quelques éclairages classiques de classe ( sociale), je persiste avec mes désaccords concernant leur obsession contre les compteurs Linky, leur indulgence avec les casseurs de facs, ou leur caricaturale position vis à vis des pharmaciens essentialisés, tous dotés de piscines.
Sinon la routine : Les tuiles de Piolle, Vallini en défenseur récent de la cause animale, et une victoire syndicale à la gare de Grenoble : chez l’entreprise chargée du nettoyage.        

jeudi 28 juin 2018

Vie de David Hockney. Catherine Cusset.

Le titre sec et net ne nous fait pas l’article et annonce la couleur : biographie romancée en accord avec son sujet concernant le peintre figuratif à l’inventivité toujours renouvelée.
En dernière page retraçant la carrière fulgurante de l’octogénaire :
« La vie n'était pas une route droite avec une perspective linéaire. Sinueuse, elle s'arrêtait, repartait, retournait en arrière puis bondissait en avant. Le hasard, la tragédie faisaient partie du grand dessein. Le grand dessein et le dessin, n'était-ce pas la même chose ? La capacité à percevoir de l'ordre dans le chaos du monde. C'était cela qui attirait David dans l'art, cela qu'il aimait tant chez ses peintre préférés, Pierro della Francesca ou Claude le Lorrain: l'équilibre complexe de couleurs et d'éléments opposés, la place de l'homme dans l'espace, le sentiment qu'il n'était qu'une petite partie d'un tout. L'artiste était le prêtre de l'Univers. »
Ces 181 pages nerveuses donnent envie de voir et revoir toiles, gravures, décors, photographies, dessins sur IPad, fusain et aquarelles… de l’encore vert anglais, nous aspergeant de bleu piscine
«  La nature et l’artifice n’étaient donc pas opposés, pas plus que la figure et l’abstraction, la poésie et les graffitis, la citation et l’originalité, le jeu et la réalité. On pouvait tout combiner. La vie comme la peinture, était une scène sur laquelle on jouait. »
L’artiste très tôt reconnu, passe de l’Angleterre aux Etats-Unis.
«  Il n’avait pas peur de dire ce qu’il pensait et de lancer une bombe dans le milieu des critiques. L’art appartenait aux artistes pas aux théoriciens. Après tout il avait toujours avancé à contre-courant »
L’homosexuel flamboyant a traversé les tragiques années SIDA.
« La vie vous faisait encore des cadeaux à quarante cinq ans. Il suffisait de garder l’esprit ludique et d’oser ; oser hurler de plaisir et de peur, oser dire qu’on aimait DisneyLand, oser manger des barbes à papa, oser suivre son envie du moment, oser détruire son travail, oser essayer quelque chose de nouveau, jouer, faire tout ce que les adultes ne s’autorisaient pas.»
Ce récit d’une vie pleine de péripéties, de fulgurances, de fidélités, de trahisons, comporte quelques réflexions profondes concernant la peinture, loin de toute solennité tant l’écriture est vive, enjouée.
«  … la peinture était l’art le plus puissant, le plus réel, parce qu’elle contenait la mémoire, les émotions, la subjectivité, le temps, la vie. »
Il a toujours peint ce qu’il estimait important pour lui.
« Je peins ce que je veux, quand je veux, où je veux. »
Une belle découverte d’une auteure que je ne manquerai pas de retrouver.


mercredi 27 juin 2018

La tête qui tourne et la parole qui s’en va. Béatrice Gurrey.

Le titre est une des phrases de la mère d’une rédactrice du « Monde » qu’elle a relevée parmi d’autres parfois colorées artificiellement de poésie, au cours du récit du cheminement de sa maladie d’Alzheimer.
L’auteur est en train d’écrire un livre sur Jacques Chirac, atteint par une maladie dégénérative du cerveau, alors qu’elle se rend compte que ses deux parents sont touchés simultanément comme un million de personnes en France.
Dans la même veine que « Des phrases courtes ma chérie » de Pierrette Fleutiaux, l’écriture aide à surmonter, partager, vivre.
La famille est unie, elle a les moyens, le savoir et pourtant se retrouve démunie, bête, face à une fin de vie troublante. Nous pouvons avoir connu intimement le déni et la sidération, avec les caractères dont les traits s’accentuent jusqu’à la caricature, la violence et la gratitude.
Et constater le fonctionnement problématique voire scandaleux de certaines EHPAD,  et le dévouement, l’humanité des personnels, pas tous.
La journaliste s’autorise les clichés de tout un chacun : « les parents deviennent nos enfants », mais enregistre avec finesse des signes qui donnent du sens à l’existence :
« Elle fouille, elle ouvre tout, comme dévorée de curiosité, les tiroirs, les sacs de patates, les tubes de crème. Elle aime par dessus tout saisir des sacs en papier qui servent à allumer le feu, près de la cheminée, et les défroisser soigneusement. Je ne peux m’empêcher d’imaginer qu’elle tente d’aplanir le chaos qui est en elle et de mettre de l’ordre, elle qui tenait si bien sa maison. »

mardi 26 juin 2018

Rimbaud l’indésirable. Xavier Coste.

Il fut un temps, lointain, où les relations homosexuelles de Rimbaud et Verlaine étaient tues et la fin de vie de l’auteur d’ « Une saison en enfer » vite évacuée par nos profs.
Avec ces 120 pages, le conformisme est parti excessivement à l’opposé et le génie poétique disparaît derrière le sale gosse, pourtant :   

« Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots ! »

Tout est dit. Rien que quelques lignes où chaque mot est un cadeau ou la scansion vous soulève, valent bien plus que des vignettes de beuveries, de grossièretés, de fausses audaces et d’une déclinaison figée des mines inexpressives de l’icône romantique qu’il n’était surtout pas, dupliquée à souhait.
Les anecdotes biographiques scient les barreaux qui pourraient nous élever au dessus de la tourbe. J’ai trop vanté la BD comme moyen adapté pour traduire bien des aspects de la connaissance, mais pour ce qui est de la poésie, sur ce coup, il vaut mieux s’en tenir aux textes originaux.
Pourquoi ne pas confier à des dessinateurs des illustrations de poèmes comme en composent les écoliers dans leurs cahiers de récitations, plutôt que quelques cartes postales anonymes où Charleville est en gris et Aden en jaune ?

lundi 25 juin 2018

Napalm. Claude Lanzman.

Si le titre évoque surtout la guerre du Vietnam, dans ce film d’une heure quarante, il est question de la Corée du nord où le réalisateur de « Shoah » revient pour la troisième fois.
Il en est resté à ses premiers choix politiques quand le martyr subi par la Corée lui faisait accepter, voire chérir les pires règles staliniennes. Le récit de son histoire d’amour avec une infirmière, conté dans les plus infimes détails, prend tout son temps. Prend trop son temps : alors le narcissisme du personnage devient envahissant, venant après les images autorisées mais sans intérêt de la République Populaire et Démocratique, en ses statues monumentales, ses alignements de chars pris à l’ennemi et ses avions écrasés. De sidérantes indulgences envers le régime le plus autoritaire de la planète paraissent irrémédiablement datées, figées, comme ce très bref épisode amoureux qui mettait en danger la belle. 
Bien des œuvres plus honorables s’estompent de nos mémoires, mais ce témoignage affligeant de la déchéance d’un intellectuel de renom persiste.

dimanche 24 juin 2018

Le porteur d’histoires. Alexis Michalik

Le titre de « Meilleur auteur et meilleure mise en scène aux Molières 2014 » laisse soupçonner le niveau des autres concurrents. Comme chez les artisans qui contestaient l’amoindrissement des exigences pour l’obtention des diplômes de Meilleur Ouvrier de France, si un tel spectacle, loin d’être indigne, obtient de telles récompenses, c’est que le niveau n’est pas très haut.
Je n’en profite pas pour parler du brevet ou du bac.
Il est question des glissements de la fiction vers la réalité, ce qui n’est pas vraiment nouveau surtout quand le meneur de jeu vous l’explique d’une façon un peu insistante, ainsi qu'il rappelait d’emblée que l’on enseignait aux petits algériens leurs ancêtres les gaulois ; leur dit-on aujourd’hui qu’ils étaient arabes ou pas ?
Eugène (Delacroix) est dans le paysage et Alexandre Dumas au centre de l’inventivité feuilletonesque, Marie Antoinette fait une apparition.
Nous passons d’un hôtel au bord du désert à un cimetière dans les Ardennes avec dans le décor des livres figurant toujours comme des trésors.
L’imbrication des histoires est plutôt judicieuse mais il eut mieux valu s’inspirer de la finesse et de la profondeur des pages évoquées plutôt que de les enterrer même métaphoriquement.
Le spectacle aurait pu convenir dans le festival des arts du récit où parfois un seul conteur peut nous embarquer plus efficacement vers les légendes qu’une ribambelle d’acteurs attirant l’attention sur leur capacité à enchaîner différents rôles, au détriment du récit.   

samedi 23 juin 2018

Moby Dick. Herman Melville. Chabouté.

« Et j’en échappais seul, pour venir te dire » Job.
Pour ce monument de la littérature américaine, cette citation de la bible en épilogue convient parfaitement, c’est que le récit de la vengeance d’un capitaine voulant retrouver le cachalot mythique qui lui a pris une jambe, est une quête d’absolu.
« Vois, Moby Dick ne te cherche pas. C'est toi, toi qui la cherches follement. »
Même sans avoir lu le livre dont l’issue est connue, l’adaptation de Chabouté dont les noirs font merveille http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/11/zoe-sorcieres-pleine-lune-la-bete.html dans cette traque de la baleine blanche, nous tient en haleine en deux volumes de 118 et 135 planches.
Puissant, tirant vers le symbolique, il parvient à rendre compte de la rudesse de la vie de marins, des dilemmes parmi les hommes quand la folie est à la barre, de la sauvagerie de la nature. 
Giono avait traduit l' oeuvre originale et disait de la langue :
« La phrase de Melville est à la fois un torrent, une montagne, une mer…. elle emporte, elle noie…toujours elle propose une beauté qui échappe à l’analyse mais frappe avec violence.
Nous nous sommes obstinés à essayer d’en reproduire les profondeurs, les gouffres, les abîmes, les sommets, les éboulis, les forêts, les vallons noirs, les précipices et la lourde confection du mortier du tout. »
La BD m’a semblé à la hauteur d’un texte d’où cet extrait peut donner une idée :
« Mais la Foi, comme un chacal, se nourrit parmi les tombes et c'est même de nos doutes au sujet de la mort qu'elle tire ses meilleures raisons d'être. »

vendredi 22 juin 2018

« Je ne suis pas philosophe ».

Cette phrase entendue à la radio, d’une jeune fille s’apprêtant à passer le bac philo, peut se discuter.
Affirmer cette particularité ne devrait pas l’empêcher de « réfléchir », formulation préférable à l’expression éculée : « prise de tête » d’un des ses camarades dans la même séquence radiophonique, donnant une connotation décidément négative à de telles épreuves.
Celles-ci sont présentées comme forcément stressantes, bien que le simulacre du bac ne trompe plus grand monde. Lors de ce périlleux reportage, le moindre preneur de son est mentionné alors qu’avec tous ces collaborateurs crédités, tout crédit est enseveli sous les patronymes : remise des césars à chaque flash info, bien que sur les réseaux qui font soucis, l’anonymat est la règle. Outre l’effet selfie, entre techniciens, comiques, polémistes, il n’y a plus guère de place pour les journalistes. Tout est indifférencié,  confus, quand il est reproché au président de tutoyer un jeune qui l’avait interpellé familièrement, c’est fort de café : le malotru s’est fait recadrer, justement. Un rappel à la politesse, n’est ce pas J.J. Bourdin ?
Les  contempteurs des moralisateurs sont bien souvent les premiers en « moraline ».
 « Je suis comme ci ou comme ça » s’affirme dès que bébé est là. Et s’il est de bon ton d’hésiter en ce moment sur le genre fille ou garçon, « je suis matheux ou non » vient très tôt.
Ce genre d’affirmation ne tient pas compte des apports possibles de l’éducation, entérinant, flattant, les fatalités parentales. Et pourtant, il n’y a jamais eu tant de proclamations de liberté alors que les lois de l’hérédité pèsent de plus en plus.
J’adore le repérage des paradoxes à l’heure où les pensées conformes se reproduisent comme pyrales du buis, les micros allant prioritairement vers les opposants patentés sans que par exemple l’inflation des moyens consacrés aux banlieues ne soit interrogée. La place est libre pour les fake news, les querelles subalternes, les émotions pouffantes et étouffantes en lieu et place de pensées dialectiques, contradictoires.
Je ne sais si la tentative hebdomadaire d’émettre une opinion à prétention personnelle entre dans la catégorie des donneurs de leçons, mais pourquoi je ne gonflerais pas ma petite bulle dans un ciel saturé de gros mots.
 « Je tremble pour notre siècle quand je considère que les temps anciens où il y a eu plus de philosophes, sont précisément ceux où il y a eu moins de philosophie ! » Stanislas Leszczynski
A l’heure où ceux que l’on nommait entraîneurs s’agitent sur la touche faisant mine de diriger ce qui leur échappe parfois, et que les coachs divers sonnent à toutes les portes, il doit y avoir quelques opportunités pour mettre son grain de sel, des remplacements à effectuer.
Par exemple leçon numéro un : pour tirer des enseignements de ses échecs, il faut les reconnaître. Ainsi les agitateurs de bocal en voulant faire converger zadistes et pilotes d’Air France ont pratiqué des soustractions plutôt que des additions et leurs appels pour une mobilisation inouïe chaque semaine prochaine se sont perdus dans les sables.
Leurs partisans vont dire que c’est la faute des médias, avec une vue aussi courte que la mienne, regardant à tous coups le doigt du sage plutôt que la lune qu’il désigne.
Assaillis d’images nous avons tendance à ne plus regarder ce qui nous aveugle, ainsi cette élève qui portait un tee-shirt où était inscrit « Je vous emmerde » (humour),  n’avait ému personne comme un « Va fanculo » prometteur d’il y a quelques années.
Au hasard de mes publications, je viens de causer d’un livre consacré à la peinture intitulé « il n’y a rien à voir » http://blog-de-guy.blogspot.com/2018/06/on-ny-voit-rien-daniel-arasse.html . Circulez.
« Faute de pouvoir voir clair, nous voulons, à tout le moins, voir clairement les obscurités. » Freud

jeudi 21 juin 2018

On n’y voit rien. Daniel Arasse

L’émérite historien de l’art dans ce livre qui décortique six tableaux figurant au centre de l’ouvrage ose écrire :
« Les Ménines ! Encore ? Non ! Non ! Par pitié ! Ça suffit, avec les Ménines ! On a tout dit sur elles ! tout et rien ? D'accord, mais quand même, maintenant, ça commence à bien faire ! »
Cette bouffée au cœur de 216 pages, juste avant de dialoguer à distance avec Michel Foucault, relève d’une ironie annoncée par le titre qui invite au contraire à des interprétations des plus savantes quoique mâtinées d’humour.
« Velázquez, lui, grand peintre courtisan, « prend » le roi comme phénomène (sous l’espèce de sa « famille ») et comme « chose en soi », insaisissable dans le visible. »
Outre « Les Ménines » de Velázquez, il est question de « Mars et Vénus surpris par Vulcain » du Tintoret, « L'annonciation » de Cossa et du regard d’un escargot, « L'adoration des mages » de Bruegel, « La Vénus d'Urbin » de Titien, de la toison de Madeleine.
« Il faut dire qu’en matière de cordons, Brigitte en connaissait un bout vu qu’elle était suédoise, qu’elle s’était mariée et qu’elle avait eu sept enfants avant de se retrouver en sainte. »
Chaque chapitre est abordé avec une façon originale d’aller au fond des choses : dialogue avec une autre ou avec lui même, adresse au lecteur, lettre.
« Il avait tellement regardé, tellement appris à reconnaître, classer, situer, qu’il faisait tout très vite, sans plaisir, comme une vérification narcissique de son savoir. Chaque peintre à sa place et une place pour chaque peintre. Un savoir de gardien de cimetière. »
La peinture, son histoire, nous invitent à mieux voir sous les vernis : la vie et ses secrets.
« Vincent Carducho affirme glorieusement la toute-puissance de l’acte du peintre, du peindre. Il te parait assez proche de Léonard, pour lequel, si la peinture est cosa mentale, l’exécution était plus « noble » encore que la seule conception mentale parce qu’elle met en acte l’image à venir. »
Je ne connais pas le Vincente en question et n’ai pas de familiarité particulière avec Léonard et il y a autant à prendre et à laisser dans ces interprétations parfois tirées par les cheveux, mais des explications inédites, des indications originales nous enrichissent au-delà des parquets craquants sous quelques très hauts plafonds.

mercredi 20 juin 2018

L’école buissonnière. Nicolas Vanier.

J’ai été étonné qu’aucun critique, à ma connaissance, ne mentionne le film de 1949 portant le même titre qui retraçait l’histoire de  Célestin Freinet avec Bernard Blier dans le rôle du pédagogue. A ce moment là, il s’agissait d’une école de la liberté, de la responsabilité, pour tous ; cette fois c’est véritablement l’école des bois, des saumons et des cerfs, avec garde-chasse et braconnier, servante et châtelain, pour un petit orphelin.
Les  critiques « télérameurs », « obsolètes » et autres « rockuptibles » ont oublié les découvertes de l’enfance et à défaut d’observer pour de vrai, le brame du cerf, autant que nos petits rois le saisissent sur grand écran, comme assis au bord des étangs solognots, sans déranger le biotope.
Cette histoire simple d’amitié a pu me convenir pour une initiation d’une petite fille au cinéma avec des acteurs en permettant d’aller au-delà de films d’animation parfois plus impressionnants que ces belles images.
Il peut être intéressant de savoir que sous de  rudes abords, des personnages se révèlent gentils et généreux. Les scènes du temps passé, de la vie dans les bois, sont plaisantes, avec des adultes pas toujours infaillibles, mais capables de « beaux sentiments », avant que ceux-ci ne deviennent sur les claviers blasés des « bons sentiments » à bannir.

mardi 19 juin 2018

Histoires. Edgar Poe, Battaglia.

C’est en 2005 que les éditions Mosquito, institution locale, ont proposé cette série de courts récits fantastiques, mais ne m’ont pas converti à un genre auquel je suis rétif.
Les planches très graphiques sont élégantes, équilibrants les masses noires et les réserves blanches dans des ensembles harmonieux presque trop sages alors que le but est d’effrayer le lecteur.
L’inventivité d'un  voyageur en ballon est bien décrite  dans une « Aventure sans pareille », et l’ambiguïté du « système du Docteur Goudron et du Professeur Plume » bien rendue.
Les revenants reviennent dans les châteaux hantés, le diable traîne dans les parages, les destins sont cruels, mais j’ai trouvé conventionnelles ces ambiances et quelque peu froids et démodés les trop beaux dessins plus proches des gravures du XIX° siècle que des foisonnantes productions audio visuelles actuelles, tonitruantes et flippantes.

lundi 18 juin 2018

L’homme qui tua Don Quichotte. Terry Gilliam.

Le montypythonesque réalisateur a enfin abouti dans son projet de cervantesque film : raconter 400 ans après l’apparition du « chevalier à la triste figure », la lutte de l’idéal et du réel à la sortie des temps médiévaux, alors que nous entrons dans un âge bien moyen.
L’imagination permet toutes les folies, avec film dans le film, comme il y eut livre dans le livre.
Les avis critiques étaient très partagés mais plutôt que de rejeter ou de louer cette  œuvre dans son entier, mes sentiments se sont distribués avec leurs contradictions tout au long des 132 minutes, retrouvant un humour perdu de vue depuis un moment, malgré quelques séquences poussives.
Les moulins aux ailes abîmées persistent sur un autre versant occupé désormais par les éoliennes.
Les images baroques de l’auteur de Brazil sont toujours là avec digressions fantaisistes, trucages bricolés, bien que quelques baisses de régime surprennent.
Comme une part de l’histoire du cinéma est révisée entre productions maladroites et ridicules de la jeunesse jusqu’à la désinvolture et au cynisme présent, on ne sait si c’est du lard ou du cinéma.
On ne peut reprocher à l’un des maîtres de la comédie de faire naître de la tristesse parce que les rires paraissent vraiment indécents au moment où les autodafés prennent des allures de feux d’artifices.
Fallait-il rêver d’un monde meilleur ? Sancho avait-il raison ? Les rêveurs se sont-ils endormis ?

dimanche 17 juin 2018

Let me try. Isabelle Lafon.

J’avais déjà vu cette pièce, http://blog-de-guy.blogspot.fr/2016/03/les-insoumises-isabelle-lafon.html c’est ce que mon ordi me dit, et je ne m’en rappelais plus.
Je vais éviter d’attaquer la chronique de la perte de ma mémoire en racontant aussi comment j’ai acheté des livres déjà lus, bien que le propos de cette mise en scène du journal de Virginia Woolf encourage à «  toucher l’intime sans jamais s’avachir sur ses intimités. »
Je retiens la jubilation du jeu des comédiennes à la hauteur de l’intensité de la recherche des mots justes de celle dont l’humour a tempéré les désespoirs.
Son suicide, tellement marquant, est très pudiquement évoqué, alors que tout crie dans cette vie où un arbre coupé la surprend, comme si c’était la mort elle-même qui la sidérait.  
Tout s’enchevêtre: ce qui l’entoure et l’enserre, les paysages et les proches, et ce qui l’emplit.
La mondaine, l’amoureuse, s’émerveille d’une coiffure, d’une robe et puis se montre indifférente, puis prospectant, submergée par la poésie, elle quête une vérité tout à la fois indicible et passionnante à traquer.
Elle avait écrit : « un jour de pluie, peut-être, je lirai Proust comme on va au musée. »
C’est ce que je me dis aussi.
« Il scrute le papillonnement des nuances jusque dans leurs plus infimes composants. Il est aussi solide qu'une corde de violon et aussi subtil que la poussière des ailes du papillon. »
Woolf parle de l’auteur d’ « A la recherche du temps perdu », j’aimerais parler d’elle aussi bien ; il faudrait encore que je la lise.
Cette pièce est incitative, mais je vais essayer d’échapper à une troisième écoute… encore que cette heure ait passé agréablement, touillant quelques unes de mes préoccupations d’écrivaillon.

samedi 16 juin 2018

La promesse de l’aube. Romain Gary.

Quel souffle ! 
Il fallait bien 460 pages pour écrire brillamment tout ce que le destin du romancier, aviateur compagnon de la Libération, devait à l’amour de sa mère !
« Je laisse volontiers aux charlatans et aux détraqués qui nous commandent dans tant de domaines le soin d’expliquer mon sentiment pour ma mère par quelque enflure pathologique : étant donné ce que la liberté, la fraternité et les plus nobles aspirations de l’homme sont devenues entre leur mains…»
Cette mère qui pensait que « La France, c’était ce qui se faisait de mieux. »
Il deviendra ambassadeur.
« Elle aimait la France sans raison aucune, comme chaque fois qu’on aime vraiment »
Le recul, l’humour, sont au rendez vous, pour nous permettre de nous enivrer sans vergogne d’idéal, de passions, de rêves, d’excès, de dérision. C’est que le programme de défiance envers le dieu de la bêtise, celui des vérités absolues et de la petitesse, génère en abondance des anecdotes passionnantes.
Le résistant de la première heure a joué sa vie, il peut se montrer magnanime : 
« Je comprends fort bien ceux qui avaient refusé de suivre De Gaulle. Ils étaient installés dans leurs meubles, qu’ils appelaient la condition humaine. Ils avaient appris et ils enseignaient «  la sagesse », cette camomille empoisonnée que l’habitude de vivre verse peu à peu dans notre gosier, avec son goût doucereux d’humilité, de renoncement et d’acceptation »
Gary (« feu » en russe), lui « le mangeur d’étoiles », a le sens des formules, il a « feint l’adulte », tout en se gardant de se mettre « à l’abri de la réalité ».
« Tout ce que la vieillesse a appris est en réalité tout ce qu’elle a oublié »
D’une de ses nombreuses conquêtes :
« Je lui avais même fait apprendre par cœur des passages d’ « Ainsi parlait Zarathoustra » et je ne pouvais évidemment me retirer sur la pointe des pieds… Elle n’était pas à proprement parler enceinte de mes œuvres, mais les œuvres l’avaient tout de même mise dans un état intéressant. »
De Malraux :
« Avec le Chaplin de jadis, il est sans doute le plus poignant mime de l’affaire homme que ce siècle ait connu. Cette pensée fulgurante, condamnée à se réduire à l’art, cette main tendue vers l’éternel et qui ne peut saisir qu’une autre main d’homme… »
Tant de ses compagnons sont disparus, que leur recension en devient lassante, lui même  a échappé plusieurs fois à la mort, aux maladies, après une extrême onction de plus pendant une agonie qui n’en finissait pas, il s’en sort : «  Tu as l’air de tenir à la vie » lui dit un ami venu l’assister dans ce qui n’a pas été son dernier instant.
Roman Kacew s’est suicidé en 1980.

vendredi 15 juin 2018

Surnommer.

Il était fréquent dans les campagnes, d’affubler de surnoms villageois et villageoises, cette marque de reconnaissance était souvent dépréciative. Je ne sais ce qu’il en est aujourd’hui, n’étant plus de ce monde là, mais je me demande si nous ne sommes pas à sur-nommer  dans un autre mode, objets et personnes.
Est-ce que nous ne donnons pas un surcroît de sens aux noms, ne sont-ils pas surcotés ? L’économie des échanges ayant tendance à se tendre, les nuances langagières à se dégrader, les épidermes à être réactifs, les mots vont vers l’excès. Les modes de communication d'aujourd'hui confondant l'oral et l'écrit, raidissent cette disposition.
Ma façon de m’exprimer, s’essayant à la mesure, est tellement décalée par rapport au langage courant les couloirs des collèges et au delà, puisqu’une adulte a pu s’entendre dire par un élève:
« Je te chie dessus ».
Quand certains ne voient que licence poétique dans les paroles d’un rappeur :
« Crucifions les laïcards comme à Golgotha »
et titrent sur l’indignation de la droite et de l’extrême droite, cela  signifierait-il que la gauche n’aurait rien dit ?
Beaucoup de chroniqueurs qui s’étaient réjouis de l’explosion des notions de droite et de gauche se sont bien vite remis dans les rails binaires, guettant le frondeur derrière la moindre pensée. Et après avoir vilipendé l’indécision hollandaise, ils attaquent la verticalité macronienne qui justement veut éviter les paralysies précédentes.
Les rétros concernant nos années emportées n’ont guère enflammé les imaginations en 2018, mais de ces ardeurs passées me restent des traces d’une vie traversée par la politique de toutes parts.
Alors quand sur une même page à côté de la dernière provocation de Trump est titré :
« Les millennials et le sexe : un obscur rejet du désir »,
derrière les délices de la formule, se voile un peu plus l’écran du jour.
Les codes ont changé et j’ai oublié le mot de passe.
Pourtant du temps où «  ce soir à la brume, nous irons ma brune cueillir des serments », nous étions dans un espace virtuel pas si loin de celui de nos suivants.
Dans les mots ordinaires ramenés avec mon épuisette, comme chaque vendredi, jour de palinodie :
je dois m’appliquer à laisser de côté ceux qui rendent « vénèr ».
Le bougon doit apprendre à prendre les choses par le bon goût.
Ainsi je me réjouis de voir se raréfier la paresseuse expression « panem et circenses » à propos de la coupe du monde de football, c’est que je ne suis pas à toujours écouter France Inter et je viens de me désabonner de Télérama, mais Facebook, dans le genre beauf, pourvoit en mépris des autres beaufs.
Je me suis déjà exercé à la positive attitude
que ça en deviendrait un « marronnier ».
Je préfère décidément le sapin dont on fait ... les arbres de Noël. Le cercueil dans cette essence étant devenu obsolète et l’essence elle même ne se sent plus très bien d’ailleurs.
Parti sur des plus me voilà dans les moins, à jouer avec les mots pour ne pas être suffoqué.
Notre pays fait figure d’oasis parmi ceux où se  déchaînent les  populistes. Les investisseurs choisissent de plus en plus La France, les touristes aussi, les réfugiés pas trop.
Et dire que j’envisageais un billet qui ne soit pas celui d’un acariâtre, contrarié.
Heureusement qu’il y a le tract de Vauquiez : « Pour que La France reste la France » et ainsi me sentir à l’aise dans mon approbation de notre président, le plus souvent.
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 Le dessin du « Canard » de la semaine :

jeudi 14 juin 2018

De Delacroix à Gauguin. Etienne Brunet.

Nous avons suivi parmi un de ses nombreux groupes, le professeur Brunet pour apprécier l’exposition au musée de Grenoble de 115 dessins qui se terminera le 17 juin.
« Dessin » s’écrivait « dessein » jusqu’à la fin du XVIII° siècle.
C’est la dernière mise au jour des riches collections de "feuilles" consacrées cette fois à l’hétéroclite XIX° siècle après
http://blog-de-guy.blogspot.com/2012/01/lidee-et-la-ligne.html
 http://blog-de-guy.blogspot.com/2014/04/la-pointe-et-lombre-musee-de-grenoble.html
La Restauration avait mis en avant rois et reines dans un « style troubadour » documenté, réinventant le passé. 

« Louis XII sur son lit de mort » donne un dernier conseil à François 1° : «  le plus important c’est le peuple » par Merry-Joseph Blondel sur un papier calque d’invention récente. La peinture qui était cette fois la finalité du dessin figure avec le cartel, en petit.
Rien qu’en Isère 300 églises furent rebâties et fournirent du travail pour les artistes.
Géricault d’abord sollicité confiera à Delacroix la réalisation de « La vierge du Sacré cœur » destinée à la cathédrale d’Ajaccio.
Le dessin « Assomption de la vierge » d’ Alexandre Evariste Fragonard, c’est le fils de Jean Honoré, se suffit à lui-même.
Le voyage dans le temps est fructueux en Italie où abondent monuments et ruines mais aussi des personnages hauts en couleurs : Charles Bellay, « Paysanne italienne »
Le sculpteur Victor Sappey qui a laissé dans le paysage grenoblois un « Lion terrassant le serpent » pour marquer, croyais-je, la domestication du Drac alors qu’il s’agit de la ville de Grre dominant l’Isère, avait réalisé quelques carnets de croquis là-bas pour constituer une documentation.
Eugène Delacroix après un voyage de 6 mois arrive en Afrique du Nord : « Etudes de costumes algériens ». « Le voyage d’Alger devient pour les peintres aussi indispensable que le pèlerinage en Italie : ils vont apprendre le soleil, étudier la lumière, chercher des types originaux, des mœurs et des attitudes primitives et bibliques » Théophile Gautier.
Depuis Napoléon en Egypte, l’Orient séduit, Charles Palianti: «Intérieur de village en Orient », alors qu’il faut que ce soient les anglais qui nous rendent sensibles à la richesse de nos propres paysages, de notre patrimoine, avec Taylor et ses « Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France », ancêtre des guides bleus. 
« La Bourne à Pont en Royans » de Charles Cottet (« école » de Proveysieux)
« Les animaux musiciens » de Granville touchant à la caricature furent destinés à un ouvrage pour enfants.
L’esquisse de Daumier, projet pour en-tête du journal « Le Corsaire » fut achetée par André Farcy, éminent conservateur du musée, qui y avait vu : « la création en marche ».
Le jeune moine, « Néophyte » de Gustave Doré illustrant « Spiridion » de George Sand, eut son succès au salon, comme lorsque sont évoquées les traditions régionales rappelant le pays à tous les visiteurs transplantés. Ceux-ci n’allaient pas jusqu’à  faire mine de fouetter les fesses d’une baigneuse de Courbet comme le fit Napoléon III après qu’Eugénie sa femme eut étalé sa science toute neuve « c’est une percheronne ! », elle venait de voir  les croupes des chevaux de Rosa Bonheur.  
Jean-Baptiste Millet  a utilisé la gomme arabique pour donner  un aspect satiné  à son « Troupeau de moutons » aux airs japonisants.
« Il faut interpréter la nature avec naïveté et selon votre sentiment personnel. » Corot, quand rapidement, il exécute un croquis, on parle d’une « pochade » loin des productions littéraires burlesques ainsi nommées. «  Ne jamais perdre la première impression qui nous a émus. Le dessin est la première chose à chercher. »
Et pour rappeler la mémoire de Léonce Ménard qui légua une grande partie de ses collections au musée de Grenoble,  ci-dessus une reproduction du « Paysage soleil couchant » de son ami Corot exposé en permanence.
Félix Ziem : « Gros temps » La marine est pré impressionniste.
Les salles sont organisées par thèmes : dans celle qui est consacrée particulièrement aux femmes, se remarque  la « Tête d’Antillaise » de Xavier Sigalon,
et si nous n’avons plus les codes des spectateurs de naguère pour reconnaître les uniformes, « La pièce perdue » de Ludovic Napoléon Lepic dit bien l’horreur de la guerre, 
alors que Gauguin, est tout désigné pour conclure dans la salle « Onirisme et symbolisme » avec « Te nave nave fenua », « terre délicieuse », où se mêlent les influences diverses qui firent la richesse de ce siècle, se régalant dans les salons académiques, et puis passant du romantisme au réalisme, il  a fini par se laisser « impressionner ». 
Tahiti, après ce voyage dans le temps et l’espace, se rapproche de chez nous, où ce vif dessin aquarellé de Jongking « L’Isère à Grenoble » semble arraché, à l’instant du carnet.