samedi 12 septembre 2015

La fin du village. Jean Pierre Le Goff.

Quand l’auteur de « La Barbarie douce » parle de Cadenet dans le Lubéron, c’est d’une nation dont il est question, en tous cas ses riches descriptions peuvent s’appliquer par exemple à l’évolution de mon village, Le Pin, dans le bas Dauphiné, telle que je l’ai perçue de mon enfance à ma vieillesse, bien que l’auteur eut relevé qu’il y aurait pas loin d’ici un terme imprononçable.
Comme il a fustigé le sabir éducation nationale mimant celui de l’entreprise, il se garde d’employer les mots savants de la sociologie, sans entamer la rigueur de son approche.
Depuis les vocables employés dans les documents du Parc du Lubéron, ceux de la crèche « Lou calinous », dans les mots de l’animateur jeunesse, ou ceux du directeur de la maison de retraite, la préciosité de la communication accuse la fracture entre les professionnels-de-la-profession et ceux qu’ils regardent de haut en abusant du terme « citoyens » qui s’est dilué dans tant de sauces.
Son essai de près de 600 pages se lit comme un roman.
L’étude chaleureuse débute au « Bar des boules », témoin des chambardements d’une communauté. Elle remonte l’histoire d’un pays de vanniers et de paysans et interroge la transmission des mémoires.
Le village qui a toujours voté communiste et entretient un solide anticléricalisme depuis les temps où les vaudois réfugiés et persécutés au XVI° siècle s’y sont installés, a connu l’arrivée des soixantehuitards, puis des citadins.
A travers une centaine d’entretiens avec des « cultureux », des enseignants, des pompiers, des chasseurs, des enfants de harkis, des touristes, des riches étrangers, des « déglingués », des prêtres dont celui qui « a fait le don de son foie à l’église », des anciens et des nouveaux, il retrace le basculement d’une civilisation.
«En un quart de siècle, Cadenet est entré tant bien que mal dans un nouveau monde où s’est effacée son ancienne identité. On peut y voir à juste titre un phénomène d’urbanisation et de modernisation qui a libéré les individus des contraintes pesant sur les anciennes communautés d’appartenance, la fin d’un monde clos et « du chauvinisme de clocher ». Pour autant, cette évolution s’est payée d’une dissolution du lien collectif entrainant l’individualisme vers les horizons d’une « postmodernité » problématique ».
Dans ce village devenu « bourg dans une zone périurbaine », les autochtones de plus en plus minoritaires sont nostalgiques. Ce sentiment est nourri de quelques images désormais factices  qui conviennent aux nouveaux arrivants pressés et aux touristes.

1 commentaire:

  1. Des fois même les citadins qui se croient... libres (et je ne m'exclus pas de cette catégorie) se disent que le cauchemar absolu est de déambuler tout en étant touriste/spectateur de sa propre vie...

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