samedi 10 février 2018

Le garçon sauvage. Paolo Cognetti.

Mis à part le titre - je ne sais pas ce que j’ai avec les titres en ce moment - ce livre de 140 pages est un régal.
« … imaginer l’avenir me semblait une idée aussi aberrante que de prendre la route un jour où tu as de la fièvre, qu’il pleut dehors et que ta jauge d’essence est dans le rouge. »
Cet écrivain n’est pas « sauvage » du tout, son retrait dans la montagne du Val d’Aoste nous apaise, nous excuse pour toutes les fois où l’envie de se retirer pour vivre en ermite a pu nous traverser, ou plus fréquemment quand un livre a été préféré à une balade en forêt.
Depuis son chalet d’alpage, sa baita, il cherche la simplicité, la trouve et nous la transmet, sans héroïsme surjoué. Sa poésie bien dosée est légère, son écriture témoigne d’une sagesse accessible.
A l’étage où vivent les bouquetins, où la neige peut venir en mai, où la montagne n’est pas toujours aimable, pendant trois saisons de printemps à automne, il n’y a pas que les bruits de la nuit à apprivoiser, il fallait qu’il se trouve :
« Comme ermite, je ne valais pas un clou: j'étais monté là-haut pour rester seul et n'arrêtais pas de me chercher des amis. A moins que ce fût justement la solitude qui rendit chaque rencontre aussi précieuse ».
Avec ce livre modeste, sincère, les références littéraires : Antonia Pozzi, Elisée Reclus, Rigoni Stern, se vivifient, nous prenons de la hauteur. 
« Je désirais vivre à fond, sucer toute la moelle de la vie, vivre avec tant de résolution spartiate que tout ce qui n'était pas la vie serait mis en déroute, couper un large andain et tondre ras, acculer la vie dans un coin et la réduire à ses composants les plus élémentaires, et si jamais elle devait se montrer mesquine, eh bien alors en tirer toute l'authentique mesquinerie, et avertir le monde entier de cette mesquinerie ; ou si elle devait se révéler sublime, la connaître par l'expérience et réussir à en établir un rapport fidèle lors de mon excursion suivante. » Thoreau
Peut être que le mot « sauvage » qui m’avait semblé excessif pour cet « Into the wild » heureusement soft, est teinté de cet humour aérien, approprié à ces hauteurs, dont fait souvent preuve le milanais.
« J'avais appris à fendre du bois, à allumer un feu en plein orage, à cultiver un jardin à moitié sauvage, à cuisiner les herbes de montagne, à traire une vache et à faire des bottes de foin, et à me servir d'une tronçonneuse, d'une faucheuse, d'un tracteur; mais je n'ai pas appris à être seul - l'unique but, en vérité, d'une vie d'ermite. »

1 commentaire:

  1. C'est drôle qu'à l'époque où l'INDIVIDU est roi (soleil) tant de personnes ne peuvent pas être seules...
    Peut-être que l'individu ne peut pas être seul, de toute façon ? Qu'il est impensable sans la masse ?
    Pour le sauvage, et bien, je crois qu'on peut le comprendre aussi comme non domestiqué. Un animal domestiqué... attend qu'on s'occupe de lui, en quelque sorte. Il a pris l'habitude qu'on s'occupe de lui, qu'on pourvoie à ses besoins. Selon le degré de domestication (cela s'appelle une nuance, là...) il ne peut même pas vivre sans l'Homme pour l'aider dans sa vie quotidienne (certes, ça, c'est l'extrême).
    On peut être domestiqué... tout en sortant des billets de banque où le plastique pour s'acheter tous les services de la vie quotidienne...et sans savoir préparer un repas ou coudre un bouton.
    Y a-t-il du mal à être domestiqué ?
    En anglais, le mot "wild" qui est souvent traduit en français par "sauvage" se réfère à un animal qui n'est pas domestiqué, et on peut dire qu'un animal qui est "wild" est un animal qui est perçu par nous comme étant... (roulement de tambours, préparez-vous...) libre...
    Cela ne préjuge pas de ses élans.. sanguinaires ou pas, d'ailleurs...

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