jeudi 4 juin 2015

Fragonard. G. Croué.

Le conférencier avait ouvert la saison devant les amis du musée avec Matisse :
Cette fois il a consacré son talent à nous faire partager son gai savoir autour de Fragonard et en particulier un de ses tableaux le plus célèbre : « Le verrou » qui dit l’époque et son auteur.
« Fragonard, c'est le conteur libre, l'amoroso galant, païen, badin, de malice gauloise, de génie presque italien, d'esprit français ; l'homme des mythologies plafonnantes et des déshabillés fripons, des ciels rosés par la chair des déesses et des alcôves éclairées d'une nudité de femme! » Edmond et Jules de Goncourt.
Jean Honoré Fragonard est né à Grasse en 1732, qu’il quitte à l’âge de six ans, et s’il revient chez son cousin pendant les années agitées de la révolution, il a vécu essentiellement à Paris où il meurt en 1806 … après avoir mangé une glace.
Sa ville natale lui rend grâce dans un agréable musée :
Ses maîtres furent Chardin, Boucher, Van Lo et Natoire.
Il ne poursuivra pas dans le style  du tableau qui lui permit d’obtenir le grand prix de l'Académie royale de Peinture « Jéroboam sacrifiant aux idoles » à la main desséchée.
Il ne sera pas non plus peintre dans le cercle royal malgré « La surprise »  mettant en scène un jeune homme, Louis XV a alors 60 ans, franchissant la balustrade pour rencontrer la Du Barry qui n’a que 27 ans. 
Il ne suivra pas le chemin tout tracé, et ses plaisantes « baigneuses » ne font pas appel à la mythologie. Diane peut se rhabiller. Il peint pour le plaisir, sans commande à priori, multiplie les acheteurs, fait visiter son atelier, il invente le marché de l’art moderne. Les formats changent avec des appartements qui se transforment. Sous Louis XV, la classe plus aisée gagne en intimité.
Dans « Les Débuts du modèle » la cheville et le mollet découverts prennent le pas sur la poitrine dénudée.
« La gimblette » était un petit gâteau vénitien proposé à un petit chien, de nombreuses gravures reproduisant la charmante scène feront beaucoup pour sa popularité.
Le portrait virtuose de son ami « l’abbé de  Saint-Non » (La Bretèche) qui l’a suivi dans un voyage en Italie, est brossé en une heure.
Explosif, comme « Les pétards » qui claquent dans le dortoir des filles, où s’invitent par ailleurs des « Puces »,  quand ce n’est pas « Ma chemise qui brûle » où l’on se demande « Qu’en dit l’abbé, de la leçon de danse? » Il illustre en des esquisses vigoureuses teintées d’eau de suie, les contes érotiques de La Fontaine.
« Le verrou » a été commandé par  le marquis de Véri comme pendant de « L'Adoration des bergers ».
Ainsi l’amour céleste et l’amour terrestre en diptyque de même format et de couleurs proches, se rencontrent comme dans le tableau du Titien « L'Amour Sacré et l'Amour Profane » où un chérubin mélange dans l’eau passion temporelle et vénération divine. Sur le bassin sont sculptés un cheval et une scène de flagellation : l’amour bestial. La femme habillée, qui a besoin d’artifices symbolise l’être charnel, alors que la représentation du sacré est à l’état de nature, nue. L’une vient de la cité, l’autre tient une coupe d’encens qui s’élève au ciel sur fond de troupeau et d’église, les lapins en couple sont du côté séculier.
« Il en est des baisers comme des confidences : ils s'attirent, ils s'accélèrent, ils s'échauffent les uns les autres. En effet le premier ne fut pas plutôt donné qu'un second le suivit ; puis un autre : ils se pressaient, ils entrecoupaient la conversation, ils la remplaçaient ; à peine enfin laissaient-ils aux soupirs la liberté de s'échapper. Le silence survint, on l'entendit (car on entend quelquefois le silence) : il effraya. » La citation est de Vivant Denon dont une aile du Louvre porte le nom.
Dans la scène galante, à la célébrité incontestable, dont l’authenticité fut pourtant discutée, que Giscard D’Estaing acheta pour le Louvre, la lumière est braquée sur le verrou dont la tige coulissante annonce d’autres ouvertures.
« La scène se passe auprès d'un lit, dont le désordre indique le reste du sujet ».
Dans «  ce groupe enlacé d'ardeur et de faiblesse », la femme chavire, l’homme est tendu ; les tissus déferlent autour du lit, autel, théâtre, occupant les 2/3 de l’espace, le fauteuil est renversé, la pomme en évidence, les roses à terre. Les oreillers sont comme des seins confortables et dans les plis des tentures rouges peut se deviner l’origine du monde. Un premier assaut a déjà eu lieu, le jeune homme en caleçon est modestement vêtu, son ainée est  richement vêtue de soie.
 « Non, elle n’aura pas les plaisirs du vice et les honneurs de la vertu. Ce n’est pas assez pour moi de la posséder, je veux qu’elle se livre. Or, il faut pour cela non seulement pénétrer jusqu’à elle, mais y arriver de son aveu »  Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos.

1 commentaire:

  1. Ah.... la jouissance du parallèlisme est sans pareil...
    Des fois on se mettrait à croire qu'elle dépasse les jouissances charnelles...

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