mercredi 28 février 2018

Arc-et-Senans.

Les bâtiments dont l’édification, sous Louis XV, a duré dix ans, sont situés dans le département du Doubs. L’eau salée destinée à l’évaporation  provenait de puits situés à une vingtaine de kilomètres, elle était acheminée par des tuyaux d’abord en bois puis en fonte.
Inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, l’ancienne saline royale est située en plaine, au sein d’une forêt importante – l’évaporation de l’eau pour obtenir « l’or blanc »  nécessitait beaucoup de bois - à proximité de la Suisse et de la ligne de partage des eaux entre Méditerranée et Mer du Nord.
Le projet de l’architecte Ledoux, jugé trop grandiose avec ses colonnes réservées jusque là aux édifices religieux et autre lieux de pouvoir, a du être modifié. L’intégration trop grande de l’ensemble des constructions a été revue, leur séparation devant empêcher la propagation des incendies, alors fréquents.
Pendant 48 h, la saumure était chauffée dans des poêles installées dans de gigantesques halls nommés « bernes ». La production cessa en 1895.
La présence prévue de logements destinés aux ouvriers, « les berniers », sur les lieux de production s’inscrivait dans une démarche progressiste, utopique dit-on. Si les commis, comme les tonneliers, ne travaillaient certes pas dans du préfabriqué, la maison du directeur porte toute la solennité du pouvoir.
Le sel n’est pas qu’un assaisonnement, il permettait à l’époque la conservation des aliments et  constituait une ressource pour les finances de l’état (la gabelle).
Un musée du sel rappelle l’importance stratégique des routes du sel et les différentes techniques de son extraction, sa puissance symbolique lorsqu’il représente l’alliance avec Dieu. Judas a renversé la salière. Pour les Hindous : «  Dieu est comme un morceau de sel dissous dans l’eau », alors il ne faut pas s’étonner que lors de repas sataniques les mets ne sont pas salés. Le salaire des soldats romains était littéralement versé en sel.
Nous avons eu la chance d’assister à une répétition du « Don Juan » de Mozart avec saxo et accordéon et belles voix au cours de notre déambulation d’un jardin à l’autre organisée autour de la thématique des personnages d’Hergé : 
bouteilles enterrées dans un espace riche en couleurs variées pour Haddock ou ambiance asiatique pour évoquer l’ami Tchang…
La richesse pédagogique pour les élèves du lycée horticole qui ont réalisé les mises en place peut concerner aussi de jeunes visiteurs pas forcément sensibles aux intentions de « l’architecte des lumières » visant au « bien-être de l’homme dans une organisation saine du travail ».   
Les vastes lieux offrent de nombreuses possibilités : quatre musée permanents pas seulement consacrés au sel, espaces pour colloques, hôtel et restauration rapide, cosy derrière ses claustras élégantes.
Prévoir quelques heures.

mardi 27 février 2018

Les cahiers d’Esther. Riad Sattouf.

J’ai emprunté l’album qui raconte la vie d’une petite parisienne de 10 ans pour voir si j’avais manqué une de ces aventures parues dans l’Obs, et j’ai relu la cinquantaine de planches avec délectation.
Si Titeuf, Le Petit Nicolas, sont toujours de tendres références en matière de récits d’enfance, ils viennent d’une autre époque.
Bien que ses parents essayent de lui épargner les informations, un drame tel que les assassinats de Charlie déboule dans la jungle de la cour de récréation.
Les rapports versatiles avec ses amies sont impitoyables et les garçons de son école privée sont vraiment idiots ; de surcroît son grand frère est en 4°, c’est dire le problème !
Ses passions musicales sont plus anodines et son obsession de posséder un Iphone plus classique, mais son innocence combinée à une véloce lucidité est craquante.
Le récit de la propre enfance du dessinateur avait déjà reçu un accueil public très favorable http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/10/larabe-du-futur-riad-sattouf.html.
Ici avec des conditions de vie confortables, un papa adoré ne peut empêcher ni les chagrins ni les peurs. Nous sourions tout de même car les vraies anecdotes contées par la petite ingénue sont transcrites avec la finesse de l’humour.

lundi 26 février 2018

Phantom Thread. Paul Thomas Anderson.

Le milieu de la mode dans une Angleterre so chic en mode pervers : sous l’élégance la violence. Les histoires d’amour peuvent être cousues d’un fil vénéneux.
Alors que « balance ton hastag» n’était pas né, dans les années 50, les jeux de séduction ne se terminaient pas forcément à poil: quand un couturier ravissait une serveuse et l’amenait dans son cottage, il l’habillait.
Quel beau travail quand est magnifiée une jeune femme qui ne répond pas tant que cela aux canons des beautés éclatantes dans ce milieu, mais rougit facilement. Loin des poses hiératiques et glacées, la couture peut être comme la littérature qui avec les mots bien taillés transfigure un crapaud en légende. Une scène est très forte, lorsqu'une cliente fortunée aurait pu se mettre en valeur mais n’est pas dupe de sa laideur.
Ce film classique tout en tensions est traversé de lumières magnifiques, avec des cadrages délicats de matières où les tissus paraissent plus sensuels que la peau et des acteurs au plus haut. Le scénario parfaitement taillé explore les labyrinthes des sentiments habilement : la jeune femme sous la coupe du grand maître gagne une part de liberté que le dandy insupportable n’atteindra jamais.

dimanche 25 février 2018

J’ai rêvé la Révolution. Catherine Anne.

A la sortie du spectacle, je suis retourné consulter la biographie d’Olympe de Gouges : c’était bien une femme incroyablement forte et visionnaire telle que l’auteur et actrice principale l’avait incarnée.
Tellement sûre de son bon droit, et de sa puissance de conviction, elle n’envisagera pas jusqu’au verdict, qu’elle puisse être guillotinée. A 45 ans, elle mourut sur l’échafaud.
Première féministe et militante contre l’esclavage, elle a accordé ses écrits à sa vie libre.
 « La femme naît libre et demeure égale en droits à l’homme »
Les éléments apportés dans cette pièce nous rangent du côté de ceux qui plaident pour son entrée au Panthéon, elle à qui nous devons la phrase irréfutable :
« La femme a le droit de monter sur l'échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune.» http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/12/olympe-de-gouges-catel-bocquet.html
Il est peu question des affrontements circonstanciés  de 1793 entre montagnards et girondins, pas plus que de déguisements contemporains: la lutte des femmes n’est bornée ni dans l’espace ni dans le temps.
La forme théâtrale n’est très originale, bien que le décor composé de chemises, genre accumulation à la manière d'un Boltanski propret posé sur des cintres, évoque bien tous les fantômes des innocents qui ont enduré les prisons révolutionnaires.  
Que l’auteure soit une prof ne m’étonnerait guère, tant le souci didactique peut transparaître parfois. La représentation d’1h 50 était tout à fait adaptée à des lycéens travaillant un projet éducation civique et histoire, quant à l’option théâtre, malgré d’excellents acteurs, se présenter à la porte d’autres salles pour découvrir des formes nouvelles.

samedi 24 février 2018

Carnet de bord carnet de route. André Favier.

Je viens de retrouver dans la pile des livres qui attendent leur tour, ces 110 pages dont je ne sais plus la provenance. Celui là est sans éditeur et sans trace Net. Les aquarelles en illustrations proviennent  d'autres carnets de voyage offerts au hasard d'Internet.
Un piolet et un sextant, en couverture résument bien le contenu qui fait partager des expériences d’un gars de par chez nous depuis les îles du pacifique en voilier aux cols du Zanskar en Inde, en passant par les Alpes et La Grande Motte, du cercle polaire au Tassili N’ajjer.
Le récit comporte des surprises, des changements de ton bienvenus, qui pimentent des descriptions manquant parfois d’une nervosité que nous goûtons volontiers en ces temps excités. Une autosatisfaction compréhensible peut poindre, tant la diversité et la richesse des expériences sont manifestes, mais il n’était pas tant besoin de l’exposer.
Pour me désoler de laisser traîner des erreurs dans mes textes, je suis sensible à celles qui persistent dans ces écrits dont je me sens proche jusque dans leur maladresse.
En une vingtaine de  courts chapitres ces points de vues participent à la célébration des beautés du monde et à ses dangers qui éloignent toute mièvrerie.
Avec sa femme, ils viennent d’assister à des danses dans une île de Vannatu :
« Ils nous ont donné leurs chants, leurs danses. Pour rétablir l’équilibre (j’ai compris : une sorte d’ordre cosmique…) il faut donner en retour quelque chose d’égale importance pour respecter la couronne sacrée.
Comme ils savent la valeur que nous accordons à l’argent, l’argent fera l’affaire.
Qu’en feront-ils ?
«  Rien, le chef va l’enterrer dans le sol, c’est là qu’il doit être. »

vendredi 23 février 2018

Papier.

Lors d’une partie de Mémory avec nos petits enfants, une amie me faisait remarquer qu’en prenant de l’âge nous avions plus de difficultés à oublier les emplacements d’une première manche lorsque nous attaquions une nouvelle partie. Les enfants réinitialisent plus facilement.
Ainsi en va-t-il de la permanence de nos schémas mentaux comme de la rigidité de nos grilles politiques, quand ce n’est pas l’oubli qui nous aveugle.
Peut être que l’assoupissante habitude de lire des gazettes papier est de cet ordre, quand j’ai comme un sentiment d’accomplissement en venant à bout de la pile de mes journaux.
Alors que j’épongeais ceux qui avaient été laissés pour une semaine passée ailleurs, Facebook me sonnait avec un post reprenant la liste des publications subventionnées pour dénoncer que ce sont encore les milliardaires qui sont assistés.
Mais je ne pouvais laisser la complaisance se déployer contre une presse qui a encore perdu 10% de son lectorat dans les trois dernières années. Par ailleurs j’aime trop apporter la contradiction jusqu’à me laisser aller aux phrases sommaires fleuries d’émoticônes ; j’ai donc interrompu mon feuilletage pour une polémique simpliste.
Bien que d’après Bernard Tapie :
«  A quoi bon acheter un journal quand on peut acheter un journaliste »,
Pierre Bergé n’écrivait pas dans « Le Monde » et  Drahi possède certes « Libération » mais il n’est pas Libé. C’était amusant d’échanger grâce à FB, la pompe à pub d’un des hommes les plus riches de la planète et se voir vanter le modèle du Canard Enchaîné que je fréquente depuis toujours mais qui ne peut constituer une source unique d’information.
Je ne suis décidément pas exempt des addictions aux écrans désapprouvées évidemment sur ces mêmes écrans, où je préfère être apologue des blogs qui commencent à dater, donc à péricliter.
Comme tant de productions culturelles, l’état tient à flot ce qui est malgré tout une expression de nos libertés fondamentales. Je peux choisir mes titres dans leur diversité alors que les algorithmes me tiendraient dans mon sillon.  
J’aime la hiérarchisation en 47 X 30 de mon quotidien qui se laisse parfois attendre et dont on pouvait regretter la parution tardive quand l’instantanéité n’était pas la règle, ce qui présentement serait devenu un atout.  Rien que dans un numéro, Pitbullshit Wauquiez disparaît derrière la une consacrée aux pénuries d’eau dans le monde, alors que nous sommes rincés en ce moment. Je n’évite pas la pub pour le film «  Corps étranger » avec des hanches photogéniques désormais absentes d’une ville sans « Aubade ». J’apprécie la réflexion autour de la mode des excuses en litanie depuis le PDG de la SNCF jusqu’à Filoche. Et bien sûr je prends, « en même temps », les articles finalement pas si contradictoires :  
« Ecrans : l’enfant surexposé peut présenter de graves retards » et
« Ne parlons pas trop vite d’autisme et d’addiction ».
Ouf !
…………….
Le dessin dans le texte vient du « Point » et le dessin du « Canard » de cette semaine est ici :

jeudi 22 février 2018

Paul Klee. Gilbert Croué.

Sur les 10 000 œuvres que Klee a répertoriées méticuleusement, le conférencier devant les amis du musée en a présenté une centaine. Michaux parlait pour le « peintre-poète », comme il aimait se présenter, d’une « attention horlogère au mesurable ». L’univers poétique de l’artiste-chercheur est d’une approche parfois difficile, reconnaissable d’emblée, élégant et sensible.
« Rue dans le camp » d’un petit format sur un papier huilé, décalqué, puis travaillé à l’aquarelle et à l’encre, offre de la place à la narration.
Son musée rassemblant 5000 de ses œuvres sous trois vagues en accord avec la pente des collines aux alentours de Berne, a  été réalisé par Renzo Piano, et bien des auditeurs de la conférence ont pu ressentir l’envie d’aller y faire un tour.
Il réalise lui-même ses cadres et cette « Vue du rouge » au pastel sur toile de coton collée sur de la toile de jute témoigne d’innovations techniques incessantes.
Les petites formes de la « Nuit bleue » où se travaillent les harmonies, peuvent laisser entendre comme une musique de chambre délicate.
« Le château de la foi » fourmille d’idées, parmi les architectures serrées d’une Babylone bleue et or.
Ses sujets hors norme, « L’île engloutie »,  ouvrent des pistes riches. Les surréalistes le tirent par la veste, mais compagnon du « Cavalier bleu », du Dadaïsme, des abstraits, il reste inclassable. Picasso et Braque ont fait le voyage à Berne pour le rencontrer.
Il sympathise avec Delaunay et traduit ses ouvrages en allemand, ses « Bateaux attendant la tempête » ont tout de la complexité cubiste.
« Senecio » peut intéresser aussi bien les enfants rêveurs que les chercheurs pointilleux.
Boulez dans son livre «  Le pays fertile » voit  dans l’œuvre de Klee une source de méditation et de ressourcement. « Fugue en rouge »
 Si en 1918, au moment où il est reconnu, « L’arbre des maisons » est un refuge poétique peuplé d’oiseaux et de lutins,
la « Figure, le soir » de 1935 est celle de l’exilé, effacé.
L’enfant gouverne un « Grand père orientable » tracé au tire-ligne.
Une double lecture est souvent nécessaire : « La machine à gazouiller » pourrait être charmante et humoristique comme bien souvent, mais les faux oiseaux attirent les vrais dans la fosse rose.
 « Le funambule » est une métaphore de l’artiste: « les choses ont une apparence statique et figée mais en réalité, elles se trouvent dans un état de perpétuel mouvement. »
Paul K. est né en 1879, en Suisse d’un robuste père allemand, professeur de musique, « Mon père », mais il n’a jamais obtenu la nationalité suisse, sa mère était cantatrice.
« Autoportrait à vingt ans ».  
Il se marie avec Lily, pianiste, et ils ont un fils de santé fragile pour lequel, il sera un moment père au foyer. « Marionnettes pour Félix »
Sa rencontre avec Kandinsky est essentielle, il acquiert de la confiance, lui qui a hésité entre le violon, avec lequel il excellait, et la peinture. Il expose « La jeune fille aux cruches »
Après un court séjour en Tunisie, il revient subjugué ; à 34 ans il peut se dire « peintre », converti à la couleur. « Vue de Kairouan » sous « le soleil d’une sombre force ».
Transfiguré : «  Dans le style de Kairouan transposé dans un registre modéré »
Il donne des cours de composition au Bauhaus, de reliure, d’orfèvrerie, de peinture sur verre, explique la couleur. 
« Harmonie automnale ». Dans ce lieu où la fonctionnalité est recherchée, lui le rêveur, le naïf, émerveillé par les coquillages et le cosmos, essaye de transmettre le goût de la liberté créatrice, même si le génie ne s’enseigne pas.  
« Statique-dynamique ».
Il enseigne ensuite à Düsseldorf dans une prestigieuse école des beaux arts.
En 33, il fait partie des « artistes dégénérés » ainsi que l’avaient décidé les nazis, il est démis de ses fonctions, sa maison est pillée. «  Rayé de la liste »
Revenu à Berne, atteint de sclérose en plaque, il ne quitte plus guère sa chambre. «  Insula dulcemera ». C’est l’île douce amère où Calypso retint Ulysse et aussi le nom d’une plante médicinale qui soulage de la sclérodermie ; le visage au centre est blême. 
 «Clé cassée» c’est bien ainsi que l’on doit prononcer Klee. Il meurt en 1940 la même année que son père, il a soixante ans. Félix devenu metteur en scène de théâtre fera graver cette épitaphe :
« Ci bas je ne suis guère saisissable, car j'habite aussi bien chez les morts que chez ceux qui ne sont pas nés encore, un peu plus proche de la création que de coutume, bien loin d'en être jamais assez proche ».

mercredi 21 février 2018

Le Japonisme et les impressionnistes. Catherine De Buzon.

Whistler. Caprice in Purple and Gold No 2
 La conférencière devant les amis du musée de Grenoble a montré comment la curiosité envers le Japon passa à l’engouement à travers les expositions universelles de 1853 à New York et Paris en 1900 (15 millions de visiteurs en 1878), et ce qu’il en advint dans les ateliers : « la découverte d’un continent esthétique nouveau » dans un enthousiasme qui avait pris « avec la rapidité d’une flamme courant sur une piste de poudre ».
Hokusai, à qui l'on doit cette vue étonnante parmi 36 du Mont Fuji, fut comparé par le Nabis Gauguin à Michel Ange.  La princesse Mathilde, cousine de Napoléon III, tenait alors salon, et disait préférer un vase japonais à un vase étrusque. Le magasin « La porte chinoise »  qui venait d’ouvrir à Paris proposait estampes et porcelaines « comparables aux beautés de l’art grec » pour les Goncourt qui peuvent y croiser Baudelaire, Millet, Degas, Monet, Fantin Latour, Zola…
 « Admirable, l'exposition japonaise. Hiroshige est un impressionniste merveilleux […] ces artistes japonais me confirment dans notre parti pris visuel. » Pissarro
Hiroshige Pruneraie à Kameido. Van Gogh, Japonaiserie : pruniers en fleurs
C’est madame Monet qui pose pour La japonaise rayonnante avec kimono et éventail, le mouvement est dansant.
Breitner a  bien saisi, lui, la langueur du modèle qui porte Le kimono rouge.
Avec très peu de moyens, Utamaro, cadre hardiment une Femme au miroir aux courbes sensuelles.
La Femme à l'éventail, par Klimt, a des lignes tout aussi pures parmi mille fleurs où brillent les textiles.
Le pont Ōhashi à Atake sous une averse soudaine d’Hiroshige (à gauche) a été copié par Van Gogh qui dans un autoportrait aux couleurs incandescentes dédicacé à Gauguin, se voit comme un moine bouddhiste. Il avait exposé des estampes appelées aussi Ukiyo-e (image du monde flottant) au « Tambourin » et rendu hommage au marchand de couleurs,
Le père Tanguy, représenté frontalement dans un environnement très « soleil levant » et montagne sacrée.
Le joueur de fifre de Manet, travaillé en larges aplats dans une luminosité forte, dont il est facile de voir les inspirateurs, a remis en question toute une tradition picturale.
Le cadrage insolite des Bateaux en mer, soleil couchant, du même Manet doit  aussi quelque chose aux visions nouvelles venues de l’Orient Extrême.
Henri Rivière, le parisien, signe avec un sceau son estampe sur fond de Tour Eiffel .
La vue est plongeante, les ombres chinoises, le premier plan tronqué Sur une véranda de Harunobu Bijin
Le procédé où les images encadrées entrent en rivalité est fécond. La belle Angèle Gauguin.
Dans les kakemonos, rouleaux étroits, l’œil observe par une fente et oublie le point d’appui des modèles. Bonnard « le japonard » s’empare allégrement des formats bien adaptés aux architectures comportant des piliers Les femmes au jardin.
Ces piliers structurent le Café Concert : La Chanson du Chien chez Degas,
comme les grilles des cloisons coulissantes chez Utamaro Lovers beside a freestanding screen,
ou  dans Le Chemin de fer de Manet.
Les couleurs dans les surimonos sont riches de poudres métalliques, où le regard se perd comme dans Le portrait d'Adèle Bloch-Bauer de Klimt, phare de l’art nouveau, 
qui avait saisi les volutes des paravents, la combinaison des motifs, la réduction des corps également dans un Arbre de vie.
La lune à travers une cascade d’ Hiroshige dont la douceur nous ravit, sollicite la nature d’une façon moins audacieuse
que sa Cascade de Kirifuri au bleu strident.
L’art occidental ne s’occupait guère des activités liées à l’intime en dehors des prétextes mythologiques. 
Hokusaï met en scène des bains publics et donne par comparaison
une occasion de découvrir ou revoir Mary Cassatt : La toilette.
Avec sa Vague, Hokusaï orchestre la violence sous des griffes fantastiques ; fragiles humains, nous sommes conduits vers l’humilité.  
Si les volumes plissés du styliste Issey Miyake nous emmènent loin de ces débuts du XX° siècle, nous pouvons nous inviter à méditer avec le sage Soulages.
Le pont au dessus du Bassin aux Nympheas, de Monet était japonais.
« Je savais lorsque je me débattais au Japon avec l’encre et le pinceau, je savais fort bien que je ne serai jamais rien d’autre que l’occidental que je suis […]. Mais j’ai ressenti là bas ce que je nommerai l’impulsion calligraphique qui a ouvert de nouvelles dimensions à mon travail [...]. Avec  cette méthode, je me suis aperçu que je pouvais peindre les rythmes frénétiques des villes modernes, l’entrecroisement des lumières et les torrents humains qui sont pris dans les mailles de ce filet. » Mark Tobey  Written over the Plains.
P. S. : Est ce parce que lorsqu’on googelise : « estampes japonaises » arrivent évidemment bien vite quelques samouraïs sévèrement burnés et quelques images à « l’origine du monde », que par réaction anticonformiste, prudemment, dans le prude air du temps, il ne fut pas mentionné cet aspect de la verve japonaise ? Comme je n’ai pas retrouvé un repas sur l’herbe polisson où les deux cultures cohabitent, je ne finirai donc pas sur des notes gaillardes qui n'auraient d'ailleurs pas été fidèles à  l'esprit de la conférence. .