jeudi 18 avril 2013

Giacometti au Musée de Grenoble.


L’exposition qui se tient jusqu’au 9 juin 2013 s’intitule : « Espace, Tête, Figure ».
Ces trois mots sont tellement vastes qu’ils ne laissent pas entrevoir  l’approche passionnante d’une recherche artistique qui va au-delà des 70 œuvres présentées.
« La sculpture n’est pas, pour moi, un bel objet, mais un moyen de tacher de comprendre mieux ce que je vois »
Les sculptures de toutes tailles qui sont exposées sobrement, défient les écrans virtuels; plus encore que pour les peintures, la confrontation au réel en 3D sans lunettes est la démarche la plus évidente.
 Leur présentation est organisée autour de « La cage », sculpture acquise très tôt par le musée de Grenoble et qui vient d’être restaurée.
A l’intérieur d’un cube aux arêtes de bronze peint, un buste masculin est posé à côté d’un nu féminin de même taille. La relation est énigmatique dans un champ défini au-dessus d’un socle, partie intégrante de cette œuvre pivot. La sculpture génère ici son propre espace.
Le suisse italien installé à Montparnasse n’en est pas à sa première cage.
Il était entré dans le cercle des surréalistes avec « la boule suspendue » frôlant une forme oblongue pouvant évoquer un croissant de lune aussi bien qu’un objet érotique, d’autant plus que l’installation était mobile.
Venant après un père artiste, il fit son voyage en Italie où le baroque Tintoret l’illumina ainsi que Giotto dans son rapport des formes à l’espace, voire Cimabue le primitif.
 « Le nez » grotesque et tragique au bout d’un crane excède l’espace, il évoque Pinocchio, il déborde, et témoigne du traumatisme du jeune Alberto confronté à la mort d’un ami.
Depuis ce moment  il en gardera une angoisse tenace de l’obscurité.
Une étude avec cage thoracique et squelette concerne  son ami Crevel tuberculeux dont  il a illustré le livre «  Les Pieds dans le plat ».
Il vit dans des lieux de passage, son atelier est son refuge, sa cage.
La cage renvoie au corps, au décor,  par ailleurs, c’est le lieu de l’incommunicabilité.
Il avait aussi composé une maquette « Le palais de quatre heures du matin » dispositif théâtral, dont il reste une photographie de Man Ray et une huile où figure un oiseau, une femme, une colonne vertébrale.
Ses peintures sur tout support reprennent ses recherches où les corps s’effilent, ils grandissent à mesure qu’il enlève de la matière.
Lorsqu’une femme ouvre les bras comme pour ouvrir un rideau, il la modifiera.
« La place » est un plateau composé de trois figures et une tête, elle jouxte « La forêt » où il a rassemblé sept silhouettes et un buste d’homme.
Il  joue des tailles et des perspectives, ses quatre petites femmes en haut d’une pyramide tronquée sont des prostituées inatteignables au bout d’un parquet  à la patine dorée.
Ses têtes épurées n’ont pas d’âge, l’une sur son socle rouge évoque l’Egypte, comme on peut voir de l’Etrusque dans les figures qui encadrent une lampe objet d’art décoratif travaillé avec Diégo le frère précieux qui se permettait de lui dire qu’une œuvre était terminée.
L’art évoque l’au-delà, sa présence défie le destin des hommes.
Ses personnages sont menacés, fragiles et le déchiffrage de leurs visages, une quête qui n’en finit pas, mais laisse de belles traces.
Les esquisses, les essais s’approchent de l’immortalité. L’artiste donne une permanence à ce qu’il fait. César existe plus par son livre « La guerre des Gaules » que par ses actes.
 Sa peinture n’est pas faite pour séduire mais pour saisir la vie. Eternel insatisfait de lui-même, il ne cesse d’essayer de faire le portrait d’ « un homme qui est fait de tous les hommes, qui les vaut tous et qui vaut n’importe qui » comme disait Sartre. Il en noirci du papier, il le crève de traits qui reviennent sans cesse sur l’ouvrage, qui vous transperce.
Ses hommes qui marchent ne bronchent pas et leur mouvement dit cependant la vie.
Giacometti a posé devant nos yeux des silhouettes « grattées jusqu’à l’indestructible », elles sont devenues figures de l’absolu.
Cet article doit beaucoup aux informations et interprétations délivrées par Etienne Brunet lors d’une visite commentée et à celles de Guy Tosatto le directeur du musée lors d’une conférence aux amis du musée.

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