samedi 5 mai 2018

Taba-Taba. Patrick Deville.


«  Comme chaque fois depuis mai dernier, après avoir plongé dans le passé de La France comme au fond de la mer en apnée, je remontais m’asseoir sur la grève d’une chambre d’hôtel lointaine, tentais de retrouver mon souffle et un point de vue satellitaire, de voir tout ça de loin, d’éviter la myopie du gallocentrisme »
Pendant 430 pages, l’écrivain, qui met les lointains à proximité, ne raconte pas seulement l’histoire de sa famille depuis le second empire, puisqu’il est question d’empire colonial, des attentats de Charlie et de tant de guerres sur tous les continents.
S’il remet sa Passat sur les traces du passé en sillonnant la France au fil des exodes familiaux, il épuise aussi les mètres cubes d’archives d’une scrupuleuse ancêtre qui collectionna journaux et lettres pour rendre compte des hasards de la vie, des désordres du monde, mêlant les dates sans couper le fil d’une narration attachante.
«  J’avais trouvé dans les archives de Monne deux carnets alphabétiques offerts par l’Union - Compagnie d’assurance sur la Vie humaine, fondée en 1829 et établie à Paris place Vendôme, de douze centimètres de haut sur huit de large. »
 Ces précisions ne sont pas si inutiles que ça, elles expriment l’inextinguible soif des romanciers de rendre compte du réel quand nous lecteurs nous l’effleurons sans nous lasser pourvu que ce soit bien balancé.
Enfant, il rêvait à la porte de l’hôpital psychiatrique où travaillait son père, donnant sur l’estuaire de la Loire. De là et de ses longs mois d’immobilité pour une hanche défectueuse, est venu son goût du large et de la littérature.
"Taba-Taba" : c’est ce que psalmodiait un pensionnaire de l’établissement qui avait été un lazaret du temps du premier Napoléon :
«  Taba-Taba-Taba / Taba-Taba-Taba, avec une coupure parfaite au milieu de l’alexandrin, le torse atteignant sa position basse à la fin du premier hémistiche, se relevant en prononçant le second sans même paraître en panne de clopes. »

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