jeudi 31 mars 2011

« Les français peints par eux mêmes »

C’est ce qui figurait sur le billet de la conférence de Gilles Genty aux amis du musée, mais cette référence trop allusive à l’œuvre de Daumier ne rendait pas compte de la nature même du propos tourné vers la vie politique et les mœurs entre 1830 et 1900.
Les évolutions depuis les gravures sur cuivre ou bois de la révolution française ont permis grâce à la lithographie de dépasser les barrières techniques et de mettre au devant de la scène, les artistes. L’expressivité en est augmentée et l’interaction entre recueils et journaux pourra se déployer. Ainsi l’hebdomadaire intitulé « Le Monde Plaisant » accueille Lavrate qui ne manque pas de verve, mais le titre d’une autre feuille « La Caricature Provisoire » montre bien la fragilité de la liberté d’expression et Grandville qui met en scène des animaux trouve ainsi un moyen de jouer avec les limites.
« La liberté guidant le peuple », celle de Delacroix, elle-même, attendit dans les réserves du Louvre de 1830 à 1848 ; le bonnet phrygien de la belle dépoitraillée était jugé d’un rouge trop vif.
Après avoir collaboré à « La Silhouette », et « La Caricature », Daumier dessine pour « Le Charivari » une série inspirée par un personnage de théâtre très populaire : Robert Macaire. « L’incarnation de notre époque positive, égoïste, avare, menteuse, vantarde… essentiellement blagueuse. » L’acteur Frédéric Lemaître avait eu l’intuition géniale de transformer le mélodrame intitulé « l’auberge des Adrets » en comédie, et il improvisait chaque soir à partir de l’actualité.
La peinture classique est parodiée, et monsieur Thiers, en angelot écartant les branchages au dessus d’un Endymion plus enveloppé que l’original de Girodet, nous fait encore sourire.
La satire s’exerce directement à l’égard d’autres artistes : ainsi l’enterrement à Ornan de Courbet réduit à sa signature gigantesque devant quelques virgules blanches et un chien de la famille d’un Snoopy fatigué, en est la victime.
De « Grelot » en « Canard sauvage » les titres se multiplient. André Gill qui donnera son nom au cabaret « Le lapin agile » (là peint A. Gill) travaille pour « La Rue » de son ami Vallès qui l’égratigne par ailleurs.
Vallotton amateur de Daumier aimera les simplifications de celui dont Baudelaire disait qu’il était : « l'un des hommes les plus importants, je ne dirai pas seulement de la caricature, mais encore de l'art moderne. » Il travaillera lui aussi l’efficacité du trait, dans la frontalité vis-à-vis d’une humanité où le noir du fusain affronte un blanc de papier.

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