lundi 28 février 2011

Angèle et Tony. Alix Delaporte

Un petit film avec des acteurs remarquables Clotilde Hesme et Grégory Gadebois. Cette histoire se déroule en Normandie en bord de l’ Océan qui donne toujours une couleur singulière. La séance venait pour moi après quelques photographies d’un nouvel album de Depardon, elle s’enchainait très bien avec la recherche des espaces de cette France où le rural vire au péri urbain par mon photographe préféré.
Une écorchée de la vie qui dissimule ses secrets et un marin taiseux s’approchent. Les farouches protagonistes s’apprivoisent mais ce n’est pas gagné, tout va vite, les liens sont vulnérables. Les écueils gluants du sentimentalisme sont éloignés, cependant à trop jouer la sobriété, l’âpreté, le dénouement m’a paru un peu trop exalté. Après tout, désormais, il n’y a peut être que les gens déraisonnables qui ont envie de se marier.

dimanche 27 février 2011

Le soir des monstres. Etienne Saglio.

“Le Soir des monstres”, c’est le soir où les objets qui encombrent nos maisons sont laissés sur les trottoirs. Je ne voyais pas au départ la nécessité d’une telle dramatisation pour un détournement d’objets assez fréquent aujourd’hui chez ceux qui sortent des écoles du cirque. Et puis un univers s’impose avec une poésie évoquant Tim Burton bien loin de toute mièvrerie : c’est magique. Cette ambiance 19° siècle avec un artiste original convient pour une fois à des enfants souvent amenés à des spectacles trop lourds pour eux.
Les balles en fil de fer échappent un moment au jeune homme en manteau noir, puis sous l’effet de lumières appropriées se transforment en petites comètes, puis en chauve-souris, il s’empiage dans des cordes diaboliques, un tuyau annelé se transforme en serpent et un jouet à ressort connaît une triste fin. Le magicien maladroit n’en parait que plus habile sous une musique envoutante, il jongle avec virtuosité nous embarquant dans une séquence hypnotique. Il fait vivre des objets, mais ceux-ci échappent parfois à leur créateur qui les dompte, puis les écrabouille.
On peut retrouver pour une heure son âme d’enfant, mais il faut se rappeler que parfois le sale môme brise ses jouets.

samedi 26 février 2011

Le trottoir au soleil. Philippe Delerm.

Dans ces 180 pages vite lues, où l’usage du « on » me lasse quelque peu, j’ai éprouvé ma proximité avec le sexagénaire qui essaye : « plus les jours passent et plus j’ai envie de guetter la lumière ». Il s’interroge d’ailleurs sur le partage de ses sensations : « le plaisir minuscule est une possession personnelle dont les racines ont bien souvent à voir avec l’intensité des sensations de l’enfance. Chaque individu reste une île. Une île courtoise, qui se laisse accoster, mais pas envahir ». Toujours cette pudeur, cette légèreté d’une poésie du quotidien qui éclaire sans crier : les figues, le dimanche matin, les brocantes, un trois étoiles, les appartements aperçus depuis le métro aérien, une pâtisserie, les gares… Quelques émois et celle à qui il a dit « je suis à court de fleurs » avec qui il a passé sa vie, et cette femme de pompier newyorkais qui déclare : « de toute façon, en quinze ans avec lui j’ai connu davantage de bons moments que la plupart des êtres humains n’en connaîtrons dans une vie ». Parfois plus grave que d’habitude dans cette dernière livraison, il peut bien trouver du bonheur chez les amers (Cioran, Renard, Léautaud) que son indéfectible attention aux hommes nous ravira encore, en flattant notre goût des retrouvailles avec un familier.
Je dois au célèbre professeur écrivain, quelques heures de classe enchantées.
J’avais alors quelques élèves blasés, et sa version des petits plaisirs pour les petits (« C’est bien ») était sortie opportunément. Après une lecture quotidienne d’un court chapitre, j’avais pu vérifier auprès de chaque élève quand il dut s’exprimer à son tour par écrit, que la démarche n’avait pas été vaine pour la plupart ; on ne parlait pas alors à tout bout de champ d’évaluation.

vendredi 25 février 2011

Pour le droit au logement à Saint Egrève

L'enquête publique sur le projet de révision du PLU ferme ses cahiers ce vendredi 25 février. J’ai apporté en mairie l’avis ci dessous à propos de cette question centrale pour la vie de la cité.
Les conservatismes s’expriment volontiers dans ces occasions et mon parti dont je me suis départi a bétonné une position défensive à ce sujet se montrant bien peu social, quant aux écolos de chez nous, ils ne se sont pas très vertement exprimés.
« Pour le droit au logement à Saint Egrève.
Parce que c’est politiquement,
humainement,
logiquement,
économiquement,
écologiquement,
égoïstement,
juste :
oui à une augmentation de la population à Saint Egrève !
La politique est l’expression de l’intérêt général, la politique du logement doit concrétiser une vision, une ambition.
La révision du PLU est l’occasion d’offrir à des familles nouvelles la possibilité de profiter des infrastructures de la ville.
Plutôt que de déplorer l’insécurité, la dégradation des conditions de vie, de transport dans l’agglomération, donnons des chances au « vivre ensemble » en appliquant la loi qui incite à accorder au logement social toute sa place.
L’arrivée du tram est une aubaine qui donne l’occasion de requalifier la ville.
Pour des raisons de rentabilité il est aussi nécessaire de densifier l’habitat autour de cet axe dynamique.
Les espaces verts seront préservés si le paysage n’est pas mité par des lotissements gourmands en surface. Le rapprochement des lieux de vie et de travail économisera du carburant et préservera la qualité de l’air.
Et puis le jour venu, vos enfants, où pourront-ils être accueillis ? »
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M.N. Lienemann: "Si toutes les communes respectaient la loi SRU, cela représenterait 400 000 logements supplémentaires"
Avec le dispositif de défiscalisation Scellier: "un Scellier coûte à l'état ce que lui coûtent deux logements sociaux."
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Dessin du canard qui a une matière abondante ces temps:

jeudi 24 février 2011

Vénus.

Déesse de la beauté pour les romains, Aphrodite chez les grecs, comme bien des divinités, elle récupéra des caractéristiques plus anciennes d’une idole méditerranéenne née à Chypre. Et quand la puissance terrestre inaugura le droit divin, Auguste fils de César se vit bien comme son descendant par Enée.
Subsistent quelques graines d’un vocabulaire autour de l’attirance sexuelle où Eros(Cupidon), Adonis, Priape, sont de la revue.
La déesse de la féminité, quand elle était vêtue, préférait le bleu, il en sera ainsi jusqu’au XVII° siècle; le rose était pour les garçons plus bronzés.
Botticelli, Poussin, Le Titien, Ingres, Boucher, Cabanel, Böcklin, nous offrent des représentations où sa chair, généreuse, laiteuse, est savoureuse.
J’ai pu découvrir bien des peintres grâce aux amis du musée où officiait cette après midi, Fabrice Conan, mais pour Gustave Moreau, il faudra encore beaucoup de pédagogie pour que je l’apprécie.
Née des flots, Vénus serait la fille d'Ouranos (le Ciel), dont les parties génitales, tranchées par son fils Cronos, avaient fécondé la mer.
Les furies ( la discorde, la vengeance, la haine) sont ses sœurs, elles poursuivent par exemple Oreste qui vient de tuer sa mère dans le tableau de Bougereau avec la belle énergie des déesses à l’ancienne, destinées à devenir peu après plus bienveillantes.
Vénus n’était pas du même bois que Junon déesse de la fidélité, ni comme Athéna déesse de la raison, immunisée contre les passions amoureuses. Mariée à un Vulcain qui travaillait en sous sol et sentait la fumée, elle le trompa avec son frère, Mars, pour qui le légitime dut forger des armes ainsi que pour Enée un autre rejeton qu’elle eut avec Anchise. De ses amours avec le dieu de la guerre sont nés l’harmonie, la crainte, la terreur et Éros. Vulcain guidé par le soleil emprisonna les deux amants dans un filet magique.
Pâris, jeune mortel eut à départager Junon, Minerve et Vénus qui croyaient chacune que la pomme, celle de la discorde, où était inscrit : «à la plus belle » leur était destinée. Pâris choisit Vénus qui le sauvera de la mort lors de la guerre de Troie.
Cette existence vouée aux passions pour son propre bénéfice avec les tourments afférents pourrait consoler les mortels de leur vie trop pépère pourtant parfois concernés par les bonnes grâces de la belle, mais ses vengeances peuvent être terribles.
Adonis fut contraint de vivre un tiers de l’année dans les profondeurs de la terre avec Perséphone, l’hiver. Et encore, c’est à l’issue de compromis passés entre titulaires de l’Olympe.
Jalouse et d’une fierté qui la rendait féroce envers ceux qui doutaient de sa beauté ou lui faisaient de l’ombre, ainsi Psyché dont le bonheur dura le temps de l’illusion, se sortira tout de même des épreuves que lui imposa belle maman.
Les nombreux artistes qui la représentèrent lui donnèrent parfois le visage de contemporaines comme Pauline Borghèse par Canova ou mademoiselle Lange, l’actrice, par Girodet.
Nous restent de poétiques origines : Adonis, tué par un sanglier peut renaître en anémone, et alors que Vénus venait à son secours, quand elle se blessa aux épines des roses blanches, devenues rouges depuis, et Clytie amoureuse éconduite du soleil suit Apollon du regard depuis qu’elle survit en tournesol.
Et quelle plus belle métaphore en milieu artistique que la légende de Pygmalion promis au célibat qui tombe amoureux de Galatée la statue qu’il vient de sculpter ?

mercredi 23 février 2011

Touristes en chine 2007. # J 7. Art contemporain.

Quartier libre jusqu’à 10h que nous utilisons à ranger et changer de l’argent avec la même employée que l’autre jour mais beaucoup plus vive et efficace.
Le temple du ciel Tiantan. Dans le parc les installations pour « vieux » gymnastes nous impressionnent : barres parallèles, divers engins pour se gratter le dos, se suspendre, marcher, se balancer. Beaucoup de monde s’entraîne, les niveaux sont très divers, je m’essaye à quelques échanges avec un virtuose de la balle en plumes qu’on se renvoie uniquement avec les pieds. Nous utilisons quelques installations. Certaine mamies bavardent tout en esquissant quelques légers mouvements. Raquettes et balles adhèrent grâce à la vitesse du mouvement aux enchaînements gracieux. Tout est bleu dans le temple couleur du ciel alors que le jaune est la couleur de l’empereur et le vert celui de la nature. La forme ronde représente le ciel elle comporte 3 étages dans une enceinte carrée ( la terre), à l’intérieur 4 piliers, 12 autres symboliques. Wang Hui nous transporte quelques siècles en arrière en nous racontant les sacrifices d’animaux pour favoriser les récoltes, restent des statues de bœuf en pierre.
Visite d’un magasin de perles de culture. On nous explique la technique avant de passer comme d’habitude à la boutique et comme d’habitude nous nous laissons tenter par des boutons d’oreilles et des colliers.
Art contemporain à Dashanzi Le restau aux spaghetti bolognaises est cher.Pas de découvertes artistiques mirobolantes dans ce quartier mi salle d’expo, mi fabrique encore en activité. La Gallery « 798 » est branchée. Comme œuvres nous retenons un ensemble de briques avec portraits imprimés dans des couleurs grises, quelques personnages de terre (ribambelles d’enfants), des Mao en fer rouillé ou argenté. Après quelques contradictions sur la direction à prendre nous retrouvons notre auto.
Canard laqué dans un grand restaurant pour touristes mais d’une réelle qualité culinaire, de nombreux plats, un verre de vin curieux, massage, ventilation à l’éventail par les employées.Nous quittons le chauffeur à la gare. Les bagages sont passés aux rayons. Malgré ce que nous a raconté Diane sur la ponctualité des trains, dans la gare qui s’est vidée nous attendons le train pour Datong. Notre « fée clochette » a beaucoup de répartie, elle nous distrait en attendant : idéogrammes de nos noms et de l’expression « méchants professeurs » elle s’intéresse à notre journal où elle espère figurer. A 23h 45 nous quittons Pékin en wagons-lits avec une hôtesse d’accueil qui échange nos billets contre une carte, nouvel échange ½ h avant l’arrivée. Je me sépare de mes compagnons dans un compartiment voisin, les filles sont en bas, les garçons en haut sur « les couchettes molles », appellation déposée.

mardi 22 février 2011

De Gaulle à la plage.

Une fois encore les impressions dépendent du contexte. Je n’avais pas apprécié les quelques strips entraperçus dans mon quotidien et là en album en couleurs emprunté à la bibliothèque, je me suis régalé de l’humour subtil de Jean Yves Ferry. Très années cinquante, l’aller retour avec nos mœurs d’aujourd’hui est drôle : Mongénéral reste digne malgré ses tongs, et s’il lance un appel depuis le poste de secours c’est qu’il a envie de jouer au volley parce que Lebornec l’aide de camp aux petits soins n’a pas apporté de ballon. Il ne se laisse pas manipuler par une presse à sensations qui pointe son nez. Il n’y a pas d’idylle avec Grace Kelly même si le grand homme pas vraiment à son avantage dans son short bien remonté, aime regarder les jolies femmes. Heureusement Tante Yvonne veille. Et quand il se retrouve avec Winston Churchill, c’est cigare et Brandy :
- On les libère et après ils vous bazardent ! Mais l’heure est proche où nous nous dresserons pour dire NON !
- No !
- Non à la capitulation ! Non à l’abandon ! Non à la désagrégation !
- Right !
- Some Brandy ?
- Je ne dis pas non.

Lui qui avait dit que Tintin était son seul rival à l’international, le voilà, en toute majesté, au pays des bulles.

lundi 21 février 2011

Même la pluie. Iciar Bollain.

Un film contant l’arrivée de Christophe Colomb aux Amérique est tourné avec des figurants dont les problèmes de survie entrent en résonnance avec le récit de la colonisation brutale qui s’engageait alors en 1492. En 2000, en Bolivie, une révolte eut bien lieu contre l’augmentation du prix de l’eau et elle fut gagnante contre une multinationale qui voulait s’accaparer ce bien commun cause de tant de conflits.
« Ils veulent nous prendre même la pluie. Et pourquoi pas la sueur de notre front, pendant qu’on y est. »
Le hors champ de ce tournage est palpitant, chaleureux, avec les contradictions et les évolutions des acteurs, la question de l’engagement.
Tellement accablé par nos défaites politiques, je ne croyais pas trop à cette victoire citoyenne qui arrive lors d’un dénouement aux effets un peu trop appuyés. Alors qu’auparavant l’exposition avançait avec subtilité et force, entrant dans la complexité, nous faisant partager les dilemmes. Ce film dans le film nous rappelle aussi que des œuvres peuvent impliquer les créateurs pas seulement le temps d’une tournée de promotion.
La réalisatrice espagnole a été actrice chez Ken Loach et son mari scénariste du maître anglais a écrit ce film : ça se voit et c’est un plaisir de retrouver cet air de famille avec une œuvre bien ficelée qui fait progresser notre perception du monde et requinque nos capacités d’indignation.

dimanche 20 février 2011

Les naufragés du fol espoir. Le théâtre du soleil.

Epopée de quatre heures qui nous emmène de l’Autriche au cap Horn, de Jules Vernes en passant par Hugo, des Carmina Burana à Wagner, d’une guinguette nommée « le fol espoir » à un navire du même nom : que peuvent les artistes ?
« Fol » écrit à l’ancienne accolé au mot « espoir » d’un autre siècle pour ramer sur une mer de toile agitée par les artisans de l’illusion cinématographique, vers l’abime.
« Ni la dictature, ni l'anarchie, mais la gestion mutuelle. Soyons providentiels les uns aux autres. La liberté comme base, l'égalité comme moyen, la fraternité comme but. »
Une foule de personnages essaye de vivre une utopie ou du moins sa représentation, sur des terres qui ne sont même plus vierges. Leurs rêves sont arrachés par les vents glacés. Les écharpes agitées au bout d’un fil donnent l’illusion de jouer avec les éléments, les images sont belles et pathétiques.
La jeune fille qui lisait l’Huma dans le car qui nous conduisait de l’Hexagone au palais des sports de Lyon avait retenu, elle, la petite lueur d’un phare dans les ténèbres. Je mesure le temps, depuis une foule embarquée à 1789 de Mnouchkine dans les années 70 : « claquez dans les mains : ce n’est qu’un début continuons le combat ! ».
Au début du XX° siècle, la technique croissait et les hommes et surtout les femmes croyaient à la politique. La guerre anéantira aussi les espoirs des survivants. Nous sommes au XXI° siècle.
Le fil narratif, occupé par des séquences de cinéma muet, média pour le moins théâtral, permet toutes les simplifications, les accumulations, les ficelles les plus grosses et les plus jolies sous les lumières du spectacle et la neige artificielle déversée généreusement.
J’ai beaucoup aimé les changements à vue avec les belles toiles peintes, les poulies, les fausses pierres, les coulisses, et la chorégraphie d’une troupe affairée qui durant quatre heures se donne de tout son cœur, de toute son énergie, dans un désordre parfaitement réglé. Un spectacle qui ravit son monde, mais Ariane qui avait si bien ravivé des énergies pendant la dernière campagne présidentielle, avec la complicité de l’écriture d’Hélène Cixou m’a semblé, cette fois, faire la somme de nos difficultés à aller vers un monde plus juste, et signer l’épuisement de nos illusions : naufragés.

samedi 19 février 2011

Ru. Kim Thuy.

J’apporterai volontiers un petit pétale aux bouquets d’éloges que ce premier roman vient de recevoir. Une vietnamienne, tellement vietnamienne, raconte sa vie en zone tropicale puis au Canada où elle s’est réfugiée avec d’autres boat people.
Elle sait se mettre à la place du soldat du Nord qui a fait pourtant tellement souffrir sa riche famille, lui qui croyait que les soutiens-gorge dans l’armoire étaient des filtres à café. Cette capacité à comprendre les autres, à s’émerveiller lui vient peut être d’avoir débarqué dans un univers largement énigmatique pour elle et d’avoir surmonté tant d’épreuves qu’elle peut verser aujourd’hui, dans nos gobelets, une eau tellement revigorante.
« Sans l'écriture, comment entendre la neige fondre, les feuilles pousser,
et les nuages se promener ? »

Reconnaissante envers ceux qui l’ont accueillie, elle rend bien à tous ses lecteurs, les bienfaits qu’elle a reçus en nous restituant de beaux portraits de personnes généreuses, et des épisodes d’apprentissage d’une vie qui tourne bien. Elle décrit l’horreur, les réussites, les douceurs qui s’entremêlent, avec tact: sa poésie ne brouille pas les sens, elle les exalte.
La grâce et la lumière en 150 pages si brèves.
"Je n’ai jamais eu d'autres questions que celle du moment où je pourrais mourir. J'aurais dû choisir ce moment avant l’arrivée de mes enfants, car j'ai depuis perdu l'option de mourir. L'odeur surette de leurs cheveux cuits sous le soleil, l’odeur de la sueur dans leur dos la nuit au réveil d’un cauchemar, l'odeur poussiéreuse de leurs mains à la sortie des classes, m'ont obligée et m'obligent à vivre, à être éblouie par l'ombre de leurs cils, à être émue par un flocon de neige, à être renversée par une larme sur leur joue. Mes enfants m'ont donné le pouvoir exclusif de souffler sur une plaie pour faire disparaître la douleur, de comprendre des mots non prononcés, de détenir la vérité universelle, d'être une fée. Une fée éprise de leurs odeurs."

vendredi 18 février 2011

La Tunisie et l' Egypte au forum Libération.

Le thème prévu « Réussir l’intégration, démocratiser la réussite » a laissé place à des réflexions sur l’histoire en marche en Tunisie et en Egypte.
Rédiger une manière de compte rendu pour une publication différée est hasardeux, tant chaque jour amène son lot de surprises et prend à contre-pied les experts les plus prudents.
Par exemple l’afflux de Tunisiens à Lampedusa dément une interprétation qui aurait compris l’immigration comme étant essentiellement la fuite d’un univers despotique.
Mais la qualité des intervenants Abdelwahab Meddeb et Benjamin Stora permet d’aller au-delà des péripéties.
La priorité donnée à l’actualité n’éloignait pas du sujet initial tant le rôle des binationaux dans la révolution a été important, les frontières mouvantes avec la blogosphère, les stéréotypes malmenés. Les références occidentales se mêlent à celles de la religion musulmane, le rapport à l’étranger a bougé, ainsi le dilemme : assimilation ou intégration peut se repenser.
La fierté d’être le moteur de l’histoire de ce côté de la Méditerranée permet de dépasser les blessures mémorielles et de penser l’avenir. Les cartographies imaginaires basculent : l’univers immuable depuis la décolonisation bouge : le mur de sable s’affaisse.
A l’image touristique de « révolution du jasmin » peut se substituer le terme de« révolution du Phénix ». Depuis un lieu décentré, Sidi Bouzid, avec les cendres de Mohamed Bouazizi, un peuple s’est réapproprié son destin. Le taux de scolarisation a permis cette avancée, le passage de la société rurale à une société urbaine l’a favorisé, l’effondrement de la taille des familles passant de sept à deux enfants témoignait du changement d’époque.
En 79 en Iran il n’y avait pas de mémoire historique et les morts d’Algérie pendant la guerre civile ne sont pas oubliés, l’histoire n’est pas condamnée à bégayer. Dans une zone où tout semblait immuable, des changements trop longtemps attendus s’amorcent. Le démantèlement des appareils sécuritaires n’est pas gagné mais il est engagé depuis l’intérieur à l’opposé d’une intervention extérieure aussi vaine que celle qui a eu lieu en Irak. Des espaces contradictoires sont à trouver mais le temps où l’intérêt particulier prévalait sur l’intérêt général est révolu.
Un Roubaisien d’origine marocaine dans Libé du 15 février à propos de ce basculement historique:
« C’est comme si la France avait perdu sa conscience. Sa voix ne porte plus… Elle devait être exemplaire, elle ne l’est pas. On ne l’entend que pour se défendre maladroitement de ses histoires minables de vacances payées par ces régimes »
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Le dessin est du Canard et la photo de Dany.

jeudi 17 février 2011

Chairs et choses, les hypnoses de Rebecca Horn.

Il y a déjà plus de quinze ans que Rebecca Horn exposait à Grenoble. Catherine de Buzon a donné récemment l’occasion aux amis du musée de se rafraichir la mémoire, et en ce qui me concerne de prendre la mesure de la diversité d’une œuvre qui m’avait intriguée alors. Maintenant, j’en perçois mieux l’intensité et le poids douloureux qui n’exclut pas la poésie.
Soignée pour des problèmes pulmonaires, l’artiste allemande va d’abord chercher comment aider un corps blessé avec tout un appareillage à allure orthopédique faisant écho aux aveugles de Bruegel, à Narcisse du Caravage, à la mémoire des gueules cassées des guerres du siècle. Elle veut étendre son corps jusqu’à toucher simultanément les deux murs d’une pièce avec des doigts agrandis tels ceux de personnages de Tim Burton.
Rebecca Horn, filme pendant 12 heures une femme portant une très longue coiffe, sa licorne.
Elle va aussi entraver des corps dans des bandages qui évoquent le bondage et des figures sado-maso: de grands moignons en tissus empêchent la marche, un masque porte des crayons, elle transporte telle une relique moyenâgeuse un dispositif reliant ses seins et sa bouche. Un réseau de tiges horizontales garde la mémoire de la silhouette d’un corps qui y fut mesuré. Des éventails à taille humaine permettent de se protéger, de se recroqueviller, ainsi des écrins de plumes comme des chrysalides. « La veuve du paradis » ou « la fiancée chinoise »-enfin une artiste qui ne renonce pas à titrer ses œuvres-fournissent des expériences étonnantes dont une avec une boite dont les portes se referment lentement sur le visiteur d’abord résigné dans l’obscurité puis retournant brusquement au monde par l’ouverture brutale de cet espace étriqué. Un modèle porte un manteau de tuyaux où circule du sang.
Si Otto Dix, Beuys peuvent être évoqués pour cette période créative, les machines de
Vinci sont sollicitées dès qu’il y a de la mécanique. Son paon métallique qui fait une roue à la demande n’est pas soumis aux cycles de la nature, mais les machines ne sont pas éternelles, elles perdent de l’huile, éclaboussent les murs et sa machine à peindre déverse ses encres sur des châssis sans toile.
Ses installations entrent en résonance avec les lieux : celui du théâtre de l’hôpital psychiatrique du Steinhoff à Vienne, avec une pyramide de pigment effleurée par un pendule ; au bord d’un baquet rempli d’une eau noire, deux aiguilles forment par intermittence des vaguelettes.
Dans une maison de passe à Barcelone, elle installe « la rivière de la lune » avec la chambre de la terre, où le lit entre à moitié dans le mur. Dans une chambre différente, celle de l’eau, le lit est au plafond et des draps s’égouttent dans des récipients, dans une autre, une pointe griffe un cercle. Sept violons jouent sur d’autres murs, l’air a son espace, de même que « la destruction réciproque » ou le feu avec des flashs qui éjaculent. Souvenirs, peurs, plénitude, unité, vigueur.
A Munster elle voulait investir une tour que la municipalité refusait de lui octroyer, c’est qu’il y avait un secret terrible dans ce lieu. Ancienne prison, elle avait servi aux jeunesses nazies de lieu de torture sur des russes et des roumains ; elle va y disposer de petites bougies, des marteaux qui frappent sans cesse, un œuf sur une tige pour l’espérance. A Murnau, des cendres seront recueillies dans de grandes caisses de verre et un chariot détruit petit à petit des instruments de musique posés sur des rails. Et quand il percute une paroi des flashs se déclenchent symbolisant ici les âmes de ceux qui ont disparus. Ses références littéraires sont variées : Kafka avec une valise volante, Wilde et ses chaussures, Virginia Wolf. Ses chœurs de sauterelles : 36 machines à écrire ou dans la version 2 : 4000 verres à pied qui s’entrechoquent sous l’effet des lattes du plancher qui jouent. Le mercure, les papillons, les plumes, des éventails de pinceaux, des creusets de liquide ; ses machines ne sont pas célibataires : même les marteaux se rencontrent, ou les scarabées. Sur une place de Naples, 333 cranes sortent du pavé et des auréoles s’éclairent dans la nuit.
Chez elle, des plumes peuvent évoquer la mort, et de froides tiges métalliques s’approcher d’une façon ténue des vibrations de la vie.

mercredi 16 février 2011

Touristes en chine 2007. # J 6. Kung fu.

Nuit avec moustique bourdonnant et panne de l’air conditionné. Petit déjeuner abondant dans un compartiment de l’immense salle du restaurant. Nous sommes servis à table : tomates, concombres, œufs frits, toasts, vegetables, bacon, lardons, frites, pain perdu…beurre et confiture. Stop !
Visite du temple Putuozongscheng réplique du Potala de Lhassa avec madame Xu. Palais blanc et rouge. Les fenêtres extérieures sont obstruées comme au Tibet pour éviter les vents froids. La lumière arrive par le toit et les cours intérieures, beaucoup d’escaliers permettent la vue sur la montagne, la muraille du palais d’été et le temple.Pour s’octroyer les bienfaits de bouddha, il faut payer. La grande cour carrée rouge est sur 3 étages avec galerie et bâtiment principal comportant des tuiles écailles vernissées et dorées. Depuis une estrade, nous assistons à des danses et chants traditionnels jusqu’à 11h comme pour les anniversaires de l’empereur. Nous payons chacun 1Y pour un coup de cloche.
Anmanipaniron = bonjour bouddha. Xu a le français un peu moins coincé et le rire plus naturel. Retour à l’hôtel pour retrouver Diane puis route vers Pékin (4h 30 de voyage prévues). Notre chauffeur double à droite, à gauche ou se fait doubler de même pendant que ceux d’en face slaloment tout autant ! Il vaut mieux dormir.
Repas dans un salon particulier d’un routier avec table à plateau tournant. On mange bien mais dans les toilettes les utilisateurs ne jugent pas toujours utile de fermer les portes. Retour au Red Wall Hôtel et ses chambres nickel.Spectacle de Kung fu au... Kung fu theater : il raconte une histoire avec quelques cartels en chinois et en anglais : la chorégraphie est soignée et les bagarres stylisées avec quelques cris genre « arrête de crier, je ne vois plus le match de tennis », scènes de casse de bâtons de bois ou de métal sur la tête, le héros se couche sur des coutelas, met un sommier de piques sur son ventre qui supporte un autre danseur allongé. A la sortie W.H. nous retrouve et nous offre une bouteille d’alcool de riz, suite aux discussions que nous avons eues. Nous l’abandonnons à une entrée de métro, elle en a pour une heure et demie avant d’arriver chez elle. Repas à notre restau d’à côté avec marmites bloubloutantes, promenade digestive et hôtel. Quand W.H. ne peut décrypter les pictogrammes qu’elle ne connaît pas, elle dit : « c’est mal écrit, je ne peux pas lire » Elle nous fournit les timbres pour les 55 cartes postales.

mardi 15 février 2011

Petite histoire des colonies françaises. Grégory Jarry & Otto T.

Du temps où j’étais instit, je mentionnais bien le commerce triangulaire à mes CM2 quand nous abordions l’époque de Louis XIV, et Tardy, encore un dessinateur de BD m’avait appris, et je le répétais, que les Sénégalais étaient au premier rang des premières lignes quand il fallait sortir des tranchées de la première guerre mondiale. Je répondais aux questions concernant la guerre d’Algérie. Mais j’en avais encore tant à apprendre concernant la colonisation.
Trois volumes abondamment illustrés en vente au rayon bandes dessinées, m’ont apporté des informations que j’ignorais et surtout montré la cohérence, la continuité d’une politique qui remonte à 1560 et Coligny en Floride jusqu’aux accords d’Evian en 1962.
Si ces BD figurent dans les boutiques du musée de l’histoire que projette not’ résident de la république, il n’y aura pas grand-chose à redire de l’entreprise.
Les dessins sans parole sont parfois un peu énigmatiques, mais le narrateur, un certain Charles De Gaulle, légionnaire barbu très rond, à l’humour noir, nous permet de traverser sans ennui les années et les océans. Mais il ne détourne pas de la consternation devant tant d’absurdité, de cynisme, d’horreurs sur fond de rivalité millénaire avec les Anglais.
« J’oubliais de mentionner les centaines de milliers d’indiens qui habitaient la Louisiane avant notre arrivée. Mais ils comptent pour du beurre, car ils considéraient qu’ils appartenaient à la terre plutôt qu’elle ne leur appartenait. Alors quand les français prirent possession de la Louisiane, ils prirent tout naturellement possession des indiens. »
Le récit des atrocités de la colonne infernale Chanoine / Voulet en route vers le Tchad s’ajoute aux conditions ahurissantes qui permirent à Léopold II de posséder le Congo a titre privé dans des conditions inimaginables…
« Le 8 mai 1945, tandis que nous célébrions la victoire, une grande manifestation se déclencha à Sétif, en Algérie, qui réclamait l’égalité des droits et l’indépendance du pays. Alors que nous avions à peine commencé les hors d’œuvre. Je leur avais pourtant dit « le moment venu ». Mais ils n’écoutent pas…. Tout cela me donne le cafard, si nous parlions d’un sujet plus gai ? La guerre d’Indochine ».
J’attends avec impatience le quatrième de la série : La Françafrique.

lundi 14 février 2011

Le discours d'un roi. Tom Hooper.

Georges VI, roi d’avant guerre nous parle d’aujourd’hui quand les caméras tournent dans les allées du pouvoir avec la communication en passe d’accéder au trône. Ce film est plus axé sur la forme du discours que sur le fond. Le père d’Elisabeth II est la vedette principale alors que sa femme devenue « Queen Mum » nous est plus familière, ainsi que son ainé Edouard VIII qui renonça à la couronne par amour, mais dont les sympathies envers Hitler compliquèrent le destin. L’humour british rend savoureux le rapport entre le roi coléreux et son orthophoniste qui bouscule les rapports de classe et gagne l’amitié du royal coincé. La fantaisie est un remède efficace pendant ces heures graves que traverse l’Angleterre et nous passons un moment agréable avant d’être accablés, dans le présent, par Nicolas Premier (appellation Patrick Rambaud) qui ne sait même pas se gouverner, sa formation ayant consisté essentiellement à se muscler le périnée et à recueillir des éléments de langage dans des marmites douteuses.

dimanche 13 février 2011

Un pied dans le crime. Eugène Labiche.

Avant le lever du rideau, à l'Hexagone, Dominique Pinon vient faire répéter aux spectateurs :
« Rien n’est plus beau que notre France !
Aimons là de tout notre cœur !
Pour le crime pas de clémence,
Vive la France et l’empereur ! »

Nous sommes sous l’empire pendant deux heures et demie, le public rit et se régale de cette comédie bien troussée. Philippe Torreton porte, à la Giscard, la mèche couchée sur sa calvitie et Dominique Pinon une crête et un tempérament comique qui emporte la troupe entière avec deux femmes nunuches à souhait, un laquais gai, un filleul plein de bonne volonté. Proche de la commedia Del Arte, derrière de grandes oreilles, une société mesquine et cruelle se révèle. Quiproquos et mufleries, Gatinais qui avait visé un chat avec une pétoire l’entend s’écrier : « sapristi ! » d’où quelques scrupules et cas de conscience. Comme il est question de justice, on pense aux figures de Daumier croquant le bourgeois. Les portes qui claquent sont indissociables du vaudeville, elles ont disparu, un placard est toujours là et bien que le jus initial ne se soit pas éventé, des trouvailles contemporaines ajoutent au plaisir : les parois de papier se déchirent, un poêle n’en fait qu’à sa tête et le chat se rappelle à nous : « Maou »
Le rythme est enlevé, le public ravi, applaudit après un ultime couplet :
« L’épée glacée de la justice
Jamais plus nous fera frémir !
Au cœur elle a frappé le vice !
Allons dormir ! Dormir ! DORMIR !!! »

samedi 12 février 2011

Le faubourg des coups de trique. Alain Gerber.

Le titre me disait vaguement quelque chose, l’auteur aussi (chroniqueur de jazz), mais il a fallu l’insistance d’un amateur de Michel Audiard (« La nuit, le jour et toutes les autres nuits ») pour que je m’attelle aux 390 pages. Et je ne les ai pas lâchées. Ça commence fort : « l’enfance de Théo dura cent sept ans, on n’en voyait pas le bout. En ce temps là les semaines étaient bourrées de jours à craquer. »
Moi qui me suis entiché de romans anglais ou américains pour leur efficacité, leur vitalité, j’ai apprécié ici le style pas apprêté, en parfait accord avec son sujet : valoriser une classe sociale disparue des écrans éditoriaux : le peuple. Pour un autre de ses romans, Gerber a d’ailleurs reçu le prix populiste qui récompense une œuvre romanesque qui « préfère les gens du peuple comme personnages et les milieux populaires comme décors à condition qu'il s'en dégage une authentique humanité ».
Bourré de trouvailles : « Ce client là vous aurait tiré les os du corps pour en faire des castagnettes »
« ll y avait dans le ciel rose une flopée de petits nuages ronds et mauves, ou violacés.
- La sainte vierge fait des beignets pour le petit Jésus, déclara Gentil.
L’ancien marsouin était tout le temps en train d’apprendre de nouvelles phrases à Théo. Des phrases qui font rire. Des phrases qui font voir le monde autrement- c'est-à-dire comme il est en vrai, quand on s’est débarrassé des mots ordinaires, si usés qu’ils ne veulent plus rien dire. »

L’auteur met un enfant en scène, à Belfort, au début du xx° siècle ; l’exercice est périlleux, et il n’y a rien qui m’agace aussi facilement que les faux enfants, les voix contrefaites. Ici, c’est truculent, chaleureux, palpitant, généreux. En ce moment, on n’en publie pas beaucoup des comme celui là, que l’on referme, content, avec un regain d’optimisme en l’homme, et l’envie de le faire partager.

vendredi 11 février 2011

Logement : un scandale français.

Alors qu’il y avait du beautiful people dans les cinq autres débats qui se tenaient en parallèle à la MC2 pour les états généraux du Renouveau à l’initiative de Libération et de Marianne, j’ai choisi celui qui me semblait le plus important à mes yeux : là où l’injustice sociale s’incruste même si comme le souligne Doutreligne de la fondation abbé Pierre «Quand on aide les plus riches à construire, c’est une relance économique, quand on aide les plus modestes à se loger, on parle d’assistanat.» Le secrétaire d’état au logement Benoit Apparu dont la faible notoriété marque l’absence de priorité politique, ne m’a pas semblé incapable et plutôt courageux de venir argumenter sous un tel intitulé de débat. Les artifices de sa communication n’ont pu contredire le constat accablant sur ce sujet qui implique l’environnement, le vivre ensemble. Il a parlé de « mixité sociale et territoriale » et Doutreligne a semblé étonné de ce nouveau vocabulaire dans la bouche d’un partisan du bouclier fiscal alors qu’il y a aujourd'hui en France 3,5 millions de mal logés (10 millions de français touchés par la crise du logement), et plus de 180 000 dossiers déposés au titre de la loi Droit Au Logement Opposable (DALO). « En septembre 10 000 ménages ont été reconnus "prioritaires"… mais sont toujours en attente de logement.»
Ce débat arrivait avant la publication du rapport annuel de la fondation de l’abbé, et en ce qui concerne notre commune qui révise son PLU, il se superpose aux positions aberrantes de mes camarades qui se disent de gauche mais ne veulent pas de construction nouvelles dans leur quartier. Mes anciens colistiers socialistes voient peut être d’un bon œil la politique de Grenoble qui porte le taux de logements sociaux au-delà de la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbains) mais crient au bétonnage quand à la faveur de l’arrivée du tram l’occasion est offerte de densifier modestement autour de cette nouvelle voie structurante. Quand l’égoïsme s’ajoute à l’absence de vision, quelle défaite idéologique ! J'en perds ma carte. Les espaces verts seront préservés si le paysage n’est pas mité par des lotissements dévoreurs d’espace et si les transports individuels qui étouffent déjà la cuvette grenobloise ne sont pas réduits par une proximité entre résidence et travail, sans parler des HLM qui votaient de préférence à gauche ! Le PLU intercommunal irait vers plus de cohérence et permettrait aux élus dont le courage n’est pas la qualité première de dire : « c’est la faute des autres ». Le respect de la loi : "Sur les 800 000 communes concernées par la loi SRU, 367 n'ont pas fait un seul logement social, c'est un vrai bras de fer fait à la République". La crise a fait remonter partout le taux d’effort des ménages pour se loger et les classes moyennes sont impactées comme certains propriétaires pauvres, en outre les besoins ne sont pas identiques entre Paris où il devient impossible de se loger et les campagnes creusoises, d’où la nécessité de politiques régionales ; en outre des définitions du logement social sont parfois usurpées. "Il faut réguler les prix du marché du logement et empêcher les propriétaires de faire monter les prix au delà de l'indice prévu. "Une taxe sur la plus-value dégagée d'un logement devrait être appliquée lors de sa vente."" Mesures préconisées par le représentant de l’association abbé Pierre qui devant l’inégalité patrimoniale qui a explosé revient à des propositions contraignantes pour contrer une politique de défiscalisation qui a aggravé la situation avec Scellier, Robien et Borloo.
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Dessin de Sempé.

jeudi 10 février 2011

Bruegel et Bosch : le sacre des proverbes et des délires incarnés

Bruegel, le flamand, s’est nourri des paysages, des rochers, des ruines en leur écrin italien et cette nature va occuper l’espace de ses toiles.
Icare qui vient de plonger dans la mer devient anecdotique, le laboureur au premier plan épluche la terre comme un fruit. La mythologie est dépassée, le dialogue s’installe avec le vivant, la terre.
Les mages en route vers l’adoration représentaient les trois âges, ils apparaissent comme venus de trois continents et l’enfant présenté au monde, se retourne effrayé vers sa mère, bien qu’ils viennent de déposer de l’or à ses pieds. Pressent-il le Golgotha ?
Dans la cour, où jouent les enfants les petites filles font déjà tourner leurs jupes.
Les proverbes et les expressions constituent une encyclopédie foisonnante du quotidien.
La lutte entre Carnaval et Carême expose des corps estropiés, l’écho des querelles religieuses retentit.
Dans le suicide de Saul, l’image saturée se libère.
Les archanges révoltés qui suivent Lucifer (celui qui porte la lumière) vont vers un monde effrayant.
Dans la représentation de Babel, chaque goutte de peinture exprime la vie
et le christ pliant sius la croix, noyé dans la complexité de l’image, porte un message subtil :
Dieu peut se rencontrer parmi les hommes, comme dans le tableau du dénombrement où la divinité se cache; la vierge est sur un âne.
Les activités agricoles situent la place de l’homme dans la nature et l’anonymat des acteurs nous permet d’entrer dans l’histoire. L’hiver marque une pause dans les activités, loin des pestilences de l’été que les feux de la Saint Jean ne dissiperont pas.
Bosch est également un érudit délicat, sa connaissance des racines des images s’est enrichie de la fréquentation de grands mystiques de l’époque. Son imagination foisonnante qui a fécondé nos iconographies surréalistes contemporaines a pris sa source dans le fantastique des enluminures moyenâgeuses, dans les tissus venus d’Asie qui transitaient par Venise, voire dans les monstruosités de Michel Ange. Malgré son originalité qui continue à nous étonner, il ne fut pas un hérétique; le très catholique Philippe II fut un de ses clients.
« Il prend les formes anciennes et les fait rouler vers le nouveau ». La formule est de Damien Capelazzi qui nous a régalés une fois encore aux Amis du musée car il n’est pas forcément aisé de rafraichir notre regard face à ces monuments de la peinture européenne.
L’escamoteur, c’est bien le diable et l’extraction de la pierre de folie nous épate encore.
Un loup se tient à côté du miroir qui entretient l’orgueil, il porte une coiffe. Les sept péchés capitaux sont capiteux, pas loin des délices qui éclateront dans le jardin qui leur est dédié.
L’univers sous une sphère cristalline figure sur le triptyque refermé.
Les battants une fois ouverts, Adam qui arbore un nombril occupe l’Eden et un vol d’oiseaux creuse le paysage, une chouette, celle qui voit dans l’obscurité, est au centre d’un œil, mais des créatures sombres venues du fin fond des âges perturbent le cloisonnement des panneaux où le plaisir et la douleur vont se mêler, les trois règnes se confondre parfois dans des êtres hybrides, des animaux végétalisés, des fraises énormes, des corps tourmentés jusqu’aux instruments de musique qui torturent, un corps sert de battant à une cloche, le maître des enfers défèque les âmes qu’il vient d’ingurgiter. Les performances du numérique nous permettent d’aller au plus près d’une vie après la mort tellement grouillante : mieux qu’en vrai ! Mais si je retourne au Prado, je regarderai mieux.

mercredi 9 février 2011

Touristes en chine 2007. # J 5. Encens, parcs et palais

Au petit déjeuner : œuf, mortadelle (au goût de corned beef), concombre, tomate.
Beau temps limpide pour prendre la route de Chengdé (prononcer Tchendeu) province du Hebei, nous traversons de beaux paysages de collines et de montagnes boisées, avec des champs de maïs et des vestiges de cultures en terrasse, des portions d’autoroutes sont payantes mais inaccessibles aujourd’hui, on peut les reprendre plus loin. Retour du brouillard quand on arrive en ville vers 10h30. Nous descendons au Mountain villa hôtel en face de l’entrée du palais d’été. Tentative d’arnaque au change mais Mitch rétablit la situation de main de maître, l’employé de l’hôtel se fait petit.
Wang Hui nous présente notre guide anglophone qui s’efforce de baragouiner un français en morse : madame Xu.Le temple Puningsi (paix universelle) ressemble au temple des lamas où nous brûlons des bâtons d’encens. Au-dessus plusieurs bâtiments rouges et blancs (lune, soleil). Des musiciens jouent sous les palmiers moyennant finance pour accompagner la prière des fidèles agenouillés et brandissant leurs bâtons d’encens. Ici aussi se vénère le plus grand bouddha en pied, plus grand que celui de Pékin mais taillé dans cinq arbres différents.
Les fidèles achètent des cadenas sans clef accrochés à un câble pour symboliser leur lien à Bouddha. L’allée marchande est agréable avec des commerçants en costume d’époque. Notre nouvelle guide est difficile à comprendre. Repas de raviolis aux multiples couleurs et légumes verts frits (pois gourmands)
Bishu Shanzhuang, le palais d’été est bondé et pour les tours organisés les guides sont équipés de puissants mégaphones. Palais de palissandre, des pendules là aussi, des cloisonnés, des tableaux à base de matériaux nobles (jade, ivoire). Nous refusons la voiture électrique pour découvrir le paysage dans l’enceinte d’une muraille de 10 km de long. Nous marchons au milieu des biches, sur des chemins déserts. Nous poursuivons avec notre ancienne guide notre promenade dans la bonne humeur. Près du lac des bâtiments typiques sont ravissants, petits ponts, nénuphars, le parc tranquille est fréquenté par les familles. 6h : les portes vont fermer. Hôtel, douche, un orage que nous n’avons pas vu venir nous surprend en ce jour radieux.Sortie vers 19h 30, le ciel s’est calmé, promenade dans la ville, photos. Les gens nous regardent avec bienveillance, peu d’occidentaux en dehors des deux croisés à l’hôtel.
Nous choisissons le restau qui nous semble le plus chicos mais les employés d’un autre nous escortent et tentent un anglais incompréhensible, fous rires contenus, nous mesurons toute la difficulté à nous comprendre. La plus hardie des serveuses choisit pour nous 3 plats, à la fin timide et rougissante une autre s’essaye à dire 3 mots : adorable. Nous ne pouvons nous servir seuls ni bière ni le thé. Retour à l’hôtel avec litchis, fruits confits et nougatine à déguster dans les chambres.

mardi 8 février 2011

J’ai pas tué de Gaulle. Bruno Heitz.

…mais ça bien failli. Appâté par le mensuel « Memo », j’ai fait l’acquisition pour 17€ de la BD de Bruno Heitz dont les dessins à la ligne claire convenaient bien à la littérature enfantine, avec une bonne connaissance du milieu enseignant qui n’est pas si fréquente.
Nous sommes dans les années 50, en Lorraine, où un enfant peut se perdre pour de l’argent facile lorsqu’il rencontre un nostalgique de l’empire colonial français en voie d’être perdu. Les engrenages terribles de l’Histoire avec ce qu’il faut de comique et le tragique composent une histoire palpitante, où « Tout est vrai sans que rien ne soit exact » comme disait Simenon dont la citation ouvre un récit qu’il n’aurait pas renié.

lundi 7 février 2011

Abel. Diégo Luna

Sujet délicat puisqu’il est question de la folie d’un enfant. Celui-ci revient dans sa famille où mère et frère et sœur vont jouer le jeu du petit garçon qui se prend pour le père. Le jeune acteur au talent certain va servir de révélateur aux insuffisances criantes du vrai père quelque peu caricatural, également de retour dans la maison pittoresque. Nous sommes partagés entre le rire à l’occasion d’une comédie colorée et le malaise de voir la santé mentale des autres membres de la famille mise à mal par les souffrances d’Abel. Difficile de mêler la comédie et le drame. Je trouve qu’il y a bien des inconvénients quand les enfants sortent de leur rôles en général, j'ai été troublé par les aléas de la vie de cette famille mono parentale plus en mode « survie » que dans « le projet éducatif » comme on dit.
Abel va retourner au silence.

dimanche 6 février 2011

Leçon de jazz #3. Le blues et le boogie côté piano.

Emporté par sa verve, Antoine Hervé, le pianiste conférencier, ne s’est pas contenté de jouer en virtuose de son piano en variant à loisir les manières, mais il est allé jusqu’à l’imitation d’une voiture tunning version boum boum de la rythmique, en passant par la batterie et l’harmonica qui lui ont valu les applaudissements d’un auditorium comble. Le rappel joué « free style », venant pour remercier d’avoir si bien partagé sa passion, prolongeait notre plaisir. Il a évoqué Ravel, Stravinski, montré le passage du ternaire jazzy au rock binaire, expliqué la richesse et l’évolution des accords allant vers la complexité ainsi que l’usage de différents modes. La « blue note » garde pour moi tous ses mystères mais quand ma prof me dit que lorsqu’on va mal on a tendance à aller vers le bas, j’entrevois que certaines notes abaissées donnent sa couleur au blues. Le sujet se prêtait bien à la diversité des évocations, même si l’on aurait mangé toute le boite plutôt que goûté quelques pastilles.
« Les cigarettes que tu allumes l'une après l'autre,
Ne t'aideront pas à oublier, quand tu perds ton amoureux,
Tu es juste en train de brûler une torche que tu ne peux éteindre,
Mais tu es sur le bon chemin pour apprendre le blues. »
chantait Ella Fitzgerald
Le blues est une bluette, la plainte une complainte, le griot raconte des histoires où se croisent les musiques de l’Afrique, des Caraïbes. Les histoires personnelles partagées sont un acte social et dire que la musique de jazz, destinée au départ à faire danser, passa en mode salle de concert suite à une taxation des danseurs. Bien des pianistes ont appris à jouer en regardant des pianos pneumatiques ou mécaniques et l’inventivité née de la Nouvelle Orléans voyagea au rythme des trains vers Chicago. Le cheval scanda de ses pas le XIX° siècle, le staccato des bogies donna le « boogie-woogie » au XX°. Jagger et les londoniens surent dire la dette du rock envers le jazz. Même si « le guitariste de jazz est celui qui joue mille accords devant trois personnes alors que le guitariste de rock joue trois accords devant mille personnes. »

samedi 5 février 2011

Le blaireau et le roi. John Berger

J’avais envie de retrouver John Berger dont j’avais beaucoup aimé « Joue moi quelque chose », poignante chronique paysanne. Si l’anglais s’est posé depuis longtemps en Haute Savoie, c’est le monde au-delà des montagnes qu’il regarde avec finesse. Le peintre s’est fait écrivain et ses avis de critique font autorité. Cet ouvrage témoigne de la variété de ses connaissances, il dialogue avec Maryline Desbiolles, évoque Platonov et Darwich. Il milite pour la Palestine et a connu le sous-commandant Marcos. Tous ces échos enrichissent les 190 pages où des dialogues sur l’image, la résistance, les animaux voisinent avec des photographies, des citations de Rilke et de Spinoza, des poèmes, l’évocation de Van Gogh avec la mise bas d’une vache… J’ai préféré la courte nouvelle qui donne son titre au livre dans ce qui est une compilation comme on en voit beaucoup, certes sympathique mais un peu paresseuse. La sympathie dont il fait preuve quand il parle des paysans, le soin apporté aux mots pour leur faire exprimer tout leur jus valent cependant le voyage.
De Yves, son fils :
« Tout me traverse
Les berges coulent à mon rythme
Je les dessine
Et elles me font. »

vendredi 4 février 2011

Etats généraux du renouveau. 2011.

Nous avons de la chance à Grenoble de pouvoir assister depuis des années à des débats politiques grâce à Libé, nonobstant le « mercato » qui fragilise une presse écrite bien fatiguée. Du temps où les jours avaient une couleur, il nous arrivait de préférer un journal à un autre comme des supporters peuvent soutenir une équipe. L’époque est révolue : les proprios interchangeables décident de leurs capitaines qui passent d’un groupe à l’autre.
Notre « Piaffant Potentat » (l’appellation est de Patrick Rambaud) a abandonné dans notre ville son masque humaniste, alors l’initiative des journaux Libération et Marianne recherchant chez nous « une république pour tous » était opportune.
« L’éducation au civisme, l’égalité homme-femme, l’accès à un travail émancipateur, le combat contre l’injustice, l’acceptation du pluralisme, le refus de la marchandisation de l’homme et de son environnement ont fourni la matière première des ateliers et des débats. Traçant ainsi les contours d’un nouveau discours de Grenoble, entre Mendès et Jaurès qui dénonce le règne du fric, l’éloge de l’avidité, la dictature de l’urgence. Un appel à la résistance morale ».
Si les discussions sont en général de qualité, l’intitulé était tellement ambitieux (« Etats généraux du Renouveau ») que la satisfaction légitime des organisateurs quant au succès public (20 000 personnes) peut se nuancer : les politiques n’ont pas été tous des émetteurs d’idées allant vers un renouveau incontestable. A travers mon prisme restreint, il me semble avoir plus croisé de militants associatifs que de responsables politiques locaux.Mais bien des thèmes abordés fourniront de la matière pour alimenter ce blog pour plusieurs vendredis, jour politique, en essayant d’éviter les traits des « armes de distraction massive »suivant le bon mot de Fabio Geda dans Libé de samedi dernier. Avec plus de jeunes que d’habitude dans les fauteuils confortables de la MC2, ces journées ont été roboratives, même si l’ampleur de la crise qui explose dans tous les domaines peut nous accabler. Dans les huit débats que j’ai suivi à l’exception d’Anne Le Strat élue à Paris qui a impulsé la remunicipalisation de l’eau, les professionnels de la politique se reniflent de trop loin et j’ai essayé de les éviter, même si un Joxe qui apporte avec lui des convictions très années 81, honore encore la corporation. Je n’étais point dans les foules qui ont écouté Ségolène et Mélenchon - j’ai les mêmes à la maison - et dans les semaines à venir la rencontre avec Michel Serres qui a rempli l’auditorium sera relatée par ma copine Dany qui a été ravie : « vivons nous en temps de crise ? »
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dessin du Canard

jeudi 3 février 2011

Robert Campin, Roger Van Der Weyden.

Bien au-delà des biographies d’artistes ou d’une couche de plus à étaler concernant la peinture, Damien Capelazzi, conférencier étourdissant aux amis du musée, m’a fait découvrir des pages qui m’étaient inconnues quand les villes de Flandres dépendaient du duché de Bourgogne. Désormais je ne ferai plus l’impasse sur cette période de la fin du moyen âge dont me furent révélées quelques beautés renversantes, d’autant plus que les projections sur grand écran magnifiaient encore plus le travail de ces artistes qui opéraient souvent dans des formats modestes, d’une vingtaine à un soixantaine de centimètres.
C’est le temps des Philippe le Bon et de Charles le téméraire dit le Portugais, des heures riches du duc de Berry, des mariages patrimoniaux voire des réseaux ducaux autour des maîtresses. Alors que l’Italie renait autour des ruines antiques, une pépinière d’artistes a les faveurs de Dijon. L’art nouveau flamand ouvre ses fenêtres sur les villes contemporaines adopte les étoffes du présent. Les Flamands embarquent le réel avec eux ; leur rouge très humain cache parfois le bleu de la divinité sans l’évacuer. Avec l’huile, les visages s’assouplissent, les trognes s’éclairent.
Robert Campin dit maître de Frémaille ou maître de Mérode est un touche à tout et sa peinture aux drapés incisifs évoque la sculpture. Dans une Annonciation, une vierge au front épilé, aux cheveux défaits, reçoit l’ange venant d’atterrir dans un souffle divin qui éteint une chandelle et fait tourner les pages. Les corps sont suivis de leurs ombres et la suie est dans la cheminée.
Quand Marie, en d’autres occasions, donne le sein cela ne compte pas pour du beurre, et Jésus qui s’agite va-t-il recevoir une fessée ? Il est en position et Marie se chauffe une main. Dans un autre portrait l’œil du christ brille, c’est que peindre est une entreprise théologique. Mais aussi une adaptation au marché : cette Trinité n’est-elle pas une Pietà reconvertie où Dieu en personne serait venu se substituer à Marie? Lors des commentaires sur une descente de la croix dont le réalisme m’a broyé les os, j’ai appris que l’éponge vinaigrée était un accessoire fréquent dans les latrines et que Véronique (Vera iconica) la patronne des photographes qui recueillit l’image du visage du christ s’appelait en réalité Bérénice. Le patron des informaticiens étant saint Isidore de Séville.
Les miroirs aussi apparaissent pour faire le tour des personnages comme nous le permet le sculpteur.
Rogier de La Pasture naquit à Tournai en 1400, là où un de ses maitres Robert Campin, qu’il influencera à son tour, a fini sa vie. Il portera le nom de Van der Weyden.
Dans une magnifique descente de Croix, désormais au Prado, le corps du Christ est au centre de la composition et la Vierge, s'affaisse à côté de lui en écho à la position de son fils dont le sang coule vers le lieu premier de la circoncision, la main de vierge frôle le crâne d’Adam : la boucle est bouclée. La terre sera son dernier costume, sa mère avait été le premier. De lourdes larmes coulent sur le visage rougi d’une femme et c’est toute la douleur du monde qui est là.

mercredi 2 février 2011

Touristes en chine 2007. # J4. La muraille.

Départ pour Jinshanling qui n’est pas le plus éloigné des lieux pour aborder la Grande muraille ni le spot le plus couru par les tours opérators. Nous parcourons quelques centaines de kilomètres dans un brouillard qui nous empêche de profiter vraiment du paysage. La Buick à l’aile repeinte dans la nuit, dont les dépassements nous surprennent, roule sur la voie de gauche systématiquement mais respecte les limitations de vitesse. Les frontières de la capitale qui englobent la campagne correspondent plus à un district qu’à une commune.
Dans l’hôtel Jin Shan au pied de la muraille, nous est réservé un petit pavillon rien que pour nous avec trois chambres autour d’un salon. Nous nous promenons après quelques courses de bouche : eau et biscuits. Une escouade bien organisée de marchands de souvenirs silencieux mais bien présents, s’accroche à nous pour l’ascension, chacun le sien !
La grande muraille serpente à l’infini, ponctuée de tours surmontant le paysage semi-brumeux ; la réverbération est forte, heureusement le vent est bien présent. Il y a deux jours nous visitions la cité interdite, aujourd’hui nous sommes dans un lieu majeur de l’histoire du monde nous apprécions ce privilège et peu importe si ce monument est visible ou non de la lune. C’est une sorte de ligne Maginot qui a plus servi à ravitailler des contrées éloignées que défendu des mongols. Environ 10 millions d'ouvriers seraient morts pendant les travaux. Les livres parlent d’un dragon couché sur des collines : 8800 km avec des interruptions. Les chiffres varient mais restent dans des dimensions colossales. Les marches de taille inégales montent et descendent et recommencent. La pente est rude mais la route, suivant les crêtes, n’est pas droite. Nos « guides locaux » nous abandonnent avec la promesse que nous ferons affaire en bas. Nous croisons, surtout après la station d’arrivée du téléphérique, d’autres touristes, mais pas des hordes. Nous cassons une petite graine à l’abri frais d’une tour. Nous nous séparons : les plus gaillards poursuivent enfin à leur rythme, Danny redescend avec Diane qui pétoche autant qu’elle avec l’orage qui s’annonce, nous, nous flânons.Tonnerre, la brume s’estompe, le ciel noircit avec des pointes de lumière magnifiques, la vue se dégage et nous sommes seuls! Roulement de tambours dans le ciel, le ciel change de seconde en seconde, la muraille révèle ses teintes de briques, du gris au jaune ou rouge. Les paysages ressemblent aux peintures… chinoises, du foncé au clair pour les collines et montagnes. Nous prenons un chemin différent bien entretenu et empierré où la pluie nous surprend. Une maison abandonnée au bout d’un pont « à la chinoise » nous impressionne. A l’arrivée nos vendeurs sont là, le marchandage est souriant, tandis que notre comparse nous immortalise dans nos ponchos de Schtroumpfs. Le temps est breton : nous apprécions le silence, pas une voiture. Quelques voix lointaines et un coq ; nos sportifs reviennent bien contents et nous rédigeons nos cartes postales en commun. Il en manque toujours une quand on croit avoir fini : fous rires.Repas à 18h30 dans le restaurant de l’hôtel situé dans un bâtiment en contrebas. Vaste salle « communiste » à l’éclairage blafard avec petite scène de théâtre dont le décor représente bien sûr la muraille. Nous commandons des plats traduits vaguement en anglais, ce sera la surprise. Un vrai festin sans presque attendre : des pommes de terre râpées au goût de céleri à peine cuites et craquantes, du poulet aux haricots, de la viande au piment et cumin : fort mais excellent et de la viande sucrée pour farcir des tranches de tofu qui ressemblent à du cheddar ! Mifa, soupe aux noddles, bières, thé. Les serveuses s’ennuient derrière le comptoir. Il pleut. Nous profitons du pavillon, bavardages sous la galerie puis dans le salon pour faire le point des jours à venir, et discussions politiques. Il nous faut réfléchir sur la façon d’éclairer les lampes avant de nous allonger, tant les circuits sont inhabituels.

mardi 1 février 2011

Paul à Québec. Michel Rabagliati.

Prix du public à Angoulême, et ce n’est pas volé ! Rares sont les B.D. avec leurs allures rigolotes qui vous bouleversent, eh bien c’est le cas avec ce volume de 187 pages aux éditions la Pastèque.
Portant en série télévisée, j’aurai méprisé cette chronique de la vie heureuse d’une grande famille. Et pourquoi découpée en cases, je suis entré dans l’histoire de ces gens ordinaires ? Les assemblées y sont chaleureuses et les individus sympathiques. Bien des expressions de là bas ajoutent des couleurs : « Ils font exprès pour t’étriver p’pa… Achale moi pas toi ! » Les traits sont ceux d’un fin humoriste, le montage et les cadrages élégants permettent le recul qui mène à l’universel. On aimerait assurer aussi gentiment, efficacement et souvent joyeusement l’accompagnement d’un des piliers de la tribu qui arrive en fin de vie. Le temps a passé depuis la cabane à sucre dans la campagne, les jeunes ont déménagé, les petits ont grandi, le grand père fume ses dernières cigarettes. Le récit des années terribles de sa jeunesse a beau être violent, venant dans un moment apaisé d’une vie réussie, il participe à la plénitude de ces existences.
« Vieillir n’est pas drôle pantoute mon Paul, profitez de vot’ jeunesse, parce que ça passe vite en simonac, la vie. »