jeudi 10 février 2011

Bruegel et Bosch : le sacre des proverbes et des délires incarnés

Bruegel, le flamand, s’est nourri des paysages, des rochers, des ruines en leur écrin italien et cette nature va occuper l’espace de ses toiles.
Icare qui vient de plonger dans la mer devient anecdotique, le laboureur au premier plan épluche la terre comme un fruit. La mythologie est dépassée, le dialogue s’installe avec le vivant, la terre.
Les mages en route vers l’adoration représentaient les trois âges, ils apparaissent comme venus de trois continents et l’enfant présenté au monde, se retourne effrayé vers sa mère, bien qu’ils viennent de déposer de l’or à ses pieds. Pressent-il le Golgotha ?
Dans la cour, où jouent les enfants les petites filles font déjà tourner leurs jupes.
Les proverbes et les expressions constituent une encyclopédie foisonnante du quotidien.
La lutte entre Carnaval et Carême expose des corps estropiés, l’écho des querelles religieuses retentit.
Dans le suicide de Saul, l’image saturée se libère.
Les archanges révoltés qui suivent Lucifer (celui qui porte la lumière) vont vers un monde effrayant.
Dans la représentation de Babel, chaque goutte de peinture exprime la vie
et le christ pliant sius la croix, noyé dans la complexité de l’image, porte un message subtil :
Dieu peut se rencontrer parmi les hommes, comme dans le tableau du dénombrement où la divinité se cache; la vierge est sur un âne.
Les activités agricoles situent la place de l’homme dans la nature et l’anonymat des acteurs nous permet d’entrer dans l’histoire. L’hiver marque une pause dans les activités, loin des pestilences de l’été que les feux de la Saint Jean ne dissiperont pas.
Bosch est également un érudit délicat, sa connaissance des racines des images s’est enrichie de la fréquentation de grands mystiques de l’époque. Son imagination foisonnante qui a fécondé nos iconographies surréalistes contemporaines a pris sa source dans le fantastique des enluminures moyenâgeuses, dans les tissus venus d’Asie qui transitaient par Venise, voire dans les monstruosités de Michel Ange. Malgré son originalité qui continue à nous étonner, il ne fut pas un hérétique; le très catholique Philippe II fut un de ses clients.
« Il prend les formes anciennes et les fait rouler vers le nouveau ». La formule est de Damien Capelazzi qui nous a régalés une fois encore aux Amis du musée car il n’est pas forcément aisé de rafraichir notre regard face à ces monuments de la peinture européenne.
L’escamoteur, c’est bien le diable et l’extraction de la pierre de folie nous épate encore.
Un loup se tient à côté du miroir qui entretient l’orgueil, il porte une coiffe. Les sept péchés capitaux sont capiteux, pas loin des délices qui éclateront dans le jardin qui leur est dédié.
L’univers sous une sphère cristalline figure sur le triptyque refermé.
Les battants une fois ouverts, Adam qui arbore un nombril occupe l’Eden et un vol d’oiseaux creuse le paysage, une chouette, celle qui voit dans l’obscurité, est au centre d’un œil, mais des créatures sombres venues du fin fond des âges perturbent le cloisonnement des panneaux où le plaisir et la douleur vont se mêler, les trois règnes se confondre parfois dans des êtres hybrides, des animaux végétalisés, des fraises énormes, des corps tourmentés jusqu’aux instruments de musique qui torturent, un corps sert de battant à une cloche, le maître des enfers défèque les âmes qu’il vient d’ingurgiter. Les performances du numérique nous permettent d’aller au plus près d’une vie après la mort tellement grouillante : mieux qu’en vrai ! Mais si je retourne au Prado, je regarderai mieux.

1 commentaire:

  1. fichtre ou sapristi pourquoi ton blog est-il ecrit en si minuscule police peux pas tout lire
    marité

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