jeudi 23 mars 2017

Al Andalus, une civilisation raffinée. Issa Steve Betti.

Au VII° siècle, Arabes et Berbères islamisés arrivent sur la péninsule ibérique au rocher de Gibraltar (« Djebel Tariq », « la montagne de Tariq »  du nom de leur chef).
Des précisions étymologiques vont être ainsi être apportées, tout au long de la conférence devant les amis du musée de Grenoble qui témoignent de l’empreinte de ces siècles mal connus de notre côté des Pyrénées.
Si certaines interprétations sont toujours discutées pour Andalousia, « Vandalousia » rappellerait que les Vandales passèrent par là, avant que s’installent les Wisigoths.
Aussi barbares que d’autres Francs qui les ont repoussés, ils ont adopté l’arianisme qui se distingue du catholicisme, se rendant indépendants de Constantinople et de Rome, car pour eux Jésus est plus humain que divin. Leurs habits composés et non plus ajustés comme les romains nécessitaient des fibules cloisonnées par d’habiles orfèvres.
A cause d’une succession dynastique contestée, une guerre civile a déchiré le royaume. Rodrigue (Rodéric) leur dernier roi occupé à réduire une révolte basque arriva trop tard pour empêcher l’invasion omeyyade qui prendra toute son ampleur après la bataille de Guadalete en 711.
La présence arabe dura huit siècles, à l’exception des Asturies lieu de résistance, d’où le titre de « prince des Asturies » utilisé pour désigner le dauphin du roi d’Espagne.
Le moine Beatus dans son « Commentaire à l’Apocalypse » illustré magnifiquement, avait bien annoncé la venue de l’Antéchrist avec la bête déchaînée obéissant à la grande prostituée de Babylone alors représentée par La Mecque après avoir été Rome.
Des église romanes sont édifiées comme Sant Climent de Taüll  avec son clocher lombard
comportait un christ pantocrator (« en majesté » et non souffrant) désormais installé à Barcelone.
La religion musulmane étendait de Kaboul à Fez l’archipel de ses villes au milieu des déserts ; ses ouailles ont trouvé en Espagne un jardin où prospéraient les blés. Suite à des croisements, les oranges se sont adoucies au Portugal, si bien que l’on dit « bortoqal » en turc pour désigner l’agrume appelée « pomme de Chine » en Allemagne. 
Renoir rassemble « les fruits du midi » : les mots aubergine, abricot, melon, pastèque, pêche, amande, sirop, sorbet, et orange (amère) viennent de l’arabe tout comme alcool.
En architecture : les arcs sont outrepassés ou bicolores, aux bains arabes de Gérone, les fenêtres polylobées de la lanterne au dessus des salles aux différentes fonctions datent du  XIIe.
Le Hammam de Ronda est également bien conservé.
Abd al-Rahman qui avait échappé au massacre ordonné à Bagdad par les Abbassides fonda l’émirat indépendant de Cordoue. Charlemagne parti pour le combattre, fut attaqué par les Vascons à Roncevaux ; Hruotland immortalisé par la Chanson de Roland, né à Trèves, ville rhénane, y perdit la vie.
Cordoue, atteignit probablement le demi million d’habitants( Paris à cette époque en  comptait 
5 000), sous le califat d’Abd el-Rahmân III, cheveux blonds teints au henné et yeux bleus,
Sa mosquée, La Mezquita, agrandie plusieurs fois est une des plus vastes du monde.
Une cathédrale y fut incrustée qui fit dire à Charles Quint :
« Vous avez détruit ce que l'on ne voyait nulle part pour construire ce que l'on voit partout. »
Le cloître du monastère de San Juan de Duero de Soria trahit des influences architecturales de style « mudéjar » qui succèda à l’art « mozarabe » et ses entrelacs végétaux.
Minarets et coupoles se multiplièrent.
Les artistes  mêlaient à l’art roman leurs arcs en fer à cheval, leurs briques et azulejos.
Ils excellaient dans la marqueterie présente dans des plafonds à caisson
et dans l’art de travailler le fer damassé.
Nos cordonniers sont les héritiers de la tradition venue de Libye et qui fleurit à Cordoue devenue fameuse pour son travail du cuir. 
« La Pyxide d’al-Mughîra » renfermait des parfums,
« Le lion de Monzón »  visible au département des arts de l’islam au Louvre servait de fontaine,
les paons affrontés sur une soie millénaire provenant d’un atelier andalou figurent sur le dit « suaire de Saint Sernin » au musée de Cluny.
Le palais de l'Aljaferia à Saragosse préfigure les châteaux forts qui à l'époque sont encore en bois par chez nous, au moment où les émirats se désunissent en taïfas (factions).
La calligraphie coufique, étirée, scandée, a traversé le temps. Le souvenir des moments  précieux et rares où chrétiens, juifs et musulmans vivaient en harmonie,
comme le brio d Al-Hakam II dont la bibliothèque renfermait 400 000 volumes,
Saint Jacques, ressuscité depuis son champ d’étoiles (Compostelle)
resteront-ils d’avantage dans les mémoires que le matamore (qui tue les maures) ?
Ce glaive vengeur, il vaut mieux le remettre dans les mains d’Audiard :
« J'ai bon caractère mais j'ai le glaive vengeur et le bras séculier. L'aigle va fondre sur la vieille buse.»
Et la conclusion, au livret des amis du musée :
« Malgré le sursaut des Almoravides puis des Almohades, La Reconquista sonnera bel et bien le glas de la civilisation raffinée d’El Andalus. »

1 commentaire:

  1. De très belles images, merci.
    Ça fait chaud au coeur de voir ce que l'Homme était capable de faire de ses mains avant qu'il ne commence à chanter le mot "industrie" à tue tête...
    Petit détail : la cohabitation en Andalousie ne fut pas si sereine que cela, tout de même, si mes souvenirs sont bons. Il n'y avait pas d'espace... laïc, dans la mesure où les malfaiteurs étaient remis à leur autorité religieux pour jugement, par exemple...Les communautés religieuses vivaient donc côte à côte.
    C'est bon à savoir, je trouve. (Corrige-moi si je me trompe.)
    Et puis, le fait de se coltiner tant de personnes qui affirment, tout comme toi, que LEUR religion est la seule vraie (mais... on peut faire pareil avec l'idéologie, et nous ne nous en privons pas), a fini par provoquer l'explosion de 1492, avec l'expulsion des Juifs, la Reconquista, et le triomphe d'une église catholique fanatisée par tant d'années de.. liberté permissive.
    Décidément, il y a des moments où l'Homme a besoin de la sécurité de pouvoir s'accrocher à.. UNE vérité...

    RépondreSupprimer