dimanche 16 novembre 2014

Nous qui n’avons que 25 ans. Compagnie Assid.

Le Petit théâtre du Créarc (Centre de Création de Recherche et des Cultures) accueillait l’adaptation de la pièce « Les cannibales » déjà présentée à la MC2   http://blog-de-guy.blogspot.fr/2010/03/cannibales.html.  
Sous son nouveau titre qui semble s’excuser, la conviction des jeunes acteurs apporte une fraîcheur bienvenue pour traiter des intentions ambitieuses de l’auteur Ronan Chéneau.
Le départ n’est pour tout dire pas très « flamme » pour représenter l’immolation d’un couple qui s’asperge d’un jerrican d’essence, et certaines séquences tiennent plus de la conférence gesticulée que du théâtre, mais la sincérité l’emporte.
Les questions soulevées sont essentielles et s’attaquent de front rien moins qu’au sens de la vie. Ces enfants gâtés, nos enfants, sont si fragiles : ils veulent à la fois être protégés et pas protégés, aspirant au confort mais étouffant dans leurs canapés, ne voulant pas du profit, mais voulant profiter : « On va pas refaire le monde, il se fait tout seul ».
Avoir des envies de New York, abuser des technologies de la communication et gémir d’en être esclave, culpabiliser à cause du Rwanda et manger du radis noir, critiquer Platon et regretter « La Bohème » aznavourienne : la litanie sans hiérarchie pèse un peu sur l’estomac. Mais c’est bien le problème des petits malheurs qui font les grandes détresses, quand la haine de soi s’habille des oripeaux de l’homme araignée. On proclame son amour du monde entier, mais on chie sur ses proches. Par moment j’aurais eu envie de dire « Si Ikea vous pèse tant que ça, essayez Roche Bobois ! » mais cette ironie qui nous a menés jusqu’ici, a participé au désenchantement de ce monde que notre génération accrochée au pouvoir laisse à ses héritiers. Génération qui s’éreinte et qui s’étreint, se ponctuant de « c’est bon ! »  pour couper court à toute discussion.
Quand le RSA, mesure de solidarité, parait humiliant, et que l’accès à des études supérieures devient un motif dépressif, que peut-on face à des telles confusions ?  Je savais des suicides à France Télécoms, chez les policiers, les profs, les paysans mais il y en a chez les médecins :  allo ! à qui se fier ?
Nous, parents choupinous, retombons souvent en adolescence que certains n’ont pas quittée,  et pouvons trouver les petits derniers, passifs, geignards, mais les rides nous fendent à tout âge, nous qui savons oublier nos conditions derrière des nuages, des musiques, des verres et des peaux, des mots. Sublimes et dérisoires.  
A rester dans le domaine de la variété, Chédid nous console :
«  T'as beau pas être beau, oh, oh, oh, oh
Monde cinglé, hé, hé, hé, hé,
J't'ai dans la peau, oh, oh, oh, oh »
Un café au matin vaut  bien un atterrissage sur « cette terre si jolie » comme disait l’enfantin Prévert, même pour ceux qui ont collé maladroitement deux ailes à leurs désirs.

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