mardi 26 février 2013

Jeangot #1 Renard Manouche. Joann Sfar Clément Oubrerie.


Sfar, le Zlatan de la BD au scénario, associé à Oubrerie, le papa d’Aya de Yopougong aux crayons et au fusain, font des étincelles dans ce premier volume d’une série de trois où la vérité de la biographie de Django Reinhardt importe peu parce que c’est une belle histoire qu’ils nous racontent.
La crudité du récit, sa virtuosité, sa drôlerie, ses digressions s’accordent à merveille avec son objet musical : délié, libre, d’un rythme endiablé, surprenant.
Cette vie commencée en 1910 est contée par Niglaud un hérisson rescapé de chez les manouches qui deviendra l’ami et le biographe du petit renard, Jeangot. 
Les péripéties s’enchainent dans cette période troublée, les animaux du voyage passent d’un pays à l’autre, leur jeunesse trépigne, ils font la manche, s’astiquent le manche, la caravane brûle, la musique sort par la fenêtre de l’hôpital où le jeune prodige met un an à se remettre sur pieds, deux doigts en moins.
« Arrêtez de jouer quand je vous cause.
- Je ne peux pas m'arrêter. Chaque fois je me dis "Après la prochaine note, j'arrête". Mais après la note, il y en a une autre. Et une autre. Et encore une. Alors je suis curieux, je les déroule. Je me dis, un jour je les aurai déroulées toutes. Et ce sera la fin de la musique »

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Je reprends la publication de mes billets quotidiens mercredi prochain.

lundi 25 février 2013

Un conte de Noël. Arnaud Desplechin.


Le repas familial au moment de Noël est un genre cinématographique à lui tout seul,  où la tendresse est attendue et la cruauté au rendez-vous, mais  cette fois la virtuosité du réalisateur servie par d’excellents comédiens rend la férocité attractive.
Dans ce film de 2008,  Amalric, le banni revient en alcoolique cynique et dispensateur de vérités féroces, il est odieux à souhait mais il est compatible pour un don de moelle à sa mère Deneuve qui a réuni à la veille de sa greffe tous ses enfants.
Un théâtre d’ombre cerne ce qui se joue parmi ces nombreuses personnalités  ainsi que le spectacle des petits enfants dans une révélation inépuisable de secrets de famille où les pièces rapportées en rajoutent évidemment.
Toutes les questions posées durant les deux heures quarante dans la maison roubaisienne ne seront pas résolues, mais nous restons toujours attentifs aux révélations qui émergent. Derrière la fumée des cigarettes et les alcools au goulot, avec des musiques très présentes,  les névroses se frottent, se condensent. Le désir de vivre jouxte l’autodestruction.
Jean Paul Roussillon en pater familia apporte un peu de d’apaisement dans cet univers malsain, il lit Nietzsche : «Chacun est à soi-même le plus lointain. »

dimanche 24 février 2013

Gnosis. Akram Khan.


Je ne savais pas grand chose du quadra Bangladais dont j’avais aperçu quelques articles de presse élogieux et sa silhouette sur les affiches de la MC2 .
Bien que ce soit parfois plus facile d’aborder un spectacle en étant totalement dépourvu d’à priori, je n’ai pas été déçu du tout  par sa prestation intense d’une heure quarante.
Je craignais un trop plein d’allusions à une cosmogonie qui m’est étrangère, pourtant j’ai été pris tout de suite par un trait de violon et des percussions élémentaires qui allaient si bien avec le  danseur soliste alternant lenteur et fulgurance.
J’ai même préféré la première partie plus chargées de couleurs du sous continent indien aux pas de deux de la deuxième partie avec ses allures plus contemporaines, plus dramatiques.
Le kathak  danse traditionnelle est très rythmée comme ses syllabes le suggèrent,  elle a des allures de flamenco, pieds nus et grelots aux chevilles.  Grâce à l’orchestre qui jouait ensemble pour la dernière fois et une partenaire japonaise lors de la deuxième partie, nous avons pu goûter aux délices de la mondialisation.
Depuis j’ai lu  que « Gnossis » signifie « la compréhension intuitive de vérités spirituelles »: c’était tout à fait ça.
Ce Khan signifiant dirigeant nous fit oublier les turpitudes de l’autre Strauss, celui là  est un danseur reconnu dans le monde entier : il a chorégraphié la séquence du souvenir de la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques de Londres et nous aurons la chance de le revoir  dans une interprétation du Sacre du printemps au mois de mai en première mondiale, ici à Grenoble.

samedi 23 février 2013

La faute d’orthographe est ma langue maternelle. Daniel Picouly.



L’écrivain sourit  quand on l’appelle Piccoli comme Michel le comédien, c’est qu’il est comédien aussi.
Ce livre  de 120 pages très aérées est  la transcription d’un spectacle qu’il présenta à Avignon.
Il a du avoir du succès avec le label «  vu à la télévision » entre deux one man show rigolos, cette pièce qui sent la récréation avait bien sa place au cœur des vacances.
La lecture en est rapide, plaisante, j’avais tant aimé « Le champ de personne » qui avait une autre densité. Il recycle ici quelques questions mignonnes d’enfants qu’il a collectées lors de ses visites dans les écoles :
«Monsieur, quand on écrit une histoire, pourquoi c’est pas aussi beau que dans sa tête ? »
Mais à l’heure où les enseignants sont agressés, le récit de l’humiliation dont il a été victime de la part d’un instit’  m’a semblé daté, d’autant plus que le traumatisme a participé à son émergence littéraire, théâtrale, télévisuelle ; il a bien su raconter l’histoire.
La mode me semblait pourtant passée de se faire valoir en cancre dès qu’un micro se tendait : Pennac, François de Closet et tant d’autres. Le jeune quarteron se mit pourtant à Proust pour les beaux yeux d’une fille. Cette façon de ceux qui vivent par l’école tout en l’égratignant me semble injuste et  l’exercice pourtant tellement rebattu plait aux éditeurs.
Cette culture qu’ils ont acquise visiblement par leur seule intelligence n’est pas forcément aussi facilement accessible à d’autres qui n’auront que mépris pour tout ce qui est écrit, et peut être envers les images parfois séduisantes de Picouly Daniel.

vendredi 22 février 2013

« Position du démissionnaire »



Le titre est repris du Canard au moment où le pape s’en allait :
« Duos habet et bene pendentes » (« Il en a deux, et bien pendantes »)
Tout le monde s’en moque, royalement.
Ces derniers temps, la hiérarchie catholique qui en a été rendue à  prendre le masque grotesque de Frigide Barjot a fait un peu de bruit dans la rue, mais ses salles de réunion sonnent le vide.
Figés dans l’étreinte d’un combat séculaire, les laïques ne se portent guère mieux.
Les instituteurs qui en étaient les hérauts ont d’autres urgences : des problèmes de garde pour leurs enfants.
Nous avons changé d’ère : dans la question des rythmes scolaires, il n’est pas plus question de catéchisme dans les temps vacants que de réserver  juillet et août pour que les enfants aident aux travaux des champs.
En ce qui concerne les vacances : difficile de faire cours dans les salles surchauffées du mois de juillet mais quand on arrête les notes début  juin pour les collégiens c’est démotivant. Que les examens soient retardés et les lycéens seront bien gardés. Dès le mois de mai les têtes sont ailleurs : pour le lundi de Pentecôte, l’Ascension, la religiosité a encore de beaux jours qui rassemblent aussi les adeptes du 8 mai.
Les mots se sont usés : dans quelque cérémonie où hommage fut rendu à Paul Bert et Jules Ferry, ils semblaient venir d’une langue aussi inusitée que le latin. Les favoris d’antan ne figurent plus au top ten.
Je suis plongé dans le livre de Julliard : «  les gauches françaises » et  j’apprends qu’en 1880 le nombre d’illettrés parmi les conscrits était inférieur à 20% alors qu’un quart des femmes ne savaient pas signer. Les femmes ont bien progressé.
Un tiers des effectifs enseignants masculins et la moitié des femmes étaient passés par les écoles normales de la troisième république, dont le rôle était  de former des « maîtres compétents et dévoués ». Là encore bien des termes fleurent « le noir hussard » : « maîtres dévoués ».
 Avec la dernière grève de la corporation des professeurs des écoles, je me sens au delà de la distance mise par une retraite datant de sept ans.
Et ce n’est pas Bégaudeau plaidant une cause qui les confondrait avec des sidérurgistes Lorrains qui arrive à me convaincre, il a quitté le métier il y a aussi quelques payes.
D’ailleurs  au sujet de l’école le silence des intellectuels, qui furent clergé un temps, est intense : n’auraient-ils plus de  mission ?
Si, à la fin d’un article de libé d’hier : Erasme :
« Nul ne tourmente davantage les enfants que ceux qui n’ont rien à leur enseigner »
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Dans le Canard de cette semaine: 
 

jeudi 21 février 2013

Edgar Degas et le nu : des coulisses à la chair.


Degas a été « complice de sa formation » selon les mots choisis par Damien Capelazzi aux amis du musée, pas comme Manet son ami, qui invité à copier les maîtres, a peint les quais de la Seine depuis une fenêtre du Louvre. 
L’impressionniste précieux n’a pas chanté la nature, il a quitté  les sphères académiques pour saisir « les instants fragiles», à l’intérieur. Son regard nous transperce comme « une icône au temps d’un monde groupé ».
Il fut influencé par Ingres qui demandait de « faire des lignes, beaucoup de lignes » dans un univers où le marbre se donnait pour de la chair, pourtant sa « Grande baigneuse »  dite de Valpinçon est d’une sensualité qui choqua.
Valpinçon était l’ami du père De Gas banquier et collectionneur comme son fils.
La mère était créole de la Nouvelle Orléans.
Edgar va s’enrichir de la pensée graphique de Raphaël, des chorégraphies du corps de Poussin.
Il va devenir un des virtuoses de l’instant.
« Peinture audacieuse et singulière s'attaquant à l'impondérable, au souffle qui soulève les maillots, au vent qui monte et feuillette les tulles superposés des jupes » Huysmans.
Le travail des couleurs ne se prémédite pas, le roi du pastel les fait s’ « iriser au bord de l’opalescence », ici et maintenant. Le siècle a pris des couleurs depuis Delacroix.
Il voyage, en revenant d’Italie, gonflé d’histoire, comme Gustave Moreau dont il dit qu’ « il veut que les dieux portent des chaines de montre », il va réveiller le genre de la peinture d’histoire.
Les « Petites filles spartiates provoquant des garçons »ne sont pas soumises et  leur tenue m’a fait envisager la sobriété spartiate sous un autre jour.
Dans « Scène de guerre au Moyen Age » les femmes subissent la violence des hommes.
Une femme est repliée sur elle même dans la scène qui s’intitulait «L’intérieur » dont les murs,  la lumière, l’homme sombre aux jambes écartées, son chapeau posé sur le lit, la boite des dentelles ouverte, disent tellement la violence que cette œuvre est désormais dénommée « Le viol ».
Degas a été du camp antisémite lors de l’affaire Dreyfus, mais bien que conservateur, il va porter un regard critique sur sa classe sociale. Deux mâles « scopophiles » avachis sur leur chaise apparaissent dans toute leur vulgarité au bord de la scène où des jeunesses palissent sous les lumières.
Il va dans les fosses d’orchestre, dans les loges, multiplie les points de vue différents.
Il voit les filles dans les coulisses,  au moment où elles attendent, répètent, s’étirent. Leurs corps se tordent, fatiguent ; la mélancolie se pose devant une absinthe.
Dans "L'orchestre de l'Opéra" les plans se superposent, les musiciens sombres au premier plan contrastent avec une ribambelle de jambes qui s’agitent sous les feux de la rampe à l’arrière.
Sa sculpture  de « La grande danseuse » est très réaliste avec son tutu de tulle,  son visage attira des critiques très violentes :" où tous les vices impriment leurs détestables promesses ».
Ses lingères, ses repasseuses sont saisies instantanément comme la chanteuse  dont le corps est au paroxysme, l’une crie, l’autre appuie sur son fer dans une tension des corps très graphique.
Saisies au moment du bain, les femmes nues se lavent, se sèchent, les couleurs peuvent s’aviver à l’occasion de « La coiffure ».
Classique et innovant, il  a fait se côtoyer la beauté et la mort ; contradiction ou réconciliation ?

mercredi 20 février 2013

Le Louvre # 1. Le château.


Au XII° siècle, Notre Dame sort de terre à Paris, où sont construites de nouvelles fortifications : 2800 m de remparts depuis l’île Saint Louis qui ne pouvait pas s’appeler ainsi à l’époque, 9 m de haut avec des tours tous les 60 m, deux fois la portée des flèches allant à 30 m.
Le pouvoir de Philippe Auguste s’affirme face aux Plantagenets qui règnent sur un territoire sept fois plus vaste.
A l’emplacement d’une louverie, d’où le nom Louvre, qui ouvrait sur des territoires de chasse à l’Ouest de la ville, est édifié un bastion sur la rive droite à l’endroit où la Seine crée une brèche dans les murailles, en face de la tour de Nesle.
La tour féodale imposante accolée au mur d’enceinte fait référence : « Le roi de France en sa tour à Paris » comme le précise Fabrice Conan dans sa conférence devant les amis du musée de Grenoble.
Sous Louis IX, le rôle défensif  de la forteresse diminue, celle-ci évolue en château d’apparat.
Avec Charles V, après avoir servi de prison, le palais devient résidence royale comme la maison initiale de l’île de la cité, l’hôtel saint Pol, le château de Vincennes. Le trésor royal y est conservé,  et désormais une bibliothèque accueille sous ses lambris des livres religieux, des romans et des documents royaux. 
Le périmètre de la ville s’est élargi,  voilà le Louvre intra muros.
A la mort  de  ce Louis dit « le sage », retour de la cour à Saint Pol dans le marais où une ménagerie est construite, en témoigne la rue du lion.
François 1° depuis Chambord revient à Paris qui a payé sa rançon après la défaite de Pavie, il fait démolir l’épais donjon moyenâgeux qui a souffert pendant la guerre de cent ans : c’est la Renaissance.
Il a fallu quatre mois pour tout déblayer et lorsque Charles Quint passe à proximité, il est impressionné par l’architecture à venir qui lui est proposée en trompe-l’œil.
Après la mort du père, Henri II continue les travaux dirigés par Pierre Lescot autour de la cour carrée. Des ailes s’ajoutent à un bâtiment déjà trop petit où un escalier monumental est édifié. La partie basse devait être une galerie ouverte,  fermée, elle recevra des sculptures antiques qui  ainsi ne seront pas exposées aux vents. Le premier étage est réservé au roi et le deuxième aux services sous une toiture brisée à la Mansard. Jean Goujon va richement décorer les façades où les  traits des Valois apparaissent sur les bas reliefs avec une Diane chasseresse qui représente Diane de Poitiers, la maîtresse. Les cariatides du sculpteur supportent une estrade réservée aux musiciens pour un salon d’apparat.
Catherine de Médicis fait construire une galerie inspirée par celle de Florence comme ont été imités des escaliers sur le modèle du palais des doges. 
A l’emplacement de tuileries où Palissy cuisait ses émaux elle fait édifier un château et un jardin d’agrément.
Henri IV reliera les deux châteaux.

mardi 19 février 2013

La vie d’artiste. Florence Cestac.



Il n’y a pas plus banal que cette vie d’artiste : enfance provinciale, parents qui ne comprennent rien, institutrice poilue redoutable avec sa manie de l’orthographe, la vie à Paris sous les toits, les beaux arts vains, les enfants crampons et le mari qui fuit, les dédicaces dans les gymnases qui sentent les baskets … Tout y est : l’amateur de BD bébête, les éditeurs indifférents ou rapaces… etc. 
Et pourtant la patte de Cestac rend ce parcours divertissant, avec ses personnages en patate, ses couleurs franches comme est simple son humour désenchanté. Nous passons un moment agréable.
Le titre complet : « La vie d'artiste sans s'emmêler les pinceaux sur les chemins détournés » ne me semble pas ajouter de la valeur contrairement à celle qui complétait son« Démon de midi » : « Changement d’herbage réjouit les veaux » dont l’humour apaisait la détresse d’une femme trompée.
Si vous le souhaitez, vous trouverez sur ce blog dans deux autres articles concernant l’artiste- qui-dessine-des- gros-nez.
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/01/du-sable-dans-le-maillot-florence.html
 http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/03/je-voudrais-me-suicider-mais-jai-pas-le.html

lundi 18 février 2013

Sur la piste du marsupilami. Alain Chabat.



Voyage en pays d’enfance sur les pas de Franquin figure tutélaire connotée années 60, « Houba houba ! » avec  Chabat  estampillé années 90 pour les nuls, plus Djamel Debbouze l’héritier canal hystérique.
La bêbête jaune à points noirs compte ses soixante ans et un parfum de nostalgie flotte sur cette forme d’opérette-blagounette qui adopte pourtant  des rythmes contemporains. Nous sommes à Chiquito en Palombie, avec Dan Geraldo, le bidonneur,  Pablito,  le menteur, et le Marsupilami qui a échappé jusque là à tous ses  avides poursuivants.
Divertissement vitaminé avec force stéréotypes sud américains : le dictateur (Lambert Wilson),  les piranhas,  le perroquet pris en otage, la fleur miraculeuse cueillie par  un vieux botaniste (Fred Testot)  avec laquelle il retrouvera un moment sa jeunesse, sous le regard d’une télévision folklorique de par chez nous :  
« qui ne saute pas n’est pas Paya !»
Spectacle bon enfant de 2 à 62 ans.

dimanche 17 février 2013

Pour un oui pour un non. Nathalie Sarraute.



La formule théâtre en appartement a bien des charmes, mais  quelle pièce serait plus adaptée que la rencontre de deux personnages en « venant aux mots », quand  ce sont des amies  qui  vous invitent à une représentation chez elles?
Mon voisin, qui avait vu la version avec Sami Frey et Jean François Balmer, trouvait que cette interprétation mettant aux prises un homme et une femme changeait la nature du texte.
Moi, j’ai bien apprécié les acteurs  Jean-Claude Wino, Martine Julien et le propos : une explication fouillée née autour d’une réflexion de l’un jugée condescendante par l’autre:
« c’est bien…ça ! »
Le côté apparemment anodin de l’expression va être d’autant plus révélateur d’une vérité, sans cesse remise en question, de leur amitié.
La conclusion ouverte de cette joute intelligente, subtile, exigeante m’a paru promettre d’autres discussions à n’en plus finir tellement ils se sont régalés de mots, ont goûté les silences, et se sont approchés par leurs regards, en toute amitié.

samedi 16 février 2013

We demain.



« Revue pour changer d’époque », un « mook » de plus sur le créneau écologiste par deux frères Siegel de VSD : 200 pages pour le volume principal et 70 pour le supplément consacré aux entreprises innovantes dont  le Poma de par chez nous : Pomagalski qui a installé des téléphériques à Rio, à New York…
Le ton résolument positif tranche avec la déprime ambiante et puise dans les sombres pronostics des raisons de réorienter nos sociétés. C’est le genre de Larroutourou que  je croyais voué à jouer les utopistes qui en appelle à Roosevelt pour faire valoir le courage en politique. Il vient de signer un livre avec Rocard  figure inévitable de la pensée critique que l’on retrouve aussi dans le parcours de Patrick Viveret fondateur du mouvement pour d’autres monnaies complémentaires interviewé dans ce numéro 2.
Un article concernant les mots nouveaux m’a séduit comme les photographies qui séparent les chapitres : déchiffrer, respirer, inventer, regarder, ralentir, savourer, découvrir, partager.
Et  les pages consacrées à la sérendipité qui désigne le don de découvrir ou d’inventer ce qui n’était pas recherché font penser que la fantaisie peut bien aller avec des démarches des plus méthodiques.
Le ton est donné : « la décroissance, une fatalité ? Non une obligation ! » développé à partir du rapport du Worldwatch Institute avec le portrait de Gene Sharp qui a consacré sa vie  à mener la vie dure aux tyrannies par la non violence.
Les  expériences relatées sont concrètes : A Delhi des propriétaires pour 75 € par mois, au Bhoutan qui a adopté le BNB (Bonheur National Brut) à la place du PNB,  dans des villes qui visent à l’autonomie énergétique,  chez les Kogis en Colombie.
Les méduses sont photogéniques certes mais leur développement est  inquiétant, l’obésité mal planétaire peut être éradiquée,  et si « l’emploi est dans le rouge, l’espoir est dans le vert », l’heure est à la verticalité pour construire, pour cultiver : des jardins sur les toits.
J’ai trouvé ce trimestriel à Carrefour.
 « Le peuple s’est réveillé avec une rapidité bouleversante […] et il attendait le moment propice[…] Tous ceux qui n’avaient pas peur, qui ne mentaient pas dans leur vie quotidienne […] ont apporté leur contribution. » Vlacav Havel 

vendredi 15 février 2013

Quelle école idéale pour l’Europe ?



Au forum de Libération à la MC2 en février 2012.
Même avec des pointures comme François Dubet, l’inévitable débatteur lorsqu’il est question de l’école, difficile  d’envisager l’horizon européen quand le débat sur la semaine de quatre jours et demi est d’une actualité bruyante d’autant plus que Bruno Julliard est de la partie et qu’il venait d’ouvrir sa bouche au sujet du corporatisme des enseignants.
Ces rythmes scolaires sont un exemple des blocages du système : tout le monde est d’accord pour constater que ça ne va pas mais il est impossible de bouger d’un quart d’heure.
Alors rêver de l’idéal peut paraître hors de propos, une échappatoire épuisée.
A défaut de rêver à une école efficace, juste, accueillante : penser.
Quand un quart des élèves a des difficultés de lecture en sixième, il ne s’agit plus de rêver ou de cauchemarder, mais d’une urgente nécessité de changer.
« Inégalités scolaires excessives, taux d’échec et de décrochage inacceptables, perte de confiance des élèves, démoralisation d’une profession enseignante qui a du mal à recruter… »
Regarder ailleurs, peut être aussi un réflexe mécanique bien vendu par les médias : dès qu’une réforme pointe le nez : « allons voir chez nos voisins !».
La sélection s’opère très tôt en Allemagne et les sélectionnés sont bien traités, la voie technique n’est  pas une relégation.  
Mais les convergences avec des pays qui ont d’autres organisations sont difficiles, les styles sont tellement différents, quand chez nous par exemple les diplômes jouent un rôle considérable. Ceux-ci assureraient plus de justice à condition que le coefficient « réseau » joue moins fort. Notre mode de sélection accentue les inégalités. Et tous ces mécréants qui se prosternent devant « Le Bac » !
Dubet dans ses écrits : « Alors que le retour à la semaine de quatre jours et demi de classe semblait bénéficier de l’assentiment de tous, y compris des syndicats majoritaires, la réforme s’annonce bien plus difficile qu’on ne pouvait le croire. Qu’en serait-il si l’on touchait vraiment à la nature des concours de recrutement et à la formation des enseignants, au statut des établissements, au double système des grandes écoles et des universités, à la hiérarchie des filières et à l’orientation par l’échec… ? »
Juliard est un politique, après ses âpres appréciations sur les enseignants,  il déroule ses souhaits : « une école qui est en capacité des former des individus éclairés, émancipés, mais aussi des citoyens et les travailleurs de demain. C’est une école qui est juste, parce qu’elle donne plus à ceux qui ont besoin de plus. C’est une école qui lutte contre la reproduction des inégalités. C’est une école, enfin, qui s’ouvre sur le monde, la culture, l’Europe, les sciences. »
Il y avait dans le grand auditorium deux lycéens du lycée international qui avaient bien travaillé leur sujet avec leur classe, mais c’est toujours paradoxal d’entendre ceux qui appartiennent à l’élite, critiquer la sélection qui les a justement placés en capacité  de s’exprimer,  pour souhaiter que le lycée soit un lieu de vie plus convivial, où l’orientation s’opèrerait plus tard.
Philippe Sultan de la fondation Copernic est plus pragmatique à mes yeux, en critiquant une vision managériale de l’école qui met l’évaluation à toutes les sauces et méprise les acteurs de l’éducation. 
Le 7 mai, c’est le 6 qu’il a  perdu, le mari de Carla  avait signé un texte de loi concernant la notation des profs. 
Dans un pays si pessimiste, notre école, où les élèves ont tellement peur de se tromper, n’est certes pas la propriété des enseignants. Mais la confiance est  la condition indispensable d’une amélioration du système : à défaut de faire rentrer « the » grande réforme par la  grande porte, elle pourrait faire pénétrer un nouvel air par la petite fenêtre de l’expérimentation. 
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Un dessin du canard de cette semaine: 


jeudi 14 février 2013

Fresques murales romaines.



Loin de  Louis XIV, le comte d’Elbeuf trouva trois belles statues en creusant un puits du côté de Naples. Il les offrit à Eugène de Savoie, chef de guerre au service des Habsbourg.
Ainsi commencèrent  au XVIII° des fouilles après des siècles de pillages.
Le théâtre d’Herculanum fut découvert sous trente mètres de déblais de lave solidifiée alors qu’à Pompéi les cendres d’une épaisseur de dix mètres sont plus meubles.
L’allemand Winckelmann essaya de faire évoluer les pratiques des fouilles.
Il popularisa les sites des anciennes cités balnéaires où de riches romains vivaient jusqu’à l’éruption du Vésuve en 79 avant JC. 
Ces découvertes vont faire naître le  style néo classique aux lignes claires qui supplantera le rococo aux lignes courbes.
Si aujourd’hui les découvertes sont respectées, bien des œuvres de cette époque furent découpées, décollées, reconstituées loin des effluves marins originels.
Le conférencier Daniel Soulié distingue quatre périodes dans le style des fresques romaines avec des exemples pris dans d’autres demeures somptueuses telle que la villa Farnésina à Rome.
De - 140 à - 80, c’est la république. Influencés par les grecs, sur les murs des pièces communes, des panneaux représentent des placages de marbre que les propriétaires n’ont pas les moyens de faire venir de Libye.
De - 80 à -15, au moment de la révolution sociale, le style illusionniste imite des décors théâtraux, multiplie les plans. Les maisons ne comportent pas d’ouverture, la lumière vient du haut, alors des fenêtres en trompe l’œil  montrent des dieux à proximité et l’espace s’ouvre sur une campagne imaginaire.
De -15 à 64,  pendant la période impériale, les colonnes deviennent de simples liserés  qui partagent l’espace en champs distincts avec des couleurs vives dont le fameux rouge pompéien. Ce style ornemental met en valeur un grand tableau central entouré de deux plus petits.
De 64 à 79, la mode est au fantastique, à l’illusion, le stuc rehausse les peintures. Des mosaïques aux tesselles minuscules côtoient des peintures où la technique « a fresco » (dans le frais) qui impose de travailler rapidement, a laissé des témoignages picturaux d’une vivacité impressionnante.
La fresque est impressionniste, presque.
Les influences grecques, égyptiennes ont touché les dieux venus également de Syrie(Cybèle) ou d’Iran(Mithra) mais aussi les manières des peintres dans les drapés, les modelés, les représentations  de monuments. En croisant  des textes et les imitations romaines les spécialistes peuvent imaginer ce que fut la peinture… grecque.
La nudité était alors héroïque, bien que le conférencier se soit malicieusement interdit toutes les représentations grivoises qui ont abondé pourtant dans ces lieux.
Il a conclu la soirée avec une série de portraits, après s’être arrêté sur une scène énigmatique d’initiation, où le vent gonfle agréablement un voile, et des moments de la vie quotidienne : un banquet,  la maison du foulon, un boulanger qui vend son pain, la représentation d’émeutes qui valurent 10 ans d’interdiction de jeux aux manifestants. 
Le boulanger et la boulangère n’ont pas pris une ride.
« Dictes moy où n'en quel pays
Est Flora la belle Romaine 
Archipiada ne Thaïs 
Qui fut sa cousine germaine
Echo parlant quand bruyt on maine
Dessus rivière ou sus estan
Qui beaulté ot trop plus qu'humaine   
Mais où sont les neiges d'antan »!
F Villon repris par Brassens , c'est elle sur la photo qui ouvre l'article.
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 Ma collègue Colette a choisi trois mots de vocabulaire recueillis pendant cette soirée :
Le canthare : un vase pour boire avec deux anses.
Le thyrse : un grand bâton où s’enroulent des végétaux, attribut de Dionysos
Le Fayoum : région d’Egypte où furent retrouvés des portraits très vivants qui accompagnaient les morts.

mercredi 13 février 2013

Angkor. Thierry Zéphir


Aux amis du musée de Grenoble, Thierry Zéphir  responsable du Musée Guimet, un des lieux  de présentation essentiel de l’art asiatique, a donné une conférence concernant Angkor la capitale pendant six siècles de l’empire Khmer.
Celui-ci allait au-delà du Cambodge, au Sud  du Viet Nam, comprenait une partie du Laos, de la Thaïlande et de la Birmanie.
Si les  cours royales ont changé d’emplacement,  elles sont restées à proximité de la plus grande réserve d’eau douce de l’Asie du Sud Est : le lac de Tonlé Sap dont les eaux se déversent dans le Mékong. Au moment de la fonte des neiges himalayennes le sens des eaux s’inverse et le lac multiplie sa surface par trois, voire sept dans certains documents !
Dans cette aire riche de populations différentes, l’influence de l’Inde marchande est très marquée et les religions hindouistes et bouddhistes vont se mêler en toute tolérance.
Même si une occupation humaine est attestée dès la préhistoire, plus aucune trace des demeures végétales des mortels, par contre des habitats pérennes réservés aux divinités se découvrent encore.
Dès le VIII e siècle, un temple abritant la divinité protectrice Shiva préfigure les constructions qui vont se multiplier à partir du règne de Jayavarman II.
Les temples-montagnes  honorent les divinités protectrices à Prè Rup  au X° siècle,
Baphuon au XIe,  Angkor Vatt, le plus vaste monument religieux au monde, au XIIe  jusqu’au Bayon  au XIIIe : de Vishnou à Bouddha.
Les  toitures avec de faux étages de forme pyramidale donnent des airs montagneux aux constructions qui se devaient de reproduire les lieux familiers aux divinités.
Les architectures de plus en plus complexes reproduisent le mont Meru, demeure des dieux, les enceintes concentriques alternent avec des douves réservoirs qui servent à redistribuer l’eau.
Des systèmes sophistiqués d’irrigation permettront plusieurs récoltes de riz dans  l’année. La perte de la maitrise de l’eau expliquerait le déclin encore mystérieux de cette civilisation.
Après la brique, le grès permet la finesse des motifs et le sable compacté la solidité des édifices, même si les pierres ne sont pas jointoyées.
Une  végétation envahissante, les pluies violentes de la mousson, le soleil accablant de la saison sèche, des pillages, mettent à mal ce patrimoine mondial.
Les lingas, phallus en érection, symbolisent Shiva dont la représentation sous forme anthropomorphe est  aussi très fréquente. D’après les écritures il pouvait prendre 1008 noms : le personnage  complexe est multiple.
Les statues distantes, non individualisées, portent une éternelle jeunesse ; au bout de chacun des quatre bras de Vishnou, un disque, une conque marine, une massue, un lotus.
Quand les commandes ne sont pas royales, l’art khmer fait valoir encore plus son esprit dans des décors exubérants et variés. Des bas reliefs  très vivants peuvent compter jusqu’à 11 plans différents sur quelques centimètres d’épaisseur.
Parmi les gardiens qui encadrent pour l’éternité les entrées des sanctuaires, la coiffure permet de distinguer les bienveillants, des farouches : les uns avec un chignon bien cylindrique face à des chevelures en désordre au dessus d’yeux exorbités.
Une accumulation de noms de rois, de lieux ne dit rien quand il faut sur place plusieurs jours pour aborder cette civilisation, voir sur ce blog quelques "messages anciens" dans la rubrique voyages, sinon se remémorer d’immenses visages énigmatiques, dont la beauté ne reproduit pas celle d’un modèle humain, la multiplication des temples qui se juxtaposent puisqu’une fois sacralisés, ils ne peuvent être désacralisés, de belles histoires comme le mythe premier de l’hindouisme quand les dieux et les démons tirent sur un serpent et barattent la mer de lait,  et qu’un élixir d’immortalité en advient.

mardi 12 février 2013

Le néolithique c’est pas automatique. Jul.



Troisième volume de la série « Silex and the city » qui se lit en un souffle, jubilatoire.
Feu d’artifice à chaque case, clin d’œil à chaque bulle,  depuis que la vallée qui résiste à l’évolution essaye de conserver son triple A : « Arriérés, Anthropophages, Analphabêtes » au pied de son volcan EDF,  les habitants sont stressés, le conseil de discipline au collège Dolto est impitoyable,  mais le progrès est en route: les traiteurs  proposent des baguettes pour ceux qui ne savent pas se servir de leur pouce préhenseur. A la maison de retraite  les résidents regardent  la « guerre du feu de l’amour »,  et le collectif « pour un âge de pierre citoyen » connait  des dilemmes concernant les néanderthaliens en situation régulière :
«  - Quand ils sont venus chercher les organismes monocellulaires, je n’ai rien dit. 
Quand ils sont venus chercher les ichtyosaures, je n’ai rien dit… je n’étais pas un ichtyosaure. 
Quand ils sont venus chercher les diplodocus je n’ai rien dit, je n’étais pas un diplodocus. 
Quand ils sont venus chercher les mammouths je n’ai rien dit non plus, je n’étais pas un mammouth et quand ils sont venus me chercher moi il n’y avait plus personne pour protester…
-  Mais qui ils ? »
Les alternatifs proposent des lâchers de lucioles mais « les antispécistes radicaux ont soutenu que l’instrumentalisation des lucioles  était une dérive anthropocentriste inadmissible ».
Et tout à l’avenant avec « Flèches book » le réseau social où l’Association des Anthropophages Anonymes organise un apéro géant dont il y a toutes raisons de se méfier.
Le volcan va exploser mais il n’y a rien à craindre, « la flamme est l’avenir de l’homme ».

lundi 11 février 2013

Lincoln. Steven Spielberg.


Il est bon de se faire raconter des histoires, et se plonger dans l’Histoire, et quand les occasions d’admirer deviennent si rares dans le domaine politique, tant de courage éblouit.   
2h 30 sur le  débat autour du 13ème amendement à la Constitution permettant l'abolition de l'esclavage, nous rappellent une nouvelle fois ce que les victoires d’Obama ont d’extraordinaires quand on mesure l’évolution de ce continent  avec des républicains américains alors abolitionnistes.
Les idées les plus généreuses triomphent par le truchement de magouilles parlementaires :
« La plus grande mesure du XIXe siècle, obtenue par corruption, avec la complicité de l’homme le plus intègre d’Amérique. » 
Les blessures de l’homme qui remua les montagnes sont émouvantes mais il conserve également dans la sphère privée une grandeur, une douceur, un humour qui contrastent avec la violence incommensurable d’un temps où l’égalité n’était pas une évidence pour tous, où mourraient 630 000 personnes lors de la guerre de sécession. Quand l’évocation du vote des femmes révulsait une assemblée toute entière.
Depuis mes représentations je trouve que Daniel Day-Lewis incarne magistralement la légendaire figure assassinée en 1865.
Et je ne me suis pas empêché de faire le lien en plein débat sur le mariage pour tous, au vote des étrangers aux élections locales ou au non cumul des mandats.

dimanche 10 février 2013

Que la noce commence. Didier Bezace.



En lien avec la MC2 salle Juliet Berto, était proposé le film de Horatiu Malaele « Au diable Staline, vive les mariés ! ».
Cette comédie dramatique de 2008 a inspiré Didier Bezace qui  nous procure avec dix huit acteurs un bon moment de théâtre populaire.
Je pensais enrichir mon plaisir, j’ai terni la pièce vue dans la foulée du film qui avait le mérite de porter un regard original sur la résistance d’un village roumain aux ordres bureaucratiques.
Avec les couleurs, les sons, on ne peut s’empêcher de penser à Kustorica,  dans les deux propositions.
Mais à mon avis, les nuances entre les deux  formes de récits sont trop rares.  
La noce condamnée au silence, car Staline vient de mourir, offre des moments très drôles,  avec sur scène une dimension poétique supplémentaire : un hommage au théâtre justement.
Et la pirouette avec le matériel volé des reporters donne au dénouement un rythme qui a été défaillant à d’autres moments des deux heures et demie.
Bien des registres de l’humour sont utilisés : burlesque, grotesque, caricature, malice et spontanéité.
Appliqué à une situation où les « Camarades » n’ont pas vraiment le beau rôle entre ridicule et tyrannie sanglante, je touche du doigt que c’est finalement assez inhabituel que l’on nous présente Peppone massacrant son peuple. J’ai beau savoir les horreurs derrière les rideaux de fer, les accents de l’Internationale n’arrivent pas à me glacer, ils font partie d’un rêve jamais éteint, pourtant…
Le peuple se détourne d’un « chef d’œuvre » fourni par la propagande, il résiste avec ingéniosité, oppose son appétit, sa soif de vivre, d’aimer, sa fraternité, son insolence aux fantoches voulant les asservir qui parlent de paix mais ne la laissent pas à ceux qu’ils prétendent représenter.
Le rire contre la mort.
La mariée en robe blanche est devenue un fantôme noir errant dans les ruines.
« Pourquoi le Roumain est content ?
Parce qu'il aime être content et qu'il est Roumain. »

samedi 9 février 2013

La malédiction des colombes. Louise Erdrich.


La manière dont on lit influe bien sûr sur nos opinions.
A trop trainer, je me suis perdu parfois parmi les personnages, mais l’écriture de l’écrivaine américaine parmi les plus célèbres m’a fait reprendre chaque fois ce roman de 460 pages avec plaisir. 
Avec ses talents de conteuse, elle fait croiser les récits de quatre personnes qui reconstituent ce qui hante la mémoire d’une ville du Nord Dakota : un lynchage après un crime abominable. Son attention aux choses les plus infimes de la vie, aux tremblements de l’atmosphère,  constitue une prose poétique qui va trouver des saveurs jusque dans des vies mal parties.
Au-delà  du charme aux couleurs indiennes, elle nous fait aborder des mystères nouveaux, pas seulement les dramatiques mais aussi les loufoques. Elle illustre parfaitement l’expression pourtant trop rebattue : « elle réenchante le réel ».
« J’avais cru que je me sentirais joyeuse, mais j’éprouvais une peine confuse, ou peut-être de la peur, car ma vie me paraissait une histoire vorace dont j’étais la source, et avec ce baiser j’avais maintenant commencé à me livrer toute entière aux mots. »
Des moments épiques : par exemple quand celui qui doit prendre la succession d’un défunt  après avoir joué du violon que l’on vient d’extirper du cercueil, le brise !
Foisonnant  et chaleureux.
« Et il n’y aura rien d’autre qu’un bal éternel, la poussière venant s’ajouter à la poussière, où que l’on porte le regard.
 Oh là là ! Trop apocalyptique, me dis- je au moment de quitter ma maison pour rejoindre celle de Neve et aider mon amie à affronter une nuit sans sommeil. »

vendredi 8 février 2013

« Etats généraux de la république » avec Libération à Grenoble.



Le journal Libération qui est parfois plus concis dans ses titres a multiplié les accroches : « Partout en Europe jeunes débattez-vous » pour une édition nouvelle de forums que nous avons la chance de suivre à la MC2 à Grenoble depuis des années après d’autres « Etats généraux du renouveau ».
Bien des fois on a pu s’apercevoir en fin de discussion que la dimension européenne qui figurait pourtant dans l’intitulé avait été oubliée : un classique significatif.
Cette fois, le regret récurrent du manque de mixité parmi celles qui sont sur les estrades n’était plus de mise, alors que le souhait de voir plus de jeunes intéressés pouvait être réitéré, bien que le samedi ils aient été plus nombreux ; et  d’ailleurs, le vendredi, ne sont-ils pas en cours ?
Un autre lieu  a été proposé à la Villeneuve mais l’Espace 600 n’a pas connu d’affluence malgré la présence de Dhorasso ; fallait-il Beckam ?
Il y avait moins de monde cette année, mais sur deux jours et non trois, pour des thématiques moins nombreuses et hors échéances électorales. Un signe de plus des difficultés des politiques et de ceux qui les suivent ou les accusent  à penser hors de l’urgence.
D’autres formes ont été  expérimentées : un ring de boxe pour recevoir « les sujets qui fâchent » accueillait au moment où je passais une personne âgée - mon âge- qui regrettait qu’il n’y ait « pas plus de jeunes », alors qu’un jeune à côté d’elle attendait qu’elle lâche le micro dans lequel elle susurrait la scie d’une « info différente » dont la seule différence visible était de ne pas savoir parler dans un micro.
Les livres exposés par la librairie du Square pour prolonger les débats ont marqué  la réduction  de la production éditoriale à propos de la thématique écologique : riquiqui comme banquise.
Pour se substituer au terme épuisé de  « concertation », la nov’  langue propose « co-construction ».  Le mot « plate-forme » est souvent utilisé aussi et le terme « culture populaire » accolé au développement d’Internet ouvre des perspectives.
A deux reprises la question de l’abaissement de l’âge pour obtenir le droit de voter a été évoquée.
Par contre  que l’école soit appelée en renfort de toutes les insuffisances de la société est habituel. Pour les huit débats que j’ai suivis, sur les quartiers sensibles, les transports, Internet, le sentiment d’appartenance à l’Europe,  la famille, une économie différente, et au débat sur l’école idéale bien sûr, c’est de cette pelée de cette galeuse que le salut doit advenir. 
Personnellement je la chargerai de mes lacunes en économie qui me sont apparues béantes quand je béais aux explications de Patrick Viveret.
Chaque vendredi j’essaierai de rendre compte de quelques débats sur les trente six proposés, histoire de retriturer des réflexions qui  ont pris en général le temps de se déployer ; qu’elles nous dérangent ou nous confortent.
……………..
Dans le Nouvel Observateur :


jeudi 7 février 2013

L’art des cavernes en Europe.


Bien que Jean Clottes, le conférencier aux amis du musée, directeur de la grotte Chauvet, préfère des termes moins connotés que celui d’artiste, la beauté des travaux de nos ancêtres est saisissante.
Ces œuvres préhistoriques, découvertes dans des grottes profondes, des abris ou à l’extérieur sont situées essentiellement en France et en Espagne, dans l’Oural et en Roumanie, elles comptent  leurs 35 000 ans d’âge. En Afrique du sud ont été retrouvées des coquilles d’autruche décorées datant de 60 000 ans.
Des animaux sont représentés surtout des grandes espèces, mais pas forcément ceux qui sont chassés, ni obligatoirement présents à proximité. Les biches abondantes  dans les représentations en Espagne sont sans doute des animaux possédant des pouvoirs.
Des nuages de points, des traits les accompagnent ; nous y voyons des figures géométriques comme un enfant d’aujourd’hui ne verrait que le croisement de deux traits dans une croix dépourvue de tout sens symbolique.
Les dessins d’humains sont rares et non naturalistes, les femmes ont des petites têtes avec des attributs sexuels mis en évidence, les enfants sont bien plus rares que des créatures composites aux bois de cerf, aux pattes de lion.
Les mains au nombre varié de doigts seraient des marques propitiatoires (qui permettent d’attirer les faveurs des dieux).
Les exécutants les plus habiles ont suivi des enseignements et la variété des techniques en gravure, peinture, modelage, sculpture est impressionnante, ils s’adaptent aux supports. Souvent les tracés complètent des reliefs naturels, les animaux semblent prêts à sortir des noires profondeurs.
Commencé  en noir du bout d’une torche le trait se grave plus loin dans la roche tendre.
Le moyen duc tracé au doigt dans la pellicule argileuse a tourné sa tête pour nous suivre.
La magie de la chasse n’explique pas uniquement la profusion des représentations animales sur les 400 sites européens. 150 mammouths sont recensés à Rouffignac, les animaux totems ne sont pas tués, ce sont des mythes, des acteurs d’histoires sacrées.
En ces temps stables les religions n’évoluaient pas.
Le spécialiste de l'art préhistorique du Paléolithique recherche vers les rites chamaniques pour expliquer  la présence de tels ornements dans ces cavernes.
Les pratiquants entreprennent un voyage vers un monde surnaturel ou reçoivent la visite d’un esprit. Les univers, à leurs yeux, sont fluides, perméables.
Dans la foule des anecdotes que le  conférencier, plongeur émérite (il lui fallait ce diplôme de plus pour accéder à la fabuleuse grotte Cosquer à Cassis) : celle concernant des peintures  anciennes dans une zone tribale indienne recouvertes par le texte de la charte de l’ONU, nous scie les pattes.
Nous effleurons les vertiges du temps : le sanctuaire à 35 m sous le niveau de la mer méditerranée était à 200 m du bord, aujourd’hui il est inaccessible au public, ce qui en subsiste sera englouti : la planète se réchauffe.