vendredi 6 janvier 2017

Se dire de gauche.

Alors que je grattais consciencieusement des autocollants apposés sur le mobilier urbain :
«  Non aux immeubles dans nos petits quartiers »,
j’ai répondu à un monsieur qui m’interpellait : 
«  Je suis contre ceux qui ne veulent pas accueillir de nouveaux habitants ».
Reniflant d’emblée le gaucho, il a déversé toute sa haine contre la gauche :
« raciste contre les français », à en perdre le souffle.
J’en ai été jusqu’à défendre Piolle; c’est dire le vert chemin aux grasses couleuvres que j’ai dû parcourir prestement pour confirmer que j’étais décidément sur le gauche versant.
Comme quoi, rien de tel qu’une droite bien assumée en face pour se sentir de gauche comme au premier jour, et vice-versa.
Dans cette discussion expresse nous ne sommes pas entrés dans la subtilité, à l’image de bien des tracts qui ne font pas mieux :
500 000 fonctionnaires en moins pour Fillon,
contre 3 500 000 emplois créés par Mélenchon.
C’est comme si c’était fait !
« Aujourd’hui, la révolution numérique décuple les forces intellectuelles des êtres humains tout en fragilisant le fondement même de la démocratie » Frédéric Lazorthes
Nous ne croyons plus aux mots et continuons à bavarder, à nous exciter sur « mariage » ou « manif pour tous » alors que les migrants sont là, et l’Europe pas là.
« Vivre ensemble » allait de soi depuis des décennies.
Une fois établi en slogan, il devient un lettrage à barbouiller pour grapheurs subventionnés.
Pourtant il va bien falloir se supporter et réanimer les mots de « paix », « fraternité », tombés en désuétude.
« Give me some words » pour redorer la façade, nous redorer la pilule.
En farfouillant parmi quelques feuilles mortes, autant dire les journaux papier,  peuvent se trouver des chroniqueurs qui prennent le temps  de rappeller que sous les gravats des industries travaillant dans le concret, il y a des hommes qui ne peuvent  tous se reconvertir dans les emplois immatériels.
Nous ne savons plus voir les prolos.
Et pendant ce temps les fauteurs de tractations financières toutes en algorithmes, illusions et cauchemars virent les travailleurs ici ou là et mènent le monde à l’abîme. 
A cette opposition tangible / abstrait,
peuvent s’entremêler d’autres antagonismes :
libertaires / autoritaires,
bobo / beaufs,
centre ville / péri urbain,
vélo / diesel,
« sachants » contents contant  / « laissés pour compte »,
productifs / intermittents du spectacle…
Quand les identitaires individualistes ont des enfants mondialistes, c’est encore la coupure générationnelle. Seigneurs séniors, nous apprécions en général la stabilité sociale mais nos héritiers ont des rapports plus détachés vis-à-vis du travail sous la contrainte de l’intérim, CDD ou Uber voire volontairement avec années sabbatiques et coolitude entre  deux stress.
Nous avions rêvé de cette liberté conjuguée à une dynamique individuelle et nous angoissons aujourd’hui.
D’ailleurs, pouvons nous être autre chose que spectateurs face aux évolutions qui voient la libéralisation de l’économie et « une réaffirmation d’un cadre national étatique » comme le pose Marcel Gauchet ?
Tiens, ce coup ci je n’ai rien dit de l’école, pas plus que tant de candidats « sauveurs de la patrie » qui préfèrent ne rien voir des femmes interdites dans certains lieux comme Hamon ou  s’essayent à faire un lien entre Pétain et la laïcité pour Peillon le dernier ravi arrivé, ou renier à la  « 6 4 2 » le 49 3 pour Vals qui donne le tournis avec tant de contredanses.
Enfin, si j'aime cultiver encore quelques réflexes primitifs, pour l’instant l'envie de primaire est absente.
……
Le dessin de la semaine ci-dessous est du « Canard », celui du titre de Sean Delonas(EU) repris par « Courrier International ».

3 commentaires:

  1. Je te remercie de ta patience, Guy...
    Je ne suis pas "prolo", et je suis contre les nouvelles constructions... EN BETON sur Saint Egrève, comme tu le sais bien.
    Je suis contre nos constructions "modernes" ,"fonctionnelles", ras les pâquerettes, "économiques", sans imagination, sans beauté où vont s'entasser... même les riches propriétaires, Guy, parce qu'une construction QUE "abstraite" et "fonctionnelle" "efficace" abime pauvres ET riches (cf Bernard Maris, merci Bernard, tu as vu juste, là).
    Je suis contre la laideur universelle. Elle sape mon âme, et j'estime que ce n'est pas égoïste de formuler les choses ainsi. Il devrait... y avoir des moyens de REFORMER RADICALEMENT LA CONSTRUCTION en Occident, et particulièrement en France. Là.. ce serait UNE VRAIE REFORME. Avons-nous encore assez.. d'imagination pour mener à bien une telle réforme ? J'en doute.
    Nous nous enfermons de plus en plus dans des environnements qui appauvrissent les cinq sens de nos corps faits de chair, tout en faisant la promotion du.. nomadisme, et en nous stationnant devant un écran, au dépens de notre... intégration dans le monde naturel. J'appelle ça une grande.. dépendance, souterraine, certes, mais une dépendance quand-même.
    Ce matin, aux infos, j'ai entendu que Donald Trump a fait pression sur General Motors, et Toyota ? pour ne pas installer des usines au Mexique, mais dans le Michigan. Ce bonhomme qui est le bogeyman pour l'intelligentsia français obtiendrait que des multinationales... se plient à un homme/un système politique à l'heure actuelle ? Peut-être n'a t-il pas envie d'être un bon spectateur de la modernité ? A suivre... Alors que "nous" sommes tous en choeur devant nos écrans pour copier l'Amérique, copierons-nous son protectionnisme ? Là, j'ai un doute... Par le passé, nous avons commodément fermé les yeux sur le protectionnisme des U.S., et... à mon avis, on continuera à fermer les yeux. C'est si bon, quand on ne veut pas voir.
    Moi, ça fait longtemps que j'ai perdu le Nord par rapport à mes anciennes loyautés...jusqu'à un certain point, certes.
    Pour les enfants mondialistes, ceux qui s'éloignent sont souvent issus de milieux éduqués, aisés.. Le prix à payer, n'est-ce pas, pour sa richesse ? Il faudra attendre... les 90 ans de Maman/Papa pour voir tous les inconvénients de s'installer à l'autre bout de la planète. On n'y pense pas sur le coup. Je peux le dire. Je l'ai fait... Mea summa culpa.
    (Ce matin sur France Musiques, j'ai écouté Jean-Luc Choplin, directeur du Théâtre du Châtelet en partance, faire une apologie continue pendant plus d'une heure pour "l'ouverture", "le nomadisme", bal bla bla...Tant d'évangélisation pour la mono-idéologie de l'époque est terriblement indigeste, et contribue à exacerber le clivage qui divise le pays de plus en plus.)
    Pour les séniors, j'ai ma petite théorie...
    La génération des baby boomers ne peut simplement plus fermer les yeux sur... la réalité du vieillissement et la mort qui approche, et elle cherche frénétiquement par tous les moyens à grappiller un peu de chaleur en vampirisant la jeune génération...pour jouir par procuration de sa jeunesse.
    C'est triste...mais quand on n'a aucune foi, la fin de la vie pourrait être un vrai calvaire...
    Fin de coup de gueule... merci de ta patience... ce n'est pas trop souvent.

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  2. Oui, tu as raison (et bonne année, par la même occasion!). Personnellement, je m'affirme de gauche aussi, et j'ai le sentiment de savoir parfaitement ce que ça veut dire, même si les chemins sont multiples... En tout cas, gardons-nous de faire assimiler une position de gauche avec un passéisme plein de nostalgie... c'est pour le coup que la coupure générationnelle sera forte et que nous ne serons pas compris. La gauche est avant tout le camp du progrès (croire dans le fait que la condition humaine puisse s'améliorer), des droits de l'homme et du citoyen (donc attachée à la révolution de 89) et de la liberté pour tous (et non pour quelques-uns seulement). Le mythe "prolétarien" a perdu de son aura, avec un marxisme standard démonétisé. La classe ouvrière n'avait pas toujours raison...

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  3. Bonne année 17 à mes fidèles contributeurs.
    Debra : Les habitants des pavillons qui s’insurgent contre la construction d’immeubles ne logent pas toujours dans des maisons à la beauté évidente et j’ai vu une espèce de bunker où s’affichait une hostilité contre des bâtiments parfois moins choquant pour l’œil que des villas des années 60 mal isolées et dévoreuses d’espace.
    Si la beauté se discute, l’intérêt écologique de construire en ville qui peut amoindrir les embouteillages à l’orée de Grenoble, me semble un projet louable qui raccourcirait le temps de voyage entre domicile et travail avec entre autres plus de présence des parents auprès des enfants… Sans compter la coupure qui pourrait s’amoindrir entre centres villes, banlieusards installés et périurbains passant des heures dans les micros particules. De la cohérence et du courage.
    Sur le plan économique, ces immeubles permettraient aux enfants des installés de se loger plus facilement. On peut s’émouvoir à partir de quelques degrés en moins pour mettre enfin à l’abri des milliers de personnes : mais c’est bien de la politique du logement que dépend une politique plus intégrative avec des impératifs tout simplement humains : avoir un toit au dessus de sa tête.
    Alain : Oui l’égalité est la condition de la liberté et de la fraternité. Les fondamentaux. Mais ce discours me semble assez inaudible, car ceux qui pourraient le porter se sont discrédités.

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