samedi 30 avril 2016

Les encombrants. Marie-Sabine Roger.

Le titre donne bien le ton: il s’agit des vieux désignés comme embarrassants, thème vieux comme le monde et exacerbé en ce siècle où les vies s’étirent.
Dans les appréciations concernant la littérature, il est d’usage de souvent apparier légèreté et profondeur, rudesse et tendresse, humour et gravité, mais je ne sais faire autrement avec cette auteure que je viens de découvrir avec délectation en un shoot de sept nouvelles de 95 pages.
La grand-mère qui a tant attendu ses petits enfants :
« C’est qu’on ne va pas rester tu sais… »
La gardienne de nuit d’une maison de retraite :
« Qu’on ne lui dise pas qu’elle fait un beau métier »
Un père âgé:
«  Il perd ses mots, sa mémoire est confuse, son corps se pétrifie »
La centenaire s’appelle Madame Vivieux :
 «  On n’a pas tous les jours cent ans » à chanter.
Le monsieur qui s’est perdu contemple une rose dans un jardin voisin :
«- Vous ne vous souvenez plus de l’endroit où vous habitez ? C’est ça ?
Il a baissé la tête, d’un air contrarié, vaguement boudeur. »
Une femme en attend une autre au café :
«  Et, avec une reconnaissance éperdue dans les yeux, elle sourira à ce preux chevalier qui vient de lui faire l’offrande d’un Lipton Yellow âcre et d’un carré de mauvais chocolat. »
Souvent des surprises éclatent dans ces récits efficaces, envisagés sous des angles variés avec une poésie certaine :
« Certains jours, la maison sans son pas qui résonne, c'est une trahison. Les lieux devraient mourir, eux aussi. Disparaître. Ne pas offrir leur théâtre désert au jeu truqué des souvenirs. Il faudrait effacer les jardins, qu'ils se volatilisent. Les objets, qu'ils partent en fumée, se changent en brouillard. »
Quel délice d’avoir à découvrir d’autres titres de cette écrivaine qui a commencé dans la littérature jeunesse.

2 commentaires:

  1. Bon. Je ne sais pas si je le lirai, poésie ou pas...
    Nous vivons le drame des parents vieillissant très vieux, et voulant rester chez eux.
    Tu sais maintenant que je suis une chieuse, mais... je vois combien TOUTE LA SOCIETE, VIEUX COMPRIS, a des préjugés gros (et laids...) comme les immeubles bétonnés qui surgissent sur la nationale plus près de moi que de toi, mon cher.
    Des idées... toutes faites sur ce que DOIT être la vieillesse (et les vieux), pour le confort de pensée de tous et de toutes, même si.. ce confort se paie très très cher.
    Pour ma part, je me bats pour aider les gens à se tenir debout, le plus longtemps possible, dans une relative dignité, en sachant que.. nous sommes TOUS FRAGILES, TOUS DEPENDANTS, du berceau jusqu'à la tombe, et la litanie périmée, défraichie sur l'autonomie et l'indépendance me tape sur les nerfs.
    Dernier détail, et pas les moindres : des fois, afin... d'aider... les personnes vieillissantes à se tenir debout il est nécessaire de les secouer un peu.
    La vie est faite de ses constants paradoxes : on peut étouffer les gens avec trop... d"amour" et de sollicitude.
    Etonnant qu'avec toute l'intelligence dont nous nous félicitons du matin au soir, nous faisons mine de l'ignorer. Ce n'est pas pour rien qu'on parle... des "gâtés" et des "gâteux".. Y aurait-il quelque chose de.. COMMUN dans le phénomène ??
    Désolée d'avoir un peu haussé le ton...

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  2. Je retrouve ton billet et mon commentaire un peu moins d'un an après...
    Hier et avant hier, je me suis replongé dans "Oedipe à Colone", monument de notre civilisation, plus monument encore que "Oedipe Tyran"...
    Il y est question d'un vieil homme encombrant, fragile, aveugle, sale, repoussant, et de son devenir, ainsi que le devoir d'hospitalité.
    J'oserai dire que la tonalité est différente du recueil que tu encenses, là.
    Mais "Oedipe à Colone" est un monument.
    Je doute que "Les encombrants" soient un monument...
    Bonne année, Guy.

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