dimanche 28 mai 2017

Cannes cinéphile 2017.

Quelques mots à propos des 27 films vus pendant dix jours à Cannes (dans la salle Alexandre III) et à la Bocca (à La Licorne & Studio 13) comme je m’y essaye chaque année http://blog-de-guy.blogspot.fr/2016/05/cannes-cinephile-2016.html, avant des commentaires plus développés chaque lundi sur ce blog au fur et à mesure de leur programmation sur les écrans grenoblois.
Je choisirai cette fois une présentation par sélections pour quelques histoires tournées au Congo, au Chili, en Bulgarie, dans le Dakota, en Serbie, en Espagne… ou en France quand le Forez peut sembler aussi lointain que la province chinoise du Shandong, en Italie où la virginité peut avoir autant de prix qu’à Téhéran.
De la sélection officielle je n’ai suivi la file d’attente que pour « Vers La lumière » : riche réflexion poétique à travers la liaison d’une belle audio descriptrice et d’un photographe en train de perdre la vue, de Naomi Kawase qui avait réjoui tant de spectateurs l’an dernier avec « Les délices de Tokyo ».
Les séances spéciales ont réservé une belle surprise avec « Carré 35 »: la démarche intime d’Eric Caravaca dévoilant un secret de famille, a concerné chacun par l’habileté du montage, sa bienveillance, efficace et touchante.
Par contre « Claire’s camera » avec Isabelle Huppert en touriste dans Cannes pour un film entre amis, laisse indifférent, comme le souvenir d’un amourette furtive de Claude Lanzman où la Corée du Nord n’est qu’un décor dans « Napalm ».
« The ride » qui suit de jeunes Sioux lors d’une chevauchée commémorative en direction de Wounded Knee est un documentaire intéressant.
« Un certain regard » décerne chaque année la caméra d’or. L’heure et demie consacrée à la chanteuse « Barbara » m’avait ému dans un premier temps, car rien qu’à entendre la voix de « la longue dame brune » je suis  transpercé. Et puis à confronter le film d’Amalric à tant d’autres productions bien plus inventives qui ne font pas les couv’ de Télérama, j’ai perdu mon enthousiasme initial : l’auto dérision ne fait que renforcer le nombrilisme quand le n’importe nawak l’emporte.
Par contre « Western »  qui reprend tous les codes des films mythiques à l’ouest du Rio Grande avec des ouvriers allemands en Bulgarie est passionnant et ce morceau distrayant d’anthropologie, original et chaleureux, enrichit une réflexion sur notre condition d’Européen.
La quinzaine des réalisateurs, née après 68, avait repéré une histoire d’amour entre une jeunette de 18 ans sous la surveillance d’une mère très pieuse et un jeune gardien de parking situé à proximité d’un camp de Roms, mais l’empilement des sujets à traiter perturbe la grâce de l’idylle de ces « Coeurs purs ».
« L’intruse », autre film italien, redonne confiance en accompagnant une inflexible travailleuse sociale en butte à la mafia pénétrant jusque dans l’institution qu’elle dirige.
Ce n’est encore pas avec «  Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc »  que j’accèderai à Bruno Dumont, bien qu’il y ait du Péguy au menu.  
Le sourire de Juliette Binoche est appétissant, mais le film «  Un beau soleil intérieur » que Claire Denis lui consacre m’a semblé bien vain. Il n’arrive pas au garrot de « The rider » de Chloé Zhao qui nous avait épaté avec  « Les Chansons que mes frères m'ont apprises » après immersion dans une réserve indienne. Cette fois dans l’intense milieu du rodéo, il convient de bien s’accrocher !
Deux des quatre films des « Talents en court » valaient le coup : l’un traitant de la bigamie depuis le point de vue d’une enfant et l’autre d’un casting au collège nommé « Chasse royale » à Valenciennes. Celui-ci aurait mérité des sous titres tellement la langue comme les conditions de vie de l’adolescente butée sont violemment étrangères à nos conditions festivalières. Il a empoché le prix du court métrage.
Figurant dans « La semaine de la critique », c’est à « Makala » d’Emmanuel Gras à qui j’aurai attribué la coupe en or remplie de vin de palme pour son beau conte élémentaire, essentiel, vrai, dans les pas laborieux d’un charbonnier portant sa patiente production de charbon de bois au marché de Kinshasa. Pourquoi le réalisateur de Bovines http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/04/bovines-emmanuel-gras.html  n’est pas adoubé par les sélectionneurs ?
« Gabriel et la montagne » est également fort : le périple en Afrique de l’Est d’un jeune brésilien s’est terminé tragiquement, son ami réalisateur en a reconstitué l’histoire.
Dans « Los perros » (les chiens) un ancien responsable de crimes sous Pinochet fascine une femme désœuvrée de la bourgeoisie chilienne.    
« Téhéran Tabou » réalisé par Ali Soozandehun, redessine toutes les images en rotoscopie pour dénoncer l’hypocrisie d’une société où règnent corruption, prostitution, drogue …
L’Association du Cinéma indépendant pour sa Diffusion (Acid) fréquentée assidûment, nous étonne, nous bouleverse, souvent. Un grand cru cette année.
Laurent Poitrenaux est irrésistible dans «  Le ciel étoilé au dessus de ma tête » et transmet sa géniale dinguerie lors de la confrontation avec sa famille juive voulant le remettre  dans les rails.
« Coby » : Suzanna devenue un garçon est filmé par son demi frère.
Dans « Last laugth », le dernier tour chez ses enfants d’une vieille dame promise à l’hospice est riche, pas manichéen, malgré la violence de certaines scènes.
Et la vieillesse, la solitude de « Sans adieu » dans les fermes du Forez sont bouleversantes.
La dépression d’une femme tout au long du « Requiem pour madame J. » pourra-t-elle se dissoudre grâce à l’énergie des jeunes de sa famille ?
« La Madre » est le seul film vu concourant pour Ecrans juniors, il est parfaitement adapté à ce public : un môme de 14 ans est le seul à tenir la route dans une famille espagnole perdue.
Le cinéma des antipodes propose des films qui ne sont que trop rarement distribués en France.
Si « Goldstone » et son inspecteur de police aborigène, n’est pas inoubliable, « Joe Cinque’s consolation » frappe les esprits, car écrit d’après un fait divers réel où une jeune femme avait empoisonné son amoureux suite à un repas dont les convives avaient été avertis de l’issue fatale.
« Target fascination » n’est pas moins dérangeant, en mettant en présence le coupable d’un viol et d’un assassinat et la mère de sa victime.
«  The great maiden’s blusch » rapproche deux femmes de condition différentes qui viennent d’accoucher, sans les pères, de leurs premiers enfants.
Le problème des familles mono parentales souvent traité dans les films vus cette année est universel, comme les recherches d’identités où la dimension religieuse apparaît plus volontiers que jadis. Le capharnaüm règne dans plusieurs maisons, est-ce celui d’un monde fatigué qui se cache sous des tas d’objets ?  A essayer d’apercevoir parmi tous ces films les traits saillants de l'époque, il est plus facile de compter les chevaux mis en vedettes que de caractériser les nombreux  personnages fascinés par des individus toxiques. Cependant les chansons figurent toujours aussi souvent parmi les moments de réconciliation.
« Que c'est abominable d'avoir pour ennemis
Les rires de l'enfance !
Pour qui, comment, quand et combien ?
Contre qui ? Comment et combien ?
À en perdre le goût de vivre,
Le goût de l'eau, le goût du pain
Et celui du Perlimpinpin
Dans le square des Batignolles ! »
Barbara.


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