samedi 5 septembre 2015

Et si on aimait la France. Bernard Maris.


Si la disparition, de l’économiste pédagogue, son assassinat, a mis plus de temps à devenir tangible pour moi, que de ne plus voir de dessins nouveaux de Cabu ou de Wolinski, la lecture de ce livre m’a fait mesurer le poids d’une perte de plus.
Non qu’il y ait  tant de fulgurance, de génie dans ces 140 pages inachevées, mais les propos tenus, venus depuis ce côté de la rive gauche revêtent importance et originalité.
Depuis les mots de notre enfance « on est en république ! » ceux de notre adolescence : «  Et la galanterie française ! », nous mesurons ces évidences perdues et s’il cite abondamment Christophe Guilluy observateur de la France périphérique, c’est qu’il va lui aussi à l’encontre de la doxa conforme à gauche. http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/06/la-france-peripherique-christophe.html
« Et la question sociale ? Elle est cachée sous le paillasson du pavillon.
La question sociale celle des inégalités, du pouvoir d’achat, de l’accès aux services publics est reléguée dans le péri urbain… les grandes villes peuvent se concentrer sur la question des voies piétonnes ou cyclables, des espaces verts, et, demain des ruches sur les toits. »
Il rappelle l’histoire :
« on disait que le paysan français avait vaincu l’ouvrier allemand en 14 »
Il souligne la précocité de la régulation des naissances en France qui remonte au 18° siècle :
« le coitus interruptus : un modèle d’équilibre ».
Il a des accents poétiques pour évoquer la géographie de nos prairies bien peignées, et adresse un hommage à son instituteur qui leur faisait la lecture le vendredi sans se soucier de « champ lexical ».
Il sait bien que si l’économie est mondialisée, les mentalités restent nationales.
Mais il se garde bien d’une « vision rhumatismale de la France » pour s’en prendre « aux salauds qui conchient la France de bretelles, de ronds-points, de promotions immobilières, de supermarchés, de zones industrielles, d’immensités pavillonnaires parsemées de rues aux noms d’arbres, filles de tristesse des architectes… »

2 commentaires:

  1. Sigh. Comme tout cela est compliqué...
    Un des derniers livres de Bernard fut un livre avec des accents prophétiques où il regrettait de perdre sa foi... marxiste. On partageait cela, d'avoir perdu... la foi, même si nos deux fois ne furent pas les mêmes (et cela fait une très grande différence à mes yeux.).
    Quelle France devrait-on aimer ? Il y en a (eu...) plusieurs.
    Et c'est quoi, cette phrase, "le paysan français avait vaincu l'ouvrier allemand en 14" ??
    Elle fait rêver, je dois dire...surtout au moment où "on" fait tout pour venir à bout du paysan. Tu comprends tout de même que le paysan est un reliquat de la féodalité ? Qu'il est un insulte... à la République ?...
    J'ai lu un livre très intéressant cet été au Québec : "La héronnière" de Lise Tremblay.
    En montrant l'antagonisme/l'opposition entre... le Nord et le Sud (je pense plutôt aux U.S. ici) ? dans les mentalités québécoises, elle n'excuse personne, tout en dessinant des personnages très humains dans leurs folies parfois meurtrières.
    Les rats des villes et les rats des champs (et les rares ouvriers qui restent ?) n'ont pas la même vie, et pas les mêmes valeurs non plus.
    Et quand les rats des villes viennent s'installer dans le reliquat des villages... québécois (et français...), il y a de l'incompréhension, et de bonnes intentions qui parfois déclenchent des catastrophes humaines.
    C'est encore plus flagrant au Québec.
    La dernière phrase de Bernard que tu cites me semble faire des amalgames.
    Oui, je conchie les zones INDUSTRIELLES. Et je n'ai pas de rhumatismes. (Franchement, je ne me souviens pas de la dernière fois que j'ai vu un homme en bretelles en dehors des photos... )
    Le mot "industrie" attend qu'on lui insuffle un nouveau sens.
    Historiquement, il fut associé avec le travail manuel, l'intelligence débrouillarde, et souvent, le travail des femmes... à la maison. On en est loin, là.
    Si on veut être "moderne", ça pourrait être cela, la priorité...
    Oui à l'idée de Bernard d'aimer la France.
    Pourquoi pas celle qui a produit les hommes qui ont défriché l'Amérique, partant à l'aventure, apprenant les langues amerindiennes, sillonnant un vaste continent inexploré, pour revenir après... au bercail dans ce si doux pays paradisiaque où on pourrait rester... pendant toute une vie, en trouvant déjà une immense variété de terroirs, et de terres sur place.
    Derrière le problème de "national", de "mondial", il y a celui de ce que nous avons/faisons EN COMMUN. De la forme que cela prend.
    300,000 personnes sous la Tour Eiffel pour le 14 juillet, dans un spectacle/show retransmis à la télé et à la radio pour ceux qui n'étaient pas sur place ?
    C'est cela que nous avons... en commun ?
    C'est drôle, mais il me semble que la République est particulièrement friande des manifestations de masse. Je me trompe ? Peut-être...

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  2. Merci une fois de plus de tes commentaires rafraîchissants.
    Je prends note de "La héronnière" d'une Tremblay de plus.

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