jeudi 31 octobre 2013

Le MuCEM.



Le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, MuCEM, est devenu à Marseille un nom commun directement identifiable par son architecture en résille de béton.
Le magnifique carré de Riciotti construit à l’emplacement du hangar portuaire J4 est la partie la plus remarquée d’un ensemble relié par des passerelles très fréquentées menant au fort Saint Jean aménagé également pour des expositions. Les fortifications à l’entrée du vieux port sont désormais agrémentées de jardins et nous pouvons profiter de point de vues variés sur Notre Dame de la Garde d’un côté et de l’autre le quartier Euro méditerranée et la Joliette, derrière la cathédrale Nouvelle Major de style romano byzantin aux pierres alternant le vert et le blanc.
Au fort Saint Jean des maquettes anciennes concernant le cirque ou des marionnettes nous reposent d’autres expositions plus roboratives.
Jusqu’à début janvier dans le musée de société ,« bâtiment de pierre, d’eau et de vent », une exposition particulièrement d’actualité s’intitule « Au bazar du genre » et brasse les notions de masculin et de féminin.
Il est question de régulation des naissances, de maternité, de virginité, de séduction, d’égalité homme / femme, des droits des homosexuels, et  de ceux qui jouent de leur genre.
Des objets rituels sont présentés où une écharpe d’enterrement de vie de jeune fille en Angleterre côtoie une serviette d’apparat syrienne brodée à nouer autour de la poignée du sabre du marié.
Des installations d’artistes, des témoignages, des affiches rappellent ces luttes sempiternelles pour l’égalité, la liberté. Agréablement présentées, elles n’apportent pas d’éléments vraiment inédits à ceux et celles qui ont vécu ou se sont bagarré pour des évolutions de la société française.
Mais  bien des victoires remportées se situent plutôt dans le passé alors que dans une vidéo une femme ne cesse d’enlever les tissus qui lui masquent le visage : nous pouvons être perplexes.
Dans la galerie de la Méditerranée, semi permanente, nous suivons 2000 ans d’évolution de l’agriculture avec beaucoup de pièces provenant du musée des arts et traditions populaires de Paris : blé, eau et troupeaux. Je n’avais pas vu qu’il était aussi question de l’invention des dieux.
Nous passons ensuite à Jérusalem la ville trois fois sainte avec son Mur, sa mosquée Al Aqsa son église du Saint Sépulcre, puis derrière une guillotine et une vidéo où la liberté de Delacroix finit mal, un parcours est consacré à la citoyenneté et un autre aux découvertes des routes maritimes.

mercredi 30 octobre 2013

Ethiopie J 8. Turmi. Omorate.

Depuis la tente, la nuit retentit de chants d’insectes, d’oiseaux nocturnes, des colobes (singes) et d’autres animaux inidentifiables. La couverture a été inutile. A 7 heures une douche fraîche nous revigore avant le petit déjeuner.
Départ pour Omorate en 4X4.  Girmay notre guide raconte l’histoire de sangliers dans le Royan dont un agriculteur croyait s’être protégé en clôturant son champ alors que ceux-ci ont pénétré dans les maïs, mais par contre n’ont  plus pu en ressortir.
La piste traverse la brousse presque désertique d‘où s’aperçoivent quelques singes, pintades ou dick dick, la plus petite des antilopes.
Après la vérification des passeports à un check point nous nous nous approchons de la rive du fleuve Omo à Omorate où nous attendent 3 pirogues taillées dans des troncs d’arbre assez courbés. Un pont a été emporté avant d’entrer en service, le nouveau n’est pas encore fini.
Nous embarquons, accompagnés de jeunes nageurs qui nous aident à nous extirper des bateaux quand nous accédons au bord glissant et pentu.
De la partie ombragée au bord du fleuve nous allons vers le village Dassanech, encadrés par des enfants de différents âges, nous franchissons l’enceinte du village en branchages et épines. 
Quelle est charmante cette fillette portant un chevreau dans ses bras, mais plus loin six enfants portant des chevreaux dans leur bras nous attendent avec un comité d’accueil où certains arborent des coiffes fabriquées avec des capsules de bouteilles :
« Photo ! Photo ! »
Les cases recouvertes de tôle et de matières hétéroclites retenues par des cordes donnent une impression de misère. Pas un arbre, pas une herbe, du sable et un soleil accablant.
La palabre commence pour s’entendre sur le prix à payer pour les photos. On se met d’accord pour 100 birrs (4€).
Les femmes posent en ligne, certaines avec des calebasses sur la tête contenant une drôle de cuillère, d’autres avec des poteries, les vieilles à part, beaucoup semblent souffrir de maladie des yeux. Peu à peu elles se dispersent, les gamins découvrent leurs visages sur les écrans des appareils photo. A côté un feu brûle en permanence pour éloigner les mouches et en particulier la fameuse mouche Tsé tsé.
« Cela fait plus de six ans que la mouche tsé-tsé a disparu de Zanzibar. En conséquence, la production de lait a triplé et la production locale de bœuf a doublé. D'après l'Organisation mondiale de la santé, environ 60 millions de personnes sont menacées par la "maladie du sommeil" qui est au Congo, la principale cause de décès, devant le SIDA »
D’un coup une tornade balaye la poussière et fait fuir dans son sillage les femmes assises  qui façonnent des bijoux en perles ou des jeunes qui rasent une peau de chèvre. Le soi disant chef du village et un homme avec une kalachnikov, seuls hommes présents ici, sollicitent la photo et réclament quelques birrs.
Nous reprenons le chemin du retour, et déjeunons à l‘Hôtel du Tourisme de Tourmi de poulet frit, et  de french fries. Nous choisissons de rentrer à pied jusqu’au camping distant de 3 km. Le ciel menaçant se dégage. Bien sûr quelques birrs changent encore de main pour des photos.
Puis nous nous reposons au camping, où nous rejoint un strasbourgeois fier de voyager en « free » : le baroudeur est quelque peu fanfaron. Nous mangeons tôt car une soirée nous attend dans un village Hamar. Pendant le dîner nous nous précipitons vers le lit asséché de la rivière qui longe le camping car l’eau des pluies des montagnes arrive, progressant tel le Mascaret ou une coulée de lave.
A la nuit, nous prenons un jeune guide à l’hôtel du tourisme qui doit nous conduire au village des danseurs, pas facile à repérer dans la nuit noire. Cette danse de jeunes commence dans l’obscurité et nous la verrons mieux à la lumière des phares du 4X4 et d’un feu d’eucalyptus. Les hommes chantent en rythmant la voix par des claquements de mains. Filles et garçons se rapprochent en sautant, pubis en avant et leurs intentions sont sans équivoque. Avant le mariage, les filles excisées dès l’âge de 8 ans profitent d’une certaine liberté sexuelle qu’elles perdent avec le mariage. Lorsque deux éthiopiens se saluent, ils se serrent la main puis se cognent épaule droite contre épaule droite. Au retour nous profitons du groupe électrogène et écrivons sous l’ampoule. J’ai perdu mes lunettes.

mardi 29 octobre 2013

Bébé blues. Rick Kirkman, Jerry Scott.



J’ai emprunté à la bibliothèque le tome 6 d’une série qui en compte 19 dans l’édition française aux titres significatifs :
« Si je suis une mère au foyer, pourquoi suis-je toujours dans la voiture ? »
« Chut, Papa dort ! »…
celui là s’intitule : « Nous traversons une zone de turbulence parentale »
Bien que d’origine américaine et d’une date de parution remontant à 15 ans, la permanence des  émotions crées par les petits enfants autour d’eux est réjouissante surtout quand le sujet est traité avec tendresse et humour. 
Les jeunes parents débordés n’auront pas forcément le loisir de le lire mais les grands parents pourront se régaler, surtout qu’un léger parfum rétro persiste après la lecture.
Le dessin mis en tête de l’article m’a trop rappelé ma petite fille mettant ses pieds dans mes vastes chaussures et disant : 
« je suis vieux ! »
Tout est juste : le bain, l’inquiétude chez le pédiatre : « elle est trop tranquille », l’omniprésence de grands parents abusifs, les progrès scrutés chez les autres bébés, les assiettes renversées, l’impossibilité de  parler d’autre chose que des enfants, les nuits perturbées, les poussettes récalcitrantes, la voiture chargée…
-  C’est bien ma grande fille !
- On devrait utiliser des mots qui la mettront en confiance sans être condescendants.
- Comme quoi ?
- Eh bien, par exemple : « je suis heureux de tes efforts mais en aucune manière ne te pousserai à continuer si tu ne l’estimes pas nécessaire.
- Tu as encore parlé à ton ami avocat n’est ce pas ?
- Peut être.
- Ouiinn ! »

lundi 28 octobre 2013

Sur le chemin de l’école. Pascal Plisson.



Je m’attendais à revivre la même émotion qu’avec «  Bébés », film documentaire de Thomas Balmès produit par Alain Chabat, consacré à la première année de quatre bébés en Namibie,  au Japon, en Mongolie et aux Etats-Unis. La formule est un peu éventée.
Ici, nous suivons dans des paysages magnifiques, des écoliers en route vers l’école au Kenya, en Inde, au Chili et au Maroc.
Leurs conditions sont très difficiles : jusqu’à 4 heures de route pour aller en pension pour les filles dans les caillasses du Haut Atlas et des heures et des heures chaque jour pour les autres, avec un fauteuil hors d’usage pour un handicapé poussé, tiré par ses deux petits frères, dans le sable.
Ils surmontent les obstacles avec un courage remarquable et un sourire constant : de beaux gamins, de belles personnes.  
Le message est incontestable : aller à l’école c’est important.
Et constater qu’il y a des enfants qui ont envie d’aller apprendre, peut réchauffer le cœur de bien des pédagogues affrontés à certains élèves repus ou exténués du canapé.
J’ai vu malheureusement ce film avec un doublage en français et bien que je ne fasse pas de fétichisme de la VO,  le ton trop appliqué fait apparaitre comme artificielles certaines situations. Cette version convient bien sûr aux enfants nombreux dans la salle, mais un peu plus de spontanéité n’aurait pas nui à l’efficacité de ce documentaire.

dimanche 27 octobre 2013

Golgota. Bartabas.



La marque de fabrique des spectacles de Bartabas est de mêler théâtre équestre, danse, musique vivante avec cette année, encore plus en majesté : la peinture, sous des éclairages toujours aussi soignés quand les animaux splendides émergent de la nuit.
C’est bien la moindre des choses quand les chevaux s’appellent : Le Tintoret, Soutine, Zurbaran et l’âne Lautrec. Et si dans cette livraison très espagnole au théâtre des haras d’Annecy, on peut convoquer les images de Goya, Velasquez, Le Gréco et de Zurbaran qui fut marqué par Le Caravage, il ne s’agit pas de copie mais de re-création de l’âge d’or dans les noirs et blancs.
De la même façon, Andrès Martin  réinvente le flamenco en commençant à danser dans le sable noir qui étouffe les bruits, avant de faire crépiter la danse andalouse, il porte toute notre attention sur des rythmes corporels plus discrets mais pas moins intenses.
Je ne me dispense pas de reprendre les termes du programme qui souligne les questions de « l’humanité, de l’animalité, du divin » en « humain, bourrin, divin » mais la rime distrayante ne rendrait pas hommage à la richesse de tout ce qui est convoqué pendant une heure et demie.
L’image des supplices qui peuple nos musées réitérée sur scène pose la question de la beauté qui ne s’épanouit pas seulement dans des champs fleuris au printemps, mais éclate aussi dans un corps cambré éclaboussé de sueur.
Les chants religieux du contre ténor soutenus par théorbes et cornets sont magnifiques, le tempo qui suscite la sérénité ne parodie pas une quelconque mystique en se permettant quelques touches d’humour au sein d’un rituel maitrisé. Dans nos contrées Dieu a du mal à faire ses preuves, ne subsistent que de  beaux accessoires du temps où il avait semaine sainte et processions sans touristes.
Comme avec d’autres artistes dont on apprécie de retrouver les accents tout en partageant les hardiesses nouvelles, je savoure toujours le moment où à la fin le cheval sans cavalier va retrouver l’homme, assis cette fois au pied de la croix.
Le dressage est encore plus fort sous les apparences de la liberté.
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La photographie qui illustre cet article provient d'Arles, 
l'auteur de l'original s'appelle Vanden Eeckhoudt

samedi 26 octobre 2013

Ceux d’en haut. Hervé Hamon.



Je ne me suis pas fié au titre banalement accrocheur, ni au bandeau « une saison chez les décideurs »  qui est déjà mieux, mais à l’auteur que je lis depuis « Politique hebdo », en passant par ses enquêtes chez les profs ou ses écrits maritimes.
Comment a-t-il vieilli lui aussi ?
Il a la plume bienveillante et alerte, ses 270 pages se lisent agréablement en portant un regard sur des personnalités passionnantes même s’ils appartiennent à la classe dominante
Il ne surjoue pas le candide mais laisse les patrons s’exprimer en donnant quelques indications sur les circonstances de ses rendez-vous et secoue quelques certitudes, renseigne quelques ignorances.
Ces dirigeants ont suffisamment d’argent pour ne pas en faire le moteur de leur action et certains dénoncent avec force la financiarisation de l’économie, ils ont tous le goût de changer l’ordre des choses et bien peu usent de la langue de bois.
C’est le mérite d’Hervé Hamon qui a shunté les services de presse de Danone, de la Banque Postale, d’Europ assistance et a écouté Riboud, Schweitzer, Gallois, Notat … et d’autres moins connus apportant une diversité enrichissante pour sortir des généralités.
Complétés par des politiques : Rocard, pas triste bien sûr, Juppé et Destot, Delanoë.  
Le banquier Pigasse :
« J’ai pratiqué Merkel sur la question grecque, j’en suis ressorti effondré. Elle ne comprend pas, elle ne comprend rien […] Depuis vingt ou trente ans, les élites ont  totalement fui la fonction  politique et la fonction publique, il se produit une professionnalisation de la  vie politique, mais une professionnalisation au mauvais sens du terme : des petits mecs occupent des grands postes. Aucun leader européen n’a le niveau ni la hauteur de vues. Et les médias sont tels que la capacité à analyser, à recouper, à vérifier s’érode constamment-ce qui s’est encore aggravé par internet, par ce déluge d’opinion sur l’opinion. »
J’en suis.
Dans cet ouvrage consacré au pouvoir, Charles Claden, responsable d’un remorqueur de sauvetage, apporte son bon sens :
« Un commandant qui n'est pas vulnérable est un médiocre commandant. L'autoritarisme, n'est pas l'expression du pouvoir, c'en est tout l'inverse. Il ne s'agit pas de prendre le pouvoir, d'avoir le pouvoir sur l'équipage, il faut que la partie soit jouée tous ensemble »

vendredi 25 octobre 2013

Terra incognita.net. Daniel Schneidermann.

J’attends chaque matin le billet de la tête de pont d’ « Arrêt sur image », l’ancien du « Monde » et de France 5, et présentement de « Libé », le lundi : c’est toujours juste.
Son  intransigeance dans son émission expulsée de la télé me lassait parfois mais dans le désert critique d’à présent, il est une ressource revigorante.
Son petit livre part d’un lac de montagne au bord duquel il se met à nu, s’appliquant à lui-même l’exigence dont il fait preuve sans faillir tout au long de ces années qui ont amoché pas mal de ses confrères.
Il nous montre sa blessure non refermée causée par son départ du quotidien qui fut de référence et justifie sa recherche dans les nouveaux médias. 
Il est si peu péremptoire qu’il a créé deux personnages qui dialoguent pour exposer ses dilemmes :
 « S’il s’agit de démolir la construction européenne, de menacer la paix des peuples, pour la simple  satisfaction égoïste de penser contre le vent, ce sera sans moi. Je crois aux certitudes. Je crois aux acquis. Je crois aux socles, sur lesquels on construit la paix, le progrès et les statues qui les célèbrent. »
Ses analyses sont amoindries par l’usage de paraboles un peu laborieuses où des dragons mange-preuves (les révisionnistes), les dragons insulteurs s’ébattent au dessus de la vallée des anciennes cathédrales.
Les réflexions doivent sans cesse se renouveler à propos de cet univers sans carte que constitue le web et la randonnée est plaisante.
Une réflexion plus explicite, plus ordonnée, plus académique, aurait-elle attiré mon regard ?
…………
Dans le canard de cette semaine qui titre : « pour Hollande, c’est la déroute du rom. »
Espionnage. Hollande à Obama : «  C’est pas bien mais toi au moins … tu m’écoutes. »


jeudi 24 octobre 2013

Modigliani, entre légende et histoire de l’art.



« Modi, le maudit » : alcool, drogue et tuberculose. Peintre maudit comme Van Gogh.
Amedeo dit « Dédo » lorsqu’il était enfant, est né en 1884 sur un lit encombré d’objets de valeur appartenant à ses parents, car les huissiers ne pouvaient  pas les saisir autour d’une femme en train d’accoucher.
En 1920, au lendemain de sa mort, Jeanne Hébuterne, sa compagne âgée de 21 ans, se  jette par la fenêtre, laissant leur fille orpheline.
Avec leurs yeux en amande, leurs traits marqués comme des sculptures aux rythmes élégants, ses portraits vivement exécutés sont reconnaissables entre tous.
Ses femmes « à poil », pourtant stylisées et délicates, firent scandale.
Gilles Genty, le conférencier aux amis du Musée, a mis en évidence les influences qui ont mené le juif italien à la notoriété.
A travers les portraits de personnalités qui peuplaient le Paris d’alors et ceux de quelques collectionneurs, des parentés avec des statues africaines sont évidentes.
Ses cous allongés peuvent venir des peintres italiens de la renaissance, alors que ses corps comme des colonnes médiévales sonnent gothique.
La simplification des formes n’est pas étrangère au cubisme et ses teintes au fauvisme, lui qui est étiqueté : primitiviste.
A Montparnasse, la Ruche regroupe des ateliers d’artistes, il y rencontre Brancusi mais devra abandonner la sculpture à cause de ses poumons malades.
Parmi les  couleurs aux dominantes abricot, j’ai retenu « Une petite fille en bleu » qui lui avait rapporté une bouteille de limonade à la place d’une bouteille de vin, saisie dans sa tendre timidité.
Sur ses toiles où « il cherche une vérité par la répétition » figurent Diego Rivera, Cocteau, Radiguet, Reverdy, Soutine, Max Jacob, un œil pour l’extérieur un pour l’intérieur …
Et les marchands de tableaux : Paul Alexandre le premier à s'intéresser à  son œuvre, Paul Guillaume promoteur de la sculpture africaine, le modeste Roger Dutilleul qui fut son ami ainsi que Léopold Zborowski qui a rassemblé ses tableaux après sa mort.

mercredi 23 octobre 2013

Ethiopie J 7. Dimeka Turmi.


Pas de prédicateur bruyant cette nuit, seulement un âne qui s’exprime sur le matin.
Des sortes de colibris vifs et colorés font trembler les grandes fleurs rouges de l’ibiscus voisin. Nous prenons un copieux petit déjeuner avec omelette sous la véranda car la pluie commence à tomber.
Nous changeons deux billets de 100 birrs en petites coupures de 1 birr, et achetons 3 couvertures en prévision du camping à venir (200 birrs = 8 € pièce)
Jamais nous n’avons vu autant de troupeaux de zébus sur la route qu’ils occupent placidement. Des bergers jeunes portent différents outils dont des sagaies et souvent un appuie-tête qui leur sert  parfois de tabouret. Des ruches de forme allongée en bois tressé sont suspendues aux arbres.
En direction de Konso, la route cède la place souvent à la piste et nous pouvons voir des ponts emportés par des crues imposant des contournements.

Ici on cultive le sorgho rouge ou blanc. Pour protéger les cultures des oiseaux, des enfants sont postés sur des plateformes en branches et font claquer leur fronde d’un mouvement gracieux, tandis que d’autres y vont de leur sifflet.
Certains arbres nous intriguent, les moringas dont il ne reste que des gousses car leur feuillage est ramassé comme légume ou tisane pour soigner l’hypertension et le diabète. Il parait qu’un homme doit en avoir planté quatre pour prétendre à une épouse.
Nous traversons Konso qu’on visitera plus tard mais nous pouvons déjà apprécier les toits de chaume à deux étages semblables aux jupes des femmes avec leur petit volant à la taille au dessus d’une jupe ample.
La pluie se met à tomber dans la montagne et  nous cache le paysage. Crevaison.
Nous faisons une halte à Key Afer où nous nous régalons de légumes et de viande de chèvre. Nous en profitons pour négocier de bracelets de cuivre. Après la cérémonie du café, le temps s’éclaircit.
Nous prenons une piste très praticable et nous croisons quelques Bannas et Hamars surprenants. Le marché de Dimeka qui s’est prolongé à cause du temps, est extraordinaire non pas pour ses étalages achalandés d’un peu de café, et de quelques oignons, mais pour les costumes et l’apparence des clients et des marchands.
Les hommes portent un pagne plus court qu’une mini jupe, des bijoux de perles et de cuivre, voire une clef de verrou en boucle d’oreille ou un bracelet de montre en métal transformé en pendentif. Leur front est dégarni  à l’arrière et ils portent une plume parfois ou une calotte d’argile. Tous exposent des jambes magnifiques parfois peintes.
Les femmes portent des jupes en peau de vache rehaussée de perles et coiffent leurs cheveux en tresses enduites d’une boue rouge composée de beurre et d’argile. Les femmes mariées se distinguent par un collier inamovible ressemblant à un collier d’esclave.
Bannas et Hamars sont « cousins » et les tribus s’inter marient.
Chaque photo se négocie de 2 à 5 birrs. Nous sommes dans une Afrique mythique, loin de notre civilisation et  en même temps confrontés à des rapports où l’argent est important.
Les chauffeurs s’esclaffent au récit d’une histoire vécue par un de leur collègue.
« Celui-ci a eu un accrochage avec un troupeau et téléphone à son patron:
- Paye la vache et continue, lui dit-il.
- Mais ce n’est pas une vache, mais 4 que j’ai tuées !
- Ma parole, tu as conduit dans l’enclos ! »
Ce soir nous campons sous les manguiers. Nous prenons notre repas aux bougies : pâtes à la sauce tomate et thon en boite, fruits… l’une d’entre nous confond une lampe de poche avec la poivrière, mais grâce au groupe électrogène nous avons le plaisir de boire une bière fraîche et de recharger nos batteries d’appareil photos. La soirée est magnifique.

Nous ne sommes pas sûr de pouvoir visiter les Mursis qui se sont révoltés car un camion a renversé une femme enceinte et l’a tuée. Son mari réclamait qu’on lui livre le chauffeur pour se venger et la femme de celui-ci pour qu’elle lui donne quatre enfants afin d'arriver aux sept qu’il souhaitait. La situation se résoudra sans doute par de l’argent et le passage sur la route sera rétabli.

mardi 22 octobre 2013

La revue dessinée. N°1. Automne 2013



240 pages de reportages et documentaires en bandes dessinées à paraître chaque trimestre.
J’aime les BD, j’aime les promesses  des premiers numéros,  j’ai bien aimé ces 225 pages, dont le concept est aussi évident que peut être celui de XXI, ce qui laisse promettre le succès. 
Jean-Philippe Stassen aux dessins comme des vitraux se consacre beaucoup à l’Afrique, cette fois à Bruxelles dans le quartier de Matonge, avec sa communauté congolaise et rwandaise. Une page de documentation vient compléter le chapitre, des sujets graves alternent avec du plus léger, ici avec des planches consacrées au langage quand « salope » n’est pas le féminin de « salaud ».
Nous suivons un  jeune agriculteur qui essaie de s’installer dans le nord de la France mais doit payer un exorbitant pot de vin appelé « arrière fumure » ou « « pas de porte », un droit de reprise qui handicape une profession sinistrée, elle aussi.
Nous sommes mieux renseignés avec une histoire de « byte » qui revient sur les inventeurs des avancées technologiques en informatique.
Nous vérifions où en est la mythologie de la marine auprès de l’équipage du Floréal qui navigue dans les mers australes.
La biographie du  clochard compositeur de musique Moondog est étonnante, et en passant derrière les grilles de la ménagerie du jardin des plantes nous rencontrons des passionnés, des attentifs, des consciencieux. 
A partir d’une description de la vidéo surveillance, comment se dessine notre futur ?
A travers les pionniers du gaz de schiste nous pouvons nous construire une réflexion plus documentée, et réviser ou mieux comprendre Keynes avec quelques pages pédagogiques  et pas tristes  à laquelle succède un reportage d’un auteur  à la découverte de la pratique de la planche à roulettes, pardon du skate.
Le récit du dernier combat d’Allende est servi par un dessin au crayon pudique et puissant. L’histoire de Saint Denis qui porta sa tête une fois qu’il fut décapité, illustre le phénomène très français de la « céphalophorie ».
Ce qui distingue la presse gratuite, et le flux des dépêches sur notre ordi de la presse papier, c’est le style des rédacteurs, encore plus manifeste quand se succèdent des dessinateurs.

lundi 21 octobre 2013

La vie d’adèle. Abdellatif Kechiche



Quand un film est tellement encensé, il est parfois difficile de rejoindre les critiques unanimes sur les hauteurs où l’œuvre est placée ; aujourd’hui je les suis avec mes cinq étoiles en carton recouvert de papier de chocolat.
La « palme » à Cannes est indiscutée tant le propos s’inscrit à tous les égards dans notre présent, au moyen d’une écriture singulière où la jeunesse est mise en lumière dans toute sa beauté.
Pour m’efforcer de ne pas répéter ceux qui ont mieux dit toute la richesse du cadeau de l’auteur de « L’esquive », j’insisterai seulement sur l’intensité de l’engagement des actrices et du réalisateur et sur les plaisirs d’une durée nécessaire de trois heures.
Nous avons le temps de suivre l’évolution des personnages, de partager leurs emballements, leurs doutes sans nous laisser distraire par des péripéties alambiquées : c’est limpide. L’impitoyable écart culturel entre les deux amoureuses est finement traité ainsi que la distance due aux des différences d’âge.
Les gros plans saisissant les subtilités des regards, les rougissements d’une émotion nous rapprochent du cœur des actrices, elles, dont les prestations généreuses les mènent loin du tohubohu médiatique.
Etant du métier, la dictée en CP  ne m’a pas parue très bien menée, c’est que le désarroi de la future maîtresse vient brouiller sa vie dans tous ses aspects. 
Parmi tant de scènes d’une force exceptionnelle, celle du vernissage m’a dévoré.
J’en ai aimé l’acuité conclusive, en gourmand, comme Adèle qui « aime manger  toutes les croûtes même celle de ses bobos. » 
« C'est trop bien, Marivaux », j’ai apprécié, instituteur toujours, l’éloge de la littérature qui permet de mettre des mots sur la complexité des sentiments, et nous fait vivre plus intensément ; ce cinéma aussi.    


dimanche 20 octobre 2013

Une mouette. Isabelle Lafon.



5 actrices remplaçant 11 acteurs se présentent frontalement au public et racontent « La mouette » de Tchekhov.
« Une » et non « La » Mouette: l’article indéfini a toute son importance, « d’après » Theckhov.
L’adaptatrice nous donne à entendre cette pièce plus qu’à l’écouter, elle annonce d’ailleurs qu’elle veut nous perdre. En l’absence de toute agitation sur le plateau, nous pourrions nous rapprocher du texte, mais la pièce ramenée à  moins d’une heure évacue la dimension du temps qui me semble essentielle dans l’œuvre originale.
L’entreprise de brouillage est aisée car dans toute pièce russe même bien explicite, il est  souvent difficile de s’y retrouver avec les patronymes ; mais où sont les subtilités, les hésitations, les états d’âme ?
En disant les didascalies avec  la même conviction que des dialogues qui mènent à un drame, ceux-ci perdent du relief.
Et une fois encore, comme les conférenciers qui m’exaspèrent quand ils disent : 
« bien sûr tout le monde sait ça »
il est nécessaire de connaître déjà la pièce pour apprécier cette interprétation qui met en valeur trois actrices sur cinq.
De la même façon que Woody Allen pouvait dire :
«  J'ai pris un cours de lecture rapide et j'ai pu lire "Guerre et Paix" en vingt minutes.
Ca parle de la Russie. »
J’ai perçu, en cet emballage, qu’il est question de théâtre dans le théâtre, d’amour de rivalité et d’ambition.
Une recherche, une expérience, une proposition, un match amical de début de saison.
« Il n'y a pas besoin de sujet. La vie ne connaît pas de sujet, dans la vie tout est mélangé, le profond et l'insignifiant, le sublime et le ridicule »

samedi 19 octobre 2013

Gordana. Marie Hélène Lafon.



En face d’une caissière de Franprix, mon auteure de l’année garde son ton si juste, en particulier quand elle évoque d’où vient celle qui vient de l’Est de l’Europe de l’Est.
Elle lui invente un destin comme on s’amuse à imaginer des aventures à celui qui arrive dans une salle d’attente, mêlant la fiction à une réalité rude.
50 pages efficaces dans une jolie  série des « Editions du chemin de fer » où des gouaches de Nihal Marth agrémentent  une écriture toujours aussi équitable.
« La fraîcheur de nos produits et le sourire de nos caissières se mélangent avec les belles paroles lourdes des chansons sempiternelles qui disent au plus juste les amours naissantes ou usées, les vouloirs, les attentes muettes, les espérances déçues ou comblées, l’ardeur des commencements, le goût de fer des trahisons et l’usure molle des sentiments. Ti amo ti amo. Quoi que je fasse ou que je sois rien ne t’efface je pense à toi. »
Sa pâte littéraire est travaillée avec des mots vifs, puissants, essentiels.
J’ai appris le mot « adamantin : qui est relatif au diamant ».
« L’éclat adamantin de son cou blanc ».

vendredi 18 octobre 2013

"La gauche" à Saint Egrève : La machine à perdre, saison n+1



La gauche est majoritaire à chaque élection sur la commune, à l’exception des municipales ; c’est alors que dans un nuage de poussière, la machine à perdre vient de se remettre en branle.
Une candidature, en un attelage déjà usé, qui prétend agir « autrement » vient de se proclamer, se réclamant de la gauche.
Elle ne se place pas, semble-t-il, dans la continuité du groupe dit socialiste qui siégeait au conseil.
Il est vrai que les ambitions contrariées d’un chef de file contesté, ses maladresses, l’absence de propositions, ont  découragé bien des bonnes volontés.
Je figurais sur la même liste « Réussir Ensemble Saint Egrève », en 2008, et ne peux rester muet devant ce qui s’apparente à une farce.
Il convient pour redonner du sens aux mots « loyauté », « cohérence politique » de confronter les actes et les proclamations.
Avant de ressortir les mots «  charte de la démocratie locale », il aurait fallu tirer des leçons des échecs passés et  avoir travaillé à redonner une crédibilité à une équipe rassemblée, être apparu dans les instances de concertation qui existent dans la cité.
Quand un ancien secrétaire de la fédération de l’Isère du Parti Socialiste apporte son soutien dans un quatre pages où ne figure nulle part le mot « socialiste », cela augure mal de pratiques franches.
En méprisant la culture, en apparaissant comme le candidat d’un seul quartier, tout en ayant été silencieux si longtemps au moment où des projets étaient contestables, l’échec électoral est programmé.
Flatter les égoïsmes, prétendre fédérer les mécontents, contribue à dévaloriser une parole publique dont l’absence de courage, de clarté engraisse de pénibles démagogues.
Et si l’expression de ma consternation est appréciée comme faisant du tort à la gauche, je n’ai aucun scrupule puisqu’il s’agit si peu de La Gauche dans cette entreprise.
Celle de la justice sociale, celle d’une vision de l’avenir, quand les politiques redeviendraient respectables.
……
Dans le « Canard » cette semaine :


jeudi 17 octobre 2013

Félix Vallotton.


Par-dessus la gravure très contrastée intitulée « L’argent » qui servait de fond au titre de sa conférence aux amis du musée, Gilbert Croué avait inscrit :  
« Félix Vallotton, peintre graveur, misanthrope ».
Il nous a présenté de nombreuses vues d’une œuvre qui compte près de 2000 réalisations dont une centaine sont présentées au Grand Palais à Paris sous le titre
« le feu sous la glace ».
Vallotton, l’enfant suisse, a observé un graveur qui loge au dessus de chez ses parents chocolatiers.
Il entre dans le métier de peintre à 16 ans, se plaçant dans la lignée d’un Ingres avec des portraits simples de personnages portant une certaine fatigue, ou retranscrivant, efficacement au fusain, les lumières d’un intérieur.
Vivant chichement de quelques articles pour la « Gazette de Lausanne », depuis Paris, il produit pour la presse, des gravures qui vont lui assurer une certaine notoriété et marquer son style jusque dans ses toiles. Ses traits sont efficaces.
La commune de Paris n’est pas si lointaine et ses compositions énergiques mettent en scène l’arrestation de « L’anarchiste », une « Manifestation » mouvementée, « La charge » de la police. Je pense alors aux affiches de mai 68.
Les masses noires s’opposent aux blancs creusés dans le bois avec « Les cygnes » élégants et des femmes chez « La modiste » où les rayures rythment une scène cadrée d’une façon singulière.
La photographie qu’il a pratiquée lui permet de retravailler ses sujets en atelier et d’aborder d’autres façons de cadrer.
Son « bain d’été » aux volumes simplifiés fit scandale au salon, alors que les Nabis l’invitent depuis son sinueux « Clair de lune » qui rejoint les principes du groupe signifiant « les prophètes » pour qui la nature est un prétexte décoratif, aux lignes marquées, aux couleurs affirmées.
Les contrastes de lumière sont dynamiques avec l’enfant en vue plongeante qui joue au « Ballon » dans le jardin des Natanson qui animèrent la « Revue blanche ». Leur égérie Misia au bain, à la coiffure, se détache parmi les ombres tranchées.

Un chat blanc ajoute une ondulation à une gravure de « La  paresse » rythmée efficacement, et un  petit chien noir au milieu d’un groupe de femmes du « Bain turc » doit apprécier les poitrines abondantes.
Sa série intitulée « Intimités » est allusive et permet toutes les interprétations : qui ment dans « Le mensonge » ? « L’irréparable » vient après «  La raison probante » et « Le triomphe » : il adore les femmes mais ne leur fait pas confiance.
Bien des mises en scènes d’intérieur évoquent la peinture hollandaise, voire Rothko pour les aplats de couleur aux teintes montées, Hopper pour la mélancolie, Delvaux pour les nus...
En 1899 il épouse une Bernheim de la famille des riches marchands de tableaux, jeune veuve mère de trois enfants. L’anar s’embourgeoise. Il habite près du bois de Boulogne, possède une villégiature en Normandie.
A l’extérieur en été ; il accroche les rayons du soleil à son coucher, les clartés nacrées de la brume au dessus des toits et la légèreté d’un matin d’été derrière « La charrette à Honfleur ».
Il va à l’essentiel, citant la nature, la recréant.
 A l’intérieur en hiver, ses nus, sont originaux avec la « Femme au chapeau violet », celui-ci se portait en fin d’après midi (de 5 à 7), ou « La blanche et la noire » ambigües qui pourraient résumer une œuvre riche soulignant les contrastes, tout en nous laissant un espace pour interpréter.
En 1917, en "mission artistique auprès des armées, il produit les gravures de la série « C'est la guerre », et saisit aussi  sur la toile des « Tirailleurs sénégalais », dont beaucoup moururent de froid, en attente de monter au front.
Il a obtenu la nationalité française, mais trop vieux pour combattre, il produira quelques tableaux qui rendent compte de la violence du conflit tout en écrivant qu’il ne parvient pas à traduire l’intensité de l’horreur. 
Il meurt en 1925, et n’aura pas le temps d’emménager sur la Côte d’Azur où il peint un « vieil olivier » auquel sont adossés des canisses, des rues de Cagnes et du Canet, la baie de Cannes. 

Ses paysages autour de « La Loire  à Nevers », « Soir sur la Loire », aux lumières fluides, aux harmonies raffinées, aux rapports de couleur audacieux, sont  comme le miroir d’un monde à contempler, les hommes vus de loin donnent un rapport d’échelle, leurs actions ont pu parfois lui donner envie de s’éloigner.

mercredi 16 octobre 2013

Ethiopie J 6. Les crocos, les hippos du lac Chamo.



Après une nuit remplie par les chants orthodoxes tonitruants dont nous avons la sensation qu’ils ont été ininterrompus, nous embarquons dès notre premier jus de mangue matinal avalé.
Nous passons prendre le capitaine du bateau qui va nous transporter aujourd’hui.
Une piste pleine d’ornières nous emmène entre les champs de coton à l’embarquement pour une traversée d’une heure et demie afin de parvenir de l’autre côté du lac Chamo.

Dès que nous mettons pied à terre nous apercevons notre premier crocodile et nous grimpons  par un sentier qui mène au plateau dominant le lac.
Dans un paysage de savane, notre premier zèbre vu au loin déclenche le feu des appareils photo. Bientôt d’autres rayés nous attendrons sur la piste, nous regardant paisiblement.
Entourés par les chants d’oiseaux, nous apercevons une petite antilope, et quelques babouins au sommet des arbres. Un serpent traverse rapidement entre nous.
Au retour nous mangeons sur le bateau avec le garde armé qui nous a accompagnés toute la journée. Puis le conducteur coupe le moteur  pour nous permettre d’observer les hippopotames et les crocodiles impassibles. Lorsqu’un de ces bestiaux semblant heureusement bien lesté plonge, notre garde le met en joue.
Des oies, un martin pêcheur, des hérons, des aigles pêcheurs (pygargues) vivent leur vie dans ce marais inquiétant.
Nous revenons vers Arba Minch dépassant des enfants transportant sur leur tête d’immenses charges de foin. Nous allons dans la partie du parc  Nechisar proche de la ville où des phacochères attendent à l’entrée ainsi que des babouins. Nous croisons des enfants qui craignent le garde et découvrons des arbres monumentaux dans un bel échantillon de forêt tropicale. Nous allons vers le point de captage des eaux qui ont donné leur nom à la ville aux quarante sources.

mardi 15 octobre 2013

Le tour des géants. Nicolas Debon.



Le tour de France cycliste au début du XX° siècle:
« Le tour c’était tout cela ; comme la lointaine réminiscence d’un sacerdoce païen, cyclique et désespéré, offrant à chaque solstice son cortège de martyrs à la tyrannie du dieu solaire »
La volonté et le courage dont font preuve ces hommes autorisent les termes les plus absolus  pour narrer une épopée : celle-ci se déroula en 15 étapes sur 4735 km.
Réparant eux-mêmes les « perçures » innombrables qui ne sont qu’anodines face aux efforts colossaux qu’ils eurent à produire. La tête sous la fontaine et ça repart.
« une accumulation disproportionnée de souffrances pour quelques secondes d’une joie amère pour les plus chanceux »
La BD dans sa fraîcheur peut traiter de l’évènement sans être boursouflée, celle-ci est appropriée  sous ses traits délicats pour faire revivre le tour de la France de 1910.
Captivant et gracieux.
« C’est un étrange ballet d’ombres chinoises qui anime la promenade des platanes à Perpignan cette nuit là. A 3h 30, au signal du chronométreur soixante douze silhouettes silencieuses et voûtées s’élancent dans le noir. »
Au bout de la volonté, quand Lapize en haut du Tourmalet, franchi pour la première fois cette année là, cria aux organisateurs :
« Assassins…vous êtes des assassins ! »
Ils s’appelaient Faber, Garrigou et c’est Lapize qui va gagner après une série de rebondissements, de tragédies, de tricheries, d’actes chevaleresques venant à bout d’impitoyables règlements …
«  Crois-tu que c’est la haine des autres qui fait gagner les courses ? Je ne sais pas lequel d’entre nous arrivera le premier à Paris, si même nous y parviendrons… mais n’est ce pas plutôt une obscure partie de soi même que l’on hait au point de vouloir l’anéantir, la briser à chaque coup de pédale ? »
Lafourcade, Petit breton et Alavoine disparaitront  entre 14 et 18 avec le héros du Tourmalet.