jeudi 11 décembre 2014

Penone. Musée de Grenoble.

Après Versailles, Grenoble jusqu’au 22 février 2015. 
Et c’est  très bien ici, dans des salles reconfigurées qui ouvrent, au premier coup d’œil, une perspective sur des réalisations anciennes et nouvelles.
Pas besoin d’ordre chronologique, tant l’artiste est revenu sur ses ouvrages, tant le temps est d’une autre dimension, qui emprisonne des mains en fonte dans les lignes des arbres, ou un visage se devinant dans une feuille enserrée par le lierre.
Retraité infiltré à la suite de professeur Brunet qui présentait l’exposition à d’autres professeurs, j’ai apprécié une nouvelle fois son souci de laisser un espace aux élèves pour leur propre interprétation tout en apportant des informations décisives.
Penone, le benjamin du groupe « Arte Povera » où chacun poursuit une démarche singulière, a commencé par accompagner son grand père qui savait si une branche allait porter des fruits ou des feuilles.
Devenu un artiste majeur, faisant ressurgir l’arbre depuis la poutre, comme Zadkine devinait « Le prophète » à venir dans un morceau de bois, il nous fait partager désormais un regard, on ne peut plus urgent, quant à notre rapport à la nature.
Sur un délicat papier de soie, des cernes de croissance se forment autour de l’empreinte d’un doigt. Intitulée « Propagation », cette trace humaine au cœur de l’arbre primordial, poussée par le temps, prend des proportions monumentales.
Nous sommes bien au XXI° siècle quand la dimension religieuse s’invite. Un tronc doré, évidé, recueille de la sève, en un « Ecrin » sur un fond en peau qui joue de l’ambigüité des mondes minéraux, animaux, végétaux.  
Comme dans la salle suivante, où du cuir recouvre des souches à côté de troncs en marbre de Carrare, hyper réalistes et cependant blancs comme l’antique.
 Le sexagénaire engage son corps intensément : sa silhouette apparait sur un drap frotté à la chlorophylle, accroché à différentes écorces dans le « Vert du bois ». Ses mots sont poétiques : ainsi « Respirer l’ombre » dont un mur de feuilles contenues derrière des grillages évoque l’échange chimique entre l’homme et la nature. Dans un hommage à la poterie ancienne, il rend palpable l’immatériel « Souffle » vital aux allures matricielles.
Ses rencontres entre branches aux feuilles de bronze reviennent aussi vers l’histoire et les mythes au temps des grotesques et des jardins maniéristes.
Comme un tapis qui se déroulerait en une temporalité géologique, un cylindre en marbre aux veines sculptées en relief appose son « Sceau » au pied de « Peau de graphite - Reflet d’ambre». 
Il convient de jouer également du rapprochement et de l’éloignement  pour découvrir une bouche immense composée de milliers d’épines d’acacia en face d’un puissant panneau sombre.
« Répéter la forêt » est planté dans le patio. Depuis la poutre inerte (la culture), retour à l’arbre et à ses flux (la nature).
En sortant de ce lieu … de culture, par l’allée centrale, des traces de peau agrandies sur 50 m,  réalisées en collaboration avec des étudiants des beaux arts, prennent de décoratives allures abstraites.
Ne pas oublier en salle 42, deux gros cailloux, appartenant au musée de Grenoble, dont la présence peut sembler absurde sans explications. L’un est ramassé dans un fleuve et l’autre en est une réplique dans la même roche avec les traces du temps taillées au burin : « Etre fleuve ».
Sur les murs, figurent les traces laissées par le cerveau humain aux parois de la boite crânienne, reproduites à la sanguine, telles des paysages ou des « Feuilles ».

1 commentaire:

  1. Ça a l'air intéressant, merci.
    Je trouve pourtant un peu éculée l'opposition entre "nature" et "culture"...

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