dimanche 7 mai 2017

Ludwig, un roi sur la lune. Madeleine Loarn.

Louis II de Bavière devenu fou après avoir dû abandonner le pouvoir, est mort tragiquement en 1886. Frédéric Voissier, docteur en philosophie politique, reprend des extraits du journal intime de celui qui a inspiré les romantiques allemands pour le faire jouer par des handicapés mentaux avec lesquels Madeleine Louarn travaille en Bretagne depuis des années.
Pendant une heure trente, nous nous raccrochons à des références culturelles pour baliser la frontière mouvante qui sépare raison et folie. Quand le jeune Ludwig danse avec un gros ballon  comme si c’était la lune de Nemo, cette scène peut évoquer aussi les jeux de pouvoir comme Chaplin dans « Le dictateur ». Nous pouvons voir aussi des tableaux de Goya ou des images d’ « Orange mécanique », et inévitablement penser à l’art brut qui retrouve souvent nos désirs enfouis d’abandon d’un monde raisonnable.
Quand je prenais connaissance des documents qui évoquaient cette pièce, je ne pouvais m’empêcher de repenser au débat de l’entre deux tours que je ne qualifierai pas de présidentiel, car l’une s’en montra bien indigne. Par contre comme il est question de pouvoir et de folie : des rapports à la vérité si délirants, une telle violence ne pouvaient que résonner avec la proposition de ce soir à la MC 2. Le romantisme n’a pas toujours les cheveux dans le vent, il peut mûrir dans de noires forêts.
Les aspects biographiques du mécène de Wagner, homosexuel contrarié, bâtisseur de châteaux en Bavière, suivent un fil poétique aux belles images, jusqu’à un cygne noir de manège où prend place le roi devenu vieux avec son épée de bois « partant comme un prince », pathétique, à la façon de Pascal Légitimus dans un sketch des Inconnus, en plus sombre mais aussi dérisoire.
Le travail maîtrisé avec les comédiens fragiles est magnifiquement accompagné par la musique de Rodolphe Burger qui a travaillé  faut dire avec Bashung et Higelin. La combinaison de théâtre, danse, musique est fluide. Le dispositif scénique avec des gradins en vis-à-vis ajoute à la perception de l’intensité du jeu des acteurs.
«  Il faut s’aventurer sur les glaciers. Plonger dans la terreur. »

1 commentaire:

  1. Je me souviens, dans le temps, d'une psychiatre française qui avait travaillé avec des "malades mentaux" dans un hôpital autour de Lyon.
    Elle est venue nous parler de son expérience de mise en scène d'une pièce de Shakespeare avec les "malades".
    Il se trouve qu'elle a été... très exigeante avec les "malades"...
    Elle leur a fait entrevoir la responsabilité, la mission des interprètes, envers l'oeuvre, et le créateur de l'oeuvre, et cela les a.. anoblit, en quelque sorte, tout en leur donnant le désir de faire passer l'oeuvre pour le public.
    Un peu comme quelqu'un d'autre, il n'y a pas si longtemps, qui a monté "Jules César" avec des taulards en Italie, et en a fait un film que tu ne pourras pas voir en DVD, car il n'est jamais sorti...Le pouvoir de la pièce, son immensité n'aurait pas pu être mieux servi par des acteurs... professionnels. C'est inattendu, n'est-ce pas ?
    Le résultat de ces expériences avec des personnes.. fragiles, marginales, et marginalisées, était remarquable de beauté, de grandeur, et le public voyait Shakespeare sur la scène, et pas... les marginaux, pour les "insérer" dans la culture ambiante, et nous MONTRER "la différence" afin de satisfaire à notre désir de nous penser... de belles âmes tolérantes, si je puis dire.
    La ligne est très tenue entre... ne pas voir la différence, la voir, et en tenir compte, et... la montrer, en ne voyant que ça, pour la célébrer. La monstration n'est pas de tout bénéfice pour ceux qui sont montrés. Après tout... le mot "monstre" dit un certain nombre de choses, n'est-ce pas ?

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