jeudi 1 mars 2012

La nature morte # 2 : le XVII° siècle, l’âge d’or.

Les natures mortes ne sont pas inertes, elles disent le monde et les saisons.
La conférence de Serge Legat aux amis du musée de Grenoble s’ouvre avec Le Caravage et se clôt avec « l’amour vainqueur » du peintre décidément au pinacle, bien que les Italiens n’aient pas été les plus prolixes en peinture d’objets. Sa corbeille de fruits exposée à Milan, par une vue de profil originale, annonce la modernité. Sur une autre toile du pape du clair obscur, le jeune garçon vieillira comme les fruits qu’il présente en train de se flétrir.
Le caractère moralisateur est très présent aux murs des églises et des palais quand advient la contre réforme : les sujets doivent être intelligibles. Plus de maniérisme : du symbolique ! Les Hollandais, eux, viennent d’être indépendants, ils se distinguent de la Flandre catholique par une minutie toute médiévale, les objets sont isolés, le décor austère, calviniste. Au début du siècle, les mets sur les tables sont modestes ; les harengs laisseront la place aux homards. Une vision paradoxale est présente sur bois, cuivre ou toile : l’accumulation des richesses ne déroge pas à l’humilité et à la pauvreté.
Willem Claesz Heda replie la nappe sur une moitié de table. Les verres magnifiques sont renversés : le plaisir a eu lieu, les objets sur fond monochrome donnent à réfléchir. Tout n’est que vanité. Les livres venant contrarier Le Livre dépérissent, fragiles comme bulles de savon, pétales tombés, et rejoignent la bougie éteinte, le crâne, dans la vitrine des futilités.
" La nature morte hollandaise est un arrangement qui est en train de se désagréger, c'est quelque chose en proie à la durée ". Paul Claudel.
Les bouquets évoluent et prouvent toutes les possibilités de la nature ainsi que la virtuosité des artistes, arrivant à une apothéose décorative. Si la Hollande des provinces unies a offert des natures mortes diversifiées, la Flandre sera la plus influente mettant en scène la profusion des victuailles en hommage à la beauté de la création.
Les Espagnols mettent en action les puissances surnaturelles et si le Christ apparaît chez Vélasquez au second plan, la cuisinière s’affairant à l’avant, les objets sont des compléments. Zurbaran le peintre des moines et Juan Sánchez Cotán le moine peintre peuvent être associés autour des « bodegóns » (natures mortes).
Une vanité de Philippe de Champaigne, le janséniste, s’intitule aussi : « Allégorie de la vie humaine ». Les français se consacrant au genre sont souvent influencés par des peintres du Nord qui installent leurs ateliers dans le quartier Saint Germain, ils sont remis à la mode par Louis XIV qui apprécie J.B. Monnoyer, peintre de fleurs.
Le bœuf crucifié de Rembrandt, à la puissance terrassée, repris par Soutine et Bacon, nous écorche encore.

2 commentaires:

  1. Très intéressant, Guy, je te remercie pour ce petit cours qui n'en est pas un.
    Nos offrandes, et nos fastes sont devenues beaucoup moins appétissants depuis que nous avons fermé le Ciel, tiré le rideau, et commencé à s'incliner devant une machine, à mon avis...
    Et notre joie de vivre ?
    Sans commentaire.

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  2. Pour rappel :
    C'est en français qu'on l'appelle "nature MORTE".
    En anglais on l'appelle un "still life".
    Est-ce que cela pourrait vouloir dire quelque chose ??
    Dans le domaine du langage, et du social, je ne crois pas au hasard.

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