lundi 31 mars 2014

Aimer, boire et chanter. A. Resnais.

Le réalisateur disparu est là comme jamais, pour toujours. Il fallait cette dérision, ces décors de théâtre qui ne sont surtout pas réalistes, ces situations de vaudeville pour dire adieu au cinéma et évoquer avec tant d’élégance sa propre disparition.
La fantaisie fait oublier les rides, les mensonges nous font approcher de la vérité et cette cérémonie des adieux est un moment de grâce. Pourtant je ne suis pas un inconditionnel de Resnais et n’avais pu suivre jusqu’au bout « On connait la chanson » qui avait connu une  telle faveur critique que ça en devenait gênant, mais cette fois si j’ai réussi à ne pas m’agacer des cabotinages de Sabine Azéma c’est que j’étais vraiment bien disposé et ce qui tenait du devoir culturel s’est révélé plus qu’un plaisir hebdomadaire : un moment où la légèreté est nécessaire à la gravité.  Dans la campagne anglaise, devant des toiles peintes, lors de séquences où les acteurs sont mis en évidence, rythmées par les dessins de Blutch, trois couples tournent autour d’un Georges invisible dont la mort est annoncée : c’est l’ami, l’ancien amant, l’ancien mari, l’acteur prenant au sérieux son rôle de séducteur, dont les dernières vacances promises à chacune des trois femmes vont se finir avec la fille d’un des couples.
"Sachons aimer, boire et chanter,
C'est notre raison d'exister,
Il faut dans la vi-e
Un brin de foli-e
Heureux celui qui chaque jour
Se grise de vin et d'amour,
Et par une chanson
De sa joie emplit la maison !"


dimanche 30 mars 2014

Don Quichotte du Trocadéro. José Montalvo.

Le  rapprochement avec l’œuvre de Cervantès m’a paru tellement allusif que ce moment de danse aurait pu aussi bien s’intituler : « meunier tu dors à la station Chatelet» tant l’humour est présent. D’après le document d’accompagnement, il est question aussi de déconstruction du ballet « Don Quichotte » du bien nommé Petipa monté en 1869, ce qui nous vaut une apparition de danseuses en tutu qui nous semblent aujourd’hui tellement incongrues et belles au milieu des danseurs de claquettes, de hip hop, de flamenco…
Cette diversité est la marque de la troupe déjà présentée à la MC 2
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/04/orphee-hervieu-montalvo.html 
qui ne remet pas en cause la cohérence du spectacle mené  vivement pendant une heure et demie. Si l’esprit satirique du roman est bien présent à travers un fond vidéo poétique et efficace, le côté « inaccessible étoile » induit par mes souvenirs de Brel ne m’a pas semblé évident. Mais le burlesque dans le domaine chorégraphique est tellement rare que le public n’a pas boudé son plaisir.
La présence d’un meneur de jeu candide et drôle n’entame pas la beauté des prestations des danseurs, le mime ne mine pas l’esthétique. Les moulins n’auraient pu brasser que du vent, ils nous font sourire en entrant dans la danse, et à leurs pieds, les 13 danseurs nous font passer un excellent moment.

samedi 29 mars 2014

Le stupéfiant image. Régis Debray.

" L’institution « Eglise catholique » rencontre le tube cathodique. L’école rencontre l’ordinateur. Que doivent-elles refaire d’elles même pour ne pas se laisser défaire par la météorite tombée dans leur jardin ? "
Vaste programme, énoncé dans une manière qui toujours me séduit. Ces mots qui riment  donnent l’envie d’aller plus loin, même s’ils sont parfois insuffisants par rapport aux images, ils peuvent nous apprendre à mieux voir. C’est le sens du titre intrigant venant de chez Aragon qui pose la littérature face aux images.
"De la grotte Chauvet à Beaubourg", ce recueil d’articles parus dans des catalogues, des revues depuis une vingtaine d’années n’ont pas pris une ride.  
Si parfois un dictionnaire est bien utile : esthésique : sensibilité ; dilection : amour spirituel ... je me suis comme d’habitude laissé gagner par la saveur du style qui permet de mieux apprécier des œuvres connues ou donnant envie de découvrir des artistes moins célèbres auquel le médiologue est resté fidèle : Matta, Pic, Vlady, Fanti, Faure, Witkin…
Son hommage aux œuvres intemporelles ne lui fait pas négliger les modes contemporaines :
« Quant aux écrans qui s’interposent entre l’homme et sa vie, ce n’est pas une hypothèse ni un
risque à courir car la chose est faite depuis longtemps. Depuis Chaplin, Eisenstein et Greta Garbo, chacun sait qu’on gouverne les hommes, on rêve la nuit, on aime d’amour et on raconte des histoires par écran de cinéma interposé. Il y a donc écran et écran. Le grand écran regarde
encore vers le tableau, la façade ou la scène parce que c’est une surface ; le petit écran est devenu une interface. Il y a donc eu rupture entre un espace de représentation et un espace d’intervention. »
Allez, une dernière petite citation parmi 400 pages, pour revenir sur notre étonnement de voir certains élus parmi tant de refusés.
« La valeur d’une œuvre d’art, ou sa cote, a toujours été fiduciaire. C’est un acte de foi, un pari mutuel urbain (un bien n’est désirable que s’il est désiré par d’autres), où chacun s’accote à l’avis de son voisin pour aller faire la queue deux heures sur une piazza glaciale. »

vendredi 28 mars 2014

On the déroute again.

Dimanche soir, madame Vallaud-Belkacem vous sembliez tellement fatiguée, votre lumière habituelle tellement éteinte que  même Guaino Henri pouvait taper juste en repérant l’absence d’autocritique du pouvoir.
A gauche, nous excellons toujours à désigner les autres comme coupables : le parti du bien ne peut faillir et ceux qui refusent nos bienfaits sont trompés.
Dans la configuration baroque de notre commune de Saint Egrève, la maire sortante étiquetée divers gauche - frissons chez quelques colistiers - qui n’avait pas de concurrent à droite, est passée au premier tour malgré trois autres listes de gauche.
Mais je n’en suis pas mécontent, après m’être résolu à voter écologiste malgré une défense des parcs et jardin un peu étroite - ils avaient travaillé - de voir les choix de mon ancien parti (PS) rejetés par les électeurs. Je m’étais pourtant imaginé que leur démagogie pourrait être payante, donc ma récente conversion à une vision pessimiste du genre humain a été démentie.
Comme tant de responsables de là haut envoyés sur les plateaux au soir des défaites, qui n’ont plus que cendre dans la bouche à force d’agiter leur langue de bois, la tête de liste imprudemment nommée « Autrement », Jean Marcel Puech déclare qu’il doit sa « veste » à son tout nouvel affichage à gauche au moment où l’ambulance est criblée de balles. Ce manque d’opportunisme l’honore mais qu’il se rassure : ce n’est pas dans la minceur de ses propositions, ni dans la profondeur de ses textes, que quelques traces de valeurs de gauche aient pu être décelées dans ses tracts. Le prix du m2 pour les propriétaires de pavillons ne figuraient pas dans les priorités des héritiers de Jaurès, fussent- ils devenus socio démocrates.
Mais trêve de railleries dans un contexte qui a plutôt tendance à  tirer vers le noir nos désirs d’avenir. Des leçons seront-elles tirées au-delà des déclarations mécaniques, juste après des moments enivrants en cours de campagne où l’entre soi se baptise fraternité et contribue aux aveuglements ?
Le problème de la gauche n’est pas l’affaire d’une seule personne, fut-il président, mais il est collectif : nous avions eu le ministre du budget que nous avons mérité, et les élus locaux colonne vertébrale, si sûrs d’eux, si compétents,  dopés à la com’, tombent des nues. Ils ont pris la fessée du Nord au sud, à « Marseille la gauche vaut peu cher » (Libé), de haut en bas.
Stratège de table basse, je pensais que la démarche de la gauche unifiée patiemment à Meylan était la bonne, las, en face la maire sortante porteuse de casseroles perdure. Est-ce que les abstentionnistes  voulaient plus de gauche dans une société qui penche de plus en plus à droite ? Ils ont permis à Copé de regonfler ses plumes.
A Grenoble qui se voit encore en modèle mais cette fois dans le bancroche, il y a de quoi désespérer Minatec et Casabio réunis. Médiapart voit Piolle en nouveau Dubedout sauf que Mendès France était alors la référence, cette fois c’est Mélenchon et « son navire amiral » qui fait l’épouvantail. Safar était pour la fusion à condition d’être chef, il se montre mauvais joueur.
Un Marc Baietto président de la Métro, où tout se passe, qui cumule les mandats (huit) se voit soulager de celui de maire, c’est une bonne nouvelle, alors qu’à l’autre bout, Balkany réélu au premier tour découragerait de persister à croire en l’honnêteté. 
                                  Les dessins sont  parus dans "Le Canard " de cette semaine.

jeudi 27 mars 2014

Ernest Pignon Ernest à Grenoble.

La fresque réalisée en 1976 pour la bourse du travail qui venait de déménager aux abords de Grand Place a tenu 25 ans. Elle rassemblait des affiches qui ont marqué l’histoire des luttes dans la région, mémoire ouvrière inscrite sur les murs d’un bâtiment qui maintenait ainsi son rôle initial de transmission, d’éducation.
Au centre figurait une fillette montant avec légèreté un escalier sur lequel était cité aussi un célèbre gisant comme ceux qui avaient été collés par l’artiste en 71 sur les escaliers du Sacré Cœur pour commémorer le centenaire de la Commune de Paris.
Ce travail venait après une campagne d’affichage beaucoup plus éphémère concernant les conditions de travail en 1975 dans le cadre d’un atelier collectif à la maison de la Culture dirigée alors par Catherine Tasca où il était question aussi de Maïakovski. Le jeune comédien qui avait servi de modèle pour l’affiche sur « les agressions subies par le corps au travail » est mort asphyxié par un chauffage défectueux.

mercredi 26 mars 2014

Trois jours à Marseille.

La formule  de location Airbnb est excellente : notre emplacement à côté de la gare de la Blancarde nous assurait le calme et la proximité du centre ville pour un prix raisonnable.
J 1 :
Nous nous posons sans encombres au parking du MuCEM là où la deuxième ville de France se métamorphose et nous nous dirigeons vers le vieux port incontournable qui oblige les photographes
avec « l’ombrière » de Norman Foster et son immense miroir au plafond sous un toit élevé, sans toutefois renoncer aux clichés du petit marché aux poissons.
J’ai connu des accumulations d’ex-voto plus émouvantes que celles de « La bonne mère » mais le point de vue qui se mérite est  grandiose depuis Notre dame de la Garde.
Avec un repas de midi au bout de l’avenue du Prado en face de la mer, nous sommes ailleurs, bien reçus, sans coup de fusil dans un restau italien.
Le Musée d’art contemporain étant fermé, nous profitons du Château du parc Borely rénové qui accueille les arts décoratifs : faïences, tissus, verreries bien mis en valeur.
En soirée nous vadrouillons dans le quartier de La plaine, vers le cours « Ju », Julien, où un large choix de possibilités de restauration nous est offert. En ce début novembre nous optons pour une terrasse.
J 2 :
Par le métro nous retournons sur le Vieux port et suivons le circuit proposé par Lonely Planet dans le quartier du Panier, le plus vieux quartier de France qui porte le nom d’une ancienne auberge. Les rues qui ont inspiré les décors de« Plus belle la vie » montent et descendent avec des églises au bout ou d’anciens hôpitaux. Celui de la Vieille Charité qui accueillait les mendiants au XVII° est remarquable et abrite sur trois niveaux de galeries, des collections d’art amérindiens et océaniens qui valent  de s’y attarder, bien que quelques salles soient fermées.
Nous mangeons chinois rue de la république avant d’aller au FRAC à la Joliette qui proposait dans un bâtiment original des expositions excitantes déjà décrites sur ce blog dans les archives beaux arts.
Ainsi que le MuCEM  http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/10/le-mucem.htmldont l’architecture avec sa résille de béton est vraiment belle, les collections bien conçues et la situation magnifique au coucher du soleil. Alors que l’OM venait de perdre contre Reims au vélodrome.
Après un tour cours Belsunce  aux alentours de La Canebière, là ou poussait le chanvre (canebé en provençal), sur la Place aux huiles: bouillabaisse ou aioli ; on n’allait pas commander un gratin dauphinois.
J 3 :
Au marché qui s’installe à Noailles,  nous prenons un petit café sur une des places où les chibanis sont habillés en dimanche, avant d’aller au musée Cantini, gratuit le dimanche matin. Tous les courants de la peinture du XX° sont représentés, l’expo temporaire était réservée au régional de l’étape : César.
Nous faisons la queue avant d’entrer dans l’enceinte du fort Saint Jean, où de petites expositions concernant les marionnettes et le cirque ne nous retiennent pas trop longtemps, avant de revenir au J4 à l'intérieur du MuCEM qui nous aimante vers une exposition temporaire consacrée cette fois au « bazar du genre », sans surprise.Nous sommes repus mais pas au point de ne pas apprécier les poissons rue Saint Saens.

mardi 25 mars 2014

Une si jolie petite guerre. Marcelino Truong.

Saïgon 1961-63 : chronique familiale et documentaire en 270 pages au moment où Kennedy renforce la présence US (15 000 « conseillers » militaires) au Viet Nam.
Le père de l’auteur est alors traducteur au service de Diem le président impopulaire de la république du sud, la mère d’origine bretonne connait des troubles psychologiques, les deux petits garçons jouent à la guerre sous les yeux de la grande sœur.
L’imbrication du récit privé et de l’histoire dans ses moments les plus paroxystiques est toujours intéressante, en apportant un éclairage nouveau, alternant les espiègleries et les drames.
Une petite sœur Anh Noël arrive dans cette famille mixte où les petits font combattre des grillons et assistent depuis leur balcon à une attaque sur le palais présidentiel de deux avions de la propre armée du président, une immolation de bonze crée un embouteillage…
Alors que l’auteur au trait efficace donne le chiffre de 50 000 soldats américains morts (sur les 8 700 000 ayant participé au conflit) parmi des millions de morts civils et militaires, Wikipédia nous renseigne : « un million de combattants et quatre millions de civils avaient été tués durant la guerre ».

lundi 24 mars 2014

Quelques heures de printemps. Stéphane Brizé.

Je n’avais pu suivre mes copines qui m’avaient chaleureusement recommandé ce film quand il est sorti en 2012, alors quand j’ai pu le voir à la télévision, j’ai compris leurs émotions.
Lindon sort de prison et revient habiter chez sa mère malade qui a décidé de  se suicider en Suisse.
 A résumer ainsi cela  préparerait à quelques dossiers de l’écran : « Euthanasie et réinsertion » quand la télé faisait de la pédagogie, mais le cinéaste nous emmène bien plus loin : quand nous nous interrogeons sur le sens de la vie.
Cette femme atteinte d’un cancer s’aggravant malgré les traitements, qui a vu souffrir son mari au caractère impossible, veut choisir sa mort à défaut d’avoir choisi sa vie.
Et le retour du fils également rigide et taiseux, plein de colère dans une maison trop rangée est magistralement interprété et filmé.
Les objets : la cafetière, la gazinière, les gestes : une main qui enlève les miettes sur la toile cirée, le chien, tout contribue à une densité émouvante. Film délicat et juste.
Seul le titre laissant croire à une parenthèse lumineuse ne me semble pas le plus adéquat, quand la mort seule apaise après une existence où chacun est passé à côté des autres en ne les rencontrant que furtivement ou trop tard.

dimanche 23 mars 2014

Les amants parallèles. Vincent Delerm.

Délicates, frêles, légères, les paroles s’envolent, le temps a passé, les cheveux sont devenus blancs. Le piano est « préparé », arrangé, et la voix du quadra aussi qui a perdu ses « œu » trainants, de quoi éloigner les dénigrants.
L’amour fragile se raconte dans la durée entre le premier soir et la paternité.
La natation était synchronisée dans un CD précédent, à présent les corps si légers ne sont « pas loin et à côté quand même » mais arrive « le jour où tu croyais qu’on ne repartirait  pas » pourtant elle avait « le plan à la main ». Le couple voyage, passe d’appart en appart.
J’aime cette mélancolie qui n’est surtout pas tonitruante, gentille, elle nous fait oublier les grandes gueules.
Il avoue qu’il a fait semblant pour « Joe Montana » d’aimer ça et nous excuse de nos conformismes d’un jour.
Sur la plage aux romantiques, désormais il y a un filet de volley ball  photographié en noir et blanc.
« Est-ce que ça s’arrête
Page quatre cent vingt sept
Est-ce qu’on atteindra
La page trente trois »
Il est plutôt de la génération de mon fils, mais les époques se confondent. Si j’ai bien connu  aussi l'Antoine Doisnel de son père, je prends garde de ne plus courir sous la pluie pour ne pas m’enrhumer; j'aime cette image au cinéma et les chansons douces.

samedi 22 mars 2014

Fête du livre Bron 2014.

A la table du festival des littératures contemporaines, deux promeneurs solitaires et rêveurs : Gilbert Vaudey et Jean Christophe Bailly  dont les routes s’étaient déjà croisées.
Un boulevard s’ouvrait donc à l’animateur de la table ronde autour du mot « traboules » pour trouver une thématique commune, plutôt que le rallumage de petites bougies de l’enfance face aux lasers froids des fêtes actuelles : 35 de ces chemins de traverse dans Lyon restent ouvertes sur 350.
Une fois secouée la fatale nostalgie qui colle à une évocation de Lyon  par Vaudey, « une ville pas comme tout le monde », dans son livre « Le nom de Lyon », le débat pouvait s’approfondir avec Bailly,  l’auteur de « La phrase urbaine »
Il nous emmène au delà du seuil de notre maison,  là où commence le monde, vers « L’impasse des beaux yeux » à Marseille dont la plaque de rue a été mainte fois volée, mais où subsiste le nom écrit à la craie, dans la lignée lyonnaise de la « Montée de tire cul », « Rue des tables claudiennes » ou « Allée des cavatines » dans le « quartier du Point du Jour ».
En accord avec le titre « Plan B », de cette 28° fête du livre, dans le cadre insolite de l’hippodrome de Parilly, nous sommes invités à prendre la tangente, des raccourcis, à faire un pas de côté pour continuer à vivre nos villes constituées de la totalité de nos promenades et non d’un patrimoine en plaques. Chaque ville est  comme un texte à articuler, à conjuguer.
Les urbanistes visent pour certains à revenir sur le zonage stupide qui a modelé nos aglomérations et nous avec, mais quand un coq dérange le résidant  secondaire comment envisager un atelier bruyant en bas de chez le quidam qui cherche le sommeil, quand on ne doit pas trop s’exclamer aux terrasses des cafés ?
 « La façade d’une maison n’appartient pas à celui qui l’habite mais à celui qui la regarde » Proverbe Chinois.
Pierre Jourde de « Pays perdu » http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/06/cest-la-culture-quon-assassine-pierre.html  et  Eric Chevillard du « Désordre Azerty » constituaient une autre paire de choix, complice, punchy, sensible et drôle pour s’interroger sur les pouvoirs de la littérature.
La réalité a été contondante pour l’écrivain qui vient de livrer « La première pierre ». Ses enfants métis avaient reçu pierres et injures quand il est revenu dans le hameau à propos duquel il avait écrit.
Cette violence vient dans ce monde rural en voie de disparition, que toutes les folklorisations n’ont pas épargné, là où justement se racontent des histoires. L’écrivain cherchant à « désenfouir le réel » contourne les évidences quand la vérité ne se trouve pas forcément aux creux des mains ou des poings, ni dans un trou dans la terre.
En farfouillant à l’intérieur du «  réservoir du monde » qu’est la littérature, je retiens quelques phrases stimulantes :
«  L’écrivain doit être mort pour ses lecteurs », « La littérature n’a pas de compte à rendre »…
A la recherche des mots qui ne soient pas taillés dans le prêt-à-poster, un détour par le silence est peut être nécessaire, alors comme au bout d’un champ en Auvergne, P. Jourde continuera à essayer d’apporter des réponses à : « Ce pays me veut quelque chose ».
Son œuvre est en route.

vendredi 21 mars 2014

« Genre »

Quand nous avons tant de mal à mesurer ce qui se joue ici ou là, en Crimée au Soudan ou sur les bancs déserts de l’assemblée, et que l’impuissance touche même Obama, les mots ne peuvent que nous manquer.
Dans le même temps, lorsqu’un journal tel que « Libération » bat de l’aile, c’est la qualité de nos « discussions » qui est altérée, pour éviter d’employer le mot « démocratie », si lourd, si insaisissable.
Je reviens sur mes terres.
Le refus de certaines mamans d’envoyer leurs enfants en classe, l’autre jour, genre hénorme : « les enseignants vont leur apprendre la masturbation » était le fait d’une minorité. Mais il ne doit pas nous interdire de penser qu’il est le signe d’une défiance plus profonde envers ce qu’on n’ose plus appeler un pilier de notre société,  l’école devenue tout au plus une béquille face à tous les dysfonctionnements de notre société. Quand par ailleurs des parents en arrivent à porter plainte contre l’institution, le processus éducatif est compromis.
Est-ce que nous avons notre part de responsabilité pour avoir tellement chéri l’esprit critique dont nous regrettons la prépondérance lorsque cette arme crépitante est retournée contre nous, les éducateurs ? Encore un de ces dévoiements qui voit les ennemis de la laïcité se réclamer de la laïcité et les fossoyeurs de la démocratie en appeler à la démocratie pour la défoncer encore plus.
Copé nous a bien fait rire avec sa condamnation de « Tous à poil ! » mais quand il faudrait prôner la fréquentation de la bibliothèque à des familles qui n’en voient pas l’ardente nécessité, difficile les convaincre avec « Titeuf et le zizi sexuel » voire impossible à recommander à un public de plus en plus sur la défensive envers ce qui fait nos délices modernes.
Des décideurs viennent de reconnaître que les rythmes d’un bambin de maternelle ne sont pas ceux d’un apprenant de CM2 : il était temps. Mais quand les horaires consacrés au français diminuent encore, et qu’il ne convient plus d’apprendre à distinguer un verbe d’un nom, l’idée de faire partager une préoccupation universitaire concernant « le genre » à nos rejetons me semble impropre à redresser les résultats d’une école qui va de mal en PISA.
L’individualisme s’exacerbe derrière les tables vandalisées et il convient de plus en plus de susurrer les consignes individuellement pour être entendu. Que n’allaient - ils pas, nos experts ministériels, perturber familles et petits pour des problèmes qui se posent surtout à l’adolescence à quelques individualités qui résoudront mieux leurs dilemmes dans la discrétion d’un entretien personnel que dans le brouhaha ?
Ces réserves ne vont pas à l’encontre de l’égalité homme/femme comme il parait utile de le préciser à tous les amateurs d’opinion tranchées toujours enclins à caricaturer l’objecteur. Justement : des mesures pour mettre fin à la discrimination seraient faciles à prendre quand il y a seulement 27% de femmes à l’assemblée, même si  le rattrapage des salaires de 25% inférieur en défaveur des femmes qui n’a que trop duré doit être plus complexe. Et ce n’est pas parce que la lutte contre les stéréotypes est plus aisée qu’il faut baisser les bras : laissons les garçons jouer à la poupée, sans leur interdire de jouer aux petites voitures.
………
Suite à mes doutes exprimés la semaine dernière  http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/03/saint-egreve-pales-municipales.html concernant les élections municipales à St Egrève, je pense voter pour les écolos. Leur petit livret développé ne sacrifie pas à la com’, témoignant d’un travail qui s’inscrit dans réflexion générale et avance des propositions concrètes. Même si je ne suis pas toujours d’accord, la proposition suivante qui ne manque pas de poésie m’a convaincue :
«  prévoir des abris fermés la nuit pour les vélos et trottinettes oubliés à l’école. » Plus sérieusement il est question de non-cumul des mandats et de logement même timidement, c’est mieux que le reste.
Comme ça, je pourrai trinquer avec mes copains, plus portés sur le rouge indélébile, l’âme légère, à la Clairette bio, me reconnaître dans le miroir et pouvoir continuer à asticoter, vertement donc, une liste où les personnes que je respecte sont le plus nombreuses.

jeudi 20 mars 2014

Ernest Pignon Ernest. Fantômes et fantasmes.

Le titre de la conférence de Christian Loubet aux amis du musée a évolué avant d’arriver à cette formulation qui caractérise l’œuvre du père du Street Art.
Né à Nice en 1942 au pays de Ben, Arman, Klein … ses premiers pochoirs sont apposés contre l’installation de la force de frappe sur le plateau d’Albion « Des milliers d’Hiroshima potentiels enfouis sous les lavandes » (René Char). Ils reproduisent les empreintes du corps d’un homme et d’une échelle saisis par l’éclair nucléaire, dont il ne reste pas la moindre photographie, c’était en 1966.
« Pour ce qui me concerne, si je suis intervenu dans la rue, […] c’est sûrement à cause de Picasso. C’est son œuvre qui m’a donné le désir de peindre et presque simultanément le sentiment qu’on ne pouvait plus peindre après lui. Tout me semblait dérisoire au regard de ce qu’il avait touché… Mais j’avais le désir d’empoigner de grands thèmes qui traitent de la vie des hommes aujourd’hui tout en mesurant que je ne ferai jamais Guernica… »
Son travail exacerbe le potentiel poétique, politique des lieux par ses silhouettes dessinées magnifiquement, tirées en noir sur papier journal.
Ainsi en 71 des images de cadavres de communards sur les marches du sacré Cœur, commémorent le centenaire de la Commune de Paris, ou d’autres au métro Charonne en 72 pour le 10° anniversaire de ceux qui étaient tombés là au moment de la guerre d’Algérie.
Il « fait passer les morts du côté de la vie » Régis Debray.
En 74, il ne manque pas de dénoncer le jumelage de sa ville natale avec Le Cap où règne alors l’apartheid.
Il acquiert de la notoriété avec le portrait multiplié grandeur nature de Rimbaud, une des figures d’un joli mai à venir.
Dans des immeubles en cours de destruction, il avait placé des sérigraphies de sans abris matelas sous le bras, et au ras des trottoirs des femmes en train d’avorter ; on disait « agit prop » à l’époque.
Il ajoute au génie des lieux, à Certaldo ville où Boccace écrivit pendant la peste le Décaméron, en peuplant la ville d’hommes nus, aventuriers de l’amour, y figure aussi Pasolini qui vient d’être assassiné.
Mais c’est surtout à Naples où il va revenir à quatre reprises qu’il a « reniflé quelque chose dans le bordel ambiant » en ces lieux de séismes, d’épidémies, de révoltes, de camorra, de tragique espagnol. S’inspirant des travaux du Caravage, de Ribera, ses corps « surgissent de leur suaire de papier au creux des murs »
« Une nuit où je collais posté sur une échelle, quatre ou cinq flics ont débarqué l’arme au poing, un peu cow-boys, sans doute alertés par des voisins me prenant pour un voleur. Je descends fissa, et le chef me dit : «  C’est une image de Caravage que tu colles ? Continue... »
Certains dessins sont restés plus de 10 ans sur les murs de Naples alors que ses personnages « les arbrorigènes » en matière végétale placés dans des arbres du Jardin des plantes se sont dégradés assez rapidement.
 A Lyon, il apposa des dessins d’hommes et de femmes solitaires, des exclus, sur les vitres de cabines téléphoniques en 96 «  l’incommunication au cœur des télécoms » R. Debray, et en 2012 il intervint à la prison Saint Paul, pour Grenoble voir la semaine prochaine.
Ses engagements l’amènent à danser avec Mandela, avant de participer à une campagne contre le SIDA. A Alger il rappelle Maurice Audin le militant de l’indépendance dont on avait fait disparaitre le corps, Mahmoud Darwich à Gaza, et Jean Genet entre désir et violence à Brest.
Dans son exposition récente « Extases », sur de grandes plaques métalliques au dessus d’un plan d’eau : Marie-Madeleine, Hildegarde de Bingen, Angèle de Foligno, Catherine de Sienne, Thérèse d’Avila, Marie de l’Incarnation, Madame Guyon sont saisies au moment de l’extase d’une passion  mystique parfaitement incarnée : une danseuse du ballet de Monte Carlo a servi de modèle sublime. 
« Le surnaturel est lui-même charnel »Péguy

mercredi 19 mars 2014

Equatoria. Patrick Deville.

Ce livre recommandé par un camarade rétif aux avions mais lecteur exigeant tombait à point pour m’accompagner dans mon voyage africain. Pas seulement pour les lieux revisités, j’ai apprécié aussi l’épaisseur historique de ces déambulations. Des îles Sao Tomé jusqu’à Zanzibar en passant par les grands lacs nous suivons Savorgnan De Brazza dont l’engagement contre l’esclavage fut notoire. Nous croisons Che Guévara et partageons les ivresses présentes de l’auteur :
 « Nous nous sommes réfugiés dans ma chambre pour y boire le vin de palme. Il feuillette les carnets ouverts sur mon lit, la petite pile des livres de Schweitzer. J’ai lu plusieurs de ces livres avant de rencontrer son successeur, imaginant qu’il avait pu quant à lui s’enfiler l’œuvre intégrale avant de prendre ses fonctions. Combien sommes- nous à le lire encore ? On peut s’étonner de la disparition quelques années après sa mort d’un nom qui fut connu de tous sur la planète. S’enfoncer dans les jungles au hasard des méandres des fleuves immenses et lents, en grand appareil, le regard halluciné, dans le vacarme des singes et des oiseaux. Arracher de son torse les flèches empoisonnées. Songer à la gloire, à l’oubli, aux mausolées. Vides, pour la plupart. »
Léger et puissant, quand le courage côtoie l’indifférence, la beauté, les marécages, lorsque l’abrutissement vient après la lucidité pour retenir deux mots de Céline dont une citation ouvre les 345 pages.
Jean Baptiste Harang dit que la parole de Deville : « est drôle et dure, narquoise, désabusée, élégante, elle dit l’histoire des hommes, elle reconnait notre part d’ombre, et laisse brûler la part du feu ».  Rien  à rajouter.

mardi 18 mars 2014

Astérix chez les Pictes. J.Y. Ferri, D. Conrad

Le 35° album de la série  aux tirages multimillionnaires a-t-il encore quelque parfum ?
Cette fois les deux gaulois, dont on n’apprend plus rien en dehors de la susceptibilité du gros, raccompagnent Mac Ollock en Ecosse où il doit retrouver sa belle Camomilla.
« - Ma fragile, ma transparente, ma légère, ma gracile, ma subtile, mon infime, ma ténue, mon aérienne, mon éthérée, ma frêle, ma fluette, ma menue, ma translucide »
- Il reparle »
L’irréductible village breton en hiver est sympathique et les femmes séduites par l’habitant de la Calédonie, un beau glaçon, amusantes, mais la séquence en terres humides manque de fraîcheur. Il y a bien un monstre du Loch Andloll, des lancers de troncs, des pictogrammes, des tissus à carreaux, des boissons au malt, et opportunément l’oubli d’une certaine radinerie, peu de surprises, de clins d’œil qui mettaient un peu de sel dans les grands premiers albums où grands et petits se régalaient.
 Cette fois il s’agit d’un surgelé pour menu enfant avec tous les ingrédients demandés dans la recette, mais sans personnalité : ces  pictes manquent de piquant.

lundi 17 mars 2014

The Grand Budapest Hotel. Wes Anderson.

The grand battage médiatique n’a pas éventé le charme de cette déambulation loufoque dans la vieille Europe vu depuis un hôtel élégant où se croisent les solitudes.
J’avais cependant préféré, du réalisateur à l’esprit d’enfance toujours très présent, « Moonrise Kingdom » et « Fantastic M. Fox », plus imaginatifs, bien que les belles images et le rythme soient cette fois encore au rendez-vous.
La reconstitution des années 30 en des lieux mythiques se prêtait plus à mon goût à la mélancolie qu’à cette fantaisie baroque.
En ce moment la perception de notre continent par ses habitants  ne peut éviter de se porter plus volontiers vers des images d’un passé réinventé que vers des visions à l’optimisme partagé.
Cette contribution américaine à l’édification d’un imaginaire commun est intéressante, plaisante mais pas le chef d’œuvre proclamé par tant de critiques. Assez peu familier des acteurs américains, je n’ai pas trouvé leurs performances exceptionnelles, malgré un casting prestigieux nous a-t-on dit.

dimanche 16 mars 2014

Amor fati. Yves Jamait.

Voilà que le chanteur popu se met à causer latin :
« Amor Fati signifie « l’amour du destin » et fait ici une référence au philosophe Nietzche. »
Du « carpe Diem » qui durerait.
Sinon casquette et accordéon, et  bien sûr :
« T’es pas dans ton assiette,
 Tu serais p’têtre mieux dans un verre ».
Nous, nous sommes contents de le retrouver accoudé au bistrot comme toujours. 
Pourtant, Tout était calme : 
« Derrière les nuages le ciel était de l’eau » 
Chanteur aux accents qui conviennent aux manifs dans l’Europe, il ne tombe pas dans l’imprécation simpliste, fait part des rêves trahis et chope les « Mastricheurs » et les « Lisbonimenteurs » efficacement.
Il épingle aussi de vieux messieurs poudrés aux programmes esthétiques, Ridicules, et a honte de son pays quand il expulse les étrangers : C’était hier.
Charlélie Couture lui offre les paroles de Ah ! La prudence avec certains « qui paient pas de taxe » mais pour Le schizo, se débrouille seul pour essayer de « trier le moche du gnou ».
Alors Prendre la route  ou rester là, La lune et moi ?
Les parapluies perdus me rappellent trop d’autres petits bals, perdus.
Mais Les prénoms « ça passe avec les saisons » a tout pour réussir.
« Elles s’appellent Coline ou Faustine
Sarah, Laurédane ou You-jin
Lili , Maé, Lola, Zoé
Soléna, Alma, Déborah
Lucie, Candice, Elie, Célia
Les filles de leurs premiers baisers. »
Rock, boogie, tango, musette.

samedi 15 mars 2014

Vie et destin de Célestin Arepo. Jérôme Millon.

Choisi par les libraires, ayant recueilli des critiques élogieuses, ce livre de 120 pages, qui m’a été offert car j’avais croisé il y a longtemps le petit garçon devenu désormais éditeur et écrivain à son premier ouvrage, ne m’a pourtant pas convaincu.
Quand le Monde évoque « son écriture aux accents flaubertiens », je ne suis pas sûr que tout aurait résisté au gueuloir :
«  Le Père dévisagea Célestin et fut rassuré de ne déceler aucun stigmate de ces exaltés, nihilistes agressifs, toujours prêts à enfoncer un coin dans le mur de la certitude. »
Bien que j’ai aimé, par exemple « la mélancolie, fleur si délicieusement effeuillée »  fleurissant dans un environnement mi mystique, mi poétique, flou.
Célestin Arepo est comptable dans une usine de roulements à billes et s’habille en gris, sa vie est terne. Le récit de cette existence à l’imparfait en épouse la monotonie même lorsque l’homme sans fantaisie va subitement connaitre la révélation de la poésie en regardant les nuages. Les mots vont avoir plus de saveur que les personnages traités comme des silhouettes.
AREPO figure dans un palindrome à Pompéi mais aussi en marqueterie sur une porte au coin de la rue JJ Rousseau en face de chez Arthaud  à Grenoble : « Sator arepo tenet opera rotas »  à disposer en carré, à lire dans tous les sens, mot croisé parfait sans case noire « Le laboureur Arepo guidant la charrue travaille en tournant. » J’ai l’impression que ce jeu de lettres avec le « N » au centre signifiant poisson en araméen a été un déclencheur d’écriture pour l’auteur curieux aimant Pompéi, les vieux livres, La Salette  et les retables mais les reliant à mon goût d’une manière un peu artificielle.  La littérature cherche ses mots pour dévoiler le monde, mais parfois - je sais de quoi je parle- elle le brouille aux yeux des lecteurs. Pourtant la question posée par Rose la serveuse latiniste : « êtes-vous croyant ? » méritait bien quelques temps de réflexion. L’histoire se passe au début du siècle dernier.

vendredi 14 mars 2014

Saint Egrève : pâles municipales.

En dehors de quelques affiches déchirées ou collées par-dessus, par chez nous, les pâles municipales déclenchent  bien peu de passion.
A propos d’un article précédent http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/02/la-gauche-saint-egreve-cul-par-dessus.htmlcertains m’ont fait savoir qu’ils avaient ressenti quelques picotements, mais aucune objection sur le fond n’a été avancée, seul l’affect était convoqué.
Pour des adeptes de la controverse, voire de la démocratie, l’acceptation de la contradiction ne semble pas forcément mûre. Verdeur persistante et reproduction à tous les étages des phénomènes de cour avec copinage et contentement de soi, «  tout va très bien, madame la marquise ».
Alors comme je goûte fort peu les « faut pas dire », je m’en remets à qui pourra me détourner de la pente vers laquelle je me dirige : celle de voter pour la maire sortante.
Voilà au moins une énigme résolue pour tous ceux, dont je fus, qui nous étonnions de la contradiction de l’électorat de la ville se situant à droite pour les municipales, à gauche pour les autres élections: j’en suis.
Comme souvent le vote n’est pas une adhésion mais une répulsion et comme le blanc ou l’abstention me paraissent  des postures adolescentes, vais-je trahir des années de militance à gauche ? Mais où est-elle en réalité ?
J’avais développé par ailleurs  http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/11/gauche-saint-egreve-la-fosse.html   quelques arguments, quelques humeurs. Quand j’apprends qu’une de mes camarades avait été approchée par les quatre listes en présence, c’est bien que nous sommes en plein méli mélo et que la distance entre les concurrents est plutôt mince. Dans les réunions publiques, les colistiers dont les noms sont avancés ne sont pas forcément présents, certains étiquetés n’apparaissant que tous les sept ans, leur participation à la vie citoyenne ayant été  fort discrète hors période électorale.
Pour la confusion, nous sommes servis.
Le parti socialiste se trouve à la remorque de revanchards conservateurs qui avaient contribué fortement à annihiler toute ambition pour la ville, quand devait s’édifier un lycée… alors que la gauche était aux affaires. Pas de projets.
Le parti communiste essaye de sauver l’honneur mais son programme semble bien court aussi, le sigle clignote encore, l’étoile rouge est morte depuis un moment. Jusqu’à maintenant le seul domaine  abordé dans son tract concerne la MJC alors qu’aucune expression de sa part n’avait émergé quand le sort du pôle jeunesse se jouait, contrairement à Tania Bustos qui a tenu jusqu’à l’aube, vaillante petite chèvre de M. Seguin.
Les verts ne gagneront pas, mais ils gèrent leur boutique en n’osant pas rappeler les enjeux cruciaux qui se posent. Alors qu’ils avaient été les seuls au cours de la législature passée à poser timidement la question du logement, je n’ai pas vu de proposition de densification de l’habitat qui éviterait tant de déplacements polluants.
Pour les référents nationaux, il suffira de citer Guérini, Woerth, Placé ou un  candidat périgourdin  du Parti de Gauche traité de " parent pouilleux" par son chef … Bien sûr que ma sévérité va vers la gauche puisque la vertu et l’espoir de plus de justice étaient là, les arrivistes en face avec leur goût du pognon ne m’intéressent guère, la casaque aux couleurs défraichies qui fut portée par Cahuzac n’attire plus les parieurs.
Kamo qui place justement les enjeux à la Métro, tout en flattant une identité saint égrévoise de carton pâte a réalisé la plupart de ses promesses dont certaines propositions figuraient dans le programme de notre liste d’opposition, et elle a eu le courage de ne pas brosser son électorat toujours dans le sens du poil. Elle n’a pas d’adversaire à droite, à moins que ceux là s’y prennent « autrement ». Quand j’entends : « elle n’est pas gentille », j’aurai tendance à préférer cette attitude à la démagogie qui prend ses aises dans la période. Ses propositions sont pourtant maigrichonnes et le seul argument dans l’air du temps de ne pas augmenter les impôts, témoigne qu’au bout de deux mandats, les équipes, si équipe il y eut, s’essoufflent.
« Le poumon, le poumon, vous dis-je.»
...............
Dans le Canard de cette semaine: 

jeudi 13 mars 2014

Ingres vs Delacroix

Dans la « querelle des coloris », le dessin s’oppose à la couleur quand montent sur le ring : Raphaël contre Le Titien puis Poussin comparé à Rubens jusqu’à Picasso et Cézanne trait contre teinte.
Cette fois Alain Bonnet aux amis du musée nous a présenté le néo classique Ingres en face du romantique Delacroix au XIX° siècle.
Quand Delacroix pénétrait dans la même pièce que l’auteur du portrait de monsieur Bertin, celui-ci disait sentir d’emblée des effluves de soufre.
La rigueur contrarie la séduction, l’institution académique affronte l’indépendance, le moderne défie l’antique, l’éclat des couleurs réplique à la sculpture, la sobriété et la fougue sont antithétiques, comme le calme et l’élan, la force et l’expression, la tradition et la modernité, l’esprit et la chair, Platon et Epicure, les Romains et les Flamands.
Dans une caricature du « Diable à Paris », Delacroix est muni d’une très large brosse alors qu’Ingres brandit sa pancarte : « Il n’y a que le gris et M. Ingres est son prophète. »
Mais l’opposition du réalisme et de l’idéalisme, de l’ordre vis-à-vis de la liberté, se complique parfois.
Parmi les critiques qui animèrent les débats, Adolphe Thiers, le bourreau de la Commune est du côté de celui qui peignit « La liberté guidant le peuple » : 
«  Aucun tableau ne révèle mieux à mon avis l’avenir d’un grand peintre, que celui de M. Delacroix, représentant le Dante et Virgile aux enfers. C’est là surtout qu’on peut remarquer ce jet de talent, cet élan de la supériorité naissante qui ranime les espérances un peu découragées par le mérite trop modéré de tout le reste. »
En pleine Restauration catholique, le tableau représentant  « Le vœu de Louis XIII », par Ingres, le successeur de David, célébrant l’alliance du trône et de l’autel, sera mis en place avec toute la pompe nécessaire dans la cathédrale de Montauban. L’évènement historique a des intentions mythiques, la célébration est lyrique.
Par contre la toile, manifeste du romantisme, « Les massacres de Scio ; familles grecques attendant la mort ou l'esclavage » appelle l’émotion en mettant en scène un évènement contemporain : de nombreux grecs viennent d’être massacrés par les ottomans. Les victimes souffrantes sont au premier plan, la guerre n’est pas glorieuse.
Nous sommes aux alentours du  salon de 1824 où des cimaises jusqu’aux cintres, les peintres essayaient d’acquérir sinon renforcer leur notoriété ne dépassant pas parfois le seuil des boutiques de matériel de peinture plus nombreuses alors que les galeries.
Aujourd’hui dans le journal Libération à propos du photographe Cartier-Bresson, le commissaire de l’exposition explique:
« Il y a, dans l’histoire de la peinture, une fameuse opposition entre la couleur et la ligne, qui, au XIXe siècle, s’incarne dans le débat entre Ingres et Delacroix. Cartier-Bresson était définitivement du côté de Delacroix, il préférait composer ses images en s’appuyant sur des lignes de force, plutôt que sur des masses colorées. S’il a pratiqué la couleur, c’est seulement parce que l’économie de la presse illustrée, à partir des années 50, l’exigeait. Dans les années 70, lorsqu’il arrête de travailler pour les magazines, il commence à exprimer son aversion pour la couleur. Elle symbolise alors pour lui une pratique contrainte, alors qu’au même moment, pour toute une génération de jeunes photographes, elle offre au contraire de nouvelles perspectives créatives. »
Il aurait dû dire du côté d’Ingres et non de Delacroix.

mercredi 12 mars 2014

Asmara et les causes perdues. J. C. Rufin.

Un vieil arménien raconte la guerre civile en 1985 aux alentours d’Asmara, désormais capitale de l’Erythrée où subsistaient des souvenirs d’Italie. L’ancienneté d’Hilarion Grigorian autorise la lucidité et sa situation de trafiquant connaissant le pays le place au carrefour des cultures. Il ne manque pas de vivacité d’esprit ni de malice pour dénouer des situations complexes. Et ses informateurs font apparaitre les contradictions, les motivations dévoyées des humanitaires les plus  engagés.
« Mélange écœurant de grands sentiments et de petites fornications »
Nous sommes au cœur des manipulations les plus cyniques quand la famine est stratégique.
Nous en apprenons sur cette Afrique :
Un chauffeur vient de tirer un coup de fusil par la portière.
 « Ces chiftas, voyez vous, ils tirent les premiers coups pour savoir à qui ils ont affaire. Si vous répondez, c’est que vous êtes armés : ils vous laissent passer tranquillement. Si vous ne répondez pas, ils font rouler une pierre sur la route et ils vous volent tout »
Une scène chez le barbier dans un décor désuet où des décisions s’apprêtent est d’une grande habileté, nous pouvons entendre les dialogues qui nous mettent dans la confidence.
 Et nous en apprenons aussi pour chez nous :
« Il fut un temps où une silhouette pouvait emporter avec elle tout un terroir. Trois bretonnes suffisaient, assises contre un mur, à évoquer autour d’elles les côtes bordées de granit. »
Quelles perspectives demeurent ? Quand  dans ces 300 pages écrites il y a plus de dix ans, une des voix de l’ambassadeur stylé, assénait : 
« Au lieu de dire que nous ne croyons à rien et que c’est pour cela que nous sommes incapables de justifier la mort, nous préférons glorifier la vie ». Il n’y a plus de héros.

mardi 11 mars 2014

Mambo. Claire Braud.

Cette publication originale de l’Association a reçu le prix Artémisia, son originalité féminine a sûrement été décisive, plus par le ton, que par le trait.
Personnellement elle m’a paru superficielle : l’héroïne a oublié l’heure du rendez-vous pour son entretien d’embauche, elle ne sait même plus pour quel travail.
Un huissier se présente chez elle, elle l’assomme et le laisse sous la protection de son tigre.
Elle tombe amoureuse de tous ceux qui passent en s’inventant une malédiction de ne pas être aimée, qui remonte à son père en Amazonie. Abracadabrantesque et fantasque.
Certains pourront apprécier l’atmosphère surréaliste, évaporée, où des  figures symboliques apparaissent : un mâle nu sur son cheval devra passer chez le dentiste, ses dents métalliques et pointues lui interdisent l’amour. Cependant des aspects de la réalité subsistent : une vache vêle chez une voisine qui accueille des jeunes délinquants en réinsertion.
Insolite, un peu.
…………
A la maison de la nature et de l’environnement, un mandala de sable est réalisé cette semaine du lundi 10 mars au vendredi 14 mars 2014 à 17h, heure à laquelle il sera dispersé pour la cause du peuple tibétain.

lundi 10 mars 2014

Ida. Pawel Pawlikowski.

Ah ça change de la caméra à l’épaule! Ici chaque plan en noir et blanc est admirable, mais je ne rejoindrai pas les placards dithyrambiques au sujet de cette quête obligée d’une novice en route vers sa réclusion.
Si j’ai apprécié les cadrages, la simplicité du propos, je ne partage pas l’enthousiasme général concernant l’actrice qui semble subir les évènements,  je préfère de loin la tante vivante à s’en balancer par la fenêtre. Avant de rentrer dans les ordres la jeune orpheline voilée découvrira ses cheveux, la vodka, le jazz, la cigarette, le désordre furtif, le lit avec un  beau saxophoniste un peu manouche qui ne contrariera pas la promise au seigneur en lui prédisant : 
« nous achèterons un chien… »

vendredi 7 mars 2014

Le Postillon. Février 2014.

Le bimestriel libertaire grenoblois a levé un beau lièvre, en découvrant des déchets radioactifs dans les bâtiments désaffectés de l’institut Dolomieu qui bénéficiait d’une vue imprenable sur la cuvette Grenobloise. Un bon travail de journalistes complété par un entretien éclairant avec un intérimaire irradié lors d’une opération de tri de déchets radioactifs sur le site du CEA en août 2013, qui depuis a été…radié.
Voilà de quoi apporter des arguments à un organe qui est un des porte parole des  technophobes du groupe « Pièces et main d’œuvre »  qui considère que « La technologie est la continuation de la guerre, c’est-à-dire de la politique, par d’autres moyens. »
Chacun sait que « la presse gratuite est vendue » et leur positionnement est utile, quoique j’aie déjà apporté un regard critique http://blog-de-guy.blogspot.fr/2009/09/le-postillon.html sur ceux qui justement se posent en critique de la presse en général et des politiques locaux  en particulier avec Fioraso et Safar en tête de gondole.
Pourtant ce n’est pas facile de paraitre crédible quand on rédige des articles, sous la triade « amour, glaires & beauté », rigolo peut être, mais cet humour peut repousser, c’est peut être bien le but de n’être lu que par une pincée de convaincus qui pourraient sûrement être contrariés d’avoir à se retrouver avec quelques modérés, impurs.
Leur regard sur l’emballement médiatique autour de Schumacher au CHU de Grenoble est tout à fait approprié et un reportage sur les cimenteries intéressant comme leur approche de la colère des pompiers dont un de leur collègue a perdu un œil  lors d’une manifestation et qui remettent en cause quelques élus : « j’ai bien mangé, j’ai bien bu, je suis un élu ».
Par contre je ne suis pas d’accord avec leur position vis-à-vis de Destot qui favorise le logement dans sa ville auquel ils reprochent d’ « œuvrer à l’avènement d’une métropole, c'est-à-dire plus d’habitants, de transports, d’entreprises donc de pollution ». Alors qu’en ne favorisant pas le logement près des emplois c’est la pollution qui est accrue. Les transports en milieu urbain peuvent être plus facilement propres et ce refus de voir s’accroitre l’agglomération rejoint tant d’égoïsmes flattés par tant d’autres que ces réflexions tiennent plus du réflexe qui éloigne le dernier arrivé que d’une pensée exigeante, progressiste.
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Reprise des articles lundi après une pause samedi et dimanche.