jeudi 27 avril 2017

Peindre à Venise. Fabrice Conan.

Sous une reproduction de Guardi : « Ouverture du grand canal » le conférencier invité par les amis du musée de Grenoble situe l’époque mouvementée qui précéda l’avènement de Giambattista Tiepolo après les maîtres vénitiens du XVI° : Véronèse, Le Titien et Le Tintoret.  Alors  qu' autour de la lagune une personne sur quatre  était morte après plusieurs épidémies de peste, un siècle de peinture de « La Sérénissime » avait disparu lors de deux incendies dans le palais des doges. Les commanditaires habituels investissaient dans leurs propriétés terrestres et les ateliers n’avaient pas survécu à leurs créateurs. Mais Venise était toujours une étape du « Grand tour ».
Les couleurs sont éclatantes, dans « La Flagellation du Christ » par Palma le jeune, les silhouettes aux allures maniéristes ont des corpulences proto baroques.
Léonardo Corona présente,  pour un plafond, « sotto in su » (de bas en haut), des épisodes de la vie de « Saint Nicolas », sauvant des marins en péril ou faisant abattre des arbres vénérés par les païens.
« Charles VIII recevant la couronne de Naples » peint cent ans après la bataille par Francesco Bassano, tient un sceptre et non le glaive, en un raccourci narratif qui ne manque pas d’expression. Les tendances ténébristes du peintre sont accentuées par la sous-couche bitumée qui a assombri les pigments.
Le « David » de Domenico Fetti  contient sa force et si son éclairage doit au Caravage, Rubens a eu son influence aussi. Il était passé dans la cité des eaux et des masques comme Van Dick, Poussin, Vélasquez…. 
De l’allemand Johann Liss, « Abel pleuré par ses parents » figure avec son pendant :
« Abraham » prêt à égorger son fils Isaac ; l’ange cette fois a évité le crime.
Chez Francesco Maffei, « Circé et Ulysse » apparaissent dans une lumière poudrée toute vénitienne.
Et «  La famille de Darius devant Alexandre » de Gianantonio Pellegrini, avec ses personnages de frise, n’est pas hiérarchisée.
« La Modestie présentant la Peinture à l'Académie » a une gamme chromatique douce et vaporeuse.
Le pastel convient bien aux portraits, celui du « Jeune garçon de la famille Leblond », par Rosalba Carriera est remarquable.
Alors que la lumière triomphe chez Ricci dans « La répression de Cupidon »,
«  La pie savante » dans sa cour des miracles sort des catégories établies
et autour de « La vierge à l’enfant » des ordres différents occupés à des taches diverses vont se réunir pour trouver l’harmonie musicale, le temps que l’angelot trouve le « la », bien que l’on passe, dit-on  pour  le luth, la moitié du temps à l’accorder et l’autre moitié à jouer faux.
Tous ces peintres aperçus lors de cette conférence pour arriver aux Tiepolo.
Le père Giambattista Tiepolo fut le plus célèbre des peintres du XVIII° siècle, la lumière qui émane de son « Immaculée conception » peut porter aux extases mystiques
et les dimensions de ses fresques impressionner dans une « Montée au calvaire »  où riches sont les couleurs dans une composition foisonnante.
Cette liberté s’exprimait pleinement dans le « Triomphe de Zéphyr et Flore »
Le nouveau monde », sujet original, où des spectateurs de dos sont  absorbés par une lanterne magique leur faisant découvrir des paysages lointains est du fils Giandomenico Tiepolo.
Dans une de ses fresques de plafond « Polichinelle et la balançoire » porte la mélancolie du personnage.
« Chez Tiepolo la couleur est comme déplacée, par rapport aux propositions de la nature, elle ne dit plus le vert du feuillage, la teinte jaune des fruits, elle a des jaunes acides, des roses, des mauves comme la terre n’en offre guère, et qui suggèrent plutôt de luxueuses étoffes teintes, comme si le Ciel s’était revêtu des parures de la Venise festive qui a commandé nombre de ces peintures » 
Alain Buisine

1 commentaire:

  1. Magnifiques, ces Tiepolo, surtout "La Montée au Calvaire", et le "Polichinelle et la balançoire". Tu m'as fait découvrir des toiles d'un artiste que j'avais toujours trouvé assez mineur, mais qui là, m'épate. Merci.

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