mercredi 27 novembre 2013

Ethiopie J 10 l’après midi. Moment rare.



Notre petit guide qui n’a plus qu’un œil a signalé une cérémonie d’initiation Hamar avec le fameux « saut de bœufs » qui doit avoir lieu cet après midi. Annoncé à 20 km, nous en effectuons bien 40. Il faut vraiment connaître le village de Chegala pour le trouver dans la brousse. Les 4X4 nous lâchent au bout du chemin, et nous continuons à pied dans le lit sablonneux de la rivière en compagnie de deux australiens. La marche dans le sable s’éternise  et nos chauffeurs lancés dans le fesch fesch, nous récupèrent pour les derniers mètres et nous déposent sur la rive.
Nous passons dans un autre oued par un petit chemin ombragé envahi par des chèvres, des bœufs et des Hamar en plein préparatifs.
Les femmes abondamment enduites de beurre et d’argile, parfois coiffées de plumes voire de bandes de papier, secouent des grelots attachés à leurs mollets, certaines soufflent dans des trompettes.
Pour prouver leur courage, elles ont déjà commencé à réclamer des coups de badines administrés par des hommes.

Une femme s’est évanouie, et un guide demande s’il y a un docteur dans les parages.
Nous ne sommes pas les seuls touristes.
Un groupe d’italiens très intrusifs se fait remarquer et rappeler à l’ordre par des guides afin qu’ils gardent leurs distances, respectent leurs semblables et les personnes qu’ils sont venus observer.
Alors que des hommes se maquillent en vue de cette cérémonie rare, ils placent leurs objectifs démesurés sous le nez des Hamar. Nous sommes choqués par tant de sans-gêne de nos semblables qui s’estiment respectueux mais font semblant de ne pas connaitre l’anglais.
Nous nous éloignons et observons tous les mouvements surtout ceux des femmes. Ebahis par tous ces dos ensanglantés, surpris par ces rites, nous sommes conscients d’assister à une cérémonie exceptionnelle, malheureusement perturbée par des malotrus.
Je ne peux croire à une telle grossièreté et j’estime qu’il s’agit d’un stratagème de personnes contrariées ne pas avoir bénéficié de l’exclusivité de l’évènement.
Puis touristes et Hamar, nous nous dirigeons pèle mêle vers l’aire de la cérémonie située en surplomb au son « forte » des grelots et de quelques voix chantées.
Là, le troupeau de bœufs est rassemblé, les femmes chantent en l’encerclant en  procession et en tapant des pieds, elles frottent leurs dos sur les flancs des bêtes. Celles-ci sont scarifiées et certaines ont les oreilles découpées.
Juste avant, les femmes provoquaient encore les hommes pour se faire fouetter avec une baguette flexible choisie par elle, arrogantes, sans pousser un cri et sautant.
Les dos lacérés, saignent, les verges claquent et certains semblent raisonner les amies de l’initié pour leur dire que c’est suffisant. Pendant ce temps l’homme au crane rasé à l’avant, encadré par des anciens, reçoit des bénédictions à l’abri des regards.
Il ressort totalement nu et s’immerge dans le troupeau. Puis les villageois séparent les bêtes et les placent avant que le héros du jour passe à plusieurs reprises par dessus une demi-douzaine d’entre elles. L’échec lui aurait valu la flagellation par des femmes et la mise au banc de la société. Demain ce sera la fête puis le départ seul dans la brousse jusqu’à ce que le père lui trouve une épouse.
Le spectacle est  aussi chez nous les blancs : bousculades, entraves  réciproques pour photographier…
Nous quittons les lieux énervés de nous préoccuper davantage de nos voisins que de comprendre mieux ce moment d’autant plus rare que ces bisbilles signent la fin d’une époque. Y aura-t-il  bientôt un cordon à ne pas dépasser pour ne pas perturber les cérémonies, des emplacements pour photographes, l’interdiction de filmer, de photographier, de venir voir ?

2 commentaires:

  1. Cocasse, le guide qui demande s'il y a un docteur dans les parages quand un homme qui échoue au rite se trouve au ban de la société.. mon imagination flambe là, à ce que nos.. bonnes intentions feraient d'une exclusion aussi radicale et... DISCRIMINATOIRE ?
    Dans trente ans un monsieur au ban de cette société n'aura qu'à saisir la Cour des Droits de l'Homme mondiaux, se trouver un avocat britannique pour se faire réintégrer...
    Manifestement le tourisme spec(tac)ulaire a déjà mis trois vers dans la belle pomme...

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    1. Nous sommes là, mais de toutes façons cette cérémonie aurait lieu sans les touristes.

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