jeudi 2 avril 2015

Erró au MAC Lyon

Jusqu'à fin février 2015 le Musée d'Art Contemporain présentait les travaux d’Erró, né il y a 82 ans  Guðmundur Guðmundsson en Islande et travaillant en France depuis 1958.
Sous l’appellation « figuration narrative », ses collages, sculptures, et toiles monumentales occupent trois étages.
Il a connu Breton, Miró et Duchamp et passé par les expériences expressionnistes, surréalistes, pop, mais sa spécificité est de brasser les genres.
Ses images sucrées aux couleurs flashies très années 70 annoncent dans leur profusion le déluge présent des clips et clichés sur nos écrans hégémoniques. Là où clignotent  les pubs filant à la vitesse de la lumière vers l’oubli, où photoshop fait fondre toute  les graisses de la réalité.  Dans ce Royaume hygiénique aux grimaces exacerbées, on n’entend pas les cris. Les filtres ont retenu tous les parfums, les sentiments restent dehors.
Sous des contours en ligne claire, celui dont le premier nom d’artiste était Ferro ( « la tranquillité qui part »), rend hommage aux maîtres : Görtz, Van Gogh, Picasso… représente  aussi bien les dieux grecs que des personnages  de Walt Disney, Hitler, Saddam Hussein, Mao Tsé-toung. 
J’étais avec ma petite fille de bientôt quatre ans et cette génération était la plus présente ce matin là.
Je me suis appliqué à lui répéter : « ce ne sont que des images » quand je craignais  qu’elle ne s’effraie surtout devant des œuvres de jeunesse  aux carcasses cauchemardesques en sarabandes.
Mais je crois que cette précaution était inutile, car ce ne sont justement que des images refroidies. La profusion y noie le poison, la conviction militante se perd dans la graphie.
Ce que j’ai gagné en bonne conscience de grand père qui n’a pas perturbé de rêves de princesse, je l’ai perdu en émotions de coureur de musées. 
Nous avons goûté des références, reconnu Tintin et Astérix et quelques loups rigolos, des pirates gentiment affreux, dans une fusion des formes et des couleurs vives qui font le succès des livres jeux « Où est Charlie ? » et son petit garçon au bonnet rouge à retrouver dans les foules.
« En Islande, quand j'étais gosse, des bateaux faisaient naufrage à chaque tempête. On sauvait les marins et ensuite on s'occupait de la cargaison à récupérer. Il y avait des tonnes de marchandises éparpillées sur des kilomètres de plage de sable noir volcanique. J'avais douze ans. Avant l'arrivée des autorités, on enterrait les marchandises dans le sable. Plus tard, on ressortait tout, on tirait au sort pour se partager les "trésors" - de la nourriture et de l'alcool surtout - et on faisait du troc. »
C’est bien cela qui est mis en scène : il remet au jour les images pour chacun, de quatre à quatre-vingts ans, les rehaussant de couleurs, les agrandissant, les multipliant : le monde en icônes semble déconner moins. 
 

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