jeudi 14 mars 2013

Les fresques de la Sixtine : de l’harmonie à la terrebilità.


Le pape Sixte IV (d’où Sixtine) et Laurent le Magnifique se sont réconciliés, alors les  peintres florentins vont à Rome embellir les murs et le plafond de la chapelle destinée aux conclaves.
Dans les décors de la Rome antique,  ils affirment la puissance de l’église. Ils individualisent les personnages qui sont saisis dans l’action parmi des paysages où la perspective est installée : un point d’arrivée de l’art du quattrocento.
L’ancien et le nouveau testament sont représentés : la vie de Moïse est  décrite  en parallèle à celle du Christ.
Botticelli décrit six épisodes de la vie de Moïse dans le même tableau, Pierro Di Cosimo un passage de la Mer Rouge audacieux, Ghirlandaio ne tresse pas que des guirlandes, il représente le recrutement de Pierre et André deux pêcheurs dont la vie antérieure est traduite en arrière plan. Le Perrugin peint  la remise des clefs à Saint Pierre  et coordonne les travaux.
Michel Ange Buonarroti combine platonicisme et christianisme dans une œuvre humaniste dont la restauration vient de prendre plus de temps que sa réalisation.
Lui qui avait sculpté une piéta géante dont la mère à la beauté idéale semble aussi jeune que son fils.
Lui, qui avait représenté aussi la Sainte Famille avec la vierge qui passe son fils à Joseph situé à l’arrière alors que des couples de jeunes éphèbes figurent au fond du tableau circulaire.
Le sculpteur du David, de la république Florentine, prêt pour l’action.
L’artiste, saturnien disait-on, capricieux, travaille pendant quatre ans sur 600 m2   .
A la Toussaint 1512 c’est l’inauguration.
« À travailler tordu j’ai attrapé un goître […]
Et j’ai le ventre, à force, collé au menton.
Ma barbe pointe vers le ciel, je sens ma nuque
Sur mon dos, j’ai une poitrine de harpie,
Et la peinture qui dégouline sans cesse
Sur mon visage en fait un riche pavement.
Mes lombes sont allés se fourrer dans ma panse,
Faisant par contrepoids de mon cul une croupe
Chevaline et je déambule à l’aveuglette
. »
Vingt ignudi androgynes aux postures sensuelles encadrent la genèse de l’humanité décrite en neuf séquences :
La séparation de la lumière et des ténèbres, des eaux d'avec la terre, la création des planètes.
La création d’Adam, celle d’Ève, leur expulsion du Paradis terrestre.
Le sacrifice de Noé et son ivresse, le déluge.
Le peintre qui est apparu comme celui des ténèbres aux générations qui n’ont pas connu l’éclat d’une restauration scrupuleuse, fait chanter les couleurs qui ne sont plus ternies par la suie des chandelles.
L’homme est au centre, Dieu lui donne le souffle vital qui le sortira de sa pose alanguie,  mais les corps d’Adam et Eve chassés du paradis portent le poids de « leur prison de chair » comme dit le conférencier Christian Loubet qui fait partager aux amis du musée de Grenoble les passions de Michel Ange privé très tôt de sa mère, révolté contre son père au point que jusqu’à sa mort il ne pouvait achever de visage masculins qu’il martelait.
Sur les côtés s’allient des sibylles et des prophètes,  les angles sont occupés par des héros du peuple élu : Judith, Esther, David et la légende du serpent d’airain.
Trente ans sont passés, le mur du fond sera peint après le sac de Rome et le schisme, c’est la fin des illusions de la Renaissance : les condamnés au moment du jugement dernier tournent autour d’un christ olympien, devant le soleil qui est devenu centre du monde depuis Copernic. Panique en ce jour de colère : les martyrs ont des mérites qui ne sont pas reconnus, Michel Ange a renoncé à ses pulsions, il se représente dans la vieille peau que tient Barthélémy. Dans ce moment dramatique, le génie devenu mélancolique, annonce le baroque.
Sur place se munir de jumelles, d’un miroir et si l’on veut échapper aux foules très denses, il parait qu’il y a des visites organisées hors des heures habituelles, plus chères où se faire cardinal et méditer les yeux au plafond.

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