vendredi 30 septembre 2011

Après la démocratie. Emmanuel Todd.

Les livres politiques vieillissent mal en général. Celui-ci prouve le contraire : écrit en 2008 et réédité depuis, il est d’une acuité remarquable sur des phénomènes datant de ces années d’entrée en Sarkosie. Prémonitoire en ce qui concerne l’exacerbation des discours désignant des boucs émissaires, ou la faillite des élites, la crise démocratique ... 
La lecture est aisée d’une période qui débute avec le franchissement de F.O. Giesbert du Nouvel Obs au Figaro marquant la fin de l’âge idéologique jusqu’aux nouvelles stratifications sociales qui voient les classes moyennes s’appauvrir et les classes supérieures déboussolées. Bien que le titre paraisse anodin, venant à la suite de « La fin de l’empire » (américain), ces 300 pages sont décapantes.
Je ne saurai suivre le démographe aussi radicalement dans son protectionnisme à l’échelle européenne, mais je recommanderai volontiers ce livre dont il a été beaucoup question au forum de Libé d’octobre 2010.
Si l’alphabétisation est consubstantielle à l’avènement de la démocratie elle:  
« permet l’affirmation de l’individu, que la lecture rend plus autocentré, capable d’introspection et vulnérable à une anxiété d’un type nouveau. » 
« L’alphabétisation de masse, achevée chez les jeunes en Chine, mais qui s’accélère en Inde, explique la chute de la fécondité qui s’affirme dans les deux pays, et l’augmentation du niveau d’efficacité économique de leurs population, indépendamment de l’ouverture aux échanges »
Sarkozy : « parce qu’il a réussi à se faire élire en incarnant et en flattant ce qu‘il y a de pire autour de nous, en nous, il oblige à regarder la réalité en face »
Une fois le mur de Berlin soufflé, le capitalisme a perdu quelques raisons de mettre un peu de social dans son ivresse du gain immédiat. Mais le petit fils de Nizan va contre le déclinisme et le pessimisme, avec vigueur, et rappelle l’équilibre démographique de la France, son système de santé performant, ses valeurs égalitaires toujours actives. 
Il analyse le vide laissé par la religion catholique qui a entrainé aussi le désarroi de ses contempteurs et nous convie à épargner l’Islam, mais aussi à affronter la question chinoise.  
« Nous avons atteint le stade berlusconien d’une France d’en haut qui prétend être d’en bas, le populisme au pouvoir : les gouvernants tentent de justifier leur complaisance avec les riches par la médiocrité de leur éducation… »
Depuis longtemps, il dénonce les dégâts du libéralisme. Ses projections dans l’avenir sont provocantes, mettant en garde contre une république ethnique qui s’installerait si l’on n’y prenait garde avec la disparition du suffrage universel… L’exprimer ainsi relève de la provocation mais n’est ce pas déjà le cas au niveau de l’Europe où se forgent bien des lois ?
....
Dans "Le Canard"

jeudi 29 septembre 2011

Exposition au parking.

Les peintres amateurs sont souvent condamnés aux galeries couloirs, aux salles étriquées ; c’était une bonne idée de proposer un accrochage dans un parking qui plus est celui du musée de Grenoble.
Le cadre convient bien à Bruno Lebayle et ses rues luisantes de pluie, la nuit sous les phares.
Ainsi qu’à Marina Duhamel-Hertz qui détourne gentiment des panneaux de signalisation.
Et pourquoi pas les beautés callipyges d’Agnès Jeannot ?
Je n’ai pas remarqué de sculptures de Mauricette Kuhn dont j’avais acquis une pépette mais quelques une de ses peintures enfantines sont là, et j’ai retrouvé aussi mon chouchou Joël Bressand dont j’aime les sobres bidons transformés en masques, ne se prenant pas la tête, dont l’un d’eux figure désormais parmi mes masques africains, avec un bon sourire.
Douze artistes de l’association « les enfants de la Joconde » occupaient pendant un weekend une travée du parking tenu par Vinci,
cette initiative s’intitulait « Cool’ heures ».

mercredi 28 septembre 2011

San Sébastian et Bilbao en vitesse.

Sur la route vers Toulouse puis Tarbes le thermomètre n’affiche pas des températures très encourageantes. Nous choisissons une aire d’autoroute près de Pau, celle qui se reconnaît à la sculpture de cyclistes pas loin des lieux légendaires du Tour de France. Mais nous ne nous éternisons pas dans ce lieu aux brumisateurs sans doute très appréciables les jours de beau temps. Nous arrivons à San Sébastian ville cossue aux airs de Biarritz. Nous trouvons, par une route escarpée, notre hôtel 2 étoiles situé au milieu d’un parc qui surplombe l’océan. Nous déposons nos bagages et repartons aussitôt pour Bilbao à une centaine de km par autoroute pour visiter le Guggenheim muséo. La ville modèle de rénovation urbaine est étendue, nous longeons la rivière, sûrs d’après nos souvenirs qu’elle nous conduira vers le musée. Nous l’apercevons et nous nous garons sur le quai. Nous traversons la ria sur un élégant pont piétonnier et longeons les quais jusqu’au fantastique bâtiment monumental de Franck Ghery vu nulle part ailleurs. Les abords soignés et agréables ont changé depuis notre dernier passage et l’ensemble nous impressionne encore plus. Les plaques de métal qui recouvrent le musée des années 90 changent de couleur et de brillance en fonction du ciel ensoleillé ou nuageux. Nous le contournons et entrons pour une visite d’une heure quarante cinq environ. Les séniors bénéficient d’un demi- tarif, tout le monde dispose d’un audio guide compris dans le prix (13€ tarif plein). L’architecture intérieure est tout aussi admirable que l’extérieur, avec du blanc, du verre inséré dans des armatures métalliques délirantes, où des carreaux ocre s’encastrent et s’harmonisent.
Nous commençons par le rez de chaussée où nous retrouvons une sculpture gigantesque de Richard Serra, faisant partie de la collection permanente, intitulée « Matière du temps » et je l’apprécie beaucoup plus cette fois. Une des particularités du musée est de pouvoir découvrir les œuvres sous plusieurs angles où elles délivrent toute leur puissance. Ainsi nous surplombons les méandres des parois d’acier entre lesquelles nous cheminions juste avant. John Bock nous propose «Palms» : une voiture américaine décapotable dégueule des tentacules rouges. Nous avons le temps aussi de nous interroger devant des peintures regroupées sous le titre de l’abstraction picturale de 1949 à 1969 : Rothko, Pollock, Dubuffet, De Kooning, Hartung, Klein… Nous apercevons un peu plus tard des installations qui font parler :
- une tente avec un amas de fourrures comme trophées où trône une table maculée de vin qui goutte de bouteilles suspendues par des ficelles et entourées de bandes de la fourrure.
- des armoires anatomiques avec squelettes et dissections, et des suspensions d’Annette Messager.
- un bas relief avec un personnage qui laisse échapper une crotte longiligne jusqu’au sol…
Mais nous devons quitter les lieux sous l’injonction bienveillante et courtoise des gardiennes, patientes jusqu’à 20h pile, heure de fermeture du musée. Nous sortons à regret et passons sur un autre pont métallique et coloré pour admirer l'édifice sous un autre angle. Nous nous attardons près du bassin et dans le jardin  pour mesurer la taille et l’élégance d’une « Mama », araignée géante en bronze de Louise Bourgeois. Des tulipes géantes s’abritent sur une terrasse  et des boules brillantes échafaudées les unes sur les autres se reflètent en petites bulles surprenantes et multiples au milieu de l’eau. Face à la mer nous trouvons un restaurant au dessus de San Sébastian qui nous sert presque à 23h : assiette de beignets aux crevettes, au fromage, avec des crèmes ou baccalhau et cerbeza.

mardi 27 septembre 2011

Pyongyang. Guy Delisle

Avant des « Chroniques birmanes » remarquables où le dessinateur canadien suivait sa femme travaillant dans une ONG, il avait connu la Corée du Nord où il supervisait des dessinateurs de films d’animation. D’une dictature l’autre, avec pour celle-ci vue en 2003, les années qui n’ont pas adouci cette terrible tyrannie, les conditions infernales s’aggravent. Libération rapportait récemment que 200 000 personnes seraient emprisonnées dans un « goulag caché » : « Les détenus assistent aux exécutions de leurs compagnons, survivent en mangeant des rats, des graines retrouvées dans les excréments d’animaux ou encore des vers de terre ».
Le mérite de cette BD de 150 pages éditée par l’Association est de nous informer sur la banalité de l'oppression, l’ordinaire sinistre de la vie d’un occidental encadré par des guides omniprésents.
Son humour léger nous fait croire encore à la capacité de certains d’être libres dans un tombeau.
Le talent du conteur est de nous rendre intéressante une vie d’ennui, de solitude. Malgré un encadrement extrême, il sait nous révéler toute l’absurdité du régime. On a beau savoir l’omniprésence du grand Leader, je n’imaginais pas à quel point le système a broyé les coréens avec une propagande s’insinuant dans le moindre interstice de la vie quotidienne. L’auteur avait emmené « 1984 »d’Orwell, ce livre majeur ne peut être lu comme de la science fiction.

lundi 26 septembre 2011

La grotte des rêves perdus. Werner Herzog.

Dans la grotte Chauvet du côté de Vallon Pont d’Arc, il y a 36 000 ans des hommes ont tracé des dessins d’animaux à la lueur de flammes vacillantes. Le charbon tombé des torches mouchées contre les parois est encore là, mais défense d’y toucher. Les caméras n’ont été acceptées qu’un laps de temps très court, avant l’interdiction définitive. Alors ces images deviennent indispensables. 
La technique la plus innovante, la 3D, nous fait rencontrer ces transcriptions premières pendant une heure trente sans l’ennui qu’on pourrait craindre quand il est question de regarder longuement des peintures rupestres. 
Le tracé est très sûr et utilise parfois les fantaisies de la roche ; les animaux aux pattes multiples semblent s’animer sous les projecteurs. 
Si l’on a pu voir Fred Aster dont l’ombre dansait, Picasso nous vient à l’esprit tant ces représentations les plus anciennes rencontrent celui qui personnifie encore la modernité. 
Je n’ai pas perçu d’originalité particulière avec Herzog, réalisateur fameux, dont le documentaire nous transmet des images inédites sans encombre. Il nous fait entrevoir d’autres rapports au monde de la part de nos ancêtres sous un titre à la poésie pourtant un peu usée. Dans l’excitation de nos journées, savoir qu’un dessin a pu être modifié 5000 ans après son premier tracé donne le vertige, et ces empreintes de pas d’un enfant à côté de celle d’un loup étaient elles contemporaines ?

samedi 24 septembre 2011

Purge. Sofie Oksanen.

Est-ce ainsi que les Estoniennes vivent ?
De la même façon que Gomorra ne dit pas tout de l’Italie, ces 400 pages ne constituent pas un dépliant touristique pour qui dirigerait ses pas vers les rives de la mer baltique. Mais le propos va bien au-delà des frontières d’un pays malmené par de puissants voisins.
Le style est sensuel et les senteurs persistantes, la nature présente. La jeune auteure finnoise punky percute. La description d’une mouche narquoise en entrée m’a séduit et pourtant j’ai repris avec réticence le fil du récit car l’atmosphère glauque est angoissante.
Bien prendre connaissance en début de chapitre des dates mentionnées sinon des confusions peuvent naître entre toutes ces personnes traquées. Le découpage est très cinématographique et ces retours dans le temps soulignent la permanence des fatalités qui s’abattent essentiellement sur les femmes. Les hommes sont dans le cagibi.
Les embarras de l’Histoire : collaboration, dénonciation, croisent les histoires intimes entre les années 50 et 90 : amours cachés, jalousie et secret avec la peur toujours, et la honte.  
« Elle avait attendu quelqu’un, exactement comme elle avait attendu alors dans cette cave où elle s’était rétrécie en souris dans un coin de la pièce, en mouche dans la lampe. Et une fois sortie de cette cave, elle avait attendu quelqu’un. Quelqu’un qui ferait quelque chose qui l’aiderait ou qui enlèverait au moins une partie de ce qui s’était passé dans cette cave. Qui lui caresserait les cheveux et qui dirait : « Ce n’était pas ta faute. ». Et qui dirait encore : « Plus jamais. ». Qui promettrait que « plus jamais », quoi qu’il arrive. »

vendredi 23 septembre 2011

Merci DSK et " bye bye".

Les évènements vont très vite et un article commencé il y a quelques semaines peut apparaître aujourd’hui comme mouchillon dans la nuée s’écrasant sur le pare brise d’une ambulance.
Mais quand même la Porsche n’est pas si lointaine. Alors dans le flot bipolaire des déçus des hommes politiques en leurs ébats, je persiste à aimer la politique en ses débats.  
« Gauche caviar ! » je m’étais accommodé du terme, et j’appréciais même en des temps plus évidents, cette rencontre qui devait assurer un large succès à la dite gauche dans une harmonie qui aurait vu carpes et lapins unis… quoique les lapins aient la réputation d’être chauds et ne prisent donc pas trop l’écaille. Bouffons. Les masques sont tombés : c’est tout un système qui baisse le pantalon.
Celui qui était présenté comme le seul recours possible, bien que tellement silencieux alors, pour lequel j’allais voter, était ainsi cousu d’or, dans les mains d’agence de com’, pourtant tellement maladroites.
Quand Jack Lang vient en remettre une couche sur le théâtre de dimanche soir après DSK sur TF1, personne ne lui a dit qu’il était contre productif. Il a été question de « faute morale »: « fausse morale » aurait tout aussi bien convenu.
Un écrivain au secours pour clore : Robert Menasse auteur de Don juan de la Manche : « Tout dépend, premièrement, si la génération politique qui viendra après Sarkozy, Merkel et Cameron comprend pourquoi on brûle des voitures dans les métropoles européennes, et deuxièmement, n’est pas assez stupide pour croire que la «défense des intérêts nationaux» peut résoudre les problèmes d’une Europe postnationale. » 
  Bourgi, Takieddine, Djouri, Bazire, Gaubert : pas ravis d’avoir fait leur connaissance que déjà on s’en lasse dans la chronique d’une fin de règne où Sarkozy, Guéant, Balladur suivent Chirac et Villepin dans le déshonneur de la politique, de la France. Et Guérini.
….
Dans « Le Canard »

jeudi 22 septembre 2011

Cranach et son temps. Musée du Luxembourg.

Compatriote de Dürer, ses ambassades vont l’amener en Italie et en Flandres,
ainsi ce représentant éminent de la renaissance germanique peut aisément illustrer la thématique européenne de l’exposition.
Ami de Luther, ses productions les plus célèbres, les plus sensuelles sont loin de l’austérité protestante.
Il ne dédaignait d’ailleurs pas les commandes catholiques.
Vénus et Eve sont la beauté sans voile ou alors le voile est très transparent.
Une pointe de morale nous dit-on, une fragrance érotique flagrante : le succès était au rendez-vous en cette première moitié du XVI° siècle. Il connaît actuellement une faveur renouvelée, un millier de ses œuvres sont arrivées jusqu’à nous, c’est que son atelier produisait en série. Les seins de ses belles aux yeux en amande sont petits et leur teint laiteux, et sur l’affiche de l’expo la justice est aimable et sa balance si fine ; elle est pure, la justice, c’est une allégorie. Elle brandit une épée.
Libé a beau titrer que Lucas Müller, dit Lucas Cranach l’Ancien, natif de Kronach en Haute-Franconie est  
« élevé aux nus » , sur les 75 tableaux, il y a aussi des portraits d’une précision diabolique, d’une beauté ! Une Salomé tenant la tête de Jean Baptiste sur un plateau ou une sainte Catherine suppliciée, Lucrèce s'enfonçant un poignard dans le sein, finalement ce serait assez « gore », genre gothique du XXI°.

mercredi 21 septembre 2011

Carcassonne

Nous quittons l’autoroute des vacances après Narbonne à Marseillette, où nous avons repéré la proximité du canal du midi. Quelques péniches stationnent près d’une écluse et des cyclistes roulent sur les chemins de halage. Nous nous installons pour déjeuner à l’abri de cyprès protégeant une table et des bancs prévus pour un pique-nique. Puis nous rejoignons un café, en face des locaux de la radio locale, place Mitterrand, afin d’avaler un café strong servi par un monsieur dont l’accent nous dépayse déjà. Nous apprendrons par la suite que la chanteuse Olivia Ruiz est originaire du village et le café familial qu’elle évoque était bien celui là. Notre Tom Tom nous dirige jusqu’au parking situé au pied de la citadelle de Carcassonne dont le prix jusqu’au lendemain se révèlera des plus raisonnables : 6 € pour 15 h de stationnement. Nous nous acheminons avec nos bagages à roulettes sur les pavés inégaux par la grande rue très fournie en touristes.
Nous sommes hébergés chez une des 80 résidentes permanentes de la cité avec laquelle je découvrirai que la créativité, l’audace sont indispensables aux commerçants pour réussir leurs affaires. Depuis la fenêtre de la cuisine du premier étage elle nous fait parvenir la clef de la porte d’entrée suspendue par une cordelette comme dans un épisode de « La vie est belle » de Benigni : « Maria, la clef ! » Nous sommes accueillis dans une maison adossée à un jardin ombragé par un figuier royal, à hauteur des remparts où circulent les touristes dont les enfants mâles sont armés de l’inévitable épée. Nous partons visiter la vieille ville inscrite au patrimoine mondial.
Je révise une légende : « quand Carcas sonne ». Dame Carcas, princesse sarrasine aurait découragé Charlemagne qui assiégeait la ville en jetant par-dessus les remparts le seul cochon qui restait, engraissé de la dernière mesure de blé. Que sonnent les cloches de la délivrance!
Je reprends des souvenirs de bruits et de fureurs à l’ombre des croix. La ville sous influence cathare capitulera devant les croisés au XIII° siècle et reviendra à Simon de Montfort. Une ville nouvelle sera crée, concurrente de la ville haute qui s’appauvrit. Pendant les guerres de religions, une fois les calvinistes chassés, la cité deviendra une base pour la reconquête par les catholiques des villes alentours. Il faut attendre le XIX° siècle pour que l’inévitable Viollet Le Duc restaure à 30% le plus grand ensemble de fortification du Moyen Âge.
Dans l’église Saint Nazaire dont le premier emplacement remonte au VI° siècle, nous avons l’agréable surprise d’entendre un quintette vocal russe avec une palette ténor baryton et surtout basses profondes. Ils ne comptent pas leur peine pour vendre leur CD et nous bénéficions de plusieurs chants mis en valeur par l’acoustique résonnante de l’église. Nous poursuivons notre visite dans les rues de la cité, peu propices aux talons hauts. Nous apprécions le restaurant Adélaïde qui propose un menu à 14€ d’autant plus honorable que sa situation dans ce haut lieu touristique est remarquable, arrosé d’un vin de pays « Le Pompadour » : soupe à l’oignon pour les uns ou salade de tomates mozzarella, salade de gésiers pour les autres, poisson, cassoulet ou entrecôte et dessert. Nous finissons notre soirée autour d’une tisane de verveine fraîche cueillie dans le jardin.

mardi 20 septembre 2011

Petites éclipses. Fane & Jim.

Est ainsi que vivent les trentenaires ?  
"Quand on a plus l'immunité de la jeunesse, mais pas encore l'excuse de l'âge... 
Quand on se retrouve, comme l'adolescent le cul entre deux chaises... 
Quand un début de fatigue commence à éliminer ce qu'il subsiste d'envie."
Vifs, lucides, impitoyables, drôles, vivants, cyniques, romantiques… enfin pas trop non plus.
Près de 300 pages pour 6 personnages découvrant un beau gite dans le midi avant l’éclipse de 99. 
Si ce n’est le rappel un peu ronflant de la définition du phénomène cosmique, le récit ne se prend finalement pas trop au sérieux. La lune qui va faire de l’ombre au soleil n’est qu’une péripétie parmi d’autres dans la vie passionnée de ces hommes et femmes taraudés par le temps qui les sort de l’insouciance, dans le dilemme classique papa / amant, passion/honnêteté, intensité/responsabilité… 
Ressemblerait à bien des films de copains au bord des piscines, à des séries aux personnages haut en couleurs, mais je me suis laissé prendre par la vivacité des dialogues, la vigueur des traits. Alors sur un thème assez couru, intéresser le sexagénaire peut être estimable.

lundi 19 septembre 2011

Pain noir. Agustí Villaronga

Je craignais que ce film qui a eu tous les honneurs en Espagne soit esthétisant ; il est beau comme l’automne. Se déroulant peu après la défaite des républicains, il n’est pas manichéen. Et je n’ai su voir aucun vainqueur, par contre les vaincus sont innombrables. Face à la misère, les engagements politiques les plus généreux comportent des zones que le réalisateur va fouiller. Les adultes sont observés sans complaisance par des yeux d’enfants subissant une vie pénible où les superstitions viennent masquer les mensonges. Les petits voient jusqu’aux contrées les plus effroyables, eux non plus ne seront pas doux et généreux. Si le dénouement évite la mièvrerie, je reste pourtant sur une impression mitigée au bout de cette sombre histoire violente qui comporte certaines scènes dont la poésie complique la réalité.

dimanche 18 septembre 2011

Velouté de courgettes à « La vache qui rit ».

Incontestablement "velouté","potage" à la rigueur, c’est mieux que « soupe » pour utiliser le légume d’été dans une variante plus automnale...
encore que « soupe de fraises » : « ça le fait ». 
On pourra préférer faire revenir avec de l’ail, le fruit considéré comme un légume, dans de l’huile d’olive plutôt que cuite à l’eau direct, déjà que la cucurbitacée est aqueuse. Puis verser de l’eau avec un cube de bouillon de volaille, suivant la texture souhaitée, mixez au bout de cinq bonnes minutes de cuisson et ajouter 2 ou 3 portions du fromage français le plus connu dans le monde. 
Si notre gastronomie fait partie désormais du patrimoine mondial, elle ne le doit certes pas à ce jovial fromage fondu mais cette recette peut être une façon de retrouver des sensations d’enfance et se souvenir du plaisir de retrouver la boîte ronde déclinée dans des marchés les plus modestes, à l’autre bout du monde. 
La variante est sympathique avec un oignon à la place de l’ail ou avec des pommes de terre, c’est mieux, mais alors la cuisson sera plus longue. Disperser un peu du produit de la tonte de votre pot de ciboulette au dernier moment, pas seulement pour la déco.

samedi 17 septembre 2011

Dix petits nègres. Agatha Christie.

« Le juge répliqua d’un ton aigre : 
« A mon âge, vous savez, on ne recherche plus les émotions. »
Anthony ricana : 
« La vie devient de plus en plus brève. 
Les affaires criminelles me passionnent. 
Je bois à la prospérité des assassins ! »
Il leva son verre et l’avala d’un trait. 
Trop brusquement, peut être, car il s’étouffa. »
Un sommet de la littérature noire où les policiers apparaissent seulement de façon, anecdotique dans l’épilogue. Dix cadavres, au rythme d’une comptine obsédante, jouant avec les mots pour composer une machinerie perverse qui valut à la dame un succès planétaire. 
Les points de vue se déplacent, l’humour se glisse dans l’écriture sobre. 
Les rebondissements ne font pas dévier le destin inexorable. 
Le coupable se voulait égal à un Dieu qui punirait ceux qui avaient cru échapper à la justice. 
Tous coupables. 
La tension monte dans un décor où la lisse maison moderne bâtie sur une île nue ne recèle pas de cache pour mieux nous laisser apprécier l’habileté de celle qui nous mène par le bout du nez tout au long de ces 300 pages en poche

vendredi 16 septembre 2011

Primaires: entre déprise et reprise.

Est-ce qu’une soirée par écran interposé relancera chez moi quelque ardeur militante ?
Celle-ci a été fatiguée par des pratiques locales de candidats à la notabilité sans courage, sans vision, agissant à l’envers de la plus élémentaire des démocraties. 
Plus d'un a été découragé, parmi ceux qui croient encore à la gauche.
A la façon d’un Scaron de chez Macé, je réactualise un de mes écrits antérieur au spectacle donné chez Pujadas.
La volonté de M. Aubry de réduire le cumul des mandats me semble de nature à améliorer l’exercice de la politique. Sa promesse d’augmenter de 50% le budget de la culture quelque peu aventureuse dans la période n’apparaît plus présentement.
L’indépendance de S. Royal était un atout, mais elle semble bien seule aujourd’hui. Sa persistance à fustiger l’impôt ou les augmentations du prix de l’essence lui attiraient des faveurs populaires mais ne participaient pas à une pédagogie nécessaire concernant la solidarité ou la sobriété face au tarissement des énergies fossiles. Elle a appliqué pour elle le non cumul, se montre ferme à l’égard des banques et parle désormais d’une justice fiscale plus présente que jadis dans les fondamentaux socialistes.  
A. Montebourg a certes des discours plus en rupture que ceux de F. Hollande, ce n’est pas difficile, et s’il a eu le mérite de souligner les dysfonctionnements graves de la fédération PS des Bouches du Rhône, ses positionnements antérieurs variables devraient l’entrainer à plus de modestie.  
E. Vals nous éviterait l’hémiplégie qui s’empare de bien des politiques quand flambent les banlieues mais il pousse la distinction à tomber chaque fois à droite.
Oui, il y a bien un problème de crise des valeurs morales et pas seulement chez les pauvres, et un problème social de répartition des richesses et donc d’espérance.
Son insistance à vouloir éviter la rupture de confiance semble partagée par ses concurrents.  
J.M. Baylet préconise la vente du haschich en pharmacie, les journalistes adorent le sujet, Arnaud et Manu les plus jeunes, y sont le plus clairement opposés.
J’ai repris quelque goût au débat même si celui ci fut un peu empesé; la volonté de chacun de tourner la page du sarkozisme est décidément un bon moteur.
Mais combien avaient trouvé que C. Lagarde au FMI ce n’était pas si mal puisqu’elle est française ?
Ce n’est pas une faute qu’avait commise J.L. Mélenchon qui trouve souvent le mot juste en parlant par exemple des pièces jaunes pour caractériser la part des riches dans le plan d’austérité du gouvernement, mais faute de bras il est condamné à la posture tribunicienne.
Et il faut que ce soit F. Bayrou le plus convaincant dans sa dénonciation du scandale Tapie. Les compromissions avaient été entamées par L. Fabius et poursuivies par DSK.
La pépite avait quelques pailles qui l’ont amené si loin des roses en fête*. Et nous avec.
* Allusion à une réflexion ancienne d’Anne Sinclair où elle disait préférer sa vie à Washington sans
« circonscriptions à visiter ni fêtes de la rose à Trifouillis-les-Oies ». ……………………………………………….
« Strauss c’est trop » dans le Canard de la semaine dernière :

jeudi 15 septembre 2011

Abelardo Morell.

Le photographe d’origine cubaine propose des images en noir et blanc qui arrivent à nous étonner encore, par une présence puissante des objets tel un toboggan vu sous un angle insolite, ou régénérant une vision chaleureuse de la famille : ainsi sa femme et son fils derrière une porte vitrée.
Professeur d’université, il a aussi expérimenté avec une camera obscura de Manhattan à Florence.
J’ai beaucoup aimé des photographies de livres que car je m’étonne encore d’innovations encore possibles effectuées en repensant les travaux d’autres artistes comme Le Caravage dans un livre ouvert dont on devine un portrait seulement dans le reflet des encres d’imprimerie. La lumière tombant sur un livre ancien en dégage les mystères et les jeux avec les gravures d’ « Alice au pays des merveilles » sont inventifs et subtils. Un vase sur le rebord d’une table prend des allures métaphysiques, son alphabet d’eau est magnifique et sa manifestation de crayons inoubliable.

mercredi 14 septembre 2011

Touristes en chine 2007. # J 24 et 25. Derniers marchés, Hong Kong et retour.


A nouveau un ciel plombé à Kunming, mais pas de pluie. Nous retournons dans les quartiers d’hier, à la recherche du marché aux oiseaux, où l’on vend aussi des hamsters, des écureuils, des lapins, des tortues de toutes tailles, des poissons de toutes sortes, colorés de tous les rouges, de la nourriture pour animaux : vers, coléoptères, petits crabes rouges et noirs. Un marchand d’instruments à vent, après démonstration, incite ma prof de musique à acheter une flûte, un hulusi composé d'une calebasse et de tubes de bambou. Les marchands de cuir font affaire aussi avec nous, au marché couvert où nous achetons encore quelques babioles. Yuizhou passe nous prendre à 12h30 et nous accompagne à l’aéroport. Nous nous apprêtons à attendre 4h avant d’enregistrer nos bagages sur le vol de 21h10. Petit somme pour certains dans le grand vide de l’aérogare après le départ du vol KA 761, où même les policiers désertent. 2h après, c’est un déferlement de voyageurs à destination de Bangkok. Une bonne occasion de réviser toute la diversité du peuple chinois. Dans l’avion, je discute avec mon voisin un américain d’origine chinoise étudiant en cinéma venu avec son « église qui est sa famille».
Arrivée à 23h30 à Hong Kong, nous prenons un petit métro pour rejoindre les guichets de la douane. Il faut changer nos euros en dollars de Hong-Kong ; dans la foulée, la caissière nous vend un billet aller-retour pour l’ Air Express Train. A nouveau, nous montons dans un compartiment pour nous rendre en centre ville où des taxis bien organisés attendent leur tour pour charger les clients dans une discipline qui nous était devenue inhabituelle. Ascenseur évidemment pour rejoindre notre chambre au Central Park hôtel, 283 Hollywood Street au milieu d’une forêt de buildings. Un peu de foot à la TV et dodo après avoir baissé la clim’ programmée sur 18°. Pour ce dernier jour en Asie, café et croissants dans un fast food chinois. Nous passons un long moment dans un magasin d’antiquités avec des statuettes en terre sans doute trouvées dans une tombe, représentant des chevaux, des coquettes en habit de cour, des meubles, des porcelaines. Petit marché dans les rues bien appétissant.Une passerelle au dessus des routes et traversant parmi les buildings de la ville qui compte plus de 6000 habitants au km2 nous conduit rapidement à l’Air express Train. Dernier coup d’œil sur une ville particulière que nous n’avons fait qu’effleurer avant notre retour en France.

mardi 13 septembre 2011

Pachyderme. Frederik Peeters.

L’image de couverture de cette bande dessinée représentant une femme en bottines suspendue dans sa chute juste avant de percuter le sol, peut résumer le propos des 80 planches.
Le temps est arrêté dans les années 50 en Suisse, l’élégance et le mystère se mêlent mais ne mènent nulle part. Le surréalisme est un peu suranné, et un certain onirisme décourage la lecture,
heureusement la conclusion recolle quelques morceaux d’un magasin de porcelaine qui aurait ouvert ses portes à l’animal anecdotique.

Mandala à la Casamaures. 
 Les premiers grains  ont été déposés ce lundi;
l’œuvre éphémère aux motifs décoratifs symboles de la Casamaures sera dispersée
samedi 17 septembre à 17h, début des journées du patrimoine.

lundi 12 septembre 2011

This must be the place. Paolo Sorrentino.

Sean Penn souffle sur une mèche de cheveux, dernière trace rebelle chez le vieil ado déprimé en son manoir. Il traine sa sciatique, sa petite valise à roulettes, tout au long d’un film surprenant, donc intéressant, où le sujet de l’holocauste est évoqué au bout d’une belle balade en pick up.
Le gothique cramé va arriver à secouer l’ennui qui le paralyse non avec un vélo d’appartement resté dans sa housse, mais en mettant ses semelles compensées dans les pas de son père qui vient de mourir.
Des séquences musicales sympathiques se mêlent à des formules drôles, à des sentences fortes. Le récit est parfois loufoque quand un vieil indien vient par exemple s’asseoir à côté du rocker arthritique qui a déposé sa guitare depuis quelques années, mais l’intérêt est maintenu dans un genre tellement parcouru : le road movie aux paysages magnifiques.

dimanche 11 septembre 2011

Benda Bilili : la musique.

Pour prolonger le plaisir d’un des films les plus forts que j’ai pu voir depuis deux ans, le CD du groupe de Kinshasa nous accompagne de sa musique aigrelette qui mixte reggae et blues dans la tradition des « yéyés congolais ».
J’ai déjà écrit sur ce groupe musical kinois dont certains sont atteint de poliomyélite, avec son énergie communicative, quand du fin fond de la misère nous viennent des échos de résilience inoubliables.
A Kinshasa, surnommée « Kin la poubelle », un adulte sur cinq est séropositif et les deux tiers de la population souffrent de malnutrition. Des femmes en particulier ont essayé de survivre en reprenant des usages qui avaient lieu au village dans cette agglomération de huit millions d’habitants : le manioc pousse sur les terre- pleins d’autoroute. Mais les conflits armés ont encore accéléré l’exode rural et ce sont les enfants les plus pauvres qui souffrent le plus : les « enfants sorciers » vivent un calvaire.
En lingala, Benda bilili signifie « au-delà des apparences » et leur CD intitulé « trop trop fort » n’usurpe pas son nom avec ce qu’il faut d’humour :  
« Je dormais sur des cartons Bingo ! 
Je me paye un matelas 
Ça peut toujours t’arriver A toi, à lui, à eux 
Un homme n’est jamais fini 
La chance arrive sans prévenir 
Il n’est jamais trop tard dans la vie 
Un jour, c’est sûr on réussira »
Ils ont réussi.

samedi 10 septembre 2011

Le dépaysement. Voyages en France. Jean Christophe Bailly.

Il est question de chez nous. En introduction : « Si un pays, ce pays, est tellement lui-même, au fond nous ne le savons pas. Ce qui s’impose dès lors c’est d’aller y voir, c’est de comprendre quelle peut être la texture de ce qui lui donne une existence, c’est-à-dire des propriétés, des singularités, et de sonder ce qui l’a formé, informé, déformé. C’est justement parce que certains croient que cela existe comme une entité fixe ou une essence, et se permettent en conséquence de décerner des certificats ou d’exclure (dans le temps d’écriture de ce livre sera apparu un « ministère de l’Identité nationale », aberration qui entraînerait, on allait le voir, tout un train de mesures strictement xénophobes), qu’il est nécessaire d’aller par les chemins et de vérifier sur place ce qu’il en est »
J’ai tellement apprécié ce livre que j’en ai dégusté jusqu’aux remerciements qui illustrent les scrupules de l’auteur, sa minutie, pour continuer d’accompagner les mouvements d’une pensée dont l’honnêteté est à mes yeux le trait principal.
Malgré les multiples références qui appartiennent à l’histoire, à la littérature, à l’architecture, aux sciences de la terre, nous le suivons avec plaisir sur le bord des rivières, dans les rimes d’une comptine : « Beaugency, Notre dame de Cléry, Vendôme, Vendôme… », sur les escaliers de Fontainebleau, aux alentours de la gare de Culoz, comparant Tarascon et Beaucaire, sillonnant la France en tous sens. Les vaches dans le paysage, les publicités pour la Suze (anagramme de Zeus), les arbres ;
si bien qu’aucun lieu ne peut se réduire à « nulle part » dès qu’une main écarte un rideau, entrainant les réflexions de l’ancien collaborateur de Lavaudant dont l’écriture poétique n’est pas un ornement gratuit mais accoucheuse de sens, d’inventions.
Est-ce que des séquoias ont été plantés dans un quartier de Bourges comme le suggérait un ingénieur du paysage de ses élèves, pariant sur l’avenir en proposant la construction d’un lieu aussi remarquable que la cathédrale du centre de la ville ?
A l’heure où la gauche n’a pas le courage - c’est là son défaut premier- d’affronter l’idée d’identité nationale, cet ouvrage est une mine d’observations, de réflexions qui ne se résume pas seulement dans le joli mot qu’il invente : « bariol ». Il ne méprise pas les nostalgiques, sait reconnaître les énergies qui existent dans les banlieues, tout en se gardant de l’angélisme : la coexistence serait déjà un beau projet avant de tartiner de mots creux qui à force d’être mis en ondes n’articulent que du vent.
Au bout des 400 pages : « Ainsi d’un bord à l’autre du pays, les fils décousus d’une trame irrégulière où parfois les fils conducteurs s’interrompent tandis que de petites pelotes finissent par former des nœuds, réseau de synapses semblable à celui d’une carte que la mémoire parcourrait du doigt, comme un enfant suivant les lignes d’un livre ou un aveugle le fin grenage de l’écriture braille » Débats d’aujourd’hui et révisions avec nos yeux d’avant : quand l’histoire rejoint la géo s’envisagent des perspectives à long terme, du sentiment intime d’appartenance à une approche humaniste des autres en leurs lieux. Le paysage est éminemment politique.

vendredi 9 septembre 2011

Ecole primaire : la déprime.

60 000 postes fermés dans l’éducation nationale depuis Sarko. 
Un élève sur 5 décroche. 
150 000 jeunes sortent du système sans qualification. 
La fracture fut dite « sociale », la dette elle, ne serait-elle pas éducative ? 
Elle se creuse salement, et ne se compte pas seulement en Euros.
Les valeurs de l’école se sont désagrégées, une pub anecdotique pour l’Oréal peut- elle assécher encore plus les mots ? L. Chatel était DRH de cette entreprise. 
La formule « quelle planète allons-nous laisser à nos enfants ?» devient banale, 
la variante est plus riche : « quels enfants allons-nous laisser à la planète ? » 
Qui croit encore aux paroles d’un ministère qui considère l’éducation exclusivement comme un poste de dépense ?
Une profession est piétinée par une hiérarchie installant le conformisme mais qui proclame le contraire de ses actes : « davantage de liberté aux acteurs éducatifs !»  
Le temps d’un reportage, pour journaux télévisés aux ordres, il est question de « soutien » mais les postes de ceux qui sont compétents pour traiter finement des élèves les plus en difficulté sont réduits. 
L’école maternelle fut une fierté nationale, l’âge pour y accéder a reculé. La scolarisation des plus petits est déterminante pour l’avenir, c’est bien pour cela que ceux qui nous gouvernent sapent l’école pour que Betancourt, en mamie gaga, et Carla, maman gnangnan, continuent leur règne impunément. 
Quant aux suggestions de tous bords concernant le collège, beaucoup tournent autour d’une présence accrue des profs dans les murs. Pour ce que je sais, en vivant avec une prof absente de la maison, je me demande comment elle pourrait être plus au collège avec toutes les réunions entre midi et deux, des cours à 13h, des parents à voir et à revoir pendant des plombes pour des orientations qui prennent de plus en plus de temps, préparations et corrections et délivrez nous des livrets de compétences. 
Un article dans Libé évoquait « la bombe à retardement du 11 septembre » : « dix ans durant lesquels l’ethnique et le culturel ont primé sur l’économique et le social ; l’insécurité et la peur, pris le pas sur la liberté et l’égalité ».  
Qui tenait les commandes du gros porteur qui a écroulé les frontons de nos écoles ?

jeudi 8 septembre 2011

Paul Rebeyrolle à la fondation Salomon.

Le peintre originaire du Massif Central, disparu en 2005, est vraiment exposé au bon endroit dans le village d’Alex à proximité d’Annecy.
La fondation Salomon pour ses dix ans nous offre dans son château entouré d’un jardin, où des sculptures remarquables poussent sous les pruniers, un bel espace pour ce Bacon rural, évocateur d’un Soutine déchirant les grillages.
Le vieux sanglier mépriserait ces formules qui font leurs malignes, lui l’autodidacte s’étant abreuvé pourtant aux musées et galeries.
Pour m’être, jadis, approché furtivement des toiles avec un pinceau resté sec, je ressens vivement sa démarche où la peinture se mêle à la terre, aux poils, aux branches. Pour parler aux hommes il expose des animaux, et l’abstraction se confronte à l’impérieuse figuration.
Si j’ai apprécié la jeunesse de notre guide suivi d’une foule de curieux d’art contemporain, je lui conseillerais volontiers, en instit impénitent, de fouiller un peu du côté de la liste des synonymes d’ « énervé » pour mieux décrire l’indignation, la révolte du communiste aux pieds dans la glèbe, au poing toujours levé. Histoire de dépasser une contradiction dans l’exposé qui vise à rassurer le public en insistant sur la normalité du peintre alors que l’exposition crie, dégouline, dérange, arrache, éclate, insiste, nous poursuit.
J’aurai aimé par ailleurs reproduire plus fidèlement une de ses formules qui évoquait l’intervention du peintre dans une série sur les quatre saisons, « comme la trace d’un souffle de vent ».
L’exposition est visible jusqu’au début novembre 2011.

mercredi 7 septembre 2011

Touristes en Chine 2007. # J 23. Oiseaux en cage et fabrication de tofu.

La porte du sud de l’ancienne ville de Jianshui, qui gardait la route de la soie est construite dans le style d’autres portes déjà vues et sert de nichoirs aux martinets. C’est le lieu de rendez-vous des marchands ou propriétaires d’oiseaux avec leurs belles cages en bambous aux ouvertures plus ou moins travaillées. Une housse les cache parfois ne laissant visible que la porte et son oiseau. Les oiseaux sont stimulés par le chant des autres, c’est aussi un lieu de vente de vers grouillants, de gobelets en porcelaine, de cages.
Nous nous enfilons dans des ruelles étroites, en direction d’un puits en pierre polie à côté d’un cyprès. Son eau puisée et filtrée au travers d’un tissu sert aux fabriques artisanales et traditionnelles de tofu.
Cet aliment, très présent en Asie nous a semblé insipide mais les conditions de sa fabrication nous ont intéressées. Dans de grandes marmites remplies d’un liquide blanchâtre, du lait de soja, deux femmes échangent des seaux qu’elles versent et reversent dans les cuves. L’atmosphère est saturée d’humidité. A côté, d’autres femmes tassent une pâte non homogène et la façonnent en carré dans des tissus qu’elles pressent pour évacuer l’eau : les mouvements des mains sont d’une extrême dextérité.
Nous croisons sur notre chemin une vieille dame aux petits pieds bandés. Nous débouchons en pleine campagne cultivée, alors que la ville n’est qu’à deux pas. Nous traversons des quartiers pauvres aux allures de village où des petits chevaux ou des bœufs tractent sur des charrettes des bidons d’eau ; un potier travaille la terre au tour dans son atelier… La ruelle nous ramène porte sud, à la ville. Nous récupérons notre chauffeur et prenons l’autoroute vers Kunming. Pas d’arrêt à Tong Hai, grande ville sans intérêt particulier. Nous prenons notre repas dans un restau route un peu douteux. Arrêt dans un village mongol. Nous y accédons par les champs cultivés sur des chemins boueux, trop boueux pour nos sandalettes et nos pieds proprets. Les maisons traditionnelles sont en pisé ; dans la rue, les habitants fixent les feuilles de tabac sur des bambous avec un système de ficelle comme nous l’avons déjà vu faire. Plus loin sous des galeries d’une cour carrée, les femmes et les fillettes ôtent la nervure de chaque feuille de tabac et récupèrent la partie séchée. Il reste une soixantaine de kilomètres avant Kunming « la ville du printemps éternel ». Le ciel s’assombrit, puis l’orage éclate pour notre entrée dans la ville, des trombes d’eau ricochent sur la route et la voiture. Nous nous retrouvons bloqués un long moment dans un embouteillage où s’applique la loi de la jungle; c ’est le festival des klaxons, des capes plastiques et des parapluies colorés des cyclistes. La capitale du Yunnan à 1800m d’altitude compte 5 millions d’habitants.
A l’Hôtel du Golden Dragon le confort est total pour patienter jusqu’à la fin de la pluie. Notre deuxième tentative pour sortir est la bonne, avec même un peu de ciel bleu et de soleil Nous marchons sur Beijing Lu : dégustation et achat de thé pour dépenser nos (avant) derniers yuans. Nous cherchons les vieux quartiers signalés par Yuizhou et le Routard. Contrastes avec le reste de notre voyage : de grands magasins modernes aux marques de vêtements célèbres, des commerces grandioses et délirants pour mariage (style Marie-Antoinette) éclipsent quelques boutiques d’habits plus traditionnels Repas dans un quartier où ne manquent pas les restaus en plein air, avec d’excellentes aubergines à la tomate grillées et fondantes. Un gars prend sur son dos sa nana complètement bourrée qui ne tient plus debout. Nous rentrons à pied à l’hôtel. Les marchands de rues sur les trottoirs vendent encore de la nourriture, des vêtements, des ceintures ou des bijoux. Les magasins n’ont toujours pas baissé leur rideau et il est 22h. Le niveau de vie paraît nettement supérieur à d’autres lieux que nous avons traversés en Chine.

mardi 6 septembre 2011

Les princesses aussi vont au petit coin. Chabouté.

Décidément le style de première page des dernières BD que j’ai vu passer est bien peu incitatif.
Pourtant le contenu de celle-ci est excellent.
Tout ce que j’aime : une approche du temps et du silence raffinée et juste, un dessin efficace, des noirs et blancs rythmant agréablement les pages, une aventure qui percute le quotidien avec des plaisanteries qui se glissent dans les interstices d’un suspens bien mené.
« Monsieur et madame Tounette ont un fils ? 
- Patrice. » 
Je me permets : ce road movie sort des sentiers battus.
Grandiloquent et modeste, glauque et tendre, déconcertant et limpide où l’on apprend surtout pourquoi on raconte des histoires.

lundi 5 septembre 2011

Le chat du rabbin. Joann Sfar.

Le réalisateur très sollicité au cinéma (Gainsbourg), en BD, comme commissaire d’exposition (Brassens), a les faveurs de la mode.
Ce film d’animation, lui, porte la nostalgie d’une humanité qui vivait en Algérie en harmonie entre deux guerres mondiales et avant celle qui allait décoloniser le pays. Pourvu qu’on prête l’oreille, on y entendra la verte sagesse du chat qui veut faire sa bar mitzvah, porteuse de tolérance et de liberté, sans mièvrerie.
Avec de fraîches musiques, dans les belle lumières d’Alger qui recèlent tout de même sous les ombrages des cafés, quelques bas du front, les rondeurs de Zlabya sont charmantes, la bonhommie du rabbin est sympathique de même que celle de son homonyme Sfar, un sage musulman.
Le chat maigre a la voix de François Morel qui me ravit même lorsqu’il dit : « Miaou » ; impertinent, il traverse le film avec l’élégance ordinaire de ces bestiaux et nous offre des minutes ensoleillées qui se terminent trop brusquement

dimanche 4 septembre 2011

Poulet aux mirabelles

J’ai entendu cette recette sur les ondes d’une radio bleue bourguignonne et faute d’escalope de poulets je l’ai adaptée sur les suggestions d’une charmante vendeuse de la ferme Guillet Revol qui élève volailles et lapins au col de Clémencières. Il a fallu que j’aille au marché de l’Estacade pour apprendre qu’ils vendaient également à Saint Egrève le jeudi, comme c’est par mon lyonnais de fils que j’ai repéré le magasin Casabio installé depuis un an sur not’ zone industrielle. La variante consistait en la présence d’une collection de bréchets qui donnaient un air cuisses de grenouilles à la recette, mais une autre suggestion avec pintade devrait satisfaire ceux qui tiennent à des saveurs plus affirmées. Faire revenir la viande émincée dans l’huile d’olive avec un oignon, laisser dorer, verser du vin blanc dans la sauteuse, laisser cuire dix minutes et ajouter les mirabelles dénoyautées, du persil, une cuillerée de miel, cinq minutes encore, sel poivre : c’est fête ! Et quand le vin est bon on voit la différence.

samedi 3 septembre 2011

XXI, été 2011.

Juste avant la parution du numéro d’automne qui portera sur l’utopie, quelques lignes pour évoquer le numéro de cet été d’une revue désormais familière qui n’a pas épuisé son regard original.
Le dossier en trois reportages consacré à l’Algérie est éclairé par le témoignage de la plus française d’une famille de là bas vivant en France qui ne veut pas se faire naturaliser par solidarité avec ceux qui affrontent les humiliations lors des renouvellements des cartes de séjour.
Les portraits sont ceux d’un roi de l’amiante dévoilé malgré une discrétion organisée allant jusqu’à une reconversion (lucrative) dans l’air du temps et celui de Maurice Nadeau lecteur centenaire.
Le dessinateur Tronchet abandonne la loufoquerie pour un récit graphique à Quito tandis que le portfolio est consacré à des bergers du Caucase.
Madoff, Guantanamo : on sait, mais prendre le temps d’interviews fouillés vous revigore l’indignation et l’accablement, en particulier à travers l’histoire d’un gamin tchadien emprisonné hors de toute règle de droit, broyé par l’absurde.
Au fin fond de la misère, en Haïti, les retrouvailles avec d’anciens footballeurs qui ont offert à leur pays un bonheur qui retentit encore aujourd’hui, en menant 1-O contre l’Italie, lors de la coupe du monde 74:  pendant 6 minutes
bien avant le « goudougoudou » tremblant de 2010.

vendredi 2 septembre 2011

Morale à l'école


C’est bien sûr parce que la vertu est devenue une fleur surannée que chaque ministre annonce le retour de la morale à l’école. Le mot civisme a épuisé ses charmes de ressuscité d’un temps, alors l’ancien DRH de l’Oréal réécrit sur l’ardoise en ardoise :  
« morale » et le frenchy moral s’en sent tout ragaillardi. 
Que peut l’école face au cynisme, au conformisme, à la vulgarité, à la richesse insolente, au mensonge, qui tartinent notre pain quotidien ? 
Si l’indignation ne m’étouffait pas, je jouerais volontiers au jeu de la maxime du jour, mais la liste est trop longue des paroles malheureuses des éminents qui nous gouvernent. Car pour traiter par exemple de la générosité nous vient un air de Brassens : « L’Auvergnat » mais c’est alors l’humour d’Hortefeux qui vient brouiller la chanson. Et pour illustrer la politesse, un « casse-toi… » de celui « qui ose tout et c’est à ça qu’on le reconnaît » revient bruyamment. 
« Ni l'or ni la grandeur ne nous rendent heureux». 
L’allusion au passé par ceux qui saccagent chaque matin la morale publique ne ravira que quelques sourds qui ont quitté les bancs de la communale depuis longtemps, elle ne modifiera en rien les pratiques dans une école qui subit aujourd’hui des attaques sans précédent. 
« Un acte vaut cinq dires »Henri IV.

jeudi 1 septembre 2011

Arles : rencontres photographiques 2011.

Je ne sais plus du nombre d’expositions visitées dans la journée, ni du nom de bien des auteurs entrevus, et pourtant combien de photographies j’ai zappées.
Alors la mise en évidence de la profusion des images prises sur internet sur de grands panneaux peut nous parler, et la thématique développée autour de
« From here on» (« à partir de maintenant »)est bienvenue.
La photographie connaît la révolution qui avait touché la peinture avec l’explosion du numérique et d'internet, mise en évidence par des propositions vertigineuses en tous lieux et par tous les moyens:36 artistes questionnent la notion de propriété artistique avec virtuosité, poésie, inventivité, humour. Les caméras de surveillance sont sollicitées
et le mot clef « capture » nous éloignerait de cette chère liberté, allant parfois jusqu’à la vacuité.
Ces démarches expérimentales sollicitent plus la réflexion que l’émotion que l’on peut retrouver avec des photographes mexicains très présents dans la ville.
Ainsi les prostituées de la zone frontière « Welcome to lipstick » ou les travailleurs immigrés chez leur riche voisin déguisés en super héros.
La rétrospective du New York Times Magazine nous est plus familière ainsi que celle d’Amnesty international révisant 50 ans de violences dans le monde.Ces images là se sont tellement inscrites dans nos mémoires qu’un artiste qui effacé par exemple les tanks chinois du cliché mythique où un homme leur fait face avec ses deux sacs en plastique à la main, arrive à nous interpeler en ne laissant subsister que les marques au sol d’une route qui ne sera plus jamais innocente.
Chris Marker est un des rares grands noms que je connaissais avec Salgado, mais je n’ai rien trouvé de rare avec lui sinon le rapprochement qu’il peut effectuer entre des visages saisis dans le métro et des portraits appartenant à l’histoire de la peinture.
Une œuvre de 40 mètres du chinois Wang Qingson est parfaitement à sa place dans l’église des trinitaires en présentant un point de vue spectaculaire sur les représentations de la beauté à travers des scènes parodiant des tableaux et des sculptures du patrimoine mondial. J’apprécie souvent les travaux de l’agence « Tendance floue » mais leur accrochage est vraiment trop dans l’obscurité et la confusion, alors qu’ils veulent se montrer à contre courant, ils participent au propos redondant de la profusion quand « trop d’images tuent l’image ».