mercredi 28 juin 2017

Palais à Venise. Fabrice Conan.

Le port d’où est parti Marco Polo était un pôle majeur de la Méditerranée avant la découverte des Amériques. Et même si le temps de la Renaissance des Titien, Le Tintoret, Véronèse, est passé, la « Sérénissime » construit, transforme au XVII° siècle et au XVIII° de fastueux palais dont le conférencier entrouvre quelques portes aux amis du musée de Grenoble.
« Ici surgit la pensée des rudes seigneurs qui se battaient ou trafiquaient sur la mer, puis, avec l’argent de leurs conquêtes, de leurs captures ou de leur commerce, se faisaient construire les étonnants palais de marbre dont les rues principales sont encore bordées. » Maupassant
Les marchands n’étaient pas spécialisés et les produits, qu’ils revendaient avec de bonnes marges, stockés au raz des eaux, variaient au rythme des bateaux venant de Constantinople ou d’Alexandrie : minerais, sel, étoffes, épices, bois précieux...
« Je fus émerveillé de voir tant de clochers, de monastères, de maisons. On me mena le long de la Grand rue, qu’ils appellent le Grand canal et qui est bien large. C’est la plus belle rue je crois qui soit au monde. Les maisons sont fort grandes et hautes, et faites avec de belles pierres. Toutes ont le devant de marbre blanc qui leur vient d’Istrie, à quelques kilomètres de là. A l’intérieur, la plupart des maisons ont deux chambres avec des planchers dorés, de riches cheminées en marbre, et de beaux meubles. C’est la plus triomphante cité que j’ai jamais vue. »
D’après Philippe de Commynes
Le long du grand canal, les « portes de la mer » des bâtisses s’ouvrent sur un grand corridor entouré de pièces pour les tractations entre négociants et au dessus à l’étage noble, le grand portego, salle bien ventilée, l’eau remontant dans les murs de 2 à 3 m, est le show room de cette époque. Les décors de cet espace semi public sont souvent refaits à l’occasion des mariages.
Dans le palais Pisani habité depuis par des banquiers, les poutres du temps des marchands ont été remplacées par des plafonds recouverts de fresques. Les lustres viennent de Murano.
Le  palazzo Barbaro dont la partie gothique est reliée à la partie baroque, abrite une magnifique salle de bal au décor de stucs. Sur les terrasses, les belles tentant la teinture en blond vénitien pouvaient prendre l’air, mais sa composition à base d’oxyde de plomb faisait tomber les dents ; finalement l’ammoniaque appliquée en shampoing, provenant de l’urine de jument, était plus saine.
La Ca' Rezzonico comme casa (maison), tient son nom de la famille d' un pape, qui a pu prendre place sur le livre d’or des notables de la ville, fermé depuis le XIII° siècle ; le droit d’entrée étant extrêmement élevé, il fallait bien payer tous ces condottieres.
Les deux obélisques du palais Balbi indiquent la présence d’un amiral dans cette maison.
Le Palais Albrizzi  au décor fastueux recèle une véritable volière de putti.
Au-dessus de la porte de la salle de bal du palais Zenobio, collège arménien, se trouve la tribune de l'orchestre. Les espaces sont démultipliés par  les miroirs. Dans le jardin, un casino (petite maison) permettait de faire des fêtes ; le carnaval durait 6 mois.
La RAI a mis en vente le Palazzo LabiaTiepolo a peint  « Antoine et Cléopâtre », c’est là que passaient par les fenêtres des assiettes constellées d’or et de rubis, le personnel tendant des filets en dessous.
Au Palais Barbarigo, sont d’autres fresques mais je ne me souvenais pas de
cette histoire trop belle : Berlusconi trouvait qu’une copie de Tiepolo, « La Vérité dévoilée par le temps » heurtait la sensibilité des téléspectateurs … Berlusconi !
Dans ces espaces gigantesques sont installés des miroirs gravés magnifiques, la vaisselle filigranée qui incorpore des fils de verre est incomparable, les grands lustres dont les bougies noircissaient les fresques, sont superbes, des tissus raffinés cachent les fissures toujours renaissantes des parois.

Le palais Grassi  construit par Massari avant l'abolition de la République de Venise par le général Bonaparte en 1797 appartient désormais à  François Pinault qui y expose de l’art contemporain. 
Le palais des Doges et la ca’ grande, la ca’ d’oro, le  palais Papadopoli, la collection Guggenheim dans le palais Venier dei Leoni ... il y aura toujours un Canaletto.
Bonaparte avait demandé à ses soldats de ne pas marcher au pas pour ne pas ébranler la ville, qui en plus d’être dans une zone sismique est assaillie aujourd’hui par le vagues des paquebots qui viennent croiser sous ses fenêtres et par les vagues de touristes… dont j’aimerai bien être.
Mais l’on ne pourra tout voir. Après avoir fouillé dans les sites à citations, que peut Sylvain Tesson :
« On a fait couler tellement d'encre sur Venise qu'elle se noie. »
contre Guy de Maupassant ? 
« Aucun coin de la terre n'a donné lieu, plus que Venise, à cette conspiration de l'enthousiasme. »

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