dimanche 28 décembre 2014

Le capital et son singe. Sylvain Creuzevault.

Habitués à l’indigence du discours politique actuel, comment saisir toute la profondeur de conversations  enflammées à Paris en 1848 et Berlin en 1919 à partir d’un livret de Karl Marx ?
« Le peuple au collier de misère
Sera-t-il donc toujours rivé ?
Jusques à quand les gens de guerre
Tiendront-ils le haut du pavé ?
Jusques à quand la Sainte Clique
Nous croira-t-elle un vil bétail ?
À quand enfin la République
De la Justice et du Travail ? »
Pierre Dupont après l’écrasement de la Commune.
Ce rêve toujours fuyant d’une fin de l’aliénation, d’une mise à bas du capitalisme hante encore combien de Blanqui préparant l’insurrection ?
Ce soir, point de représentation édifiante, le prolétaire n’est pas toujours le bienvenu autour de la table où se disputent ceux qui lui veulent du bien.
L’humanité est violente, injuste, les hommes espèrent.
« Oui mais !
Ça branle dans le manche,
Les mauvais jours finiront.
Et gare  à la revanche,
Quand tous les pauvres s’y mettront. »  
La salle René Rizzardo à la MC2 faisait honneur à son ancienne appellation : « salle de création ». Avec conviction, 13 acteurs excellents, jouant une multitude de personnages, de Spartacus à Lacan, nous ont donné matière foisonnante à réfléchir, rire, nous projeter, nous interroger et nous laisser perplexes.
Les modérés et les révolutionnaires, le capitalisme, le travail, le salaire, la valeur d’usage et la valeur d’échange, les objets, l’Iphone … tout y passe dans un tourbillon. Il faudra aller vérifier comment est morte Rosa Luxembourg mais aussi ne pas rester à constater que la fonction de production a déserté notre pays pour remettre à jour nos logiciels concernant la force de travail et plus value. Sommes-nous  seulement dans un musée à  contempler en vitrine les verres  désormais vides qui nous ont servi à trinquer à l’émancipation du monde ?
Si Piketty a eu tant de succès avec son dernier « Capital », c’est que  Karl 1er  est d’une telle richesse qu’il a pu traverser les siècles. Et il faut vraiment une belle dose d’ambition et d’imagination, quelques bouteilles d’encre rouge, pour évoquer une telle somme de pages exigeantes : prévue pour durer 4h, même réduite à 2h 30, la pièce est roborative mais nous serions encore restés volontiers un moment.

1 commentaire:

  1. Comme j'ai dit à une amie d'une autre rive il y a deux jours, je préfère me nourrir des images/paroles de la Bible, l'Ancien Testament, et le Nouveau, pour méditer sur ces questions. Karl 1 est peut-être génial, mais pour moi, il n'est pas aussi goûteux que l'héritage religieux que trop de Français continuent à snober, et ignorer de manière goguenarde.
    Plutôt que d'aller regarder Karl en pièce de théâtre, j'ai lu la méditation de Charles Singer, un prêtre du diocèse de l'Alsace, qui a imaginé un épître de Judas, l'autre disciple. Il essaie de se mettre dans la peau de Judas, racontant le chemin de cet homme si nécessaire à la Passion du Christ, sa vocation, mais si incompris.
    Judas, qu'on a réduit à un voleur, un "intéressé" qui a vendu son maître pour 30 deniers.
    Bien sûr, le zèle... social de Judas était bien plus important que ce qu'on a tendance à admettre. Fut un temps, on était capable d'entrevoir que Judas a trahi parce qu'il était déçu que Jésus ne délivre pas les pauvres Juifs opprimés du joug romain. Jésus, sauveur/libérateur politique ou sauveur spirituel ?
    Où est ta liberté sur cette terre ? C'est quoi, la liberté ?
    Un homme peut-il prier le ventre vide ? Je crois que oui, tout de même...
    En tout cas, le caresser dans le sens du poil, par bienveillance, en serinant qu'il n'en est pas capable ne fait pas du bien à sa dignité de pauvre, à mon avis.
    (Pourquoi il n'y aurait que des riches pour être dignes ?...Et... ça commence où, la dignité ? A partir de combien d'euros de revenus par mois on devient.. "digne" ? Dans quelle mesure ta dignité vient du regard d'autrui, et quelle est la part de dignité qui ne peut venir que de ton propre regard ? Vous voyez combien ces questions sont une bombe... sociale ?)
    Et l'Eglise, les Eglises continuent à trahir la parole évangélique, tout comme... Judas, en hissant la justice sociale pour en faire le fin fond de la démarche de Jésus sur cette terre.
    Et nous... les héritiers de l'Eglise continuons à cultiver cette tragique méprise...
    Pauvres de nous...

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