lundi 28 avril 2014

Amours chiennes. Inárritu.

Enfin j’ai comblé le manque que mes comparses des salles obscures me rappelaient depuis qu’ils avaient découvert ce réalisateur mexicain en 2000.  
L’une d’entre eux n’avait d’ailleurs pas regardé le film jusqu’au bout, n’ayant pas supporté la souffrance des animaux.
Depuis le toutou parfumé pour accompagner la solitude d’une cover girl ou la troupe des batards suivant leur clochard jusqu’aux bêtes de combat, le cinéaste ne reste pas de faïence sur la description de la violence. Celle-ci ne se détend à aucun moment avec  des frères ennemis, des femmes méprisées, un idéaliste fourvoyé, un pauvre type riche…
Cette rubrique des chiens et des hommes écrasés prend une dimension épique avec des habiletés du scénario qui font se croiser tous ces destins cassés.
C’est vrai que c’est un film à voir même si sa nouveauté d’alors a pu s’émousser.
Les 2h1/2 ne nous laissent pas le temps de japper à la lune tant le rythme est soutenu même si cette ampleur aurait pu permettre d’entrer dans la nuance pour certains personnages.
« Nous sommes aussi ce que nous avons perdu »

dimanche 27 avril 2014

Vortex Temporum. Anne Teresa de Keersmaeker.

Le groupe Ictus joue la musique spectrale de Gérard Griset qui disait : « Nous sommes des musiciens et notre modèle, c’est le son, non la littérature, le son, non les mathématiques, le son, non le théâtre, les arts plastiques, la théorie des quanta, la géologie, l’astrologie ou l’acupuncture. »
Les danseurs viennent sur le plateau et dansent dans le silence.
Il fallait bien chez De Keersmaeker qui tricote si bien la danse avec la musique que dans un troisième temps les danseurs rencontrent la musique. Une musique pas facile à apprivoiser mais que les mouvements des corps rendent plus fluide. Les  courses à l’envers reprennent  leur bon sens, les galopades s’amorcent, des duos fragiles apparaissent, des harmonies s’ébauchent et s’il faut se raccrocher au titre qui signifie « Le tourbillon du temps » nous sommes dans l’ambigüité qui s’affiche en latin pour une certaine universalité, en réalité destinée à une caste lettrée.
Je suis en face d’un tournoiement parfaitement réglé comme si je regardais un documentaire sur le ballet des planètes de notre système solaire dont « le silence  éternel des espaces infinis m’effraie » avec Pascal. Cette musique vivante est intéressante à aborder, d’ailleurs l’initiation ne dure qu’une heure. En 2008 ATDK était venue à la MC2, mon billet était bref :
Les spectacles nous contraignent et le jeu avec le temps est une découverte renouvelée. Avec cette musique nous restons dans l’attente comme si les instruments n’en finissaient pas de s’accorder mais quand la lumière s’éteint sur un dernier geste discret et central du chef d’orchestre nous venons d’éprouver l’épaisseur de l’instant, de goûter la justesse de gestes dont le prix tient à leur brièveté, à leur inventivité, à leur évidence

samedi 26 avril 2014

Schnock. N°9

Coluche est en couverture de ce numéro qui était resté en rayon depuis un moment dans ma librairie préférée, mais nous ne sommes pas à un trimestre près, pour un retour vers les années passées par paquets de dix. http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/06/schnock-n7-ete-13.html  
Ce n’est pas qu’un exercice nostalgique : le recul permet de relativiser les emballements. Celui  qui n’hésitait pas à enlever la salopette se retrouve à nu après tout ce temps (86 : putain de camion). Lederman témoigne, Miou Miou a apporté des photos, Romain Bouteille et Sotha du café de la gare parlent des débuts et même des photos anthropométriques sont publiées, Fred Romano la compagne des années destroy se rappelle et Louis Rego parle du tournage de « La vengeance du serpent à plumes », un livre noir est entrouvert, un autre est doré.
Nous en apprenons aussi sur un autre personnage haut en couleur : Paul Newman, par contre dans un autre article, comme je ne savais rien au départ d’une certaine Marie France chanteuse avec le groupe Bijou, je n’ai pu apprécier.
Le rappel des starlettes de Cannes est charmant, et la recension de quinze jouets aussi : premiers Playmobils, Dinky toys et l’ordi Atari… Le récit d’un voyage en Allemagne de l’Est  dans les années 70 est exotique. La reprise d’un article de Paul Gégauff concernant le milieu du cinéma du temps de la Nouvelle vague ne manque pas de piment dans un ensemble où le style des journalistes est un des atouts durant 175 pages sur la ligne :
« No future mais No Stalgie »

vendredi 25 avril 2014

"L'Europe et la mondialisation: atouts, défis et perspectives". Pascal Lamy

Pour sa 90° réunion depuis sa création en 2006, l'Université populaire européenne de Grenoble avait invité à une conférence débat, l’ancien chef de cabinet de Jacques Delors qui vient d’écrire «Quand la France s’éveillera ».
Europe, fille de Poséidon distinguée par Zeus : après les guerres, l’idée est devenue réalité. Son nom prononcé par les poètes, les philosophes, les géographes s’est incarnée en une entreprise d’édification politique pour gérer les affaires communes.
Aujourd’hui, la paix, qu’elle a garantie est devenue tellement une évidence, que cet argument, convaincant pour ceux qui avaient vécu des temps furieux, ne fonctionne pas plus que la perspective d’une amélioration du niveau de vie : « ensemble » ne semble pas plus porteur aujourd’hui que « chacun dans son coin ». La solution européenne devient le problème, la prime à la coopération qui avait vu le jour avec la mise en commun des ressources en charbon et acier ne semble plus aller de soi.
L’Europe est le continent le plus intolérant aux inégalités, aux atteintes à l’environnement, elle équilibre compétivité et solidarité : « une économie sociale de marché ».
En 2050 nous serons 5% de la population et représenterons 10% de l’économie mondiale alors qu’aujourd’hui c’est 20%.
Au niveau mondial, la réduction massive de la pauvreté est un fait allant de pair avec une augmentation des inégalités au sein des pays émergents et une pression sur les ressources : énergie, eau, climat. Le dumping social n’est pas l’argument obligé : les pays les moins inégalitaires sont aussi les plus performants. Quant au dumping fiscal, une question progresse : les paradis peuvent-ils se sentir menacés ?
Les technologies de l’information et l’usage massif des conteneurs quand 90% du commerce passe par la  mer ont abaissé les coûts de la distance, le marché s’est élargi mais la crise financière de 2008 a été contagieuse.
Les faiblesses de notre continent tiennent à une démographie vieillissante et son cortège de réticences à accueillir les étrangers, à une transition énergétique difficile et un déclin de la place de l’innovation dans l’exploitation des technologies.
Alors que nous sommes forts de 500 millions de citoyens, de consommateurs, avec un niveau de richesse important, nos usages d’une gouvernance supra nationale quoiqu’inachevée devraient être un atout pour inspirer une coopération mondiale plus efficiente.
Sur un territoire où les systèmes de redistribution sont plus développés qu’ailleurs, le sentiment  d’appartenance s’érode pourtant, les taux de participation aux élections européennes sont en baisse. Et les beaux agencements institutionnels octroyés et non conquis dans la lutte, paraissent « frigides », illisibles ; c’est qu’en plus, la redistribution se grippe quand la croissance passe en dessous de 2%.
Le resserrement des liens entre la France et l’Allemagne peut-il relancer une dynamique où les compétences de l’une à gérer une économie pourraient  s’échanger avec une vision géo stratégique qui va au-delà d’un niveau d’exportations ?
« Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté » W. Churchill.
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Dans le "Canard" de cette semaine:

jeudi 24 avril 2014

Affiches en France. #1. Toulouse Lautrec et les autres.

" Affichomanie et avant-garde 1880-1939 " était le sous titre de la conférence de Benoit Buquet, débutant un cycle, aux amis du musée de Grenoble.
Avec les premières affiches vont naître les premiers collectionneurs si bien que les sociétés d’affichage font surveiller leurs placards et que des timbres comminatoires y sont apposés ; des catalogues, des revues spécialisées accompagnent un engouement des affichomaniaques de la première heure.
Dans un tableau de Picasso, période bleue, l’accablement du modèle est mis en évidence vis à vis d’une affiche représentant la danseuse May Milton, désinvolte, dont le succès au cours d’une vague anglomane fut plus éphémère que la renommée de Lautrec qui la croqua.
Les affiches visent à communiquer une information dans l’espace public et bien malin qui peut dater la première des premières : peut être celle vantant les cures thermales à Salisbury en 1477 (l’imprimerie date de 1440). Depuis François 1° les avis officiels sont en noir sur blanc ; en 1791, Le Chapelier inscrit cette exclusivité dans la loi.
Avec la lithographie les affiches combinent textes et images. Manet, Daumier réalisent une affiche, Bonnard quelques unes, dites de librairie, Lautrec 30, Jules Chéret 1500.
Sa belle femme devient un archétype : la " chérette " séduit déjà le public.
Le goût de l’époque est à l’estampe, mais le caractère commercial indissociable de la publicité marque dès le début l’affiche qui doit « tirer l’œil ».
Lautrec sert  Bruant et s’en sert, l’écharpe rouge du chansonnier devient une marque comme les gants d’Yvette Guilbert dont la tête disparait, ses gants formant un « Y » comme Yvette suffisent.
Les affiches apposées sur des carrioles sont mouvantes, leur répétition joue un rôle essentiel, Loïe Fuller prend le badaud dans les volutes de sa danse serpentine.
« En des allégories emportées, chatoyantes d'éclat, de lumière, radieuses de jeunesse et d'humour, un symboliste moderne a synthétisé la vie de Paris, s'est complu à la figuration de ses spectacles, à la représentation de ses élégances, au tableau de ses modes. L'étonnante magie, cette apothéose du Plaisir et de la Grâce installant au détour des carrefours, sur les crépis lézardés, contre les clôtures plâtreuses des bâtisses son flamboiement de féerie, et d'où vient pourtant notre illusion? D’une lithographie en deux ou trois tons, d'une image délavée par la pluie, déchirée par la bise, demain recouverte, anéantie d'une affiche de Chéret. »
Huysmans écrivait ainsi à propos du « Watteau des rues ».

Mucha, figure majeure de l’art nouveau,  épouse le format des colonnes Morris et sort des salons, ses affiches raffinées, serties, font contraster la profusion et le vide.
Sarah Bernhardt calligraphie sur l’une d’entre elles :
« Je ne trouve rien de meilleur qu'un Petit LU, oh si ! Deux petits LU. »
Dans sa période américaine Mucha eut un savon à son nom.
La femme fait vendre alcool et cigarette, Jane Atché, dans sa publicité pour JOB, lui apporte l’élégance.
Chéret comme Seurat utilisait peu le noir, Cappiello en fait ses fonds, le style bascule, les couleurs sonnent et dissonent.  Avec lui : OXO, le bouillon, a des allures de smiley, et il faut oser une horde de rats se cassant les dents sur des pneus, le thermogène rappelle lui les charlatans de l’époque victorienne.
Carlu plutôt art déco s’inspire du cubisme voire des constructivistes russes en intégrant des photographies dans une affiche pour le désarmement.
Loupot présente les voitures Voisin dans une forêt Cézanienne et également dans une épure expressionniste.
Cassandre, c’est lui « Dubo, Dubon, Dubonnet »,  le Le Corbusier de l’affiche, installe «  le tumulte dans les rues ». Son navire Le Normandie occupait tout l’espace, il a été reproduit en très grand dans le palais de la publicité en 1937, un monument. Il magnifiait les objets et le graphisme était au premier plan.
Alors que Nectar, personnage de Dransy, symbole des vins Nicolas a traversé les années et sera réinterprété encore plus de fois que ses mains pouvaient porter de bouteilles (32).

mercredi 23 avril 2014

L’Alpe. Printemps 2014.

La première page du trimestriel est caractéristique de l’esprit de la belle revue des éditions Glénat rédigée par l’équipe du Musée Dauphinois : un montage photographique présente un coureur à pied contemporain  et sa frontale lors d’une de ces courses nocturnes désormais à la mode encadré sous un dessin du porche de l’église de Saint Antoine L’Abbaye.
Comme l’écrit un de ses lecteurs lors du 15° anniversaire de cette publication :
 « Ici la montagne n’est plus considérée seulement comme un cirque avec ses acrobates, mais comme un lieu de vie, d’histoire et de patrimoine à protéger dans l’intérêt de tous. »  
Ce numéro s’ouvre sur un article concernant l’atelier de restauration ARC nucléart : l’atome est au service du patrimoine. Le dossier principal de cette livraison est consacré aux paysages et aux hommes : Prévost et le Vercors, Berlioz et les collines de la Côte, Lesdiguières en son palais de Vizille, Vienne, Saint Antoine l’Abbaye, Rose Vallant, les peintres autour de Morestel…
Comme chroniqué auparavant http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/02/planete-grenoble-lalpe-n-55.html des rubriques pratiques mettent élégamment en lumière les publications, les expositions, mais aussi les débats concernant le développement économique de la région. Celui qui a inventé le ski n’est peut être pas celui qui le dit, et que devons nous à Bergès quand l’agglo vient d’être classée au 5° rang des villes les plus innovantes au monde ?
Après le magnifique portfolio consacré aux premiers autochromes de l’Oisans, on pourra se souvenir que les premières lampes frontales venues de chez les Petzl, entreprise familiale bien de chez nous étaient retenues par des jarretières achetées marché Saint Bruno. 

mardi 22 avril 2014

Le génie des alpages. F’murr.

Quel plaisir de redécouvrir le premier album monument de la bande dessinée, 40 ans après sa parution ! Absurde et délires, références littéraires et jeux de mots à deux balles qui ouvrent des portes surréalistes.
Alors que cet humour m’avait laissé de marbre en 73, j’ai vraiment apprécié l’univers loufoque de Richard Peyzaret. Dès la première page une brebis  à l’allure d’un Marx Brother donne le ton avec ses comparses  qui s’ appellent Einstein mais aussi Clopinette, Marionnette, Trottinette, Trompette, Gigolette, Moulinette, Minoudrouette, Raquette, Claquette, La Villette, Savonnette, Pochette et surprise… il y en a 150, que salue une par une un touriste qui a échappé au sort funeste qui guette l’aventurier qui se risque dans ces montagnes.
Pourtant un lion en mal de petit Liré est embauché pour garder le troupeau, bien plus cool que le sphinx auxiliaire d’un chien de berger qui préfère jouer aux échecs avec son maître que surveiller ses brebis quelque peu fantasques.
L’une d’elle revenue des Shetland sera jalousée mais prendra sa revanche au bag pipe. 
Le petit prince débarque aussi et si un aigle se retrouve au sol, qui se serait méfié d’un ange prédateur ?

lundi 21 avril 2014

My Sweet Pepper Land. Hiner Saleem

Le Bon, la belle et le potentat.
Western en territoire kurde avec la belle Golshifteh Farahani
Nous faisons connaissance avec un pays où la loi a du mal à s’installer quand les kalachnikovs sont plus nombreuses que les livres de lecture. Les codes du western sont adaptés pour traiter de grands sentiments entre l’intègre et courageux commandant nouvellement nommé et une institutrice qui ne compte pas obéir à la coutume en ces terres où règne un seigneur de guerre corrupteur.
Sans tomber dans la parodie d’un genre traitant de sempiternelles histoires passées, cette promenade dans des paysages bien filmés comporte des moments drôles et actualise les dilemmes éternels où il est question d’honneur et de liberté.
« Peper Land » est le nom d’un bar dans ce village aux confins de l’Irak, aussi surprenant que des musiques américaines qui accompagnent l’action, quoique. Il n’y avait pas de quoi s’exciter sur l’hégémonie des titres en anglais comme je m’y suis risqué à priori.

dimanche 20 avril 2014

Deux rives, un rêve. Idir.

Je viens d’écouter ce CD qui date de plus de 10 ans, d’un artiste dont  je découvre qu’il était le créateur de la berceuse kabyle « Vava Inouva » http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=OMUFzzcKLgA
Le titre ne me disait rien mais la mélodie célébrissime ne s’oublie pas depuis 30 ans qu’elle parcourt le monde.
Deux rives : il est de la génération qui a pu passer au-delà des rivalités, non sans lutte au sein d’une minorité devant jouer des ouds pour être entendue.
« Elle est survolée par des « aéroplanes »
Qui transportent ses enfants
Chassés par la rocaille, les ravins
Et les ronces… »
Il a collaboré récemment avec Akhenaton, Grand corps malade, cette fois là, c’était avec Goldman et  Alan Stivell, il chante Tizi Ouzou sur la musique de « La maison bleue » de Le Forestier et sa reprise des « Trompettes de la renommée » de Brassens vaut son pesant de pistaches.
«  Je ne creuserai pas ma tombe
En jouant de ma langue
Flûte alors »
Quelqu’un qui  a dit  récemment:
« Imam, prêtre, rabbin se serrent la main autour d’un Dieu unique, puis se querellent sur le Prophète. Trois livres pour un seul Dieu, c’est trop » est courageux, alors que c’était assez banal il y a peu. Et il ne peut être mauvais.
Avec lui, en précurseur, la « world music » dépasse le concept marketing, et devient un engagement humaniste qui ne manque ni de douceur, ni de ferveur.

samedi 19 avril 2014

Raconter la vie. Maylis de Kerangal Pierre Rosanvallon Robert McLiam Wilson

Au dou­zième Printemps du livre à Grenoble intitulé « Seul et ensemble », l’historien Pierre Rosanvallon http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/11/la-societe-des-egaux-pierre-rosanvallon.html  qui vient de lancer une collection dénommée « Raconter  la vie » était tout à fait à sa place, ainsi que ses comparses. Il a présenté cette entreprise « porte-voix ».
Le trou est béant entre le peuple et les politiques, qui ne l’a pas constaté ? Alors cette initiative éditoriale qui se veut lieu de lien social, vise à donner la parole aux « invisibles », invisibles d’abord à eux-mêmes.
En face quelle expression portent nos représentants, de qui sont-ils les porte-paroles ? Chez eux la parité a progressé, mais la diversité des groupes sociaux a régressé. D’avantage de femmes mais pas d’ouvriers, même au comité central du PC. Et ce n’est pas nouveau : des brochures sur « la malreprésentation » étaient écrites dès 1789. A l’âge de l’hyper visibilité factice (réseaux sociaux, téléréalité…), la société est opaque aux yeux d’une caste politique et médiatique dans l’entre soi, qui ne cherche même pas à savoir. 
« Raconter la vie veut contribuer à rendre plus lisible la société d’aujourd’hui et à aider les individus qui la composent à s’insérer dans une histoire collective. »
Quand un tiers des français vit dans l’année un moment fort : rencontre, séparation, perte d’emploi, réussite ou échec à un examen, comment rester sur des catégorisations sans dynamique, des généralités qui ne disent plus rien ?
« Pour « raconter la vie » dans toute la diversité des expériences, la collection accueille des écritures et des approches multiples - celles du témoignage, de l’analyse sociologique, de l’enquête journalistique et ethnographique, de la littérature »
Parce qu’ « écrire agrandit le regard », ces livres et ce site web appelés à se multiplier, visent à faire vivre une « démocratie narrative ».
Il s’agit de regagner de la confiance face aux stéréotypes: opposer le réel à des visions fantasmées, agressives. Le récit de la vie quotidienne autour d’une mosquée  peut contrer bien des appréciations globalisantes.
Par exemple dans un livre de la collection à 5, 90 €, «  Les courses ou la ville », on demande au livreur de capsules « Nespresso » de ne croiser le regard de personne car cela dévaloriserait la marque !
L’irlandais Robert McLiam Wilson nous apporte un air venu hors de l’hexagone, en regrettant la faveur du mot anglais « chav » qui signifie « racaille beauf » avec un mépris, y compris de la gauche, qu’elle ne se serait pas permis avec des minorités ethniques, mais là il s’agit de blancs. Il jette un regard sans concession sur le 6°arrondissement de Paris, quartier de la classe médiatique, monocolore comme certains quartiers de Johannesburg au temps de l’apartheid et nous rappelle une émission «Benefits Street» (la rue des allocations familiales) retransmission de téléréalité aux effets ravageurs.
Maylis de Kerangal, la romancière, écrira à propos d’un cuisinier, après Annie Ernaux sur les Supermarchés http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/04/regarde-les-lumieres-mon-amour-annie.html . Elle qui travaille plutôt dans la fiction « polyphonique, omnivore », ne souhaitant pas que la littérature se soumette au réel, est pourtant investie dans cette entreprise. Attachée à traduire des trajectoires individuelles, elle signale l’importance de sa présence à une opération d’implantation d’organe qui a pu infuser dans tout son dernier ouvrage.
Dans la lignée de tentatives du XIX° siècle autour de Balzac, l’auteur de « la comédie humaine », avec des brochures  de 8 pages qui traitaient aussi bien des rentiers que de la condition carcérale, Rosanvallon & compagnie comptent bien multiplier les styles pour capter les mouvements, sortir des pétrifications, livrer des représentations sensibles plutôt que des discours sur la tolérance, quand on ne sait pas grand chose du travail de ceux qui nous apercevons sur le quai d’une gare, où au fond d’un abattoir. 

vendredi 18 avril 2014

Ecrans à cran.

Parmi toutes les images utilisées pour décrire la déroute du PS aux dernières élections le mot « claque » est le moins adapté à mon goût. Il est certes dans le ton de notre époque énervée mais ne rend pas compte d’un mouvement venu de bien plus loin et plus durable que le temps d’une paire de dimanches en avril 14.
Touchés au cœur d’une légitimité qui maillait le territoire, les élus locaux sont concernés en première ligne et responsables. Les cumulards de fonctions à vocation sénatoriale entourés d’une camarilla d’obligés ont remplacé le projet par la stratégie, les idées par la magouille, le courage se dissolvant vite à la veille d’une élection, et c’est toujours la veille.
Le réflexe habituel de reporter l’échec sur les autres, place Hollande sur le devant puisque sous la V° tout procède d’un seul homme, normal.
Mais je crois que son impopularité présente ne tient pas tant en la teneur des mesures annoncées que d’avoir minimisé leur urgence : retraites, dette.
L’élection de démagogues, la reconduction de voyous, l’indifférence ou les colères dévoyées de citoyens révèlent la difficulté de transmettre des valeurs humanistes quand l’exemplarité se débine.
Et retour sempiternel à l’école : dans cet univers à tendance hystérique, si les enfants rois  tournent à la caricature c’est qu’ils descendent d’une génération reine, celle qui fait la moue face à chaque décision, quelque soit son sens. Alors vous reprendrez bien un petit référendum pour que rien ne change.
L’école, où le moindre effort est banni, a parfois bien du mal à cultiver la curiosité, à amener vers des découvertes de ce qui est étranger à des individus formatés par les familles sur la défensive et les modes remplissant les vides. La relation prof /élève peut s’apaiser dans la relation individuelle mais se voit perturbée dans le brouhaha ambiant jusqu’au mutisme : restent les machines.
«L’écran, qui envahit tout, est lui-même envahi par une nouvelle caste dominante qui se croit libérée des préjugés bourgeois, alors qu’elle s’est affranchie de tout scrupule et dont les goûts, la langue, la connivence régressive, l’hilarité perpétuelle, l’obscénité tranquille et le barbotement dans la bassesse témoignent d’un mépris souverain pour l’expérience des belles choses que les professeurs ont la charge de transmettre. Il est toujours difficile de résister à ce déferlement» A. Finkielkraut.
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Dans le « Canard » de cette semaine :

jeudi 17 avril 2014

« La Pointe et l'ombre ». Musée de Grenoble.

A la suite du professeur Etienne Brunet, nous nous approchons des dessins nordiques présentés jusqu’au 9 juin au Musée de Grenoble.
Une pause bienvenue parmi les installations parfois tapageuses, les monumentales exhibitions, les  sollicitations tonitruantes.
Ici les personnages sont si petits, les papiers si fragiles, les touches à la sanguine si légères, les rehauts de blanc si décisifs, les choix si subtils que nous sommes aussi dépaysés que si nous avions suivi les rails vers quelque café d’Amsterdam aux effluves rieurs.
J’aime ces taches, ces plis, où la maturité des artistes se mesure dans un trait suspendu alors que le débutant appuie.
A la plume les rythmes forment une écriture, une pointe de lavis nous fait fondre.
Avant le Musée place Verdun, à l’emplacement du lycée Stendhal, il y avait  déjà un fond de dessins dont certains sont ressuscités à l’occasion de cette troisième présentation, ils en retrouvent d’autres dont nous apprécions la mise au jour.
Nous passons du genre enluminure moyenâgeuse, où s'ordonnent d'apaisants équilibres entre eau/ terre/ ciel, à des trouées qui permettent d’aller au-delà du premier plan, avec des arbres présentés frontalement ou amenés à la lumière pas des compositions habiles.
Sur l’un des dessins, l’étudiant Cornélius  ouvrira-t-il les yeux après que sa passion d’un soir lui eut présenté dans ses bras de jeune maman le fruit de ses abandons ? Sur un autre, Achille déguisé en fille au milieu des filles de Lycomède se trahit, il choisit une épée au milieu des tissus : c’est son genre.  De quoi réviser ou découvrir des épisodes de la mythologie ou de la bible :  la représentation du sulfureux Jéroboam n’est pas anecdotique dans ces contrées qui connurent bien des affrontements entre catholiques des Flandres et réformés de Hollande où des artistes même devenus protestants continuèrent à travailler pour ceux qui chérissaient les images. 
Au sortir de ces années furieuses, la fierté de vivre dans un pays où règne calme et harmonie transparait : vues typographiques, panoramas,  marines et forêts, paysages idylliques, commerce sur le Rhin, scènes du quotidien, animaux …
On se rend compte que finalement les ruines italiennes ne datent pas toutes de l’antiquité et que « ce que n'ont pas fait les barbares, les Barberini l'ont fait »  bien plus tard ; les vieilleries écroulées ont  parfois du charme. Par ailleurs si un trait est appuyé cette fois c’est que le dessin a du se faire à la lueur d’une bougie, notre guide nous rappelle tout ce que les couleurs des cubistes devaient à l’éclairage au gaz.
Avant d’arriver à l’autoportrait au chevalet de Rembrandt, un parmi les 40 peintures, les 30 eaux fortes qu’il fit de lui-même, nous traversons la salle consacrée à ses disciples virtuoses, rapides où  souvent se pressent un événement à venir.   
Cet acharnement à se représenter s’affronte à la difficulté majeure de la description du corps et ses « touches beurrées » nous parlent comme lorsque Courbet fumant sa pipe et fermant les yeux veut se montrer en « homme désillusionné des sottises qui ont servi à son éducation et qui cherche à s’asseoir dans ses principes », comme il le dit lui-même.
Lors d’un relevé de biens  lors d’une faillite, chez Rembrandt Harmenszoon van Rijn, un christ « d’après nature » fut répertorié.
Nous pouvons continuer à chercher la figure de l’homme et de ses fils.

mercredi 16 avril 2014

6 mois. Printemps été 2014.

" En Irak le problème, ce n’est pas que nous n’ayons pas fait une grande image comme au Viet Nam, c’est que nous en avons fait trop. "  La réflexion est du reporter M. Kamber dont on retrouve un entretien consacré à la guerre et des clichés au cœur de ce numéro 7 de la revue bisannuelle consacrée aux photographies sur 300 pages.
La diversité est  toujours là, depuis les reportages autour de l’appel du Nord en Russie
- dans une ville où des pionniers exploitent le pétrole et le gaz
- ou dans une autre colonie parmi les endroits les plus pollués au monde qui se souvient du goulag,
- en suivant des chasseurs de défenses de mammouth  plus accessibles maintenant avec la fonte du permafrost.
Au Viet Nam, l’hôtel président devenu vétuste reçoit les dignitaires du régime qui ont succédé aux américains,
- en Italie le théâtre permet aux esprits de s’évader de la prison
- et en Espagne une famille s’occupe avec amour de ses trois adolescents autistes,
- dans des collines du Rwanda nous rencontrons des rescapés des massacres.
La série de photographies ensoleillées des Maramures en Roumanie au moment des foins réveille des odeurs d’enfance, seront-elles regardées un jour comme un sujet d’exploitation comme dans les archives américaines où les enfants travaillaient très tôt dans les filatures et les champs ?
L’album de famille vient cette fois de Corée et la photobiographie est consacrée à Bruce Springsteen.

mardi 15 avril 2014

Les gosses 9. Carabal.

Cet album  intitulé« Mais pourquoi tu t’énerves ? » vient après «  C’est qui qu’a prouté ? » : humour familier à tous ceux qui vivent avec des enfants ou des petits enfants : c’est gentil, vite lu.
Déjà chroniqué sur ce blog http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/12/les-gosses-carabal.html, il fait bon retrouver les parents et leurs deux garçons complices et drôles. Rien d’exagéré quand pour remplacer l’expression : « tu vas te les peler » qui ne convient pas à maman, l’un d’eux sait bien que « ça fait nul de dire tu vas avoir froid aux testicules ».
Les enfants sont dessinés dans le style Bretécher, ils auraient gagné en tendresse à ne pas posséder un nez aussi porcin, mais les situations bien observées sont traduites efficacement avec le vocabulaire approprié à chaque génération où les anciens n’oublient pas leurs prérogatives et où les enfants sont des enfants.

lundi 14 avril 2014

La cour de Babel. Julie Bertucelli.

En sortant de la projection je me disais qu’un tel film pourrait être tourné dans bien des classes avec les attentes des enfants ou des ados, leurs progrès, leurs difficultés, leurs parcours singuliers, leurs contradictions, leurs rêves… Cet hymne à l’école venant après d’autres pourrait rappeler aux commentateurs culturels extatiques que cette magie de « faire classe » n’est pas si rare. C’est qu’ils collent tant aux critiques déversées quotidiennement sur l’éducation nationale, qu’il faut qu’ils soient au cinéma pour apprendre que des structures et des personnes travaillent à l’intégration, se servant des différences pour aller vers plus d’humanité. Comme il a fallu un Makine ou un Maalouf pour chanter la beauté de notre langue, l’énergie de ces jeunes étrangers, redonne le moral à ceux qui sont minés par le  je-m’en-foutisme et le mépris des savoirs.
Il y a tant de séquences justes et fortes : quand la blonde Oxana se met à chanter, les rires gênés s’effacent vite et à un autre moment la fierté du papa d’Androméda rayonne.
Les doutes de la crépue Djenabou entre l’Islam de son père et le christianisme de sa mère:«  on ne sait même pas si Dieu il existe ! » ont pu émerger dans une école où la laïcité n’a pas peur des débats. Il n’y avait pas besoin d’un discours final pour prouver la fraternité rayonnante car dans ce groupe l’Irlandais, la Chinoise, le Marocain, la Guinéenne se sont apprivoisés. 
Les dilemmes sont dynamiques : comment donner la confiance en soi sans leurrer ? La révolte de celle qui vient de recevoir les félicitations et devra rester en 4°, montre qu’elle n’est pas dupe. Mais ses promesses de travailler pendant les vacances me semblent illusoires comme lorsque se joue la cérémonie : « nous nous reverrons mes frères ».

dimanche 13 avril 2014

Le Oliver St. John Gogerty. Les Chiche Capon

Le titre de la pièce  présentée à La Vence Scène vient du nom du pub irlandais à partir duquel, après un sondage d’opinion, les trois - presque quatre- clowns vont donner leur interprétation d’une histoire de l'Humanité, genre bric à brac branque. Humour régressif et rigolade potache, seau d’eau et glissade dans les flaques, coups de gourdin en mousse et pomme empoisonnée font plier de rire la salle. Si la figure du débile à la voix perchée me fait rire moyennement, la cavalcade préhistorique avec les phénomènes de leader qu’on retrouve avec des personnages plus contemporains est bien vue. Et même l’insistance de gags à répétition passe bien tant les acteurs ne se prennent pas au sérieux  tout en faisant preuve de professionnalisme dans l’organisation du n’importe quoi. La présence d’un acteur parmi les spectateurs n’est pas d’une originalité folle ni le dévoilement sous l’imperméable d’un slip Superman mais leur plaisir de jouer comme des gosses ayant trouvé quelques  accessoires dans un grenier est communicatif : cet absurde  loufoque là nous convient. « Déjanté » est le mot qui revient inévitablement comme leur vélo qui se plie et les situations créées qui prennent des routes sinueuses, surprenantes ou tellement attendues qu’on se dit ils ne vont pas oser : si !
Ah oui, si ce nom Chiche Capon me disait quelque chose : c’est le nom d’un groupe secret de collégiens dans « Les disparus de Saint Agil ».

samedi 12 avril 2014

Regarde les lumières mon amour. Annie Ernaux

Quelle injonction peut être plus belle ? Quand il s’agit des guirlandes qui dégoulinent en décembre au supermarché Auchan de Cergy, comment discerner le pathétique, du sublime ?
Ce ne sont pas ces termes trop excessifs qu’a choisi l’ancienne fille d’épicier écrivant, en 70 pages, dans la nouvelle collection de Rosanvallon « Raconter la vie », mais ceux qui disent l’humanité dans le quotidien, sans fermer les yeux sur les stratégies marchandes.
Elle fait l’historique de ses émotions en ces lieux de découverte de la modernité depuis Londres dans les années 60  jusqu’au centre commercial gigantesque des 3 Fontaines en passant par les escalators d’un Super M des années 70.
Dans nos villes où subsistent les décorations de Noël en plein juillet, le temps et ses rites sont surlignés dans les allées marchandes.
Elle remarque l’évolution de la place du rayon « bio », ou celui du « discount » :
"Ici le langage habituel de séduction, fait de fausse bienveillance et de bonheur promis, est remplacé par celui de la menace, clairement exprimée. Sur toute la longueur du rayon self discount, en bas, un panneau avertit en rouge Consommation sur place interdite. »
Pas de regard surplombant, ni posture poétique bidon : une écriture juste ni trop au ras ni trop loin.
Avec ses descriptions, sans appuyer, de quelques clients et travailleurs, nous sommes dans la file avec elle, à installer la barrette « client suivant » après avoir déposé nos achats sur le tapis comme geste de sociabilité.
Dans ces hangars hagards les caissières remplacées par des machines vont faire les courses à la place des affairés méprisant les foules, ayant perdu désormais l’occasion de croiser une dame qui pense nouer une conversation :
« Les sardines au piment, c'est pas pour moi ! »

vendredi 11 avril 2014

Une chose et son contraire

 - La croissance permettrait au chômage de reculer mais elle met en danger notre terre.
« Le Monde n’est pas seulement à habiter mais aussi à inventer » (Patrick Chamoiseau).
- Ayrault était évanescent/ Vals est trop présent.
« Hollande a trouvé le Manuel pour sa boîte à outils »( C dans l’air et sur Internet)
 - Vals nous a bien servis en éloignant quelque peu les soupçons d’angélisme  qui pesaient sur la gauche en matière de sécurité.
- Ceux qui chantaient l’Internationale, défendent aujourd’hui les lambeaux de la production nationale.
 « Les mystères sont irrités par les faits » (Norman Mailer)
- La droite a gagné bien des villes et ce serait un appel à plus de gauche ?
- Le président de la république doit-il parler au pays ou à son électorat ?
- Quant au secrétariat du PS !
- A Saint Egrève, sans préparation, le PS a évité de s’allier aux verts et aux partis de Gauche : échec.
- A Meylan : une candidature unitaire de gauche a été préparée sur le long terme: échec.
- Grenoble montre que l’électorat souhaite le renouvellement ; Marseille…
« Je suis pratiquant, pas croyant » (Eric Piolle s’exprimant  à propos de la religion) dans Libération.
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Dans "Marianne"

jeudi 10 avril 2014

Les dessins nordiques du musée de Grenoble.

David Mandrella qui a sélectionné 120 dessins, présentés jusqu’au 9 juin 2014  place Lavalette sous le titre « La Pointe et l'ombre » a tenu une conférence aux amis du musée.
Après des feuilles italiennes et françaises proposées au public 
cette fois il s’agit de dessins hollandais, flamands, allemands  du XVIe au XVIIIe siècle provenant du legs de Léonce Mesnard.
Paysages, scènes de genre, études d’animaux : les cabinets graphiques élargissent leur public et exposent depuis les années 80, dessins préparatoires, observations de la nature ou œuvres composées, à la pierre noire, à la plume, avec parfois des rehauts de blanc ou des touches très discrètes à la sanguine.
Les dunes, les côtes, les paysages calmes et harmonieux étaient déjà recherchés par les collectionneurs des provinces unies déchirées pour des raisons politiques et religieuses.
Si les flamands savent bien incarner les sujets d’histoire, les paysages d’Italie peuvent les faire rêver avec leur atmosphère lumineuse au milieu de ruines prestigieuses.
Les vues maritimes ou celles des canaux sont apaisantes et les paysages alpestres inédits.
Parmi la diversité des sujets présentés : dans le domaine religieux, la représentation de la vierge est fréquente à l’époque,  par contre celle de son mariage avec Joachim bien plus rare.
Salomé vient demander la tête de Jean Baptiste à Hérode en habit du XVI°et Saint Guy est mis à bouillir dans de l’huile.
Une figure orientale de Rembrandt qui n’effectuait pas de croquis préparatoires mais s’inspirait de dessins, représente sans doute un acteur à la sortie d’un spectacle consacré à l’Ancien Testament.
La délectation visuelle au Nord prime sur la réflexion latine nous a-t-on dit.
Figureront dans une base de données, bientôt en ligne, quelques dessins fragiles qui ne sont pas mis en lumière cette fois : le frappement du rocher par Moïse, Suzanne et les vieillards…

mercredi 9 avril 2014

Apocalypse. I. Clarke D. Costelle.

Des esthètes ont parait-il freiné l’inscription parmi les ressources mises à la disposition des enseignants de ces cinq épisodes de la guerre de 14-18 parce que les images sont colorisées : que de temps perdu et quelle incompréhension de notre époque où de jeunes cons trouvent que sur les tablettes le passé ferait mieux d’être arasé.
D’autres ont dit que ces émissions sur France 2 étaient trop scolaires : ce doit être pour cela que je les ai appréciées. Nous saisissons bien la dimension mondiale du conflit démarré entre souverains cousins et qui s’emballe très vite : les hécatombes arrivent au début : 20 000 tués le 22 août 1914, les dégâts collatéraux étant colossaux : le génocide arménien à motif religieux  a coûté la vie à 1 200 000 personnes. Dans le macabre décompte: 420 000 britanniques sont morts lors de la bataille de la Somme où l’artillerie a joué un rôle capital : le canon de 520 est capable d’envoyer un obus de 1400 kg à 16 km, les inventions pour tuer ne manqueront pas.
Les cinq épisodes sont remarquables qui mettent en cohérence des faits qui étaient disparates pour moi, bien que présentés comme toutes les séries par paquet de deux accentuant l’émotion du moment, mais leur portée en est amoindrie en réduisant  la diffusion dans le temps. Dispositif télévisuel à court terme qui agace les dents comme l’émission conclusive animée par Marie Drucker étalant son savoir tout neuf sur fiches, suivie de son people inévitable, cette fois Christophe Malavoy en promo avec un livre sur son grand père, au détriment des historiens remarquables http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/02/quelle-histoire-stephane-audouin-rouzeau.html . L’animatrice est toute contente parce qu’elle est dans la galerie des glaces à Versailles où ils se sont mis autour d’une grande table éclairée de néons rouges : nous sommes bien en 2014 bling, comme nous le rappelaient bien mieux les petites séquences intéressantes qui ponctuaient cette dernière émission (aspect des lieux aujourd’hui, où certains continuent à fouiller …).
Venaient après jusqu’à des une heure du matin, les épisodes concernant un certain Hitler qui s’était servi du traité de Versailles pour son ascension. 1918 n’était pas la date de la fin de la guerre.

mardi 8 avril 2014

La revue dessinée. Printemps 2014 n°3.

Un bon cultivateur : sur 230 pages sont développés agréablement en images pédagogiques les sujets les plus sérieux voire les plus ardus ou les plus inattendus.
Ainsi aurai-je mesuré l’importance d’un élevage de mouches pour les stériliser qui a rendu des services immenses aux éleveurs américains et mexicains dont les troupeaux étaient décimés par la lucilie bouchère.
Les enjeux autour des ressources énergétiques de la planète sont plus évidents, mais la mise en scène des tractations entre gouvernements est éclairante, comme sont bien exposées les solutions visant à remplacer le pétrole qui va venir à manquer.
Le rappel  de l’historique du conflit syrien est utile, et un tour dans une cession de formation du Front National bien documenté, un reportage à Berlin où le droit au travail est mis à rude épreuve remet en cause quelques idées dominantes.
Les rubriques habituelles traitent de Sun Ra, de la naissance de la Silicon Valley, de l’invention de la guillotine, des mots de l’armée :
« alors qu’un soldat français a été tué un peu plus tôt dans la journée, nous apprenons qu’un groupe de 15 terroristes a été neutralisé »,
 ou du vocabulaire de l’escrime.

lundi 7 avril 2014

Arrête ou je continue. Sophie Fillières.

Acteurs fétiches d’un certain cinéma français, Mathieu Amalric et Emmanuelle Devos aux yeux expressifs jouent Pierre&Pomme, remarquablement. Les dialogues tranchants et drôles pour une ancienne passion qui use son énergie à la destruction de leur couple sont délicieux.
Mais quand elle a choisi de rester dans la forêt à la fin de la randonnée dominicale et qu’au fond d’un trou elle sauve un chamois, là, la légèreté s’embotte.
Quand ils sont ensemble et qu’ils se mordillent c’est bon, cependant à partir du moment où le feu ne démarre pas au silex alors que celui allumé quand elle est seule va la réchauffer, nous pouvons rester  au premier degré nous aussi et trouver que ces feux de l’amour ne prennent pas, voire qu’ils virent au réchauffé.

dimanche 6 avril 2014

Carmina Burana à Grenoble.

Au centre œcuménique Saint Marc les chorales du lycée et collège Champollion et du Grésivaudan aidés de la chorale Crescendo présentaient l’œuvre de Carl Orff dirigée de main de maître par Thierry Muller. Le directeur du conservatoire était accompagné de quelques uns de ses élèves affutés aux percutions obligatoires dans ces «  Chants profanes pour chanteurs et chœurs, devant être chantés avec instruments et images magiques ».
Le compositeur allemand participa à la mise en scène des jeux olympiques de 36 ainsi que Strauss, mais il n’empêche que cette œuvre puissante nous transporte.
Un élève rappelle les mots de Prévert l’anar :
« La musique
Voyage
s'en va
Revient
La musique c'est le soleil du silence
Qui jamais ne se tait tout à fait
Du silence qui chante
Ou grince en image
Dans l'aimoir
Ou la mémoire des gens »
La mélodie incantatoire, s’accélérant jusqu’à l’exaltation, accompagne des textes retrouvés dans le  monastère de Benedicktbeuern. Les chants (carmina) de Beuren (burana) bien que célébrant les plaisirs de l’amour et du vin en très vieux françois et allemand mêlé à un latin abâtardi ne se traduisent pas par « burnes rouges » selon le mot d’un ami dont je tairai le nom ; l’émotion est là et les poils se dressent.
La fortune souvent varie, éphémère est la vie, mais le printemps est là lala lala.
Il faut bien 150 choristes dont des petits sixièmes qu’ont voit transportés comme le môme encore plus petit qui était venu écouter un frère. Il n’en a pas perdu une miette tant la représentation est tendue qui interdit d’applaudir au moment des silences où se préparent la prochaine explosion, la prochaine voie ténue tenue par une jeune fille émouvante.
Les pianos affrontent une partition difficile, et le chœur s’emballe, s’apaise, suit les ruptures haletantes. Le léger et le tonitruant vont bien à ce groupe où se mêlent tous les âges, et le plaisir s’empare du public qui sait bien toute l’exigence dont les professeurs ont du faire preuve pour mener à bout ce projet. Par l’harmonie et l’énergie dégagées, les élèves ont la certitude que la réussite est encore plus belle au bout de leurs efforts et du sacrifice de quelques dimanches de répétition. A ce moment là, les remerciements  jusqu’aux agents comptables des établissements distraient d’une émotion où la notion d’amateurisme n’a guère d’importance : il est bien des spectacles de pro avec plus d’effets qui nous font moins d’effets.
Le nouveau maire de Grenoble Eric Piolle a effectué sa première sortie officielle à cette occasion. L’amateur est passé en mode pro en toute simplicité.

samedi 5 avril 2014

France culture papiers.# 8. Hiver 2013.

La lecture ne sauve pas de tout : le rattrapage de moments d’écoute flottante par la consultation de la version papier de France culture ne m’a pas réveillé dans la livraison de ce trimestre.
Plusieurs articles viennent pourtant apporter des éléments concernant un sujet brûlant, les secrets : prisons de la CIA, lanceurs d’alerte, maitrise  des secrets d’état quand celui ci se nomme Louis XIV, l’alchimie science occulte, jardins secrets et secret de familles, la vie privée commence où ?
Mais mon attention habituée des titres chocs a trouvé quelque peu insipides ces entretiens et  dans un autre article les espaces infinis de l’univers m’effraient à peine, tant les distances et tous les chiffres sont hors normes :
« La terre faisant un million de fois moins de masse que le soleil, vous aurez dans le volume de la terre un million de fois la masse de la terre, autrement dit un corps extrêmement dense où chaque cuillère à café de matière pèsera des milliards de tonnes. »
 Ce sera dans six milliards d’années ; vu que la terre a été formée il y a 4,55 milliards d’années et que l’homme moderne est apparu il ya 200 000 ans, ça laisse de la marge.
Alors dans le cahier consacré à Geluck une anecdote rassure sur notre humaine condition :
« Un français se retrouve au marché aux poissons devant une dame qui écorche des anguilles de rivière dont on doit arracher la peau à vif, sinon  on ne peut pas les peler. Elle arrache une peau et puis une deuxième.
Le type lui dit : « c’est horrible ce que vous faites, ça doit leur faire affreusement  mal »
Elle lui répond : « oh non, vous savez, elles ont l’habitude »
Il est question aussi de Péguy et de Ménie Grégoire, du chocolat comme religion, des entendeurs de voix, des chemises et d’Adèle Van Reeth qui raconte ses débuts avant de prendre la direction des « Chemins de la connaissance » à la suite de Raphaël (Enthoven).

vendredi 4 avril 2014

Le Postillon. Printemps 2014.

Le printemps va bien au libertaire trimestriel local http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/03/le-postillon-fevrier-2014.html  qui s’est infiltré au PS et au FN pour décrire la campagne au moment des municipales. Pas de scoop en ce qui concerne les militants du PS vissés à leur iPhone: leurs portraits caractérisés en jeunes loups, élus et  vieux sont ressemblants. C’était avant la déculottée avec des signes prémonitoires qui peuvent se déceler…  après coup. L’article concernant le front national est éclairant et montre la faiblesse de cet appareil militant en regard de leur écho médiatique : à peine inscrit, une place était proposée au journaliste pour figurer parmi les candidats à Echirolles dont la tête de liste habite… Seyssinet. Un étranger quoi ! Le témoignage n’en reste pas à l’anecdote mais amorce une analyse de l’implantation de l’extrême droite. L’expérience fut plus brève pour un autre à l’UMP où rien d’autre n’émerge en dehors de la fascination pour Carignon. La description de la situation de Fontaine comme témoin du communisme municipal est plus conventionnelle avec un sens du raccourci quelque peu réducteur, marque de fabrique du « Postillon » qui se raréfie cependant:
 « Evidemment à la sauce communiste, défendre les services publics veut dire à la fois réclamer plus de facteurs et plus de policiers, alors qu’on peut difficilement confondre ceux dont le rôle est de distribuer le courrier et ceux dont le rôle est de faire la guerre aux pauvres »
Il se trouve que les pauvres souffrent de l’insécurité… voir plus haut.
Le blog augmenté de Geneviève F. est amusant, les brèves souvent vachardes, l’article sur la neige de culture, instructif, et leur interview d’un vigile, ou le reportage au camping de Seyssins auprès des personnes vivant à l’année en caravane sont sympathiques et prouvent mieux qu’une formule publicitaire, l’utilité de cette presse là. 
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 Dans "Le Canard" de cette semaine:

jeudi 3 avril 2014

De la parure à la nudité.

Serge Legat aux amis du musée ouvre sa conférence avec la photo peinte d’Arielle Dombasle dévêtue parmi les fraises de Pierre et Gilles. Sous des couleurs venues de Bollywood chatoyantes et sirupeuses, la lumière rayonne comme dans l’iconographie religieuse.
Et c’est là, que tout au long de l’histoire, le nu se met en scène avec Adam et Eve et les représentations de la crucifixion.
Au VI° siècle dans le manuscrit des Évangiles de Rabula, le Christ était revêtu de sa tunique entre les larrons ne portant qu’un linge de pudeur; pourtant  lors de ce châtiment les suppliciés étaient entièrement nus.
Sept siècles plus tard, le grand crucifix de Cimabue avec à ses extrémités Marie et Saint Jean au chagrin manifeste rompt avec les codes byzantins, tout comme le périzonium, le linge couvrant le sexe divin en sa moderne souplesse. La forme et la surface de ce pagne de pureté permet les datations.
Plus tard, Giotto, premier peintre moderne d’après Malraux, l’a rendu transparent.
La renaissance redécouvre les sculptures antiques, le corps se réaffirme et notre passage terrestre devient digne d’intérêt. Après la symbolique de la pureté, la nudité s’affiche héroïque. L’art  illusionniste joue désormais à l’illusion de la vérité.
Une gravure du quattrocento, par Pollaiolo représentant un combat d’hommes nus sous toutes leurs faces, est remarquable.
Bien plus célèbre, le David de Michel Ange, dont j’ai surtout perçu cette fois la concentration, n’est pas un éphèbe contrairement à celui de Donatello, déhanché.
Notre étonnement  et notre admiration de voir au plafond de la Sixtine, http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/03/les-fresques-de-la-sixtine-de-lharmonie.html, tous ces corps dont la vérité anatomique avait été nourrie par  l’observation au cours de dissections de cadavres sont ravivés par les polémiques récentes où l’église catholique se montre bien plus frileuse que ne l’étaient les papes commanditaires autour des années 1512. Et dire que Michel Ange qui préférait la sculpture ne voulait pas travailler sur des fresques ! Merci Jules II  d’avoir insisté. Ainsi l’étincelle de vie qui passe de Dieu à Adam, idéal mâle, nous électrise encore.
Comme Cézanne plus tard, ses représentations de femmes s’inspiraient de modèles masculins.
Léonard de Vinci,  lui, n’avait pas l’homosexualité refoulée, et son homme de Vitruve du nom d’un architecte de l’Antiquité aux proportions parfaites est la mesure de toute chose, il est au centre de l’univers. L’homme nu représentait la vertu, forcément céleste, alors que la femme avec plus ou moins d’atours restait sur notre si jolie terre. 
Si  Florence a excellé pour représenter les hommes, Venise privilégie la femme : Raphaël  peint ses trois grâces sous tous les angles comme le permet également un miroir au moment de la toilette pour Bellini. Pourtant Botticelli et sa blonde Vénus naissante est florentin. Celle ci est debout contrairement à bien d’autres couchées comme celle du Titien qui nous regarde dans les yeux, son petit chien fidèle endormi à ses pieds.
Avec Danaé sous une pluie d’or, du Tintoret à Klimt en passant par Rembrandt, et tant d’autres Vénus rondes de Rubens à Vélasquez, le nu masculin se marginalise.
Les odalisques esclaves vierges, au dernier rang social, servaient les concubines du harem, celles de Boucher à Picasso en passant par Ingres, nous enchantent de leur sensualité.
La maya desnuda de Goya était recouverte de la vestida et Lacan avait commandé un paysage à André Masson pour couvrir une forêt non épilée figurant sur l’"Origine du monde" de Courbet.
Par contre le tableau de l’école de Fontainebleau où Gabrielle d'Estrées a le sein pincé par une autre femme torse nu symbolise sa grossesse, il n’a rien de libidineux ; la maitresse à qui Henri IV avait promis le mariage tient un anneau à la main. Les répliques contemporaines de ce duo laissent entendre quelques lesbiennes relations pendant qu’un trio stylisé en noir et blanc du photographe Robert Mappelthorpe permet de résumer plaisamment  la thématique de la soirée.