jeudi 2 février 2017

Kandinsky. Damien Capelazzi.

Au moment où l’exposition de Grenoble à propos des années parisiennes d’un des pères de l’abstraction a fermé ses portes,  
le conférencier devant les amis du musée a illustré par un nombre impressionnant d’images, le sous titre annoncé : « les couleurs en partance » et porté à notre connaissance quelques éléments éclairants.
« La couleur est la touche, l’œil, le marteau, l’âme, le piano : l’artiste est la main qui par le bon choix des touches met l’âme du spectateur en vibration ».
Vassili K. est né à Moscou en 1861 alors que l’empire s’ouvre vers l’occident, d’une mère énergique et tranquille et d’un élégant père d’origine mongole, marchand de thé.
Le couple aisé et cultivé se sépare, une tante maternelle élèvera le petit.
Lors de ses études de droit, il est amené à se rendre dans la région de Vologda pour étudier les persistances du droit coutumier où le jugement des faits reste moins important que l’intention.
Il pénètre dans les isbas aux teintes vives qui ont un effet magique sur le synesthète qu’il est, associant les notes de musique à des couleurs auxquelles il est particulièrement sensible depuis l’enfance.
« L’homme malade » de Wassilij Maximow, est tourné vers le coin rouge comme tous les êtres allongés, là où brûlent les lampes sacrées. En russe « krasny » signifie à la fois rouge et beau.
Kandinsky découvre des territoires qu’il va peupler de tant de regards nouveaux.
Devant « Les meules au soleil »  de Monet exposées à Moscou il écrit :
« Et soudain, pour la première fois, je voyais un tableau… Je trouvais également que le peintre n'avait pas le droit de peindre de façon aussi imprécise. Je sentais confusément que l'objet faisait défaut au tableau. Et je remarquais avec étonnement et trouble que le tableau non seulement vous empoignait, mais encore imprimait à la conscience une marque indélébile… »
Il est marqué également par une représentation du Lohengrin de Wagner, « œuvre d’art totale ». Lui, le fougueux, entretiendra une amitié avec l’inquiet Schönberg affranchi de la musique tonale avec lequel il se sent en harmonie totale, comme il sera sensible aux écrits scientifiques de Goethe.
Dans « Composition V » en 1911 : « le blanc sonne comme un silence ».
Le bleu a tendance bluesy est concentrique, le jaune vient vers nous et  rejoint les codes anciens où le carré rouge est terrestre, et jaune le christ des icônes. Ces images pieuses sans marqueur temporel s’adressent au groupe alors que les tableaux côté latin sollicitent l’individu.
Le « peintre législateur » exerçait en costume trois pièces, il a été un organisateur efficace, un communiquant habile qui savait présenter des novateurs mêlés à des œuvres patrimoniales, un professeur exigeant en particulier au Bauhaus, le maître de plusieurs écoles : « Phalanx » (Phalange), « Der Blaue Reiter »( Le cavalier bleu), « NKVM » (Neue Künstlervereinigung München) (Nouvelle Association des artistes munichois).
« Improvisation 28 ». Le théoricien a mis en pratique trois temps :
1) l’impression venant de l’extérieur  
2) l’improvisation où parle la nature intérieure
3) la composition qui se forme lentement.
« Paysage près de Murnau avec une locomotive » Installé à Munich où les artistes sont attirés par une vie culturelle très active, il rejoint Anton Ažbe, peintre des corps, puis s’en éloigne pour se lancer dans les paysages.
Et si sa façon en « impasto »  quand la peinture est épaisse, ne figure pas sur ses toiles les plus connues, elle étonne. « La chanteuse »  
« Les œuvres de Kandinsky ne datent pas: elles font date. »
 Un cavalier, élément marquant de son vocabulaire, apparaît dans  « La vie mélangée »
Et dans le « Tableau avec archer » les bulbes des clochers se confondent avec la montagne. S’il a toujours regardé du côté des arts populaires, de là provient une nouvelle naissance.
 « Le paysage romantique » passe du figuratif à l’abstrait, du profane au sacré, de l’apparence à l’indicible, faisant « disparaître l’objet pour accéder à la marge invisible ». Influencé par les théosophes qui syncrétisent de nombreuses traditions religieuses, il reste fidèle à une spiritualité russe, à l’instar de son contraire Malevitch qu’il ne pouvait « voir en peinture », lui qui écrivait : « L'homme doit arracher le monde des mains de la nature, afin d'en construire un nouveau dont il soit le maître »
Trois continents s’entrechoquent dans le « Tableau avec l'arc noir », noces alchimiques où se glissent des partitions graphiques et la « douga », arc d’un attelage qui servait à conduire les équipages des troïkas.
S’il a eu l’impression d’être tiré d’un rêve à l’entrée de la première guerre, « La fugue » (1914), sa deuxième épouse Nina participe à créer autour de lui une bulle bleue jusqu’à sa disparition en 1944. Elle sera assassinée en 1980 dans son chalet à Gstaad pour un diamant, les toiles de son mari ont été épargnées.
Le « Monde bleu » de 1934, est l’une des nombreuses toiles exposées par la fondation Guggenheim qui acheta aux nazis quelques œuvres non détruites.
« Toute œuvre d'art est l'enfant de son temps et, bien souvent, la mère de nos sentiments. »

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