jeudi 22 février 2018

Paul Klee. Gilbert Croué.

Sur les 10 000 œuvres que Klee a répertoriées méticuleusement, le conférencier devant les amis du musée en a présenté une centaine. Michaux parlait pour le « peintre-poète », comme il aimait se présenter, d’une « attention horlogère au mesurable ». L’univers poétique de l’artiste-chercheur est d’une approche parfois difficile, reconnaissable d’emblée, élégant et sensible.
« Rue dans le camp » d’un petit format sur un papier huilé, décalqué, puis travaillé à l’aquarelle et à l’encre, offre de la place à la narration.
Son musée rassemblant 5000 de ses œuvres sous trois vagues en accord avec la pente des collines aux alentours de Berne, a  été réalisé par Renzo Piano, et bien des auditeurs de la conférence ont pu ressentir l’envie d’aller y faire un tour.
Il réalise lui-même ses cadres et cette « Vue du rouge » au pastel sur toile de coton collée sur de la toile de jute témoigne d’innovations techniques incessantes.
Les petites formes de la « Nuit bleue » où se travaillent les harmonies, peuvent laisser entendre comme une musique de chambre délicate.
« Le château de la foi » fourmille d’idées, parmi les architectures serrées d’une Babylone bleue et or.
Ses sujets hors norme, « L’île engloutie »,  ouvrent des pistes riches. Les surréalistes le tirent par la veste, mais compagnon du « Cavalier bleu », du Dadaïsme, des abstraits, il reste inclassable. Picasso et Braque ont fait le voyage à Berne pour le rencontrer.
Il sympathise avec Delaunay et traduit ses ouvrages en allemand, ses « Bateaux attendant la tempête » ont tout de la complexité cubiste.
« Senecio » peut intéresser aussi bien les enfants rêveurs que les chercheurs pointilleux.
Boulez dans son livre «  Le pays fertile » voit  dans l’œuvre de Klee une source de méditation et de ressourcement. « Fugue en rouge »
 Si en 1918, au moment où il est reconnu, « L’arbre des maisons » est un refuge poétique peuplé d’oiseaux et de lutins,
la « Figure, le soir » de 1935 est celle de l’exilé, effacé.
L’enfant gouverne un « Grand père orientable » tracé au tire-ligne.
Une double lecture est souvent nécessaire : « La machine à gazouiller » pourrait être charmante et humoristique comme bien souvent, mais les faux oiseaux attirent les vrais dans la fosse rose.
 « Le funambule » est une métaphore de l’artiste: « les choses ont une apparence statique et figée mais en réalité, elles se trouvent dans un état de perpétuel mouvement. »
Paul K. est né en 1879, en Suisse d’un robuste père allemand, professeur de musique, « Mon père », mais il n’a jamais obtenu la nationalité suisse, sa mère était cantatrice.
« Autoportrait à vingt ans ».  
Il se marie avec Lily, pianiste, et ils ont un fils de santé fragile pour lequel, il sera un moment père au foyer. « Marionnettes pour Félix »
Sa rencontre avec Kandinsky est essentielle, il acquiert de la confiance, lui qui a hésité entre le violon, avec lequel il excellait, et la peinture. Il expose « La jeune fille aux cruches »
Après un court séjour en Tunisie, il revient subjugué ; à 34 ans il peut se dire « peintre », converti à la couleur. « Vue de Kairouan » sous « le soleil d’une sombre force ».
Transfiguré : «  Dans le style de Kairouan transposé dans un registre modéré »
Il donne des cours de composition au Bauhaus, de reliure, d’orfèvrerie, de peinture sur verre, explique la couleur. 
« Harmonie automnale ». Dans ce lieu où la fonctionnalité est recherchée, lui le rêveur, le naïf, émerveillé par les coquillages et le cosmos, essaye de transmettre le goût de la liberté créatrice, même si le génie ne s’enseigne pas.  
« Statique-dynamique ».
Il enseigne ensuite à Düsseldorf dans une prestigieuse école des beaux arts.
En 33, il fait partie des « artistes dégénérés » ainsi que l’avaient décidé les nazis, il est démis de ses fonctions, sa maison est pillée. «  Rayé de la liste »
Revenu à Berne, atteint de sclérose en plaque, il ne quitte plus guère sa chambre. «  Insula dulcemera ». C’est l’île douce amère où Calypso retint Ulysse et aussi le nom d’une plante médicinale qui soulage de la sclérodermie ; le visage au centre est blême. 
 «Clé cassée» c’est bien ainsi que l’on doit prononcer Klee. Il meurt en 1940 la même année que son père, il a soixante ans. Félix devenu metteur en scène de théâtre fera graver cette épitaphe :
« Ci bas je ne suis guère saisissable, car j'habite aussi bien chez les morts que chez ceux qui ne sont pas nés encore, un peu plus proche de la création que de coutume, bien loin d'en être jamais assez proche ».

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