vendredi 17 mars 2017

Pas d’abandon à Banon.

Après le déjeuner, au moment nommé désormais « pause méridienne », le collège de Banon dans les Alpes de Haute Provence, dites jadis « Basses Alpes », a instauré depuis la rentrée, un quart d’heure de lecture obligatoire pour tous : personnel de service, principale, profs et élèves. Des livres en papier.
Lorsque je l’ai appris par Facebook qui faisait écho d’un reportage de France 3, je n’ai pu m’empêcher de déplorer qu’on était tombé si bas qu’il faille convoquer les caméras pour des collégiens lisant un quart d’heure.
Hé oui, papy peut bien raconter que dans le temps des écoliers lisaient des dizaines de romans par trimestre, je me rends à l’évidence que les temps « are changing » pour m’émerveiller d’une telle initiative. Et je ne remonte pas à l’époque où en pensionnat la lecture était une récompense, un pur plaisir, encore meilleur quand c’était volé.
C’est que cette idée mise en œuvre en 2017, va en sens inverse de la pente dévalée habituellement qui consiste à suivre paresseusement la loi des élèves et des adultes ayant abdiqué toute volonté d’élever; le digital et ses marchands pourvoyant en distrayantes images, le ministère suivant l’électorat.
Cet instant hors des machines impérieuses peut être un moment précieux où adultes et jeunes partagent un moment de silence et amorcent pour certains des échappées plus ambitieuses vers des trésors de la littérature, et autres découvertes de territoires inédits.
L’idée est simple et n’a pas besoin de se noyer dans les phraséologies habituelles.
Ah c’est une mesure verticale, en ces temps horizontaux, mais ne donne-t-elle pas le pouvoir à chacun en favorisant la réflexion et contrariant l’impulsion, en amenant des éléments nouveaux pour mieux choisir, échanger ?
Cela est plus facile car le collège est de petite taille ; c’est peut être bien aussi un paramètre qui peut être essentiel quand on réfléchit à réparer l’école.
C’est que dans le débat politique présent, je n’ai pas perçu tellement de propositions concernant l’école en dehors de mesures quantitatives.
Le mot « hologramme » devenu un mot clef de cette campagne en caractérisant des candidats, conviendrait mieux pour qualifier leurs programmes. Alors que l'arrogant: "Et alors? " place la barre du cynisme hors d'atteinte, c’est surtout le candidat à l’écharpe rouge dont on dit qu’il est le plus rattaché aux siècles antérieurs qui s’amuse avec les trucages et les griseries youtubesques. 
En ce qui  concerne l’adjectif «  fictif », il faudra suivre un autre filon.
Oui la lecture est un vecteur de fiction, loin d'être tyrannique; nous sommes des complices volontaires quand elle nous embarque. La liberté ne s’exerce pas dans le vide, nous gardons nos capacités à juger de la façon de voir de l’auteur. Nous avons appris à ne pas être dupes de toutes les dramatisations qui mènent à Trump parce que nos lectures contradictoires, qui prennent le temps de se poser, nous ont ouvert les yeux et non ébloui.
En évoquant des contrées où l’apprentissage de l’écriture cursive est abandonné, en sempiternel mal content, je n’ai  pourtant pas le sentiment de coller abusivement un masque grimaçant sur la réalité. La sagesse populaire prête aux Etats Unis le rôle de précurseur de ce qui va advenir chez nous, alors pour une fois qu’une mesure éducative même modeste ne va pas seulement à l’encontre de la facilité mais ouvre à tous les appétits, ne boudons pas notre plaisir.
J’en oublierai presque des bibliothèques qui ferment à Grenoble et celles qui risquent de fermer à Saint Egrève, c’est que le combat des vertueux défenseurs de la culture contre les vendus au libéralisme mondialisé me paraitrait trop simple. Que n’aurait titré la presse nationale si des municipalités FN avaient fermé trois bibliothèques ? Une odeur de papier brûlé dans des autodafés aurait sans doute été vaporisée dans les colonnes des temples téléramesques.
Si je ne connais pas encore le mot nouveau  pour désigner l’endroit où l’on emprunte des livres, je suis aussi peu au fait de la densité des réseaux, des accueils possibles, ni des évolutions de fréquentation, pas plus que les solutions alternatives proposées côté grenoblois. Par contre sont avérées les insuffisances sur le plan culturel de cette municipalité dont l’amateurisme persistant a déjà fait des ravages.
A propos de Saint Egrève, je connais mieux ce terrain. En ce qui concerne la bibliothèque Rochepleine dont l’ouverture a précédé celle de l’école attenante, les pratiques autour du livre étaient concertées, les projets communs et féconds. Le boulot autour du conte qui concernait tous les enfants de la maternelle au CM2 nous a valu de grandes heures. Qu’en est-il aujourd’hui ? Pour suivre des enfants en soutien scolaire depuis quelques années, mes expériences sont contrastées. J’ai incité semaine après semaine des familles dont j’avais la confiance à fréquenter la bibliothèque située en bas de leur immeuble, en vain. Alors que pour une autre maisonnée, je suis allé chercher des livres et j’ai demandé qu’ils soient ramenés par leur soin, et depuis tout le monde a été ravi de pouvoir emprunter 30 documents gratos à chaque visite ! La proximité me semble essentielle, et il s'agit de construction durable.
…………….
Dessins du « Canard enchaîné », de « Courrier international » dans le Basler Zeitung (Suisse)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire