samedi 24 mars 2018

La vie secrète des arbres. Peter Wohllenben.


Le titre du best seller mondial peut paraître d’un sensationnel bien conventionnel, mais les sous titres ne trompent pas le lecteur : «  ce qu’ils ressentent, comment ils communiquent », les arbres sont des êtres sociaux.
Si tous les critiques saluent les talents de pédagogue du forestier allemand, je suis étonné que bien peu relèvent quelques excès d’anthropomorphisme, à coups de bébés et de mamans arbres, dans un langage qu’on évite parfois pour ne pas bêtifier avec les enfants, mais tellement usité pour décrire le monde animal.
« Le cap des cent premières années franchi (les arbres ont alors l’âge d’aller à l’école), la fin de l’insouciance se profile. »
L’auteur rappelle des informations déjà popularisées et approfondit des observations nouvelles sans accumuler les anecdotes vertigineuses :
« Le Fischlake National Forest dans l’état nord américain, héberge aussi un faux tremble de plus de 40 000 troncs qui s’étend aujourd’hui sur environ 43 hectares pour un âge estimé à plusieurs milliers d’années. »
Il y a encore tellement à découvrir près de chez nous avec les arbres dans la ville qui souffrent ou ceux qui prennent leur temps pour se pousser de la houppe dans quelque taillis.  
Pendant 260 pages nous suivons le cheminement de celui qui était destiné à favoriser l’exploitation du bois jusqu’à son interventionnisme des plus restreint, enraciné dans un humus dont il révèle toutes les richesses et les interdépendances comme celles décrites sur ce blog depuis l’Amazonie
Ici, il est surtout question des hêtres dont on ignore dans quelle partie de leur constitution ils stockent les informations recueillies en particulier par un système racinaire formant avec les réseaux de champignons des connections qui appellent la comparaison avec Internet.
Peter Wohllleben, qui n’est pas un écolo du canal Saint Martin,
- remet en question certains dogmes :
« Les arbres vieillards sont nettement plus productifs que les jeunes blancs-becs. »
- relève bien des paradoxes :
« Il n’est pas étonnant que les épicéas qui poussent en terrain humide soient les plus touchés par les épisodes de sécheresse ; favorisés par la nature, ces enfants gâtés ne se sont jamais trouvés en situation de devoir s’adapter à la pénurie. »
- multiplie les arguments pour que s’étendent les zones protégées.
Cependant le temps long qui est celui des arbres, s’il donne matière à réfléchir résistera-il à nos frénétiques dépendances, aux barbares qui mettent régulièrement le feu à résineux et feuillus ? Pourtant je ne peux souscrire à la réflexion de la quatrième de couverture :
« Après avoir découvert les secrets de ces géants terrestres, par bien des côtés plus résistants et plus inventifs que les humains, votre promenade dans les bois ne sera plus jamais la même.» 
Déjà que nous étions moins bien que le finlandais ou le bonobo, nous voilà mis en en dessous du soliveau. Fais scier !
Dans « Le chêne et le roseau » celui dont je me sens du même bois, c’est La Fontaine, qui sait animer les bûches :
« Le Chêne un jour dit au Roseau :
"Vous avez bien sujet d'accuser la Nature ;
Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau.
Le moindre vent, qui d'aventure
Fait rider la face de l'eau,
Vous oblige à baisser la tête :
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d'arrêter les rayons du soleil,
Brave l'effort de la tempête.
Tout vous est Aquilon, tout me semble Zéphyr.
Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n'auriez pas tant à souffrir :
Je vous défendrais de l'orage ;
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des Royaumes du vent.
La nature envers vous me semble bien injuste.
- Votre compassion, lui répondit l'Arbuste,
Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci.
Les vents me sont moins qu'à vous redoutables.
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. "Comme il disait ces mots,
Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs.
L'Arbre tient bon ; le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au Ciel était voisine
Et dont les pieds touchaient à l'Empire des Morts. »

1 commentaire:

  1. Combien je comprends ton aigreur, à subir (comme moi...) les sempiternels assauts de tous ces énergumènes qui ne rêvent que de détrôner l'Homme pour en faire une merde, ou... rien.
    C'est lassant d'entendre toutes ces comparaisons qui semblent faites pour nous dire que nous ne sommes rien.
    Ce.. "bon" sentiment ressemble étrangement à ce que nous avons pu entendre pendant des lustres dans la bouche des différents... prédicateurs dans les lieux que nous avons appelés "saints", tu ne trouves pas ?
    Moi, si. Chassez le "rien", il revient au galop.
    Pour l'anthropomorphisme, cela ne me dérange pas le moins du monde. J'estime que c'est un moyen de retisser les liens entre nous et la création qui ont été mis à mal par tant de désir... fanatique d'objectivité et de neutralité. Oui à l'objectivité et à la neutralité dans certaines limites, mais pas comme religion.
    Et pour le chêne et le roseau, je crois qu'il est opportun de rappeler que les oiseaux ne nichent pas dans les roseaux, sachant fort bien qu'ils n'y trouveront... aucun appui, mais ils nichent dans des chênes.
    Il faut de tous pour faire un monde, et si c'est UN monde, il vaut mieux que nous soyons plusieurs, et différents pour que l'expérience de vivre soit agréable et pas... industrielle.
    Celui qui plie trop, il est un candidat idéal pour la corruption...
    Le chêne tombe d'un bloc, mais la nature assure presque toujours la relève derrière...

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