mercredi 30 mai 2018

La « fièvre » du japonisme. Catherine De Buzon.

Qu’est ce qui dans les arts décoratifs et l’architecture a voyagé, s’est enrichi, entre l’Extrême Orient jusqu’à l’Extrême Occident ?
The  Farnsworth house, manifeste de l’architecture contemporaine (1950), de Miers Van der Rohe a introduit devant les amis du musée de Grenoble, les propos de la conférencière qui nous avait déjà donné des repères historiques
et picturaux
La sobriété, la richesse ornementale, les sujets, les motifs, le style, la philosophie qui ont influencé les arts décoratifs, constituent le « japonisme » en ses soies, laques, paravents, porcelaines et ses kakemonos.
Dès le XVII°, Mazarin avait commandé 26 coffres dont ces Fleurs de magnolias et oiseaux, mais peu après l’empereur du Japon interdira toute exportation d’objets en laque, sous peine de mort.
La compagnie des Indes Orientales des Provinces Unies (Pays Bas) était la seule habilitée à commercer au pays du soleil levant. Pour renouveler les contrats auprès du Shogun, le directeur, qui était assigné à résidence à Dejima, une île artificielle située près de Nagasaki, devait chaque année traverser le pays en un trajet de trois mois. 
Une Plaque en faïence de Delft du XVIIIe siècle imite la porcelaine avec les oiseaux branchés en décor, sans soucis de réalisme ni d’échelle.
Un Secrétaire en acajou de Cuba et panneaux en laque du Japon dans le style Louis XVI est représentatif des influences croisées dans le mobilier qui pouvaient se retrouver dans des formes aux lignes plus sinueuses telle cette Commode à décor de laque du Japon (1755).
Le prince de Condé créa la manufacture de Chantilly
où sont reproduits des porcelaines Kakiemon dit “A l’écureuil”
alors qu’à Dresde était découvert enfin le secret de la cuisson du kaolin.  
Porcelaine de Meissen.
En arrière plan de Madame Monet en costume japonais par Monet, se devine une image de poissons comme ceux de  Braquemond dont  Mallarmé disait : 
« Je devrais particulièrement citer, comme traduction du haut charme japonais faite par un esprit très français, le service de table demandé, hardiment, au maître aquafortiste Bracquemond : où se pavanent, rehaussés de couleurs joyeuses, les hôtes ordinaires de la basse-cour et des viviers » Plat à poisson Manufacture de Creil & Montereau.
Exemple éclatant du style anglo-japonais, La chambre du paon de Whistler est comme un coffret précieux.
Si les estampes sont parfois expressives ou bavardes quand il s’agit d'un dragon (Ryu) d’ Utagawa Yoshitsuya, les affiches qui en sont inspirées avec des moyens réduits sont efficaces. 
Steinlen fait la réclame pour un cabaret de Montmartre. 
Peut on parler de « japoniaiserie » quand cet arrosoir de Boucheron est en vermeil or et argent,
ou avec cet audacieux collier de Charles Boutet de Montvel
Ce serait hors de propos pour les enchantements venus de l’art nouveau, appelé Arts and Crafts en Ecosse avec Mackintosh et sa maison pour un amateur d’art.
Son mobilier est construit autour du carré : Willow chair.
Toute l’architecture japonaise s’organise à partir des dimensions d’un tatami (91 cm X 182 cm), deux carrés, c’est l’unité de mesure, on parle ainsi d’une pièce de 8 tatamis.
Dans cette veine harmonieuse, Hoffmann appartenant au mouvement de La Sécession viennoise réalise Le Sanatorium Westend.
Avec l’immémorial pavillon de thé nippon, modeste, dépouillé, tout fait sens depuis le jardin et le chemin qui y conduit, le choix des matériaux et du lieu.
A Kyôto Tokujin Yoshioka en a reproduit un en verre sur la terrasse d’un temple, insistant sur le contact avec la nature.
Les structures rythmées conviennent aux standardisations contemporaines, le modernisme rejoint la tradition, la simplicité convient à la profondeur du temps. Peut on lier plus intimement l’homme et son environnement que Frank Lloyd Wright « architecte organique » et sa maison sur la cascade ?
« L'art du thé en général implique l'harmonie entre les Trois Pouvoirs: le ciel, la terre et l'homme. Le ciel fournit la lumière du soleil, la brume et la pluie qui sont nécessaires à la culture du thé; la terre donne le sol qui nourrit toutes sortes de plants du thé, l'argile qui sert à façonner toutes sortes de céramiques dont on use pour le thé, les sources jaillissant du rocher qui procurent l'eau pure pour l'infusion. À cela l'homme ajoute le talent qui associe les feuilles de thé, l'eau et les céramiques pour donner naissance à un art plein de séductions. » John Blofeld


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