vendredi 6 avril 2018

Mélancolie de gauche. Enzo Traverso.


En ces temps tempétueux, le cadeau était approprié, mais la focale n’est pas ajustée à ma myopie.
J’avais préféré le souffle libertaire de « La mémoire des vaincus » par Michel Ragon ; ces recherches universitaires rassemblées se sont avérées trop pointues.
La gauche y est contenue essentiellement à l’intérieur du territoire marxiste, « sorti de la scène sans applaudissement ni rappel », et critiqué par ailleurs pour la vue courte de l’exilé de Londres à propos des luttes anticoloniales.
Je n’espérais certes pas de commentaires sur la dernière facétie de François Ruffin ou sur une déclaration du J.C Cambadélis de service à ce moment là, mais ces 220 pages tombent parfois à côté de la plaque quand elles s’éloignent de paroles incarnées comme celles-ci à propos de la mélancolie: « comme une prémisse nécessaire du processus de deuil, une étape qui le précède et le rend possible au lieu de paralyser ; et qui aide ainsi le sujet à redevenir actif » «  Nous devons essayer de survivre en nous accrochant à quelques bribes flottantes de notre navire englouti »
Un chapitre consacré au cinéma nous permet de réviser, « Palombella rossa », « Queimada », « La bataille d’Alger », «  Le fond de l’air est rouge », « Land of freedom »… avec « Rue Santa Fe », Carmen Castillo voit « les militants d’aujourd’hui qui s’approprient la tradition et la mémoire des vaincus, parce qu’ils y trouvent une source de dignité, mais sans reprendre à leur compte la rhétorique épique et héroïque ». « La terre tremble » de Visconti devait célébrer la lutte victorieuse des mineurs, ce fut la description de la misère des pêcheurs qui resta.
Les travaux du fondateur de la LCR, Daniel Bensaïd concernant Walter Benjamin sont mis en lumière dans un emboîtement de citations qui ne facilitent pas la lecture, bien que, avant sa mort annoncée, quelques formules soient belles :
«  J’ai appris à défendre chaque parcelle du jour contre le venin du regret »
et fortes :
«  La gauche a mal à sa mémoire. Amnésie générale. Trop de couleuvres avalées, trop de promesses non tenues. Trop d’affaires classées, de cadavres dans les placards. Pour oublier, on ne boit même plus, on gère. La Grande Révolution ? Liquidée dans l’apothéose du Bicentenaire. La commune ? La dernière folie utopique de prolétaires archaïques. La révolution russe ? Ensevelie avec la contre-révolution stalinienne. La Résistance ? Pas très propre dès lors qu’on y regarde de près. Plus d’évènements fondateurs. Plus de naissance. Plus de repères. »
L’expression « la foi qui déplace les montagnes » n’est pas de Mao,
elle vient de la bible, comme « laissons les morts enterrer les morts »
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Dessin du "Canard":

1 commentaire:

  1. Fidèle à moi-même, je me dois de dire que même dans la Bible on voit comment le meilleur (de l'Homme) côtoie le pire.
    Je crois que notre soif d'inconséquence ? de civilisation ? est notre pire ennemi en ce moment.
    Mais je serais la première à dire combien ça devient de plus en plus difficile de naviguer entre Scylla et Charybde en vieillissant, avec toutes ces couches de conscience (de soi) qui se déposent au fur et à mesure.
    Je me console en regardant le printemps, dont je ne me lasse pas.

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