dimanche 30 novembre 2014

Miossec à la Vence Scène.

Une dame en sortant de la soirée qui s’était prolongée, trouvait que les textes du breton étaient un peu tourmentés ; visiblement elle venait de le découvrir.
Et encore, il s’est assagi :  
« J'ai déserté les champs de bataille
Les nuits que je connaissais trop bien
Je ne fais plus dans la canaille
Je suis plutôt devenu du matin »
Le côté sympathique des salles de proximité comme celle de La Vence scène à Saint Egrève, c’est que le public n’est pas gagné d’avance comme au Summum où ne vont que les admirateurs. Ce qui est perdu en ferveur se gagne en fraîcheur : et il est toujours intéressant d’être le témoin de découvertes.
Sous son chapeau, je l’ai trouvé plus âpre que dans son dernier CD « Ici bas, ici même ».  http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/06/ici-bas-ici-meme-miossec.html et je le préfère plus politique aussi après avoir répondu à Télérama :
« - Qu’est ce qui vous fait peur ?
- Marine »
Les musiques balancées par cinq musiciens bien présents contrarient la tonalité  pas franchement optimiste.
« Je t'écris ces quelques mots
Mais faut pas que tu t'inquiètes
Il n'y en aura pas trop
C'est pour te dire que je regrette »
Lui qui est servi par le doux Albin de La Simone, vient d’écrire pour le dadoo Johnjohn national. 
Les textes sont charpentés, les mots bien taillés, la poésie aigrelette :
« Seul ce que j'ai perdu, m'appartient à jamais,
on n’efface pas ce qu'on a adoré,
l'image reste toujours collée au mur,
même si le mur s'est effondré,
le lien gardera à jamais nos murmures, »
Quelques titres donnent la tonalité : « Les morts », « Bête comme j’étais avant », « les plaisirs » côtoient « les poisons »
 « Nous sommes des touristes
Nous n'allons pas nous attarder
Nous sommes là pour la visite
Même si elle n'est pas guidée
On a en poche la liste
De tout ce qu'il faut avoir essayé
Va t'on prendre des risques
Sur quel pied va t'on danser »
Il finit sur « Brest » qui est pour son public, ce que furent « les corons » à Bachelet
« Est-ce que désormais tu me détestes
D'avoir pu un jour quitter Brest
La rade, le port, ce qu'il en reste
Le vent dans l'avenue Jean Jaurès
Je sais bien qu'on y était presque
On avait fini notre jeunesse
On aurait pu en dévorer les restes
Même au beau milieu d'une averse »

samedi 29 novembre 2014

XXI. Automne 2014.

Trois articles ont beau être regroupés sous le titre : «  Les nouveaux mondes », le mérite de la revue trimestrielle « beaucoup copiée mais jamais égalée », est de proposer un regard renouvelé sur tous les mondes.
A Lagos, se bâtit sur le sable une extension spectaculaire de la cinquième ville de la planète, alors que dans la jungle équatorienne, les « gens du chemin » fuient devant l’avancée des hommes du pétrole et que les fastfood ont remplacé les vendeurs de vermicelle dans les rues d’Hanoï.
Le récit photo porte sur un village d’Arménie où les maris partis en Russie ont laissé les femmes seules.
Emmanuel Carrère décrit  un homme qui joue ses choix de vie aux dés.
Parmi les 210 pages qui n’oublient pas de décrire des personnalités remarquables pas assez remarquées, cette façon d’aborder le hasard nous donne aussi à réfléchir à notre chance d’être né du bon côté de la frontière.
Le récit d’une sortie en vélo de collégiens de Pantin en Normandie met en lumière la très grande difficulté de réduire les difficultés de ces jeunes et la bonne volonté des profs engagés dans ce projet.
Un couple chinois qui a travaillé pendant dix ans en France se résigne à revenir dans leur pays qui a tellement changé.
Un ancien garde du corps d’Arafat essaye de défendre l’idée d’un état palestinien en gravant des tampons à l’emblème d’un oiseau noir aux ailes bleues « que l’on ne trouve que sur sa terre orpheline ».
L’entretien avec Malek Chebel qui prône un islam des lumières permet de faire connaissance avec des positions qui disparaissent trop vite derrière la rage et la fureur omniprésentes.
La bande dessinée décrit le milieu des combats de coqs dans l’île de La Réunion, « Bataye Kok ». L’un des éleveurs à la vie très modeste là haut dans son village de « l’ilet à cordes » appelé ainsi depuis que des esclaves y accédèrent par des cordes pour laisser de moins de traces possibles à leurs poursuivants, reconnait:
«  le matin ti l’air frais, ti oiseaux i chante, ti kok i chante, pour nous c’est ça notre meilleure vie… être dans carré d’béton, dans zimmeubles, comme dans les bas, enfermés…gagnerait pas vivre koma nous

vendredi 28 novembre 2014

Vivre une société plurielle.

Le titre de la rencontre organisée par La villa Gillet à la MC2  précisait « politique, minorités et diversité religieuse »
A éprouver sans cesse le manque de recul dans lequel nous entraine le flux médiatique, ces débats sont une aubaine, même si  en même temps, ils semblent en apesanteur par rapport aux fracas du monde.
Repli, rejet, radicalisation, raidissement, retour au religieux sont dans l’air de la saison.
Le multiculturalisme est questionné, vivement, quand par exemple, à la suite de Merkel, le leader de la CSU déclarait : « Nous, chrétiens-démocrates et chrétiens-sociaux, nous défendons la culture dominante allemande et sommes contre le Multikulti. Le Multikulti est mort »
Lors de cette rencontre, une fois de plus est vérifiée la différence entre des universitaires et une politique pourtant historienne qui a adopté les mauvaises manières de sa caste : écoute flottante, baratineuse, bavardant avec sa voisine pendant qu’une autre personne s’exprime à la tribune. Esther Benbassa, sénatrice verte, apporte cependant des éléments intéressants.
Lors d’un débat au palais du Luxembourg, la préconisation de la création de carrés musulmans dans les cimetières et à la réorganisation de l’enseignement laïc du fait religieux ont suscité les plus vives oppositions.
Elle en appelle par ailleurs à l’ « inclusion », terme préféré à intégration ou assimilation, « sans exiger à priori l'effacement pur et simple des différences et spécificités ».
La description  par Karen Barkey, de l’évolution de l’empire Ottoman est utile : la tolérance y fut pratiquée, s’épuisa puis fut abandonnée au moment où l’empire des Habsbourg connaissait un mouvement inverse. Les juifs et les chrétiens, peuples du Livre, y étaient plus protégés, moyennant impôts, que les chiites et les soufis. L’histoire de la plus grande démocratie du monde, l’Inde, par  Sudipta Kaviraj, nous déleste de nos Zémour.
Et revenir, avec Nadia Urbinati, à l’époque du passage de la seule autorité du roi à celle du peuple souverain, peut réassurer. Cette révolution là appelait forcément le pluralisme.
Les citoyens représentent une nation, mais il y a tellement de façons d’être français.
En comptant les votes plutôt que les têtes coupées, nous acceptons la diversité, notre finitude,  nous reconnaissons nos erreurs.
Parmi les questions posées : « Qu’est-ce que la tolérance ? Désigne-t-elle le respect de l’altérité, l’absence de persécution des minorités ou bien la revendication des richesses qu’offre une société plurielle ? Est-ce aux institutions politiques qu’il revient de l'organiser, ou bien cette question relève-t-elle plutôt des pratiques individuelles ? »
En réponse, j’ai aperçu un  mot nouveau pour moi : « tolération » datant pourtant du XVI° siècle, alors que j’avais cru à un anglicisme d’une des intervenantes. Ce terme donne le droit d’essayer d’aller au-delà d’une attitude qui demande aux autres de rester où ils sont, en cherchant à convaincre, sous le parapluie de la loi qui permet de jouer.
Les questions de la salle apportent des contrepoints utiles : les minorités ne sont pas toujours des victimes. L’intolérance se développe quand la condescendance crée la distance. Au sein de certains groupes, la pression exercée sur ses membres peut être forte, ainsi l’autoségrégation peut advenir.
 Alors le meneur de jeu  Marc Semo, de Libé, rappelle la formule de Lacordaire : « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime, et la loi qui affranchit ». Les fondamentaux.
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Dans "Le courrier international":

jeudi 27 novembre 2014

Rembrandt : entre mythe et réalité. Serge Legat.

Un cycle des conférences présentées par Serge Legat aux amis du musée de Grenoble  vient d’être consacré à « l’âge d’or hollandais », le XVII°, pendant lequel Rembrandt Harmenszoon van Rijn a tant fait scintiller « l’or des ténèbres ».
Le natif de Leyde, ville universitaire et bastion de l’église réformée, ne s’est pas cantonné à une spécialité. Ses effets de matières se sont exercés dans des portraits, scènes bibliques ou populaires, natures mortes en situation, paysages.
Si au XIX° siècle s’est forgée la légende d’un artiste génial, mais maudit, voué à la pauvreté et à la solitude, le conférencier s’est appliqué à nuancer ce trop romantique tableau.
Le père de celui qui fut le 8° d’une fratrie de 10 exerçait la profession de meunier, et connaissait une certaine aisance.
Après un apprentissage auprès de peintres qui avaient fait leur voyage en Italie, dès le début de sa carrière, il eut à son tour des élèves payants auxquels il enseigna tellement bien son style qu’en 1915, 740 tableaux lui étaient attribués. En 1990 il n’en restait  plus que 240. Des contestations s’ensuivirent. 
Il a beaucoup sollicité son entourage pour ses portraits, mais des doutes demeurent pour savoir si  celui  d’une « vieille femme », admirable, représente effectivement sa mère dont le regard méditatif exprime l’âme, puissamment, en toute sobriété.
Quand la profusion des rides éloigne tout lifting, le grand âge peut être magnifique.
L’homme des autoportraits trouve sa voie en 1629, avec des teints de terre et des lumières contrastées venues des caravagesques d’Utrecht.
Dans « Suzanne au bain », « une déflagration de blanc » vient souligner sa franchise : la main d’un des vieillards prend d’emblée possession de la belle. 
Le personnage de « Jérémie pleurant sur la destruction de Jérusalem », effondré entre la représentation abstraite de la ville en flammes et quelques objets peints minutieusement, exprime le destin dramatique du peuple juif dans son entier.
Si ses dessins sont indépendants de sa peinture, sa technique d’aquafortiste apprise auprès  de Jan Lievens, un de ses collègues, marque aussi son originalité : il retravaille ses traits, n’immerge pas ses plaques et fait couler l’acide sur le cuivre. http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/04/les-dessins-nordiques-du-musee-de_10.html
Ses eaux fortes sont vives et vibrantes.
Les tableaux devenus célèbres se bousculent :
 « Le philosophe en méditation » devant ses instruments de la connaissance, se trouve près de la fenêtre ; de l’autre côté de l’escalier central, une femme dans l’obscurité allume un feu.
« La leçon d’anatomie » respecte les lois du portrait collectif, individualisable et hiérarchisé. Trop en rapport avec une réalité inacceptable, il va à l’inverse du bon goût français contemporain http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/01/lexaltation-du-corps-au-temps-du.html
« La Compagnie de Frans Banning Cocq et Willem van Ruytenburch » à la tête d’une milice civile d’arquebusiers ne devrait pas s’appeler « la Ronde de nuit » car la scène est diurne mais le bitume de Judée employé pour sa réalisation s’est assombri avec le temps. Le tableau le plus populaire du nouveau Rijksmuseum vendu 16 000 Florins à l’époque (salaire annuel d’un ouvrier 250 Florins) a connu aussi une réduction de son format passant de 5 m à 4,38m sur sa longueur et de 3,87 m à 3,59 m en  largeur.
Assez mauvais gestionnaire de sa fortune, il avait portant épousé la riche orpheline Saskia, avec laquelle il se représente joyeusement, lui en « fils prodigue », elle en servante sur ses genoux. Elle meurt après avoir accouché de Titus, leur seul enfant qui ait atteint l’âge adulte.
Sa dernière jeune concubine Hendriddrickje Stoffels  avec laquelle il aura une fille, disparait également avant lui. Celle-ci avait été représentée en « Bethsabée au bain » une lettre à la main annonçant peut être la mort de son mari éloigné par David qui était tombé amoureux d’elle. Et c’est peut être Titus qui dans « la fiancée juive » appuie amoureusement sa main sur le ventre de la promise.
Rembrandt persiste dans la manière sombre avec ses « Pélerins d’Emmaüs », ignorant la mode qui a évolué vers des jeux de valeurs plus raffinés, des touches plus lisses.
Son Christ dans « La descente de croix », pauvre chose, est mort en homme et non en Apollon. La condition humaine est misérable mais digne. Dans « Le reniement de Saint Pierre » travaillé en pleine pâte, la gestuelle est essentielle, la servante tient la chandelle.
A côté de son « bœuf écorché », morceau de peinture pure, apparait le visage d’une jeune femme : la fin est inéluctable bien que tout puissant fut l’animal. Soutine et Bacon ont vu la bête.
Van Gogh écrit:
« Les portraits peints par Rembrandt… c’est plus que la nature, ça tient de la révélation. »
Cette dimension personnelle apportée à la quête d’une peinture allant à l’essentiel, au-delà de la représentation, a traversé les siècles.
« Un tableau est terminé lorsque le peintre a réalisé son intention » disait-il.

mercredi 26 novembre 2014

Iran 2014 # J8 au matin. Ispahan.

Nous revenons place de l’Iman Shah Abbas de jour, vide du monde d’hier soir et encore ensommeillée. 
Nous commençons par visiter la mosquée de l’Imam, c’est un festival de bleu de toutes nuances au dehors comme au-dedans. Curieusement la porte d’entrée en bois doublée d’une deuxième porte en métal, donne sur la place dont elle forme un des côtés, mais se trouve désaxée par rapport à la direction de la Mecque. Nous passons le porche et contournons un énorme « bénitier » de pierre.
La cour est encombrée d’échafaudages chargés de supporter des toiles tendues afin de protéger les fidèles du soleil lors des prières. Les carrelages intègrent le jaune au bleu couleur royale. Les voûtes nécessitent d’utiliser la mosaïque pour épouser les formes arquées. 
Dans la salle de prière (chabestan) est signalé au sol avec des dalles noires, le lieu précis où se placer pour avoir de l’écho qui dit-on reproduit les sons sept fois. Un religieux en civil, chante des textes coraniques avec au début comme à la fin le très compréhensible « Allah Akbar ». Ce chant poignant  exprime le même recueillement que le grégorien, avec plus d'ornements.
Outre la magnifique salle de prières nous visitons les deux iwans ou eivan (salle voûtée ouverte d’un seul côté)  et deux madrasas  symétriques possédant un petit jardin comparable à deux cloitres. Un cadran solaire constitué d’une marche biseautée d’un côté indique midi lorsque le soleil la recouvre entièrement. A gauche de l’entrée à l’endroit  qui servait avant aux ablutions, le décor sans carreaux est tout à fait différent, mais magnifique. Face à l’entrée, l’iwan nord protégé par des vitres est accessible côté cour à la condition de se déchausser pour fouler le carrelage turquoise.
Cette mosquée possède quatre minarets, surmontés par un fin  balcon en moucharabieh. L’ensemble est vraiment impressionnant, un peu caché par la disposition de toiles qui coupent la vision. Nous remarquons, dominant la salle, une cage vitrée destinée à la protection de mollahs importants. La coupole en restauration est splendide.
A la sortie de cette mosquée de l’Imam, nous entrons dans celle de Cheikh Lotfollah  construite juste avant, au début du XVII° siècle. Elle n’a pas de minaret « puisque seule la famille royale y avait accès ». On y entre par quelques marches en contrebas, c’est inhabituel ; là aussi l’entrée est désaxée et il n’y a pas de cour intérieure. Un couloir coudé en carreaux nous mène à la salle de prière circulaire sous un dôme dont la décoration évoque une queue de paon. 
Des versets du Coran sont écrits d’un bleu profond, en écriture coufique la plus ancienne forme calligraphique de  l’arabe toute en … arabesques. Haleh nous raconte que la mosquée avait été construite pour la femme du Shah safavide mais je ne trouve aucune info sur le guide Olizane concernant cela. Nous devons libérer les lieux pour la prière de midi et nous ressortons sur la place si vaste qu’on y pratiquait le polo.
D’après les notes de voyage de Michèle Chassigneux.

mardi 25 novembre 2014

Play back. Ted Benoît François Ayroles

D’après Raymond Chandler, créateur de l’inspecteur Marlowe incarné par Bogard, mais  dont ce scénario là ne fut jamais porté à l'écran. Il est adapté par celui qui a poursuivi les aventures de Blake et Mortimer et dessiné par Ayroles qui joue bien des ombres et des lumières pour un genre qui s’imagine surtout en noir et blanc.
Il s’agit dit-on de polar « hard boiled »: dur à cuire.
Les destins sont noirs sur fond d’hôtel de luxe. Les dialogues sont au couteau et quelques réglements au révolver, les problèmes se résolvent dans les eaux sombres derrière un cruiser Walkyrie. Les passés sont lourds, les innocences difficiles à prouver, les personnages flegmatiques, le destin implacable. Les visages aux joues noircies disparaissent dans leurs ombres,  reste une trajectoire efficace mais froide . 

lundi 24 novembre 2014

L’Oranais. Lyes Salem.

Ce film ambitieux échappe au manichéisme, bien qu’il soit question de la lutte exaltante pour l’indépendance de l’Algérie et des années dégrisées qui s’en suivirent. Il y a certes des lourdeurs, des raccourcis, mais certaines scènes sont très réussies, le scénario bien mené est servi par de bons acteurs.
Le débat lors d’un pique-nique sur l’identité algérienne, arabe, musulmane, africaine,  méditerranéen ou kabyle est excellent, entre rires et sérieux, conclu par celui qui n’a pas participé à la discussion : « voilà un méchoui  bien de chez nous ! »
Le réalisateur à moitié français et algérien aborde avec courage les désillusions post coloniales côté « Ya Mustapha », et fournit à la France, « Chéri je t’aime, chéri je t’adore », un document intéressant pour cette période de guerre, guère traitée.
Les mensonges privés croisent ceux de la société.
Question désillusions, pour ma génération qui ne connut ni les armes ni la torture, mais qui se tourna quelques films, nous pouvons comprendre, étant montés dans les mêmes bateaux, trinquant au soleil, jeunes et beaux.
Si les regards intenses se remarquent dans ce film : « quand on se regardera dans les yeux, on n’aura qu’à faire silence », pas une conversation sans un verre à la main : whisky, champ’, bière, cognac. Mais ce genre est bien ma tasse de thé et rappelle le cinéma italien comme le dit Télérama, voire russe quant à la boisson.

dimanche 23 novembre 2014

Inventaires. Philippe Minyana. Le Théâtre de la Nacelle.

A la maison De Launay à Bourgoin-Jallieu dans le cadre d’un travail concernant l’art contemporain et la mémoire, Gilbert Pot mettait en scène trois femmes racontant leurs vies à partir d’une cuvette, d’un lampadaire, d’une robe.
Barbara, Angèle et Jacqueline alternent leurs récits sous leurs portraits de jeunesse en adoptant la forme que pourrait prendre un jeu télévisé ou radiophonique où il n’y aurait rien à gagner, sinon le plaisir de raconter.
Une de mes copines jouait dans la pièce alors ça joue sur mon appréciation, mais ce théâtre amateur enjoué en vaut bien d’autres, la sincérité en plus.
Passé le moment où chacune d’elle a fait part de ses problèmes de trac ou de sourcils, ces vies juxtaposées sont des récits de solitudes où l’objet prétexte à paroles n’est plus forcément central. Mais les hommes guère plus, même au bout de sept enfants, ils arrivent et repartent en tant que « jules » en route vers d’autres « poules ». 
Ce n’est pas grave, elles passent de la rudesse à la légèreté comme qui rigole, indestructibles.
L’auteur a beau se réclamer de Boltanski, le plasticien aux vêtements  en tas qui évoquent puissamment la shoah, ici se retient la fantaisie.
Certes leurs vies ont été tourmentées, mais la fraîcheur de ces filles demeure malgré leurs rides d’expression.
Les photographies qui illustrent ce texte ont été prises dans une exposition de Chema Madoz  aux rencontres photographiques d'Arles

samedi 22 novembre 2014

Schnock n° 11 et 12. Bardot. Desproges.

Cet article sera consacré à deux numéros de 176 pages (14, 5€) « pour les vieux de 27 à 87 ans » :
Snock de l’été et Snock de l’automne,
celui de « coquillages et crustacés »
et celui  du « misanthrope éminemment social » d’après Philippe Meyer.  
- BB pour qui « le plus beau jour de sa vie était une nuit »  apparait dans toute sa complexité à travers un kaléidoscope de citations : depuis madame de Staël «  la gloire est le deuil éclatant du bonheur » à « Quel cornichon ce lapin ! » dans « Et dieu créa la femme».
Son  couturier attitré témoigne, son parolier, ses amants à la queue leu leu (7 pages), ses rivales : « les nouvelles Bardot » toujours renouvelées. Le dossier est traité dans un style original, enlevé habituel au trimestriel. Le recul sur ces années ensoleillées a de quoi se nourrir avec Béart, les Frères ennemis, les garçons de playboys : ces écrivains qui « glissent leurs textes entre les photos de mannequins dénudées et les publicités de Gauloises blondes » : Berroyer, D’Ormesson, Frank, Roberts, Neuhoff, Ardisson…
Le dossier sur le catch était indispensable pour évoquer ces années ORTF et le récit d’un voyage avec Michel Simon n’est pas triste. La nostalgie en arriverait à vous faire fondre à l’évocation du « Big bisou » de Carlos.
Dans ce numéro le top dix des trucs qu’on oublie tout le temps d’acheter, succède dans le suivant le top 15 des cantines : glace vanille-fraise avec sa cuillère en plastique…
 - Bien au-delà du rappel de la carrière de Desproges, le décorticage de son humour « occurrence, flatulence & élégance » donne à réfléchir en s’amusant:
« Je me suis surpris à m’essouffler bruyamment dans certains escaliers trop raides ou dans certaines femmes trop molles ».
« Les pétasses bitophobes » ont du apprécier ainsi que « les cloportes suintant d’ingratitude aveugle et d’ignorance crasse ».
Il n’y a pas que les personnages des « variétés » qui sont évoqués : René Dumont, candidat écologiste en 74, venu de l’agronomie productiviste force le respect, 40 ans après, pour ses visions prophétiques.
Numa Sadoul dont le nom est lié à la bande dessinée a aussi sa part comme Daisy de Galard créatrice de Dim comme dimanche, Dam comme dame et Dom comme d’homme ou Jean Bertin, le père de l’aérotrain dont le projet fut sacrifié. 
Je ne connais pas suffisamment le groupe  Super Tramp pour apprécier les pages qui leur sont consacrées et encore moins Rotomagus. La rencontre de Gotlib avec les Monty Python promettait trop pour ne pas décevoir.
Mais "s’il n’avait pas de gris comment verrait-on le noir ou le blanc" ?

vendredi 21 novembre 2014

Gratuité.

" Pour encourager à la lecture, certaines écoles du Texas donnent 2 dollars à chaque élève qui lit un livre jusqu’à la dernière page "
Libération présentant le dernier livre de Michaël J. Sandel 
« Ce que l’argent ne saurait acheter »
Où en est-on rendu ? Quand on parcourt les listes des meilleures ventes de livres, on pourrait se réjouir parfois que la lecture (en Valérie T.) devienne une activité en voie de raréfaction, mais c’est pour essayer de sourire avant que d’être atterré. Le remède sonnant, pire que le mal, fait trébucher une dernière fois le livre censé ouvrir sur le silence, la lenteur, la découverte, l’intériorité, la subtilité. La gratuité.
Quant à l’écriture, je continue d’être frappé par la maigreur des expressions personnelles qui s’échangent sur la toile, d’ailleurs j’aurai mieux fait d’ interrompre mes tapotages devant écran pour aller à la rencontre d’une livre nouveau comme il s’en vend à la librairie Arthaud pour qui j’ai signé la pétition sans lui apporter un Euro, les réservant au Square où j’ai mes habitudes.  
Comme il fallait une sucette pour accompagner la prestation télévisée de notre président, à chaque collégien à partir de la classe de cinquième est promise une tablette. Le livre y perdra encore quelques plumes. Et je ne pense pas que la concentration nécessaire à la réflexion et à l’infusion des connaissances progresseront.
Des sous pour les ordis, et les profs passent dessous.
« L’élève se trouve affecté d’un sentiment de toute-puissance qui l’encourage prioritairement à réagir plutôt qu’à intégrer la pleine portée des propos exposés durant un cours. »
Eric Sadin dans Libération
Par ailleurs une qui n’aura pas le prix (de Flore), Fleur Pellerin, joue la comédie de la sincérité en disant ne plus lire de livres depuis deux ans, elle est ministre de la culture.
Taisez vous ! Vous savez  si bien vous taire pendant des jours après qu’un jeune ait perdu la vie, dans la boue, un samedi soir pour être venu défendre une renoncule.
Alors que Jouyet en simplet aurait pu nous divertir, l’incompétence s’ajoute à l’indignité quand le ministre de l’intérieur ignore que la gendarmerie pouvait utiliser des grenades.
Et pauvres cognes à défendre un grillage alors qu’il y avait ce soir là, « jour de foot » sur Canal !
La marchandisation traverse le monde, elle atteint le sommet de l’horreur avec  DAECH qui a fixé le prix des femmes :
« Une chrétienne 50 €, pour celles de 40 à 50 ans : 33 € … Toute personne qui ne respecte pas le barème fixé par l’état islamique sera condamné à mort » Courrier international

«  Où Dieu trouve-t-il tout ce noir qu’il met
Dans les cœurs brisés et les nuits tombées » V. Hugo
……………..
Dans « Le Canard » de cette semaine :

jeudi 20 novembre 2014

Claude Viallat et confrères à Montpellier.

Comme moyen mnémotechnique pour préciser qui j’allais voir au bout de 3h de route, je me rechantais le chant du départ :
« De Bara, de Viala le sort nous fait envie ;
Ils sont morts, mais ils ont vaincu.
Le lâche accablé d'ans n'a point connu la vie »
Nous sommes si loin de ces enfants de la révolution française qui moururent à 13 ans, sous les coups vendéens : « Je meurs, mais c'est pour la Liberté ! ».
Le Viallat d’aujourd’hui avec deux « l », était exposé au musée Fabre de Montpellier.
Un des pères du groupe « Support et surfaces » répète ses formes dans un bel espace Du musée Fabre magnifiant ses recherches qui ont la taille d’un petit chapiteau de cirque ou d’une housse de bateau, de parasols, de stores de magasins, de filets, de sacs, de bâches, de tissus  à paillettes… 
Sa palette sombre des débuts  va s’éclairer en s’appliquant sur d’autres toiles, dont certaines rendront hommage à Matisse. Son signe particulier a l’aspect d’un haricot, d’un osselet, réitéré comme avec un tampon. Au départ il s’agit d’une éponge de hasard trempée d’abord dans la peinture noire puis dans la javel, dont l’empreinte en positif et en négatif dans des combinaisons de couleurs, avec l’accumulation, va s’imprimer sur notre rétine.
Cette recherche  contemporaine  pour aller vers d’autres espaces, voisine avec une célébration de la tauromachie, certes sur des couvercles de bidons, des planchettes, des cartons, mais très figurative, populaire, vibrante.
Ce travail  s’il met en évidence les couleurs nous fait apprécier les matériaux, et plus tard au cours de notre promenade dans la vieille ville, c’est le lieu même de l’exposition qui pouvait être vu d’une façon nouvelle.
Dans l’église Sainte Anne désaffectée, les très grands dessins à l’encre noire d’Abdelkader Benchamma regroupés sous l’intitulé «  le soleil comme une plaque d’argent mat » mettent en valeur les piliers polychromes du XIX°, les vitraux.
 A la Panacée, lieu sympathique d’exposition d’art contemporain, les propositions sont  parfois surprenantes - on vient pour ça - poétiques, énigmatiques. Nous avons vu : « une lettre arrive toujours à destinations », troisième volet de la saison « vous avez un message » après « conversations électriques » et « dernières nouvelles de l’éther » :
« Transformons nous le message à mesure que nous le découvrons ? »
-  Bein oui.

mercredi 19 novembre 2014

Iran 2014 # J7. Des montagnes de Zagros à Ispahan.

Difficile de dormir sur un sol dur et caillouteux malgré le tapis de sol et surtout à cause des aboiements et bagarres de chiens qui nous enlèvent toute velléité de sortie nocturne. Si la nuit a commencé chaude sous la tente envahie par les araignées, elle a fraîchi au fur et à mesure jusqu’à rendre agréable l’utilisation des sacs de couchage. Après le petit déjeuner, une partie de notre troupe nous quitte pour une randonnée d’environ 3h dans les mêmes conditions qu’hier : montées et descentes rudes en terrain instable sans véritable sentier. Nous restons sous la protection de M. Ali notre chauffeur.   
Nous faisons quelques photos de troupeaux en partance pour les pâturages, de leurs bergers, des hommes en moto ou sur des ânes, sans avoir à nous éloigner beaucoup, puis prenons un temps de repos sous l’ombre bienfaisante du saule.
Dans l’air flottent les appels des bergères, les sonnailles de bêtes, le chant intermittent du coq et des oiseaux fragiles.Tout est tranquille.
Au bout d’une heure, nous partons en minibus récupérer les randonneurs à un endroit incertain puisque nous nous arrêtons plusieurs fois pour demander le chemin.
Le lieu de rendez-vous est finalement trouvé grâce au téléphone portable près d’un pont métallique qui enjambe la rivière où nous trempons les pieds. Trois voitures sont  garées à proximité, leurs occupants lavent du linge, d’autres piquent-niquent ou se reposent sous les arbres au sol malheureusement jonché de déchets. Nos randonneurs débouchent du chemin au bout des trois heures annoncées, fatigués et contents de quitter leurs chaussures. Nous passons dans un village pour nous approvisionner en eau fraiche et victuailles que nous dégustons sous un arbre près d’un canal d’irrigation à l’eau toujours aussi fraîche.
Nous avons pensé à l’Afghanistan dont les montagnes assez sauvages doivent ressembler à celles là.
Nous prenons la route d’Ispahan, descendons vers la chaleur et nous atteignons la ville en fin d’après midi. Après cette parenthèse bucolique, elle nous parait bruyante encombrée par une circulation désordonnée où les voitures se frôlent, sans énervement ni animosité de la part des conducteurs. Nous disons au revoir à Hussein à la gare routière où un bus le conduira à Téhéran, puis continuons vers le centre historique de l’ancienne capitale dont un dicton dit que cette ville est « la moitié du monde », tout près de la place du Chah à l’hôtel Partikan. 
Nous prenons possession de nos chambres, où nous pouvons nous laver entre deux coupures d’eau et partons à la découverte de la grandiose place Châ Abbas ( 500 m X 150 m) bordée de mosquées, d’un ancien palais et de boutiques d’artisanat. A l’appel du muezzin marquant la fin du jeûne, de nombreuses familles débarquent avec paniers et pique-nique et réchauds sur les pelouses tandis que des calèches font un tour. 
Pendant cette période du ramadan, un homme sert gratuitement du thé sucré et chaud légèrement safrané, presque devant le restau traditionnel où nous conduit Haleh pour découvrir une spécialité de galettes fourrées de viande de mouton hachée appelées « beryouni ». Les clients se succèdent, d’autres se font servir à l’entrée et consomment dans la rue ou sur la place. Fatigués, nous retournons à l’hôtel. Les plus gourmands font un petit crochet pour acheter des nougats persans : les « gaz », mais tout le monde souhaite tester au plus vite la douceur d’un bon lit.


D’après les notes de Michèle Chassigneux.