vendredi 31 janvier 2014

Travail bien fait.



Perles :
Nos boites mails aiment bien les perles d’élèves, mais les profs en exercice goûtent modérément les contre-sens, les incongruités des jeunes qu’ils ont à enseigner.
Alors quand dans ses piles de copies ma prof extrait un devoir remarquable par son expression, sa finesse, son savoir : c’est un moment précieux, mais destiné à être tenu caché.
Elle se demande si ce ne serait pas desservir l’auteur de ses lignes devant sa classe à qui ne sont pas épargnées pourtant les récriminations quant aux incivilités de quelques uns, ni les grossièretés d’autres, participant à une atmosphère où il vaut mieux cultiver l’indifférence, le mépris que l’exigence. L’excellence se doit d’être discrète dans un établissement où demander à un élève de ramasser un papier frôle la maltraitance.
Les Star Academy, les agences de notation ne cessent d’imposer leur loi, les classements abandonnés depuis longtemps à l’école fleurissent dans les hebdomadaires qui daubent par ailleurs sur les notes à l’école.
Taf :
Sur une radio où « Les grandes gueules » sont une image de marque, un conducteur de chantier intervenait au téléphone :
« Quand je suis au taf, je regarde pas les gonzesses » à propos de François et sa Julie.
Je ne pouvais qu’approuver car il se faisait visiblement une haute idée de la fonction présidentielle.
Sur ce coup le maçon est plus respectable que le Vespasien.
Besogneux :
Le mot « travail » fut inscrit au dos de pièces qui n’ont plus court depuis longtemps et la réhabilitation des métiers n’a pas été favorisée par l’Exorbité à la barbe de trois jours, pourtant je frise l’aventure, si de surcroit, je qualifie la besogne de « bien faite ».
Alors que ceux qui ont un job sont souvent en mode stress, la conscience professionnelle pourrait devenir un sujet pour musée du folklorique, tant elle se dissimule et se fait rare.
Lorsque dans une conversation le sujet arrive sur ceux qui rénovent les façades, les plombiers, les profs, les policiers, les femmes de ménage, les aides soignantes, les dentistes, les cuisiniers, les employés de mairie, de la poste …  les footballeurs, le robinet à bile s’ouvre en grand, et les politiciens !
Désormais au pays où le ministre du budget planquait son pognon en Suisse, il vaut mieux se la jouer détaché des contraintes de sa tâche que de laborieusement, servilement se mettre au service de ses administrés, de ses clients. Et se payer un coach pour méditer.
Nous avons tellement perdu le sens des valeurs et du prix de notre liberté que nous aurons vite oublié que des personnes avaient envie de l’Europe depuis l’Ukraine.
Cette liberté dans laquelle nous baignons, nous ne la voyons plus, nous ne savons plus en user quand d’autres aspirent à y accéder, à en mourir.
.............Dessin d'Aurel:
 

jeudi 30 janvier 2014

Cornell et les surréalistes. Musée des beaux arts Lyon.

Parce que les surréalistes étaient la modernité en nos années lycée, leurs collages à l’heure de Photoshop ont certes le goût familier du passé déposé sur un  coin de trottoir un dimanche matin de brocante, mais font dépassés, leur audace éventée, leur originalité dévaluée par une profusion d’images qu’ils ont influencées.
Jusqu’au 10 février à côté de l’Hôtel de ville, nous pouvons découvrir après le MOMA, les productions de Joseph Cornell qui rencontra Dali, Duchamp, Ernst, Man Ray… entre 1930 et 1940 quand l’Amérique recevait des bannis de l’Europe et que le surréalisme vivait à New York, son âge d’or.
Les assemblages peuvent être insolites, détournés, le merveilleux tient dans une poche.
Rêves, trompe l’œil et poésie de l’ordinaire.
Le quotidien s’enchante, les objets s’animent, le plus ténu des ressorts, le plus fin des fils, le plus banal des écrins prennent toute la place que nos imaginations appâtées leur inventent.
Mis en boites, derrière leur vitre, les sables, les verres, les boules nous invitent à  les regarder et à voir le monde différemment.
De Chirico, Eluard, Breton jouent leur partition.
Cornell rencontre aussi des néo-romantiques qui officiaient beaucoup dans les décors de théâtre ou de danse. Il constitue une collection de remontages de séquences au cinéma qui fait référence : films collage.
Et plus ça va, plus l’influence de Duchamp me parait déterminante, celui-ci embaucha Cornell pour construire de petits musées portatifs.
Il travaille aussi le mouvement,  les effets d’optique, confectionne des jouets ; un moment proche de l’expressionnisme abstrait, il aborde aux rives du minimal art et du pop art.
En 1972, il meurt à 69 ans

mercredi 29 janvier 2014

Ethiopie. J 18. Harar Diré Dawa.


Nous prenons le petit déj’ dans un  hôtel qui possède un cyber café que nous investissons d’emblée.
A 9h, notre guide d’hier au soir est ponctuel. Il a perdu un peu de son côté vénérable depuis qu’il a troqué son calot pour une casquette américaine et qu’il a abandonné sa canne et son foulard drapé élégamment au profit d’un blouson en cuir.
Nous partons à pied depuis la place où se trouve la statue de Ras Mekonnen le père d’ Haïlé Sélassié et commençons par la cour de justice, construction d’origine italienne, dont on aperçoit les vitraux de la salle des jugements à travers les carreaux au dessus de portes malheureusement fermées le matin.
Nous nous rapprochons des murailles (XVI° siècle) et nous nous engouffrons dans le souk. La foule colorée est dense, un ballet incessant de "toctoc" et 404 bleues déversent leur lot de clients à l’entrée du marché couvert.
Nous traversons le quartier des tissus made in Indonésia, le quartier des épices toujours aussi photogéniques, le quartier de la récupération (plastique, métal). Le guide nous amène sur des promontoires qui surplombent d’énormes bidons bleus et des monceaux de bidons jaunes, indispensables réservoirs d’eau utilisés dans toute l’Ethiopie, ils contenaient à l’origine de l’huile importée de Malaisie.
Il nous introduit dans la demeure d’un cheikh où nous retrouvons la même pièce entrevue hier dans une maison avec des divans rouges recouverts de tapis sur plusieurs niveaux, un escalier extrêmement raide conduit aux chambres cachées derrière un moucharabié. Les murs sont décorés de vanneries et de plats émaillés. Jouxtant l’escalier une minuscule pièce est destinée aux jeunes mariés qui y logent une semaine et communiquent par une petite fenêtre. Après notre passage une jeune servante interrompt sa lessive dans un bassin et ferme la pièce. Nous accédons près de la mosquée du Cheick à une pièce de discussion et de prières gardé par un homme qui en notre honneur fait résonner les tambours. Avant de pénétrer dans la vieille ville, depuis le haut d’un immeuble commercial nous dominons une partie des marchés et apprécions une vue panoramique jusqu’aux montagnes. Nous plongeons sur une activité de fourmilière dans un bruit de circulation de klaxons et d’odeurs de moteur dignes de Cotonou, notre référence en matière de pollution.
Nous nous laissons diriger dans les ruelles de la vieille ville. Partout les marchands occupent les rues ne laissant qu’un passage étroit à la foule et aux ânes. En passant par des cours intérieures, nous parvenons jusqu’au marché de la viande de dromadaire à côté du parking des ânes et du marché au bois.
Nous entrons dans la maison dite de Rimbaud où le poète n’a jamais habité. Cette bâtisse construite par un marchand indien ne manque pas de charme avec sa structure en bois et son balcon rond à l’intérieur, ses peintures au plafond, ses vitraux colorés. Les quelques documents exposés sont émouvants. Rimbaud fit là commerce de café et d’armes et ce fut sa dernière étape avant de revenir à Marseille pour y mourir.
La maison du père d’Haïlé Sélassié est construite sur le même  modèle avec un Ganesh sculpté au dessus de la porte. Elle abrite actuellement un petit musée. En passant par une cour intérieure,  nous discutons avec des jeunes filles en français, elles profitent des vacances scolaires pour fuir la chaleur de Djibouti (45°).
« Farenji ! » Transformation du mot « français ». Ce mot nous accompagne tout au long de la balade. Nous déjeunons après  presque 5h de visite dans un restau fraichement repeint en noir dont le menu est réduit mais honnête.
Sur la proposition de Girmay nous ne séjournons pas à Harar comme le prévoyait le programme nous partons pour la ville de Diré Dawa. Nous prenons  la direction d’Addis puis tournons à droite sur une jolie route qui nous fait descendre de 1800 à 1200 m d’altitude. Nous entrons dans la deuxième agglomération du pays, une ville propre avec trottoirs et route goudronnée ou pavée très arborées. Nous sommes surpris par la chaleur de l’été qui nous a fait défaut jusqu’ici. Nous logeons à l’African Village, un ravissant hôtel de bungalows .Tout fonctionne ! Les prises tiennent au mur, les ampoules éclairent, il y a même un variateur de lumière, le lavabo ne branle pas et les ventilos brassent efficacement, le nouveau testament est à disposition sur une étagère, le bar ne vend pas de bière sans doute pour des raisons religieuses; dehors une volière emprisonne un perroquet du Gabon et deux autres oiseaux du même genre.
 Nous profitons du lieu et nous nous posons un moment autour d’une table à l’extérieur, mais je ne résiste pas à une petite sortie photos dans les environs avec mon complice en images. Nous nous apercevons de la connotation française de la ville, étape majeure de la ligne de chemin de fer construite jadis par la France, dont le personnel parlait notre langue et joue encore aux boules pour certains.
Girmay a retrouvé un copain d’enfance qu’il n’a pas revu depuis 15 ans et s’accorde un petit moment avec lui. Nous dinons dans un restaurant classieux.

mardi 28 janvier 2014

Chroniques de la vigne. Fred Bernard.


« Conversations avec mon grand père ».
Nous partageons les anecdotes et le bon sens fortifiant d’un  pittoresque vigneron bourguignon sans le vernissé habituel des hommages au terroir.
Le nonagénaire a commencé à consommer du vin en pension à 10 ans, il y avait alors un quart de litre pour 4 garçons et un litre à 14 ans, il reconnait les terroirs au hameau près, même si pour les millésimes c’est plus délicat sauf pour les cuvées exceptionnelles.
Il a consommé 40 000 bouteilles, l’apéro ne comptant pas.
Il nous distille quelques vérités sur les tricheries, les snobismes du milieu. Son petit fils dans ses aquarelles restitue avec tendresse ces années de plaisir marquées pendant longtemps par la guerre. Ses dessins sont moins à mon goût.
Sur le linteau d’une cave: 
«  Les vins de Savigny sont vins nourrissants, théologiques et morbifuges ».
Cette BD peut reprendre la formule à son compte en célèbrant avec humour, une tradition, tout en nous éclairant sur les évolutions, et en nous faisant part de textes de Edmondo de Amicis qui décrit d’une façon savoureuse les effets du vin suivant les personnalités. 
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Dans Libé du week end. Cliquez sur l'image pour aggrandir.

lundi 27 janvier 2014

Mère et fils. Calin Peter Netze.


Mère protectrice, police corrompue : ces sujets ont été déjà été abordés. Mais la tension entre mère et fils est racontée ici dans une forme renouvelée servie par une actrice omniprésente : Luminita Georghiu. Les rapports violents et les différences de classe évidentes sont traités subtilement. J’ai retenu quelques scènes remarquables entre la bourgeoise et sa femme de ménage, sa belle fille,  avec un plan final qui emporte le morceau.
Le mensonge à soi même est un poison et les mots, des leurres qui disent une bonne volonté mais demeurent impuissants devant les actes commandés ou interdits par des liens noués tellement forts depuis tellement longtemps.
En choisissant d’aller voir un film roumain (http://blog-de-guy.blogspot.fr/2010/12/mardi-apres-noel-radu-montean.html) le risque existe de passer pour un snob, surtout si le dernier parisien ne vous a pas convaincu, mais pour ce que j’en connais, les dialogues sont efficaces, les sujets puissants et habilement troussés, la caméra prenante, les acteurs excellents, l’émotion au rendez-vous, avec un arrière plan social intéressant.

dimanche 26 janvier 2014

Stéphane Grappelli. Antoine Hervé.


Pour sa leçon de Jazz de cette saison 2014, Hervé, le pédagogue pianiste virtuose est venu avec Sébastien Guillaume au violon, car il s’agissait d’honorer le père des violonistes de jazz.
Un moment agréable même si l’ardeur du maître de cérémonie le conduit parfois à tirer un peu la couverture à lui, mais c’est vraiment du travail de pro alliant une didactique joviale pleine d’humour, aux jubilations du jazz, « à consommer sur place » comme disait Sartre.
Stéphane Grappelli fils de marquis italien a gardé toute sa vie une certaine élégance.
Ayant perdu sa mère très tôt, il vécut six mois décisifs à l’école de danse d’Isadora Duncan où il s’enthousiasma pour le langage impressionniste de Debussy et Ravel. Mais très tôt comme Piaf il doit se produire dans les cours d’immeubles avec son violon, puis au piano pour accompagner des films muets. Aux alentours des années 30, il rencontre Django Reinhard (http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/02/jeangot-1-renard-manouche-joann-sfar.html)dans l’orchestre du club la Croix du Sud, puis fonde avec lui le Quintette du Hot Club de France.
Il reste pendant la seconde guerre en Angleterre où il est apprécié, et quand les deux complices aux relations orageuses se retrouvent, ils enregistrent « Echoes of France » cette Marseillaise qui swingue qu’Hervé a mentionnée mais pas jouée.
Par contre il a ont ouvert le concert avec son complice en interprétant « Les feuilles mortes » de Kosma puis « Belleville », « Evelyne » , « Piccadilly stomp » et « Nuages »… au rappel comme je l’attendais, la musique du film Lacombe Lucien dont le titre est « Minor swing ».
Sur les musiques noires qui venaient d’un nouveau monde « speedé », les compères  apportèrent des tonalités manouches avec leurs cordes qui suppléent la batterie à s’en péter les crins. L’accentuation sur les temps 1 et 3 des européens nous fait repérer facilement aux states où les mains claquent sur 2 et 4.
Sa collaboration n’a pas été exclusive avec le guitariste gitan, il a travaillé avec Oscar Peterson, Petrucciani, Menuhin et même les Pink Floyd, toujours « classe ».  
C’est lui qui a composé la musique du film les « Valseuses »http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/06/schnock-n7-ete-13.html où Depardieu disait :
« On n'est pas bien là ? Paisible ? À la fraîche ? Décontracté du gland… »
Il est mort en 1997 à 89 ans

samedi 25 janvier 2014

Trois poèmes en patois grenoblois du XVI° siècle. Laurent de Briançon.


Je ne m’attendais pas à trouver autant d’échos à l’actualité dans cette brochure éditée par le centre alpin et rhodanien d’ethnologie dont la moitié des pages est en franco-provençal, le patois que je ne sais prononcer, mais qui m’a valu le prêt de cet ouvrage pour avoir évoqué lors de lecture en maison de retraite, quelques expressions locales tirées de l’Almanach du vieux dauphinois.  
Ces poèmes bien troussés sont traduits par Gaston Thuaillon.
Ils célèbrent la liberté des femmes, tout en ne manquant pas d’être paillards :
« …  dans la nature, il serait plus facile
De retenir le vent de tempête ou l’eau dans une grille
Que de pouvoir retenir les gens
De goûter un si bon et si grand plaisir
D’elle-même la nature exige toujours accouplement
Et ne peut supporter qu’une ouverture
Reste vide et privée de bouchon. »
Briançon, consul de Grenoble, auteur de ces alexandrins n’a rien à voir avec le chef lieu des Hautes Alpes, il n’a pas sa langue dans la poche même quand il va à Blois pour de états généraux et qu’il dresse un vert portrait de la cour :
« Monsieur » est, pendant ce temps, renversé sur un siège
Plus fier que n’est un porc dans un champ de raves, »
Avec verve, il dénonce les rigueurs calvinistes dans Lo Batifel de la Gisen « le bavardage chez l’accouchée », et dans Lo Banquet de le Faye « le banquet des fées » il met en scène au col de Vence, bien avant « La Vence scène », cent petites fées-ministes dont la Fleurie arrivée en retard  
« était si aguichante, si vive
Qu’un roi se flatterait d’avoir fait une très bonne affaire,
S’il pouvait  l’avoir tout à son aise, un soir, dans ses bras. »
Elles imaginent mille tourments pour un mari violent :
« aux poils hérissés comme les poils du cul d’un verrat en colère »
Avec ce qu’il convient de notes pour situer et préciser ces mots qui ont traversé le temps, nous passons un bon moment.
« Adonque et fut iour, & lo polet chantit.
Alors ce fut le jour et le coq chanta. »

vendredi 24 janvier 2014

Islam, phobie, culpabilité. Daniel Sibony.


« Ne tuez pas l’homme que Dieu a sacré » ainsi dit le Coran, donc ceux qui tuent au nom d’Allah n’auraient rien à voir avec la parole divine, quoique il est précisé : sauf « pour une cause juste », alors ?
Il y a place pour le débat. La parole vient enrichir l’écrit, depuis Moïse qui entendait ce qui se disait dans une école où s’étudiait la Torah et ne reconnaissait pas ses  propres paroles. L’humour est vital.
 A la villa Gillet, Daniel Sibony présentait son 37° livre « Islam, phobie, culpabilité » à l’invitation du cercle de la pensée juive libérale de Lyon. Le philosophe généraliste complète agréablement le psychanalyste, qu’il est par ailleurs, apportant des témoignages vécus, ainsi  avec ce patient : « maintenant que vous m’avez débarrassé de mes peurs, j’ai drôlement peur ».
 A la fois poète et mathématicien, parlant plusieurs langues,  il me charme quand il rapproche « texture » de « texte », ainsi j’ai aimé le tricotage de paradoxes, de contradictions qui font la richesse de nos démocraties.
La concurrence entre religions existe depuis toujours mais il se trouve à présent que même l’ordre de leur apparition chronologique est contesté. 
« M’dame, Jésus est musulman ». Des professeurs ont du mal à faire comprendre la différence entre vérité historique et croyance. Et combien culpabilisent ? Dans la relation sado/maso, c’est le maso qui a le pouvoir, comment sortir de la perversité ?
Sommes-nous condamnés à l’enfermement narcissique qui nous installe en surplomb ? « L’autre peut-il être détenteur de ma vérité ? »
Quelques éléments ont  été apportés lors de l’entretien, une lecture attentive du livre de Sibony sera nécessaire.
Le silence finit par crier, mais les non-dits ont fait du mal.
Les premiers de la classe (juifs) que « Dieu aime tellement qu’il leur donne des coups », se retrouvent face à ceux qui ne peuvent admettre de contradictions puisque la parole est celle d’un Dieu, incontestable. La religion musulmane globalisante, sans ambivalence, dénonce les mécréants avec fureur. Les convertis les plus récents qui ont trouvé un cadre identitaire solide sont les plus virulents. Cette force née de l’indiscutable est aussi sa faiblesse parce qu’elle exclut tout débat.
Même si les fidèles ne sont pas responsables du texte originaire, pourquoi faut-il remonter trop souvent à Averroès et Avicenne au moyen âge pour citer des paroles libérées, comme elles ont pu se manifester lors des printemps arabes ?
L’occident, où  vivent seulement 5% du milliard et demi de musulmans, est gêné. Il n'y a pas de quoi  se sentir menacé, assiégé, ni d'un côté ni de l'autre.
Un Marocain sur son chemin pourra dire à son âne : « avance espèce de juif », sur Seine cela devient problématique.
La violence est dans toutes les religions, et les colonisations se sont succédées dans ces régions où tant d’huile est versée sur le feu depuis si longtemps.
La charité est inopérante pour ces enfants aux ambitions  de martyrs, dont tous ne sont pas des cas sociaux, mais payent pour le silence des parents.
Le mot censure est censuré, le déni devient facteur de violence et alimente des identités qui rencontrent « leur manque à être ». 
Le récit de trajectoires individuelles et celui de nos sociétés est fécond : un malade bardé de symptômes ne les effacera pas simplement par la parole, mais il peut arriver à s’identifier différemment que par son traumatisme. Un homme avec des scarifications mentales peut au moins changer son rapport à ses blessures.
Reconnaissant qu’on ne peut rien changer aux textes, on peut se dégager de leur emprise en parlant. La parole déborde avec le désir de vivre.
Nabuchodonosor avait oublié  son rêve. Daniel le lui retrouva, qui parlait de colosse aux pieds de fer et d’argile : « ainsi en va-t-il des royaumes des hommes ».
…..
 « Le Canard » est en forme de cette semaine avec le pape qui demande à Hollande : 
« mon fils es-tu social libéral ou social libertin ? » et ces deux dessins :

jeudi 23 janvier 2014

Polke à Grenoble # 2.


Après la guerre, l’art devint difficile en Allemagne et les répliques de ce retournement de civilisation ne sont  toujours pas dissipées : en témoigne la polémique lors d’une exposition récente « De l’Allemagne » au Louvre : de Friedrich à Beckmann.
En ces années plombées, l’art devint conceptuel, sa production était tellement problématique.
Polke est reconnu très tôt : Lion d’or à la biennale de Venise où le tableau représentant des personnages qui se bouchent les yeux était accroché en 86 à l’extérieur du pavillon allemand.
Il accueille les spectateurs de l’exposition grenobloise jusqu’au 2 février 2014, accompagné de photographies de paysages minéraux aux cadrages serrés qui évoquent « l’origine du monde » de Courbet. 
Par contre de grands formats citent les américains Pollock et Warhol.
Les grandes tailles sont-elles destinées aux institutions, les petites aux particuliers ? La valeur se mesure-t- elle à la surface occupée ?  Interroge plus loin un assemblage de torchons où sont tissés des Marks.
« Une image ne doit pas être plus grande qu’un lit » proclame un autre tableau.
Une reprise de visions touristiques d’une Australie qui inspira Polke, fait dialoguer les clichés en nous invitant à ne pas nous enfermer dans une vision unique, quand il s’agit d’interpréter les accidents, les lapsus, éprouver notre liberté.
L’art doit transformer le spectateur et si des substances contenues dans les pigments nous empoisonnent, ce serait le prix à payer pour une initiation ! Nous avons tant à nous défaire des illusions, nous qui croyions que c’était vrai parce que c’était sur la photo, qui pouvons confondre un essai, une recherche  et une œuvre achevée.
 « On voit bien ce que c’est » représente une arrestation, mais ce n’est qu’une mise en scène d’une séquence d’un film de série B. La couleur sépia propre aux photographies anciennes teinte le mirador solarisé derrière des mains agrippées aux barreaux et d’un laisser passer. 
L'histoire de l'art est convoquée: quand un mécène lui commande un tableau, il cite Matisse et Bosch et sa représentation du péché d’envie.
Les supports sont variés: les toiles - à matelas - ou plus soyeuses sont parfois transparentes, cousues entre elles, ou  épaisses comme des rideaux de théâtre, ouvertes afin que l’artiste y passe la tête pour ceux qui ont le privilège d’entrer dans son atelier.

Qu’est ce qui est précieux, le sujet ou le pigment à base de lapis lazulli  ?
Un encadrement des plus modestes, en sapin, entoure des bois exotiques.
Celui qui est passé de l’Allemagne de l’Est en Ouest, cite aussi bien Hollywood qu’Hermès Trismégiste, il nous livre ses recherches autour des planètes de Platon, des carrés magiques, commémore la révolution française, fait d’une anecdote un sujet, mais toujours interroge le passage de l’abstraction au réel et souligne chaque fois les marges pour bien nous signifier que nous n’avons affaire qu’à des images. Tout en essayant comme Mahler et d’autres de réconcilier culture populaire et savante.

Je n’ai retenu de notre visite de l’exposition de Grenoble sous la conduite d’Etienne Brunet que des éléments qui ne figurent pas dans un de mes articles déjà publié, accessible en tapant : « Polke » dans la fenêtre du moteur de recherche de ce blog, en haut de la colonne de droite.
Il s’agissait du compte rendu, à ma manière, de la conférence du directeur du musée Guy Tossatto qui entretint des liens privilégié avec l’artiste disparu en 2010.

mercredi 22 janvier 2014

Ethiopie J 17. Harar.


La route goudronnée est chargée de camions et de grands travaux d’amélioration rendent la circulation encore plus dense. Un arrêt nous permet de bien voir une nouvelle catégorie de babouins sur le bord de la route, des mâles barbus à la fourrure longue et épaisse, sont affublés d’un jabot. La circulation diminue après la bifurcation pour Djibouti, nous sommes sur les terres des Afars. Les cases ont le toit en pointe, parmi des enfilades d’agaves et des champs d’opuntias chargés de fruits. Dans un village, un marché très coloré et important déborde dans l’oued à sec. C’est ici, à 25 km du village de Girmay, que nous avions repéré de loin à Francfort comme devant être notre guide, qu’on lui demande s’il est… Chinois. Depuis un moment nous longeons la voie de chemin de fer aujourd’hui à l’abandon. Après une halte thé/café dans un restau orné des drapeaux de la région, de l’Ethiopie et du Canada qui sert de résidence à des tisserins affairés à construire leurs nids, nous entamons la route de montagne.
Dany remarque les branches d’acacia arrimées à l’arrière des camions : elles dissuadent les gamins de s’y accrocher. Nous nous élevons régulièrement, rencontrons les arbustes de khat en boules régulières sur les pentes. 
Nous suivons la ligne de crête, plongeant de chaque côté sur une vue grandiose quasi aérienne .
De nombreux contrôles policiers ralentissent notre progression mais presque tout le temps, il ne s’agit que d’un simple arrêt pour notre mini bus de touristes, sauf une fois, où un policier « sous influence » vérifie les papiers et invente une nouvelle loi qui imposerait un uniforme aux chauffeurs. Un deuxième complice, tout aussi peu à jeun, nous libère d’un grand coup de sifflet et d’un geste ample.
Nous mangeons local dans le village de Kulubi dont le marché est vivement coloré avec des camions chargés de dromadaires. Il accueille deux fois par an de grands pèlerinages. Directement du boucher mitoyen au restaurant : bœuf grillé ou en sauce, chèvre en sauce, sur galette de tef à la main.
Nous arrivons à Harar vers 17h et déposons nos bagages au Rwenda Hôtel. Nous y accédons par la cour arrière, grimpons l’escalier au milieu des gravats. L’hôtel est en rénovation et s’agrandit. L’une d’entre nous est perplexe est ce que sa chambre va être rénovée ou  a été rénovée ?
Nous sortons à la découverte de la ville classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, quatrième ville sainte de l’islam. Les quartiers anciens sont éloignés de 2 km ; un toctoc nous contient à 5 plus un jeune qui nous parle de Nicolas Hulot venu faire un reportage sur le repas des hyènes. Pour 30 birrs il nous laisse à la porte de la ville grouillante de monde. Nous découvrons une ville au caractère arabe avec ses murailles blanches crénelées, ses mendiants estropiés, ses échoppes et des tenues vestimentaires musulmanes dominantes.
Pourtant au bout de la rue principale, nous tombons sur une église pendant un office religieux : les hommes passent par la porte de gauche, les femmes celle de droite, tous suivent l’office parlé et chanté au micro par le prêtre et au bout d’un moment chacun entre après avoir embrassé le chambranle de la porte, et va s’asseoir sur les côtés.
Nous trouvons des ruelles calmes dont les murs d’enceinte des maisons ont des couleurs inattendues qui chantent dans la lumière de fin d’après midi. Une dame nous invite à pénétrer dans sa cour intérieure et présente la Mama, son jeune mari de 24 ans qui a maintenant deux épouses (25 et 28 ans) et deux enfants, lui n’en parait que 16. D’un côté de la cour s’élève une belle maison avec des inscriptions calligraphiées autour de la porte, elle est bien arrangée, de l’autre des pièces s’ouvrent sur la cour, habitations sans doute de certains membres de la famille.
Nous rentrons à l’hôtel dans une des Peugeot 404 bleues qui servent de taxi, rafistolées dont il faut s’extraire en passant la main par la fenêtre. Il ne reste que le strict minimum des fragiles enveloppes roulant depuis 1960 ! Dommage que les publicités ne parlent plus de robustesse : ici l’obsolescence est reportée à plus tard.
Nous retrouvons à l’hôtel un noble personnage avec écharpe blanche, calot et cane qui nous a interpelé et reconnu dans notre visite d’Harar. C’est notre guide local et la première visite nocturne a pour but d’assister au repas des hyènes.
Près des murailles, un homme assis tend au bout d’un bâton un morceau de viande devant deux hyènes très tentées mais très peureuses, une troisième rentre carrément dans une maison. L’homme les appelle en sifflant, nous les voyons bien, car une ampoule électrique de la rue reste allumée en raison du ramadan, l’obscurité n’est donc pas complète. Les autres bêtes n’approchent pas, craintives et certainement empêchées par leur chef. L’homme propose aux visiteurs de nourrir à leur tour les animaux soit en tenant le bâton à la bouche. Les plus courageux essayent, impressionnés de voir si près les dents du carnassier. Les hyènes pénètrent la nuit dans les ruelles de la ville et font le nettoyage. Dans certaines ruelles étroites si l’on croise une de ces bêtes, elle ne recule pas mais effrayée elle fonce et force le passage. BRRR ! Lorsque nous retrouvons la vieille ville, les rues débordent de vendeurs des gâteaux : samossas, zlabias, de personnes qui mangent, ou vont dans une des 99 mosquées prier.
Nous déposons notre guide et finissons la soirée au restaurant sur des tables basses avec pizzas, soupe ou pâtes.

mardi 21 janvier 2014

Ma mère était une très belle femme. Karlien De Villiers.


La vie quotidienne d’une famille blanche en Afrique du Sud des années 70 à 2000 racontée par une petite fille qui grandit.
Dans ces contrées nous nous étonnons qu’il y ait une vie avant et après des évènements  exceptionnels qui ont occulté l’existence de tous les jours.
Je me souviens de m’être étonné d’entendre des palestiniens s’exprimer sur d’autres sujets que l’injustice qui leur est faite ou de voir des Iraniennes affrontées à des problèmes de couple.
Ici les afrikaners ont des enfants qui sont des enfants qui aiment les glaces et détestent les rognons, pourtant cette autobiographie pudique nous emmène au cœur des drames. 
A énumérer quelques thématiques : les nounous noires, le poids de la religion, du racisme d’état, les blessures intimes et celles de l’apartheid, je ne rends pas compte entièrement de la complexité, de la subtilité du récit.
Sous des couleurs franches, une ligne claire, des rapports humains impitoyables :
 « S'il arrivait quelque chose à votre père, vous iriez à l'orphelinat. Ne comptez pas sur moi pour m'occuper de vous.
Je n'ai jamais voulu d'enfants. Ce n'est pas ma faute si votre mère est morte. »
Mais il n’y pas de règlement de compte, ces souvenirs intimes tiennent une distance rendant les péripéties intéressantes pour chaque lecteur, tout en étant assurés que cet album a été salutaire pour l’auteur qui attire notre sympathie.

lundi 20 janvier 2014

L’amour est un crime parfait. Arnaud et Jean-Marie Larrieu.

Je n’étais pas resté jusqu’à la fin d’un film précédent « Voyage dans les Pyrénées » tellement il sonnait faux, cette fois j’ai suivi les frères Larrieu dans les Alpes et j’ai apprécié leur comédie noire dans la neige, qui souffle le chaud et le froid.
De glauques relations frère/sœur, prof/élèves… se multiplient, s’inventent dans des décors magnifiques.
Nous passons du confort des chalets, à l’éblouissement du dehors, de l’évidence des grands espaces à leurs failles, de la transparence architecturale d’un établissement d’enseignement où la littérature se cherche au dévoilement de secrets vénéneux.
Amalric est parfait dans l’ambigüité, Sara Forestier à baffer, Maïwwen à découvrir, Viard à soigner.
Cocasse, d’un humour ouaté, le thriller légèrement frapadingue n’est pas frileux, nous nous laissons balader avec de belles images dans un univers familier aux alpins, traité avec originalité.
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dimanche 19 janvier 2014

Panorama. Philippe Decouflé.


La notoriété de celui qui émerveilla la public à l’ouverture des jeux d’Alberville se justifie dans cette rétrospective ludique de séquences de ses spectacles précédents.
L’intitulé de sa compagnie « DCA » signifie Diversité, Camaraderie, Agilité : c’est ça, avec particulièrement l’humour pour régaler le public qui se pressait à la MC2.
Le genre appelait la variété, nous entrons d’emblée dans des univers différents : du fond de la mer jusqu’aux aux étoiles, avec des musiques concrètes, slaves ou de boite de nuit, des images de lanterne magique ou de BD, utilisant des techniques spectaculaires du cirque et des mouvements de mains discrets, des costumes gais, inventifs et des dépouillements émouvants.
Une bonne introduction pour des jeunes qui en seraient à leur initiation à la danse, une agréable redécouverte pour ceux qui connaissent déjà un des maîtres du spectacle vivant et apprécient sa malice, son inventivité, sa précision.

samedi 18 janvier 2014

Balzac et la petite tailleuse chinoise. Dai Sije.


J’ai lu ce roman magnifique dans une édition destinée à des collégiens et cette intention est vraiment adaptée, bien que le vocabulaire des commentaires, « le schéma actanciel », eut tendance à dévitaliser un texte limpide.
Par contre en conclusion, je ne peux qu’approuver l’accompagnatrice de lecture qui évoque l’écriture:
« lyrique, comique, pathétique, polémique, ironique, héroï-comique… » sensuelle, poétique.
Livre d’initiation, d’amour, d’amitié, un hymne bref, léger et profond, aux conteurs et aux livres, déclencheur de réflexions et source d’un plaisir renouvelé de bouquiner.
«  Elle a fini par mettre ta foutue veste, ça ne lui allait pas mal d’ailleurs »
J’avais commencé en appréciant la liberté, l’audace, de deux jeunes gens en rééducation dans la campagne chinoise dans les années 70, par la suite l’histoire devient plus âpre : l’autre face de la liberté. Le dénouement inattendu accentue la force de cet ouvrage paru chez nous en 2000.
 « Nous nous approchâmes de la valise. Elle était ficelée par une grosse corde de paille tressée, nouée en croix. Nous la débarrassâmes de ses liens, et l'ouvrîmes silencieusement. À l'intérieur, des piles de livres s'illuminèrent sous notre torche électrique; les grands écrivains occidentaux nous accueillirent à bras ouverts: à leur tête, se tenait notre vieil ami Balzac, avec cinq ou six romans, suivi de Victor Hugo, Stendhal, Dumas, Flaubert, Baudelaire, Romain Rolland, Rousseau, Tolstoï, Gogol, Dostoïevski, et quelques Anglais : Dickens, Kipling, Emily Brontë... - Quel éblouissement! - Il referma la valise et, posant une main dessus, comme un chrétien prêtant serment, il me déclara : Avec ces livres, je vais transformer la Petite Tailleuse. Elle ne sera plus jamais une simple montagnarde. »

vendredi 17 janvier 2014

Simples.


Ce n’est pas le moment d’être faux-cul. Dans la rigolade générale retenir:  
« Trierveiler moins pour Gayet plus » ne nous distrait pas forcément des sujets plus graves, quant à savoir si la politique de « la demande » avait besoin d’un Joffre, même les économistes qui se sont tant trompés n’en savent rien.
Alors je continuerai à ne pas trop m’aventurer bien au-delà du périmètre des cours de récréation que je connus jadis.
- Il y a des façons de penser qui sont devenus des tics :
ainsi face à des sujets (voile, quenelles,…), une réponse teintée de complotisme se multiplie :
« le chômage est un sujet plus important », qui évite également d’être dérangé.
Quant au chômage il croît.
- Le sénat : à quoi sert-il ?
- Le racisme : n’est pas une opinion.
- Des limites s’imposent pour que vive la liberté. A l’entrée du camp d'Auschwitz : 
« Arbeit macht frei » (le travail rend libre) : le mot liberté mourait sur cette enseigne, le mot travail aussi.
- Le syndicaliste Edouard Martin continue sa lutte en politique, quel est le problème ? Les offusqués qui surjouent ne savent pas que le syndicalisme c’est aussi de la politique. Jacob de l’UMP qui vient du syndicalisme agricole lui reprochera-t-il ? Je fus à la CFDT puis au PS, dont j’ai fuit, il me semblait que c’était cohérent.
- Quand La France perd des places au classement PISA, plutôt que de continuer d’applaudir à l’abaissement des exigences et participer encore à la dévalorisation de l’école, ne regarderait on pas vers le haut du classement comme d’autres regardaient, il fut un temps, du côté de nos maternelles ? Il serait question de travail, de respect, d’ambition et non de flatter les attentes passives sans investissement de la part de parents et de certains enfants.
- Les brigades internationales étaient du côté républicain en 36, aujourd’hui des jeunes idéalistes de tous pays rejoignent les fondamentalistes les plus radicaux, les plus épris de contraintes dont l’obscurantisme est la réponse à la complexité du monde.
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Sur la couverture de 100 dessins pour « Reporters sans frontières »

jeudi 16 janvier 2014

Le Titien vs Michel Ange.


La peinture contre le dessin, « la querelle des coloris » qui sera développée au cours d’autres conférences par Michel Hochmann aux amis du musée remonte à la Renaissance et même à l’ Antiquité entre Aristote pour qui la beauté est matérielle (à l’huile) et Platon qui penche pour la beauté idéalisée (la ligne) .
A rechercher au-delà de l’heure où nous ont été présentés surtout des textes mais assez peu d’images, il y aurait aussi « la remise en question du Maniérisme (M. Ange) au nom des critères d'un classicisme ».
En tous cas lorsqu’une élève en 2013 regrette de ne pas assez dessiner en art plastique : ça remonte à loin.
Les critiques d’art s’empoignent déjà au milieu du XVI° siècle :
Vasari  auteur de « Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes » contre Dolce dont le livre « Dialogue de la peinture intitulé l'Arétin » a remis en cause Michel Ange le maître de Rome et de Florence.
Quand il est question du passage obligé par la copie de l’antique, Annibal Carrache dit :
« Je n’ai pas assez de place pour prouver la sottise de ce couillon de Vasari. » 
Querelles de campaniles entre Florence (pierre noire) et Venise (vert Véronèse) ?
L’homme (croquis) affronte la nature (fresque)
et l’idée (crayon) contrarie la spontanéité (pinceau),
mais « le maquillage n’empêche pas la laideur ».
Le graphisme comme procédé éducatif c’était jadis, la liberté a pris le pas.
Nous n’aurions pas soupçonné des prémices impressionnistes chez Le Titien (ci-dessus) pourtant Vasari le chantre du trait (ci-dessous) en personne ne disait-il pas ?
« les dernières [œuvres] sont peintes par touches apparentes, largement brossées dans un style de taches, si bien qu’on ne peut les regarder et qu’il faut s’éloigner pour les voir dans leur perfection. »

mercredi 15 janvier 2014

Ethiopie J 15. Hawasa, Awashe


La matinée commence par la visite du marché aux poissons, situé au bord du lac d’Hawasa. Nous pénétrons dans l’enceinte où des arbres sont couverts de marabouts dont quelques uns se disputent les restes de poissons lancés à la volée. Un dick dick effarouché est présenté dans les bras d’un jeune homme. Des petits restaurants bordent la plage herbeuse où des étudiants et des pêcheurs viennent manger du poisson pour pas trop cher.
Deux barques accostent et déversent leurs filets pendant que deux contrôleurs pèsent et mesurent chaque poisson d’une maigre pêche. Sous la halle couverte, des hommes coupent les filets de tilapias, gardent de côté la tête et l’arête centrale pour parfumer des soupes. Un caissier gère les comptes derrière sa table. A côté, de jolis singes verts nous suivent, les mâles sont dotés de testicules bleu cobalt et d’un pénis rouge vermillon. Leurs petites mains  fines attrapent délicatement la galette de maïs qui les a attirés.
Nous prenons la route d’Addis Abeba via la rift vallée, les ventes proposées sur la route changent encore selon les villages : carottes, pommes de terre, oignons…
Nous passons à Shashemene, village où résident les rastafarians d’Ethiopie accueillis par Hailé Sélassié, le négus.
En 1966 l’empereur d’Ethiopie arrive en Jamaïque qui subit une sécheresse depuis très longtemps, et ce jour là il pleut. Une prophétie de Marcus Garvey promettait l’arrivée d’un messie venu de l’Est qui sauverait l’homme noir. Hailé S. est haussé au rang de Dieu ; revenu chez lui, il offre l’hospitalité aux Jamaïquains et donne des terres à une cinquantaine de familles.
Mais les disciples de Bob Marley ne sont pas forcément « cool » aujourd’hui, sollicitant une « donation » pour une simple photographie de murs.  Notre guide nous met en garde contre cette « antre à racket » que constitueraient les bâtiments peints aux couleurs rasta : rouge pour le sang versé des esclaves, jaune comme l’or et vert comme la nature,  couleurs présentes sur tant de drapeaux africains : Mali, Sénégal, Guinée, Cameroun, Ghana, Congo, Ethiopie…
Nous rejoignons Iwaye, longeons des serres  tellement vastes que des vélos sont nécessaires pour s’y déplacer. Lorsqu’on arrive à la jonction Addis/Nazreth à Debre Zeit, il bruine comme en Angleterre. Nous déjeunons en attendant le mini bus qui doit nous prendre en charge en remplacement des deux 4X4  qui ne sont plus indispensables pour les routes à venir.
Nous faisons nos adieux à nos chaleureux chauffeurs, et prenons la route plus tôt que prévu. 
Nous avons bien ri avec eux qui nous racontaient:
« Dans le conseil  gouvernemental « il faut espacer les naissances » certains voulaient bien comprendre qu’il s’agissait d’un espacement géographique et non dans le temps. »
Ou alors cette autre blague :
« - Combien faut-il de temps pour relier telle ville à une autre ?
- Si tu vas lentement 6 à 7h, si tu vas vite : 3 jours car tu auras cassé des choses. »
Les paysages changent encore, un des champs inondé héberge une colonie de pélicans, les troncs d’arbre disparaissent sous les seaux. Nous traversons le champ volcanique  de Metahara et nous nous arrêtons pour admirer le cratère, les cases disséminées paraissent bien misérables. Nous sommes sur les terres des Kereyou nomades éleveurs de dromadaires. 

Comme le temps s’éclaircit, Girmay modifie le programme et avance la visite du parc d’Awashe. Nous passons la barrière de métal évidée en forme d’oryx (« Vercinge est oryx ») et suivons le chemin sans nous écarter comme il nous est demandé sur les pancartes à l’entrée. La voiture stoppe plusieurs fois et nous mimons les indiens en chasse pour nous approcher des oryx en faisant bien rire nos compagnes.
Nous avons l’occasion de voir une petite famille de phacochères bien gras mais fuyants, des pintades, des francolins et grâce à l’œil infaillible de Jean, nous débusquons deux grosses tortues. L’air embaume une sorte de jasmin.
G. nous presse, il souhaite nous montrer les chutes de l’Awash et il est plus de 18h, la nuit risque de nous surprendre. C’est fabuleux ! (« de toutes les matières c’est la wash que j’préfère ») Plusieurs bras se déversent à gros bouillons et « fument » d’embruns. L’eau marron, brassée tombe bruyamment, elle exprime une énergie surprenante, indomptable, sauvage surtout après les oueds à sec que nous avons traversés.
Sur la route goudronnée retrouvée, nous croisons une caravane de camions en provenance du port de Djibouti, débouché maritime du pays. Nous n’avions plus l’habitude d’une telle circulation à qui G. attribue la mort de chiens, alors que dans le sud les conducteurs évitent soigneusement toutes les bêtes pour échapper à la rétribution des propriétaires. Nous nous installons au « Genet hôtel » Genet est la traduction d’Eden (paradis) à Hawash. Les dallages de marbre sont luxueux mais il n’y a pas d’eau chaude. Quand il fait chaud : pas d’eau chaude.