mardi 30 novembre 2010

La vie d'Augustine#4

La guerre 14-18 était terminée : on arrivait à mieux se nourrir. Mais il a fallu attendre deux ans avant d’avoir un approvisionnement plus varié.
L’été on allait glaner le blé pour nourrir les lapins. Mon père acheta un demi cochon qui fut mis au saloir.
On allait aussi aider les fermiers au moment du ramassage des pommes de terre. On n’était pas les seuls car c’était pendant les vacances. Mais il nous arrivait aussi de manquer l’école pour profiter d’une récole de patates. Les fermiers nous donnaient les plus petites. Ma mère en faisait cuire à l’eau et on les accompagnait avec du hareng saur. C’était un bon repas.
Mon père faisait de gros pâtés quand il y avait le cochon. Il préparait le saindoux avec sel et poivre. On étalait le saindoux sur de grandes tartines tirées de pains de quatre livres. Au retour de l’école, c’était bien bon.
Il nous arrivait aussi d’aller sur les terrils où les mineurs déversaient les déchets et la terre remontés du fond. En triant, nous trouvions des morceaux de charbon. On avait des sacs exprès pour porter ce charbon. Souvent des gens étaient blessés et même tués par le contenu des bennes qui déversaient leur chargement en haut du terril. On s’arrangeait pour travailler de l’autre côté de la benne mais ce n’était pas facile.
Un jour, je suis rentrée avec une blessure au pouce à la main droite. Sans désinfection, cela a tourné au panaris. Ce que j’ai pu souffrir ! On essayait un tas de remèdes, en vain. Une voisine, Félicie et son amie Adèle ont dit à ma mère, en cachette de mon père, qu’il fallait me faire un pansement avec de la bouse de vache !
Finalement mon père m’a envoyé au dispensaire avec ma soeur Marie-Louise. On m’a ouvert le pouce, quel soulagement ! Je ne dormais plus depuis plusieurs nuits.

lundi 29 novembre 2010

Potiche.

Quand un film est trop vanté, je crains la déception.
Par exemple : la danse de Depardieu avec Deneuve, la scène risque d’être éventée.
He bien pas du tout !
Je fais partie de la cohorte qui se dit « pas fan de Deneuve et qui l’a adorée dans ce film » (dans Indochine itou). L’évocation des années 70 permet les caricatures gentilles et une efficacité dans le scénario avec des rapports de classe bien démarqués, des rôles dans les couples bien marqués et des surprises possibles.
C’était du temps des comédies de boulevards, des chansons sentimentales auxquelles on croyait.
Le succès du film d’Ozon n’est pas seulement celui d’un casting en platine : les monstres sont à la hauteur. C’est une comédie vraiment réussie. Je me suis revu comme au temps de Ségolène, quand elle fut tellement moquée avec sa Fraternité, de cette foule sentimentale, comme celle qui est emmenée par Deneuve sur « c’est beau la vie » de Ferrat. Je m’étais trompé d’époque, avec d’autres. La salle s’est rallumée, et nous sommes plongés dans le noir.

dimanche 28 novembre 2010

Out of context for Pina. Platel.

De l’importance du placement au moment où la lumière s’allume sur la scène : en étant dans les premiers rangs à la MC2, j’ai pu apprécier l’investissement des membres de la troupe de Platel qui dansent avec les doigts de pieds, les yeux et avec la langue, ils claquent des dents. Cette intimité est émouvante vers ses corps qui ont enlevé leurs habits de ville pour se revêtir parfois de couvertures. Les danseurs impressionnants jouent de leurs tendons, de leurs articulations dans des postures originales, des mouvements inventifs et réglés admirablement. La salle se lève d’enthousiasme au final. Si j’ai retrouvé des allusions à Pina Bausch avec les frôlements, les pas de peu dont l’intensité nous envahi peu à peu, je n’ai pas saisi la folie dans les gestes primordiaux des acteurs à la maigreur impressionnante pour certains. Nous ne sourions pas forcément aux mêmes choses. Alors que des commentaires évoquent l’humour de cette représentation, mon tempérament me porte à voir surtout de la souffrance, de la solitude, du tragique. Les régressions se dépassent furtivement, et s’il y a bien quelques accents techno, je retiens surtout le dépouillement, un battement intermittent qui ne porte pas à de chaleureuses effusions mais plutôt à une réflexion sur nos pauvres conditions d’humain.

samedi 27 novembre 2010

Le Monde diplomatique en bandes dessinées

Le Monde diplo, c’est pas des rigolos.
Eh bien, quand ils confient leurs préoccupations, leurs analyses à des dessinateurs de BD, c’est intéressant et pas triste, quoique.
Le récit d’une dessinatrice sud coréenne sur son pays d’origine où les évènements dans la durée se lisent à travers ses passions est vraiment pédagogique.
La critique de Christian Vaneste, homophobe militant, ne méritait peut être pas autant de place cependant le ton « rubrique à brac » est adéquat pour ridiculiser les propos du député UMP.
Toutes les facettes de la BD sont représentées :
Le mystère avec l’évocation de mythologies dans le Caucase,
La dialectique pour envisager la fermeture de la bourse,
Une biographie d’un héros de l’insurrection du ghetto de Varsovie, genre histoire de l’Oncle Paul,
Un roman photo pour une fiction où Bernard Arnaud viendrait prendre le café chez des ouvriers qu’il a licenciés,
La ligne claire pour décrire les difficultés de réfugiés à Marseille,
Une fiction pour mieux faire sortir le réel dans un aéroport,
alors que l’évocation de Beyrouth est poétique.
Par contre le retour du mammouth laineux en Sibérie, comme le récit de l’assaut israélien contre la flottille qui se dirigeait vers Gaza, sont trop chargés en textes. La lecture en serait facilitée avec des caractères d’imprimerie. Et je ne dis pas cela seulement parce que ma vue s’affaiblit, je suis comme les adolescents qui ont de plus en plus de mal à lire des écritures manuscrites, celles-ci leurs sont désormais moins familières que Garamond.
Les planches garnies de bulles à partir d’une intervention de Nadine Morano font ressortir le côté burlesque s’il n’était tragique des propos d’une de celles qui tient le crachoir au comptoir de notre république bien esquintée.

vendredi 26 novembre 2010

Des chiffres et des lettres

Fifi et Lolo sont dans un bateau.
Des enfants de maternelle ont été filmés lors de débats « philosophiques », mais la philo en terminale S est menacée. On requiert de l’autonomie à quatre ans, pendant que Tanguy prend son temps. La crise économique pèse sur certaines situations où faute de travail, de logement, les jeunes ne prennent plus leur envol, mais la crise est aussi éducative et la confusion des mots recouvre celle du sens.
Quelques voix suggèrent de primariser le collège, alors que le maquillage devient un acquis de plus en plus précoce dans les compétences des collégiennes aux sacs Longchamp. En philo on passe justement son temps à définir les mots et dans ce monde qui ne tourne pas rond, ce n’est pas vouloir maintenir un pré carré où n’auraient droit de penser que quelques lettrés que de préciser : si la discussion est le moteur des apprentissages, il me semble ridicule de parler de philosophie en maternelle. Je suis toujours preneur de mots d’enfants mais ceux que j’ai déjà mis en ligne sont venus spontanément dans le jeu de la vie et non extraits de procédures artificielles. Comme le disait une amie « nous les traitons en petits hommes en oubliant qu'ils sont des petits d'homme » : il faut avoir été petit, si l’on veut grandir. Je m’inquiète davantage de cohortes de collégiens démotivés élevés au biberon de l’enfant roi et fatigués avant d’avoir esquissé leur premier pas.
Les notes traumatiseraient les élèves pendant que nos vies seraient suspendues à des agences de notation. Ce refus d’accepter une note, c’est comme le bavardage de ceux qui annoncent : « je ne porte surtout pas de jugement de valeur » pour en général introduire un avis bien salé. C’est l’air du temps qui pourtant ne cesse de classer les lycées, les hôpitaux, de casser les stars académiciens. C’est l’indifférenciation revendiquée qui sélectionnera plus impitoyablement sur des non-dits, l’indifférence avec chacun sur sa planète où n’accèdent aucun avis, ni remarque, ni critique.
Bien de ces mots connotés mettent à bas, en ce moment, leur sens et le bon sens, et des débats incessants autour de l’école érodent la confiance de ses acteurs entre eux et minent leur aplomb personnel, en éloignant toute approche pragmatique.
Le mot « travail » est il encore prononçable pour des élèves ?
Ces notes, tout dépend de l’usage qui en est fait, elles peuvent être une indication parmi d’autres dans une ambiance constructive, mais néfastes pour les plus faibles dans une atmosphère de concurrence. Elles valent mieux que le sabir technocratique qui a envahi les livrets d’évaluation mais ne remplacent pas une expression personnelle de la professeure des écoles. J‘ai même failli dire « maître », c’est que j’essaye de maquiller mon âge. Pourtant à suivre des débats avec certains qui parlent de « zéro pointé » alors que je ne sais même pas ce que c’est ce « pointé », après toutes mes annuités dans la maison Mammouth. Les bras m’en tombent, de tant de bavardages caricaturaux.
Au pays gouverné par la politique du chiffre où les agents de pôle emploi, les personnels de santé, de sécurité, sont calés dans les starting blocks des statistiques, nous sommes étourdis par tous les zéros qui s’alignent sur les lignes des financiers.Le chiffre se sent quelque peu mol. Après les mots les chiffres ne disent plus rien.
Les scandales en ondes entretiennent un spectacle permanent et le public s’habitue.
Comment peut on avancer la notion de valeur (morale) quand les exemples viennent d’en haut qui font pousser dans les potagers scolaires des chardons et des courges : délinquance et abêtissement ?
Faut-il se réclamer d’un Platon en petits pots à quatre ans, parce que not’ résident de l’Elysée a lui d’infantiles réflexes ? On le disait « hyper président », mais il n’est pas sorti de la séquence du téléspectateur. Le mépris qu’il ne mégotte pas pour les journalistes se justifie à tous coups.
« Je n’ai pas entendu votre réponse » qui a dit ça ?
Pas les petits marquis tout contents contents d’être dans la lumière, mais c’est lui qui pose les questions, lui, le garant de not’ république répudiée.
Le majordome de Betancourt a eu plus de dignité que ces larbins.
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Dans le cahier livre de Libé, une phrase du philosophe Walter Benjamin:
"Articuler historiquement le passé ne signifie pas le connaître "tel qu'il a été effectivement", bien plutôt devenir maître d'un souvenir tel qu'il brille à l'instant du péril"
Un dessin du Canard de cette semaine:

jeudi 25 novembre 2010

Nues. Renaissance.

En peinture, le nu féminin est l’incarnation de la beauté et à la période de la Renaissance les corps apparaissent.
Botticelli expose les potentialités de la féminité avec ses trois grâces: la beauté, le don de soi, la pureté. Vénus est au centre, c’est la quintessence de la civilisation méditerranéenne dans une pose christique.
Puis Venise la cosmopolite, plus pragmatique prend le pas sur Florence plus cérébrale et religieuse.
La Vénus de Giorgione aux yeux clos est sans culpabilité, une Eve sans péché.
Elles s’appellent toutes Vénus, mais celle du Titien a les yeux bien ouverts et dans une autre toile lorsqu’il représente l’amour sacré, la femme est dénudée, alors que l’amour profane disparaît dans les plis de sa robe. Suivrons nous le conférencier Christian Loubet qui joue avec l’orgue qui sonnerait avec orgasme pour un tableau à destination de Charles Quint qui ne l’entendait peut être pas ainsi ?
Véronèse multiplie les miroirs et Vénus apaise Mars. C’est le personnage de Diane, la femme de pouvoir, qui devient tendance. A Mantoue, Parme, les maniéristes jouent encore avec Danaé adolescente, Léda, mais les prétextes des titres mythologiques sont dépassés.
Bronzino peint des éros ambigus et Julio Romano dans le palais du Té a peint la vie compliquée de Psyché où en milieu olympien, Zeus ne manque pas de vigueur.
Les élèves français de l’école de Fontainebleau eurent beau refroidir la beauté, les visages de Gabrielle d’Estrées ou de Diane de Poitiers, et leurs tétins mignons, sont ceux de la beauté éternelle.

mercredi 24 novembre 2010

Inside job.

Dans Libération le film figurait à la page économie, alors je me suis dit, avec des images, je vais peut être mieux comprendre cette crise des subprime de 2008, d’autant plus que le même quotidien précisait ces jours que l’aide à l’Irlande n’allait point aux Irlandais mais aux banques. Au niveau de la gouvernance économique c’est « on continue comme avant », en pire puisqu’ils n’ont rien appris, les cyniques, les autistes anti-sociaux.
Les commentaires de ce documentaire, sur fond de belles vues de Manhattan, sont sous titrés en blanc parfois sur blanc ce qui n’a pas aidé à ma compréhension. Les titres et qualités des personnes interrogées paraissent furtivement et un effet comique s’installe quand on arrive à la dizaine de responsables qui n’ont pas souhaité répondre aux interviews. C’est également amusant de présenter ce film réalisé par Charles Ferguson avec Christine Lagarde, DSK, et Matt Damon aux commentaires d’une réalité cruelle. Nous ne sommes pas vraiment à l’intérieur de ce boulot, c’est une suite d’entretiens, mais celui qui interroge est plus pugnace que les larbins de chez nous, sans la verdeur d’un Michael Moore ni la pédagogie d’un Al Gore dans « Une vérité qui dérange », ses interlocuteurs voient leur mauvaise foi révélée, leurs affirmations fausses débusquées.
Parmi mon lot d’incertitudes, j’ai quelques constantes comme celle de militer contre le cumul des mandats ; dans ces milieux de la finance, le mélange des genres, les conflits d’intérêt entre universitaires, politiques et autorité d’irrégulation sont une raison d’être.Ils vont même jusqu’à jouer contre leurs clients.
Entre Wall Street et Washington c’est la ligne directe : les conseillers sont les PDG de ces banques qui se gavent encore et encore depuis les dérégulations de Reagan jusqu’à - eh oui - Obama.
Rappel : l’Islande était un paradis, après un épisode de libéralisation sauvage, elle a été le lieu premier de la révélation d’une crise qui a été plus grave que celle de 29.
« 2,7% des américains vivent sous le seuil de pauvreté : 37 millions de personnes »

mardi 23 novembre 2010

La vie d’Augustine.#3

Je suis entrée à l’école à 6 ans. Cela a été une grande joie pour moi d’apprendre à lire et à écrire. J’y mettais tout mon cœur car je voulais devenir institutrice.
Dans nos jeux nous jouions souvent à ce que nous voulions faire plus tard. Comme c’est bizarre qu’à cette époque on n’avait aucune possibilité de faire des études.
Les quelques institutrices que j’ai eues, je les trouvais déjà âgées.
Peut-être mon imagination d’enfant ?
Le matin on nous faisait d’abord une leçon de morale avec tout ce qui s’en suit. Je trouvais cela très bien car nous étions de petits diables.
Vers l’âge de 10 ans j’ai eu une institutrice qui m’a prise en affection : elle avait peut-être pitié de ma maigreur. Elle habitait dans l’école. Elle me demandait de venir un peu plus tôt le matin et me conduisait chez elle devant un grand bol de lait sucré et des tartines beurrées avec de la confiture. Il ne fallait pas surtout que j’en parle et je m’en gardais bien. Mais Nana a fini par avoir des doutes !
Tous les ans il y avait la fête des écoles. On chantait, on dansait.
Il y avait une sorte de loterie. Le dispositif comportait deux poteaux auxquels était fixée une corde. Les institutrices accrochaient des cadeaux, récupérés auprès de bénévoles, à ce fil. On nous mettait un bandeau sur les yeux. On nous laissait à 7 ou 8 mètres : avec des ciseaux on essayait de couper les ficelles auxquelles pendaient les cadeaux. Une institutrice m’avait mise au courant, me signalant la ficelle que je devais couper. C’est elle qui nous mettait les bandeaux pour sa classe. Naturellement j’avais un œil qui voyait un peu. J’ai fait celle qui hésitait pour ne pas semer le doute. Mon paquet était le deuxième à droite : il y avait un cadeau pour chaque enfant.
Je suis partie avec mon paquet à la maison et quand le l’ai ouvert j’ai trouvé une belle robe bleu marine avec un col blanc. Je m’en souviendrai toujours car je portais les restes de mes sœurs aînées et des fois on avait des colis pour les familles nombreuses. De la Croix Rouge probablement.
Les tabliers noirs étaient obligatoires. Les nôtres étaient tout simples, parfois trop grands, parfois trop petits.
Dans le nombre, il y avait des enfants plus riches, eux étaient plus coquets. Nous, on s’en fichait bien.
Il y avait une école de bonnes sœurs plus bas que la nôtre. C’était pour les classes supérieures, les enfants des commerçants. Mais ils n’apprenaient pas mieux que nous. C’était beaucoup de prières, matin, midi et soir !

lundi 22 novembre 2010

Lost person area

Les titres de film sont désormais en anglais, celui-ci convient tout à fait à la description d'un no man’s land. Allure de western sur un chantier où s’achemine l’électricité vers nos villes pour ce film belge de Caroline Strubbe. Seuls des pylônes ponctuent un paysage absent, la lumière des baraques signale un brin de vie, de bruit, de chaleur furtive. La violence du travail électrise les rapports familiaux où les adultes en déplacement ne trouvent pas leur place. Une enfant dispose ses petites pierres poétiques mais elle est abandonnée des grands. Un sentiment de malaise m’a poursuivi une fois le drame accompli. « Tape-la, tord-lui le cou, et dis-lui au revoir » chante la petite.

dimanche 21 novembre 2010

Les"pains-coings"

Elisabeth avait contribué à ce blog avec la recette d ‘une terrine de lapin qui est une des pages des plus visitées; elle suggère cette recette pour utiliser ces fruits qui sont le parfum de l’automne :
« On prend des coings parfaitement sains, on les lave, on ne les épluche pas, on coupe un peu le haut et le bas, pour qu'ils tiennent debout, on prépare une pâte à tarte, on la découpe en carrés - ou ronds ou ovales - on pose un coing entier sur chaque morceau de pâte, on referme bien en " collant la pâte " pour que ce soit pas hermétique, mais presque et on met au four pendant 40 à 45 minutes. Et on déguste tiède. On n'ajoute pas de sucre, le coing en contient assez. Bon appétit ! A bientôt. Elisabeth. »

samedi 20 novembre 2010

Vous dites grandir. Albert Thierry.

Sous sa couverture de papier cristal, avec des bords de page irréguliers, ce livre offert, édité par la maison « L’amitié par le livre », a tous les charmes. Il s’agit d’un recueil d’écrits pédagogiques, de contes, de poèmes parus dans des revues, celles de Péguy ou « La Vie Ouvrière » de Monatte, voire extraits d’un ouvrage intitulé « l’homme en proie aux enfants » ou « le sourire blessé » qui ne positionnent pas cette compilation dans la bibliothèque rose ni au rayon rigolade. Bien que l’humour affleure parfois : « Ce misérable mange donc du papier ? Il parle comme une affiche ». Mais en tous cas c’est un bel ouvrage où la présence de la nature est forte. « Seuls les sapins demeuraient impénétrables : leurs pyramides opaques faisaient des torches de ténèbres ; et l’on pensait involontairement, puisqu’ils noircissaient déjà le jour, que c’étaient eux qui devaient répandre la nuit. »
Et lorsque l’instituteur syndicaliste caractérise un de ses élèves en « regardeur de nuages », sûrement en était-il, lui, de cet enfant qu’il recherche avec application dans sa vérité d’enseignant. Si ses poèmes, où il se voit« assaillis par les hyènes », me semblent trop exaltés, il est intéressant de mesurer le temps qui nous a éloignés de ces fratries penchées sous la lampe, avec des enfants qui parlent comme des livres. La proclamation de l’amour dans la relation pédagogique est incongrue aujourd’hui où le mot pédophile est plus usité que celui de pédagogue. Les souffrances d’Albert Thierry peuvent paraître surjouées alors que ses écrits depuis les tranchées de la première boucherie mondiale sont distanciés. Il mourra au front. Les dilemmes de celui qui risque de sortir de sa classe sociale en paraissant obsolètes, confirment la perte de dignité des classes populaires : l’arrivisme individuel serait l’autre nom de l’ascenseur social. Les parfums du passé ont des séductions faciles dans les décombres présents mais une fois refermé l’ouvrage moelleux et parcourant un article du Libé du jour concernant une danseuse, Germaine Acogny : « la pédagogue ne forme pas des petits Acogny mais des personnalités », j’avais compris qu’il en était de même pour Albert Thierry, fiévreusement. " Je consens que des idéaux de ma jeunesse vous fassiez un fumier pour les vôtres."

vendredi 19 novembre 2010

Culture, qu’attendre du numérique ?

Le meneur de jeu au forum Libération en interpelant Bruno Racine le président de la BNF(Bibliothèque Nationale de France) sur la numérisation des œuvres écrites risquait de restreindre le débat, mais la finesse du débatteur partagée avec JL Martinelli directeur du théâtre des Amandiers, permettait d’aller au-delà de cette question.
La fréquentation des œuvres rares est décuplée par Internet et le spectacle vivant recherché encore plus par les spectateurs les plus connectés. La pérennité des productions sur support numérique est problématique, pourtant ce mode préserve les ressources de la planète.Le jour où les chinois atteindront la même consommation de papier que les japonais, la production mondiale n’y suffira pas.
Autre chiffre vertigineux : Google c’est 14 million de clics par seconde.
Il est indéniable que la révolution d’Internet est un progrès capital, sa diffusion est instantanée et universelle, et le pari sur l’intelligence collective a été une avancée fondamentale.
Pas plus que la radio, la télévision n’a annulé les formes culturelles précédentes, reste la hiérarchisation des biens de la pensée qui ne sera pas décrétée du haut d’une chaire.
Les critiques de théâtre en particulier ou celles des romans sont assez conformistes, à mon avis, contrairement au cinéma où les commentaires prospèrent;un symptôme préoccupant qui attesterait que ces domaines ne sont plus l’objet d’enjeux essentiels.
La mise en commun tourne parfois à la banalité et le grand nombre ne fait pas émerger forcément l’originalité, le singulier ; encore que sur le plan musical, des pépites courent le web - parait-il.
Les producteurs généralistes de pensée que sont les journaux sont menacés et spécialement les pages culturelles et les critiques.
Est-ce que le contenu est défini par l’outil ?
Comment garder l’autonomie de production quand ils dépendent des moyens de diffusion ? Comment vivre de son activité intellectuelle ?
Nous participons à un autre monde. Un dessin du "Canard" de cette semaine.

jeudi 18 novembre 2010

Jean Dieuzaide

Jean « Dieu z » comme dit Michel Tournier dans la préface du livre consacré au photographe gascon : « Un regard, une vie ». L’octogénaire disparu en 2003 a contribué à sortir la photographie des arts mineurs : « école du regard, qui redouble le monde sous nos yeux pour mieux le faire comprendre ». Si sa gitane au regard fier qui donne le sein était accrochée à ma mémoire, c’est la diversité de ses productions qui est remarquable. Ses reportages, ses paysages du Lauragais avant les « vus du ciel » d’Arthus Bertrand, ses portraits, ses images industrielles et ses architectures jouent avec la géométrie par des cadrages inédits et rigoureux. Ses natures mortes élégantes et mélancoliques recèlent quelques pépites colorées d’autant plus éclatantes que le noir et blanc fut sa couleur tout au long de sa traversée du siècle.

mercredi 17 novembre 2010

Par avion. Sempé

A New York Jean Paul Martineau pose son regard, loin des nappes à carreaux du bistrot où monsieur Lambert le parisien avait ses habitudes : dans Manhattan, on mange sur ses genoux ou alors on se fait livrer des repas chinois à domicile. Et pourtant sur la couverture c’est un french cuistot avec sa toque et son petit vélo, le panier de légumes sur le porte-bagages qui est le seul vivant au milieu des gratte-ciels plongés encore dans la nuit. Les chapitres mettent en scène des précieux ridicules du côté de central Park « il existe encore des femmes comme ça ! », la convivialité artificielle à coup de « keep in touch » (Garder le contact), ou l’esprit positif surjoué des américains fussent-ils bobos
« C’est dans la poche ! »
Sempé garde son vélo pour saisir cette humanité qu’il regarde toujours avec tendresse.
Aussi pertinent au pied des buildings qu’au bord des murettes des pavillons de banlieue.

mardi 16 novembre 2010

La vie d’Augustine.#2

Et puis il y a eu les bombardements des mines. Le plus affreux c’était la nuit. Un jour, il est tombé un obus en haut de notre rue en plein milieu. Les vitres et portes ont volé en éclats. Comme les maisons du coron se soutiennent les unes les autres, elles ne sont pas tombées. Une petite fille qui était assise devant sa porte a disparu : on n’a jamais retrouvé son corps.
Les obus tombaient dans les jardins. Sitôt l’alerte, mon frère Arthur nous prenait, une sur son dos, l’autre devant et on partait se mettre à l’abri. Mon père n’a jamais quitté la maison. Il ne voulait pas non plus que l’on emmène Lucienne qui couchait dans la chambre de nos parents. Lui, étouffait dans les abris ! Pauvre père ! C’est lui qui gérait tout car notre mère ne savait ni lire ni écrire et chez les commerçants elle se faisait toujours avoir. Mon père l’appelait « sans bile » ce qui signifiait sans responsabilité.
Elle nous tenait bien propres : une fois par semaine, aidée par mes aînées, elle nous donnait un bain dans un demi tonneau. On faisait chauffer l’eau dans de grandes lessiveuses. C’était la même chose pour mes frères quand ils rentraient de la mine. Ils étaient si noirs et il n’y avait pas de douches à la mine. On avait une réserve d’eau dans un grand tonneau pour récupérer l’eau de pluie avec laquelle on faisait la lessive ce qui nécessitait moins de savon.
On avait une petite remise dans le jardin. C’est là que qu’on se nettoyait comme beaucoup de grandes familles. Il y avait un petit poêle à charbon.
Pour se chauffer, les mineurs avaient droit à du poussier c'est-à-dire des débris et poussières de charbon. L’hiver on était livré par quinzaine et l’été chaque mois. Un tombereau tiré par un cheval déversait le poussier devant la maison. Nous le poussions vers le trou de la cave. Il fallait le faire dans les deux heures qui suivaient la livraison. Pour nous éclairer nous avions les lampes à pétrole.
Les corons étaient construits en briques rouges qui devenaient marron puis noires avec le temps. On mouillait le poussier pour en faire des sortes de briquettes. Il fallait une bonne braise pour que le poussier s’enflamme : on perçait un trou au milieu de la briquette pour faciliter. Nous avions des poêles adaptés à ce genre de combustion.
On les importait de Belgique. Ils étaient larges devant avec une grille plus bas pour poser et chauffer les pieds. Mon père s’occupait d’entretenir le poêle l’hiver.
On était tous réunis et heureux d’être ensemble : c’était quand même une belle vie. On appréciait les bons moments de la vie quand il y en avait !
L’électricité n’était pas pour nous..

lundi 15 novembre 2010

Les rêves dansants sur les pas de Pina Bausch.

Quel beau cadeau, à bénéfice réciproque, ont pu offrir ces adolescents à Pina Bausch pour son ultime spectacle ! La bienveillance des répétitrices permet à la fraîcheur de la jeunesse de réinvestir des émotions passées de la créatrice. Les répétitions pour dégauchir les gestes amènent au dépassement de chacun, avec son histoire singulière : work in progress. Des moments de grâce. Au-delà d’une technique, d’une posture, une monitrice qui a créé un personnage doit transmettre son savoir à une jeunette déjà blessée par la vie. L’ambiguïté de la relation est dépassée par la générosité des unes et des autres. Le film aborde bien des complexités et rend la dynamique de l’art de la dame de Wuppertal dont le visage émacié s’éclaire quand elle parle de Paris. L’impassibilité qui est demandée souvent aux acteurs donne alors du prix à son sourire. Les jeunes n’ont pas besoin d’être très maquillés, leurs pommettes rosissent aux premiers pas. Cette pièce dansée s’appelle Kontakthof, la chorégraphe dit : « Kontakthof est un lieu où l’on se rencontre pour lier des contacts. Se montrer. Se défendre. Avec ses peurs. Avec ses ardeurs. Déceptions. Désespoirs. Premières expériences. Premières tentatives. De la tendresse, et de ce qu’elle peut faire naître. » Exactement. La vie dansée.

dimanche 14 novembre 2010

Home

L’espace gris bleu de la scène du petit théâtre de la MC2 s’ouvre au-delà d’un asile qui serait situé dans une île : nous sommes avec trois hommes et deux femmes dans cette aire à parler du temps pour nous rassurer, à nous appliquer à trouver un cousin qui a vécu la même chose, à vitupérer, à regarder le monde, à débarrasser des chaises. La causette pour se recoudre. J’essaye d’éloigner un romantisme indécent fasciné par la folie parce qu’elle irait au-delà des convenances, des apparences. Je me suis senti concerné par cette mise en scène de Chantal Morel d’une pièce de David Storey adaptée par Duras. Beckett ou Ionesco peuvent être convoqués, mais les personnages ne m’ont pas parus comme des véhicules d’une conversation philosophique, leur fragilité m’était proche. « Comment avoir le temps d’avoir un passé ? » peuvent-ils se dire, eux qui cherchent à l’enfouir ce passé et se le jettent au visage, en remplissent des mouchoirs.

samedi 13 novembre 2010

Y a-t-il un bon niveau d’inégalité sociale ?

Avec un tel titre, la dernière livraison de « Books » avait de quoi appâter l’amateur de journaux. Ce mensuel parle de livres du monde entier, en choisit des extraits comme Courrier International avec les journaux. Sa couverture reprend un Marx à lunettes de soleil, imité de l’atelier Grapus qui annonçait ainsi une fête de l’Huma il y a quelques décennies.
D’autres titres m’ont aussi accroché : « Badiou et Finkielkraut, archaïques » « que vaut le vote de l’ignorant ? », mais je suis méfiant ne voulant pas retomber dans ma déception avec l’hebdo Marianne et ses titres racoleurs pour des articles décevants.
La page 2 est apéritive avec un sommaire original, composé de phrases extraites des articles: « le mathématicien extraverti est celui qui regarde vos pieds quand il vous parle ».
« Nous ne voyons pas ce que nous ne cherchons pas ».

Les rubriques habituelles sont toujours aussi intéressantes : cette fois la liste des best sellers en Chine, où en marge des guerres napoléoniennes, un livre anglais sur des bandes de brigands qui semaient la terreur de l’Espagne à la Calabre.
Concernant le dossier sur les inégalités, je suis resté sur ma faim. Ce ne sont pas les histogrammes qui manquent, mais les articles contradictoires mettent en doute les interprétations des données statistiques, à qui l’on fait dire ce que l’on veut, ou l’on tait des évidences ou des paradoxes qui voient que dans certains pays les plus égalitaires, le taux de délinquance est le plus élevé. Cependant le livre « The spirit level » « Le bon niveau », pourquoi les sociétés plus égalitaires font presque toujours mieux, est stimulant et Hervé Le Bras, qui est interviewé, voit la nature de l’état providence déterminante pour le bonheur des citoyens en rappellant que :
« La France est par excellence le pays intermédiaire de l'Europe où les traditions du Nord (héritage égalitaire, droit coutumier, égalité des sexes, exogamie, pouvoir des jeunes) rencontrent les traditions du Sud (héritage inégalitaire, droit romain écrit, séparation des sexes, endogamie, pouvoir des vieux). »
Ils parlent aussi de Wikileaks qui prétend combattre pour la transparence mais cultive le secret.
Le monde est ben compliqué, ces 100 pages ne le rendent pas plus simple, mais apportent d’autres éclairages, loin des larbins du 20h.
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L'association "Grain de sable-Graine de sagesse" réalise un mandala de sable pour SAKINEH condamnée à mort par lapidation en Iran au Gaia-store 6 rue Alsace Lorraine Grenoble
du lundi 15 novembre au samedi 20 à 18h où il sera dispersé.

vendredi 12 novembre 2010

Faut-il empêcher les riches de s’enrichir ?

J’ai retrouvé une copine perdue de vue depuis trois décennies à ce débat de Libé à Lyon, parce qu’elle en avait estimé l’intitulé rigolo. C’est plus accrocheur que l’objectif du millénaire de l’ONU qui prône « l’élimination de la pauvreté ». Et Rony Brauman a bien raison de souligner : " le creusement jusqu’au vertige du fossé entre les riches et pauvres qui est la marque de ces trente dernières années dans le monde appelle d’autres réponses que celles du conservatisme compassionnel sous-tendant les objectifs du millénaire. L’amélioration de sort de l’humanité passe moins par la réduction de la pauvreté que par la lutte contre les inégalités. Pour que les pauvres soient moins pauvres, il faut que les riches soient moins riches ".
Son interlocuteur, Claude Alphandéry, trouve lui aussi que « les politiques libérales de dérégulation au profit des plus riches ont eu des effets dévastateurs sur l’emploi, l’environnement, les niveaux de vie… »
Et l’on pourrait aligner les formules :
« L’inégalité nuit gravement à la santé »Wilkinson,
ceux qui ont échoué, reçoivent des rémunérations mirobolantes et« se tournent vers les E.U. pour les salaires des dirigeants et vers la Chine pour les salariés ».
Chercher un mot plus précis pour remplacer « durable » qui s’épuise à s’accoler avec développement ; « soutenable » ferait l’affaire.
Ecarquiller les oreilles quand on nous rappelle que l’écart des revenus qui était de 1/20 dans les années 60 est passé à 1/500.
Envisager un revenu maximum qui serait à « encapsuler ».
Mais quand on constate que seulement 56% des français sont opposés au bouclier fiscal, on peut mesurer que la propagande est redoutable: quand les riches prétendent payer 50 % d’impôts: «Ils payent au maximum 20 %, car le revenu fiscal est minoré. »
Nous sommes hébétés.
L’état s’est appauvri entre 2000 et 2009 de 119 milliards.
Pour ajouter quelques zéros dans cette barque,
sous le titre « ceux qui font la dette, défont les retraites »,
Attac rappelle d’après les chiffres du Conseil d’Orientation des Retraites
que l’ensemble des niches fiscales en France représente 75 milliards d’Euros de perte pour le budget de l’état alors que le déficit du régime des retraites pour 2010 est de 10,7 milliards d’Euros…
Nous avons perdu cette bataille, encore.Dessin du Canard Enchaîné de cette semaine.

jeudi 11 novembre 2010

Le calendrier des postes.

Aux murs de fermes obscures, je me souviens d’images uniques : celles du calendrier des postes.
Et je ne peux m’empêcher que se superposent à ce clou, les silhouettes voutées de l’Angélus de Millet.
Moi, fils de plouc, ne me défilant pas derrière les bannières à faucille, je trouvais pourtant bien niaises ces icônes. Aujourd’hui, que je me suis un peu frotté d’art contemporain - on est toujours le kitch de quelqu’un - ces paysans pionniers des produits dérivés, remuent ma boîte à étiquettes.
L’Angélus enraciné vaut, me semble-t-il, autant pour son ciel que pour sa terre.
Les chatons ou les paysages d’automne que distribuait le facteur sont enserrés désormais dans des cadres clignotants sur nos buffets sans poussière.
En ces temps impitoyables, les chatons se portaient à la rivière, mais présentement la tendresse et les lumières qui dégoulinent dans nos undisclosed adresses disparaissent sous la profusion.
Derrière la page cartonnée où se résumait une année, le vieux garçon marquait le jour où il avait emmené vache au taureau. Les bateaux de pêche carmin attendaient au port en des eaux émeraude, où le Guste n’irait jamais.
Le facteur sonne-t- il encore par chez vous, au moins une fois ?

mercredi 10 novembre 2010

J 10 à New York. Le Queens

Nous destinons notre dernière visite au Queens, avec comme but le Moma, extension de celui de Manhattan appelé aussi PS 1(Public school). Nous y parvenons grâce au métro G, et nous débouchons dans un quartier en travaux d’où nous apercevons la forme reconnaissable du Chrysler building, notre préféré, sur l'autre rive. Nous sommes sur Jackson avenue, la rue du Moma bis que nous trouvons facilement. Nous faisons le tour du sévère bâtiment rouge, ancienne fabrique d’agrafes selon les guides, ancienne école aussi comme l’annoncent les frontispices. Grille close, le musée n’ouvre pas avant midi. Il est 11 heures, le temps est beau, nous patientons en marchant vers le quartier grec.Tout d’abord de l’autre côté de la rue nous jetons un œil sur le grand entrepôt graffé, tagué de bas en haut et sur toutes ses faces sous l’égide de 5 pointz ou 5PTZ.com, seul bâtiment touché par cette débauche de couleurs et sans doute amené à disparaître au profit d’immeubles arties ou résidentiels. Nous longeons Jackson avenue en direction de Queensboro bridge jusqu’à un nœud routier bruyant où s’entremêlent les poutrelles des passerelles. Nous rebroussons chemin car la 21street que le guide Evasion signale comme quartier grec et méditerranéen n’est pas à côté. Nous prenons conscience de l’échelle du plan. Nous n’atteindrons pas le quartier Steinway où subsistent peut être des fabriques de piano. Avant de gagner le PS, nous nous restaurons dans un Deli coréen, self service de plats cuisinés et goûtons une diet root bier inoubliable qui donne l’impression de boire de l’Hextril.
Nous nous rinçons la bouche à la cafétéria neuve du Moma PS avec un expresso, deux gâteaux au chocolat délicieux et un cheese cake insipide. L’entrée du musée est gratuite car seul un étage est visible, les autres sont fermés au public pour cause d’installation.
Le lieu lui-même est intéressant : les couleurs des murs de briquettes s’écaillant ont été conservées et des milliers de pas ont donné une patine aux marches d’escalier cimentées. D’autres escaliers méritent l’appellation cages d’escalier, à cause de grillages protecteurs. Des artistes ont peint les murs de scènes en noir ou collé des paysages d’arbres à un étage, de tremblements de terre au 2nd. Mais l’exposition essentielle réside dans la présentation de vidéos, classées chronologiquement. Nous commençons avec le ballet mécanique de Fernand Léger, Ray et Anteil, entracte de René Char, Picabia et Satie pour nous orienter progressivement vers des visions plus masochistes : hula hop en barbelé qui meurtrit le corps d’une femme, œuvre d’une Israélienne ; femme qui se mange un sein à la cuillère simulé par un melon, humoristique : acteur qui imite un bébé et s’aventure en couche culotte au milieu de la rue, témoignages, performances : superposition de corps nus au sommet d’une montagne pour la hausser d’un mètre… Nous circulons ensuite sur des planchers recouverts entièrement de 33 tours en vinyle noir aux étiquettes multicolores.Nous renonçons à prendre le métro aérien vers Manhattan car l’heure tourne et nous avons rendez-vous à 16h chez Emma. Derniers préparatifs et un taxi, belle voiture noire sans sigle apparent arrive. Nous faisons nos adieux à nos amis.Notre chauffeur indien d’Inde s’inquiète du numéro du terminal où nous devons nous rendre. Nous ne sommes pas en mesure de répondre, alors il correspond par téléphone tout au long du trajet, se faufilant dans la circulation dense vers JFK Airport. Nous trouvons la réponse à sa question sur la route grâce aux panneaux explicatifs qui répertorient les compagnies d’aviation selon les terminaux. 45$ plus tard, nous enregistrons nos bagages, passons le contrôle de sécurité pour lequel nous avons acquis de l’expérience, sans chaussure ni ceinture. Il nous reste 3h 30 d’attente, occupées par la lecture, l’écriture. Nous mangeons un tacos monstrueux dont nous avons du mal à venir à bout à deux. L’avion est à l’heure. Bien installés, nous dormons en toute quiétude. Le transit à Madrid nous impose un nouveau contrôle de sécurité, chaussures, ceinture et tout le bintz. Je retrouve avec plaisir l’Equipe et Libé et découvre avec bonheur le livre « Seul le silence » de Ellory que ma femme vient de finir. Elle crève de chaud et s’achète un T-shirt couleur locale : « Bad Toro ». Embarquement et arrivée à l’heure à Genève, la navette pour Grenoble part toutes les dix minutes (43€ la place). Les personnes auxquelles nous avons à faire paraissent moins courtoises.
………………
Je termine ici l’exploitation du carnet de voyage de mon épouse. Les semaines à venir, je prolongerai les plaisirs de ce séjour par des évocations de films récents ou de livres où il est question de New York, avant un retour sur notre voyage en Chine de 2007.

mardi 9 novembre 2010

La vie d’Augustine.#1

Augustine Marie Joseph née en 1912 est décédée en 1999.
A l’attention de ses enfants, petits enfants et arrière petits enfants, elle a laissé trois cahiers dont un de poésies.
Née dans le Pas de Calais à Auchel dans le Pays minier, elle a pris son stylo à bille en 1978 afin de relater l’histoire de sa vie. Elle a quitté l’école avant d’obtenir son certificat d’études primaires, ce qui était le cas de la plupart des enfants de mineurs. Mais son caractère joyeux, son énergie, son sens de l’observation, son humour ont guidé la rédaction de souvenirs sans misérabilisme.
Les travailleurs du charbon étaient fiers de leur condition de mineurs.
Certes, pauvreté allant jusqu’au dénuement quand le nombre d’enfants était important mais ciment familial, solidarité gages de survie.
La fratrie d’Augustine ( 11 enfants ) n’a connu aucun décès.
Je suis sa fille aînée à qui elle a confié ses écrits. Je les ai saisis me contentant de corriger l’orthographe et la ponctuation.
Ses textes sont écrits sans ratures : de simples ajouts très rares.
Document illustrant un passé ouvrier, la lutte opiniâtre pour améliorer sa condition, « s’élever » socialement, devenir son propre patron.
Les grandes guerres aussi comme des vols de vautours sur l’innocence des agneaux.
Si des jeunes lisent les fragments publiés par Guy que je remercie de tout mon cœur au nom de ma mère disparue, ils découvriront combien forte était la soif d’apprendre chez les enfants de mineurs. Aujourd’hui l’Ecole est parfois vécue comme une punition par les ados dans nos pays privilégiés.
« Il va falloir recruter 9,1 millions d’enseignants d’ici à 2015 … pour combler la pénurie et assurer la scolarisation de tous les enfants de 6 à 11 ans
selon le dernier rapport de l’Unesco sur la demande mondiale… »

« Le Monde » 4 octobre 2010.
Marie Treize
Nous poursuivrons la publication de ses écrits en plusieurs épisodes,les mardis qui viennent.La vie d’Augustine.#1
Du temps de mon père, quand les mineurs toussaient, on disait qu’ils crachaient leurs poumons.
La vie devenait très dure. Les ouvriers commençaient à se révolter. Ils s’attaquaient aux hommes politiques surtout (Poincaré). On sentait la guerre venir. Il y a eu des assassinats. Heureusement, Clémenceau était pour la classe ouvrière : il nous aidait mieux.
Mes aînés travaillaient, aidant la famille à vivre car la retraite de mon père ne suffisait pas. Mais le docteur était gratuit pour les mineurs (Les Mines, propriétés privées avaient un dispensaire pour les familles de mineurs).*
Ma mère et mes sœurs, Sophie et Jeanne, faisaient des lessives : pas de machines à laver !
Cela se faisait dans de grands tonneaux sciés en deux. Chaque moitié était équipée d’un battoir accroché à la paroi. On le manipulait de droite et de gauche. Et toute cette eau qu’il fallait transporter depuis la pompe avec les jougs…
Maria, la mère de Lucienne prenait des cours d’infirmière tout en travaillant.
Nous n’avions pas de W.C. dans la maison. Le « cabinet » était au fond du jardin.
C’était souvent la galopade : il fallait faire la queue. Parfois on allait dans le cabinet du voisin qui était collé de dos au nôtre.
Le réservoir à excréments était une cuve en bois qu’il fallait vider de temps en temps
Nous-mêmes car il n’y avait pas de vidangeurs dans les corons. On vidait les caisses dans un trou du jardin comme toutes les familles des corons. Cela se faisait surtout l’hiver. Il fallait avoir une sacrée santé !
Mes frères reconnaissaient l’odeur des voisins. Ils disaient : tiens, chez les Vylérie, ils vident leur merde. On reconnaît leur parfum !
Et pour nous c’était pareil, puisque l’on ne pouvait pas faire autrement.
Mais il fallait voir comme nos légumes étaient beaux !
On recouvrait les trous avec de la paille et des épluchures et ça nous donnait un excellent fumier que l’on répartissait dans tous les jardins par roulement.

* Note du transcripteur

lundi 8 novembre 2010

« Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu. »

Mais non ce n’est pas dans ce film où Carla Bruni a tourné; le bel inconnu c’est un autre, tous les autres, que l’on s’invente, alors allons voir le Woody Allen de l’année.
L’éternelle confrontation des illusions à la réalité crée le comique. La citation de Shakespeare concernant la vie « pleine de bruit et de fureur » sonne bien solennellement et touche au grotesque quand il s’agit du simple déchaînement de pathétiques démons de midi, de treize où onze heures.
Un vaudeville, comme on ne dit plus, un film choral, léger, avec des silences, des hésitations qui sont la patte du maître. Anthony Hopkins se paye une blonde de salle de gym, son ex se console avec les prédictions d’une voyante et du whisky, sa fille aimerait bien Banderas mais elle arrive trop tard, le mari de celle-ci réalise son fantasme avec la fille sublime d’en face qui joue de la guitare dans sa robe rouge, mais la suite sera sûrement foirée, donc drôle, si Allen poursuivait encore cette histoire de paumés, pleine de désillusions. La citation complète sur « la vie racontée par un idiot », se termine par : « qui ne signifie rien ».

dimanche 7 novembre 2010

Aldebert.

Quand les feuilles mortes, qui n’ont pas résisté à l’appel de l’automne, se font pousser par les souffleurs, il se peut, que attirés par quelque nouveauté en CD sur les présentoirs impératifs de la Fnac, vous cédiez à de la chanson française qui mêlerait rock et poésie.
Aldebert m’a ainsi fait de l’œil depuis son trapèze avec son titre « j’ai dix ans » qui sentait le Souchon. Je m’efforce d’aller vers des musiques inédites mais je trouve que le fils du dessinateur de Paris Match dont les chiens allaient au « restaurant réservé aux nonosses et banquets » ne vaut pas Bénabar dont il assurait une première partie, et s’il n’est pas aussi politique que Jamait, il n’a pas non plus la gouaille de Sansévérino dont il peut se réclamer aussi. Elevé au Brassens, ce bisontin ne manque pas d’énergie mais comme il est d’usage maintenant que lorsque vous avez un bon jeu de mots il convient de le répéter, cela peut lasser :
« L’étoffe des héros, paraît-il, n’est qu’un vieux tissu de mensonges. »
« Dis moi qui te suis, ma chérie, je te dirai qui je hais »
« L’homme descend du songe »

Par contre « j’ai tourné sept fois ma langue dans sa bouche » c’était déjà entendu.
Oui, nous sommes au temps où les dames sont aux Camel light et si « milite » rime avec « instit », ce n’est pas indispensable de tomber dans le cliché avec la maitresse qui récupère tous les pots de yaourts. Chanteur d’une génération qui n’est plus la mienne avec des notations enfantines qui me paraissent plus régressives que tendres et des paniques de vieillir qui manquent d’originalité. Il est de la fratrie à Jeanne Cherhal, Renan Luce, dont l’humour, l’humilité sauvent bien des redites. Il lui sera beaucoup pardonné et on pourra même goûter avec jubilation une parodie de rap avec la Madeleine Proust sur « le deux cinq »où la saucisse est de Taumor, où on roule tout Doubs et avec « tout ce qu’on entend et qu’on nous dit pas » il n’y plus qu’a se joindre aux ritournelles entrainantes: « tout le monde debout sur le zinc ! ».

samedi 6 novembre 2010

XXI. automne 2010.

Les villes choisies pour le dossier de cet automne « Des villes et des hommes » ont plutôt des couleurs crépusculaires. Certes de sympathiques potagers sont cultivés dans la ville de Détroit,mais ils poussent parmi les ruines de la cité de l’automobile. Toyota city est encore florissante, mais l’on pressent la fin, derrière une organisation trop bien pensée. L’autre agglomération au Québec qui vivait des mines d’amiante, s’effondre littéralement. La démarche est plus positive d’habitude chez mon chouchou trimestriel.
Par contre Guillebaud qui retrouve un ancien fixeur éthiopien trente quatre ans plus tard nous offre une occasion de nous remémorer et de voir que tout récit ne se clôt pas forcément de façon tragique.
Un anglais dans un récit graphique rend un banal voyage en camion en Iran tout à fait intéressant.
Le retour sur une émission qui avait attiré l’attention : « la mise à mort du travail » est utile.
XXI soulève aussi souvent le voile sur des injustices ignorées : cette fois des esclaves en Bolivie qui ont essayé de se révolter. Un photographe a suivi une troupe d’acteurs d’Opéra en Chine et Phil Casoar, un ancien d’Actuel revient sur la mort d’un jeune phalangiste, alors qu’Ariane Chemin nous conte une histoire en Corse qui tourne mal, mais c’est bien tourné. Nous faisons connaissance d’un ancien compagnon de Castro, un sacré personnage.
210 pages. Avec toujours une bibliographie et filmographie attractives en fin de reportage, nous avons tout pour prendre du plaisir surtout que pas une page de publicité ne s’interpose. Nous sommes vraiment ailleurs mais pas à l’abri de l’effarement face au monde tel qu’il va, voire encore un peu plus saisis.

vendredi 5 novembre 2010

Quand le local cale.

Claude Dilain, le maire PS de Clichy-sous-Bois : « On doit faire face à une perte de confiance extrêmement préoccupante vis-à-vis du politique. C’est beaucoup plus grave que le nombre de voitures brûlées ». Si lui aussi en est à ce constat, en ne se mettant pas à part, dans ce désaveu, alors qu’il n’a pas renoncé à sortir sa ville du marasme où l’a plongé le pouvoir central depuis des décennies : c’est que le mal est profond.
La gauche est reconnue pour ses compétences sur le plan local.Cette réalité en arrive à être d’autant plus cruelle dans notre périmètre local à nous, puisque les électeurs ne savent plus mettre le « bon » bulletin dans l’urne. Nos élus minoritaires au conseil municipal, contraints à la figuration inintelligente, pensent que pour regagner des voix, il suffit de courir après toute protestation et surtout ne produire aucune idée qui puisse tracer une autre voie.
On a tellement dit que la gauche était idéaliste qu’il ne suffit pas d’endosser la tenue de l’opportunisme pour récolter les faveurs des citoyens qui ne sont pas si bêtes. La pertinence d’une démarche politique ne se valide pas à la dose de cynisme qu’il aura fallu mettre en œuvre, mais elle gagnerait en crédibilité en acceptant des paroles qui ne soient pas que des flatteries ni des renoncements.
Lors de la dernière réunion publique concernant le tram les élus d’en face et d’à côté ne se sont pas montrés bien persuasifs, ne cherchant même pas à convaincre. L’arrivée d’un moyen de transport moderne et structurant enfin sur l’axe nord de l’agglo est une chance. Les verts approuvent quand même la construction de logements indispensables, mais point trop n’en faut quand même, et la maire dit « s’asseoir à côté » de ses administrés, sur la défensive pour la plupart à cette réunion organisée par le SMTC, où elle a par ailleurs des responsabilités.Double casquette de plomb.
Quand il y a des bénéfices électoraux à tirer de l’intercommunalité, les élus ne vont pas s’asseoir derrière l’appareil photo, pour ce qui est d’avancer des convictions fortes, chacun laisse les techniciens aller au charbon. L’ancien maire, de gauche, a , lui, ergoté sur l’emplacement d’une station qui mettrait la poste à 200 m de l’arrêt le plus proche ; nous sommes à l’arrêt.

jeudi 4 novembre 2010

Ce que nous devons à l’Afrique.

Je crois, que si j’avais eu encore des élèves, je serais allé avec eux à cette exposition qui dure jusqu’en janvier 2012, même si la profusion de textes mérite une préparation pour simplifier l’approche. C'est d'une triste banalité de constater l’ignorance qui est attachée à ce continent, ce choix du Musée dauphinois est utile. L’originalité des présentations à Sainte Marie d’en haut s’est peut être un peu émoussée à mes yeux, mais le parti pris de montrer de nombreux panneaux sur des tissus qui évoquent les tentes des déserts est dans la lignée d’une muséographie qui séduit sans être tapageuse.
J’ai été plus attiré par les très belles photographies des hommes de la vallée de l’Omo en Ethiopie par Hans Sylvester que par les panneaux de déclarations d’Edgar Pisani. Des visages superbes s’encadrent de végétation, mais ce sont des images ultimes d’un monde qui meurt.
Alors que les communautés Italiennes, arméniennes ou maghrébines de la ville ont eu droit à leur exposition sur leur vie ici, celle-ci est consacrée à l’Afrique en général.
De Lucy qui témoigne que la femme africaine « est entrée dans l’histoire » depuis un bon moment, jusqu’aux sénégalais montés dans le Vercors résistant. Notre héros local, Barnave, l’homme des droits de l’homme, n’était pas partisan de la fin de l’esclavage contrairement à l’abbé Grégoire. Où j’ai appris aussi que le maréchal Randon qui a donné son nom à une avenue de la ville olympique fut gouverneur en Algérie.
Le recours à des œuvres d’art contemporain, dont celle de Moridja Kitenge Banza qui compose une chorale à lui tout seul, filmé nu trente fois en train de chanter un hymne composé de plusieurs hymnes, est intéressant. En inversant la question initiale développée tout au long du parcours avec la carte des gisements de matières premières et l’évocation de royaumes prestigieux, le rappel de la dette dont le compteur a beau périodiquement retomber à zéro, est stimulant.
Cette réalité est plus forte que toutes les bonnes intentions, et les beaux bijoux dans les vitrines que valent-ils, quand pour se désaltérer, il n’y plus que le sang d’une vache efflanquée à boire ?

mercredi 3 novembre 2010

J 9. New York. De devantures en devantures.

Ce matin est lumineux, embaumé par les lilas de la maison voisine.
Le Woolworth building, notre première destination du jour n’est pas loin d’une station de métro. Son style néogothique est inattendu pour un bâtiment de 60 étages dont l’accès nous est refusé par un vigile élégant, courtois, mais ferme. A côté, des manifestants sont parqués sur le trottoir derrière des barrières surveillées par des policiers. Ils brandissent des pancartes et scandent des slogans avec conviction dans le style calls and répons africains : "raise your head » (relevez la tête). Nous comprenons vaguement le sens de leurs revendications; il est question d’éducation, de corruption et de réformes estimées insuffisantes.
Il est facile de se repérer dans la ville en quadrillage. Nous reprenons notre route vers Ground zéro. Devant une grande croix érigée en souvenir de twin towers et ses victimes, nous attrapons le bus M1 qui traverse une bonne partie de Manhattan jusqu’à Madison Square Garden.
Nous commençons par la grande poste accessible par un escalier monumental en gradins sur lesquels les gens prennent le soleil, d’autres s’entrainent à l’art du dessin appuyés sur de grands cartons. Nous pénétrons dans un hall tout en largeur par une porte à tambour, son style rappelle celui de grand Center Terminal. Un vigile nous interdit de photographier. En échange il nous fournit un texte où l’on apprend l’action décisive de Richelieu dans l’invention du courrier postal.
Nous traversons ensuite la route et entrons dans le mythique Madison Square Garden, « le jardin des rêves », vide à cette heure. Des photos commémorent les passages des VIP des sports, du spectacle : de Buffalo Bill au pape. Au sol, des plaques commémoratives honorent quelques grands noms.Nous ne sommes pas très loin à pied du grand magasin Macy’s. Nous y pénétrons et profitons des élévators jusqu’au 8° étage, non stop, en espérant profiter d’une vue élevée sur le quartier, ce qui n’est pas le cas. Le magasin ne présente pas d’intérêt architectural particulier, les enseignes et les marques se rapprochent de celles des galeries Lafayette. Seul détail marquant : la survivance de vieux escalators en bois.
Il est temps de se restaurer et sur la 8° avenue nous rentrons dans un Deli Alp Farm. Nous nous servons directement dans des emballages en plastique. Nous payons au poids et nous mangeons à l’étage avec vue sur la rue. Nous payons pour cinq le prix d’un seul repas au Métropolitan Muséum.
Nous retournons à Times Square grouillant de monde avec un nombre important de policiers qui encadrent « the earth Day » et ses manifestations. Nous nous dirigeons ensuite vers le Rockefeller Center. En l’espace de quelques minutes, le ciel s’obscurcit libérant quelques gouttes, juste au moment où nous atteignons le gratte ciel. Nous ne nous éternisons pas sur la place carrée entourée de drapeaux, nous passons à nouveau une porte à tambour, pour nous abriter dans le hall monumental et sombre. Le marbre en impose et la décoration en réfection se compose de fresques dont le style se situerait entre Goya et Michel Ange, ponctuées de citations. Nous prenons le Métro pour Chelsea, ce qui nous permet de visiter le degré inférieur de l’immeuble rempli de restaurants, de petites boutiques et d’un local dédié au cirage de chaussures. Assis sur des chaises en hauteur, les businessmen parcourent leur journal et consultent leur I pod tandis que des employés en tablier rouge soignent les chaussures qui leur sont confiées.
Encore une fois un homme se détourne de son chemin pour nous mettre sur la voie du bon métro : nous descendons à la station 14 Street, pile en face du magasin Dave’s adresse recommandée pour les jeans Lewis, par un familier de Big Apple. Il s’agit des stocks d’années précédentes cédés à des prix imbattables, 30$ l’un. Nous faisons nos emplettes dans ce grand magasin presque vide. Nous causons avec un vendeur sénégalais, américain depuis quatre ans, positif, vantant aussi la beauté de son pays d’origine.
Dehors le temps fait des caprices, nous nous abritons dans un magasin de sport et pratiquons des sauts de puces de devantures en devantures pour revenir à Times Square sous un ciel presque bleu. Nous poursuivons le programme établi ce matin, direction Pier 83 entre la 43° et la 42°. Nous trouvons facilement le « Circle line » au bord de l’Hudson. Nous finissons par comprendre qu’un ticket payé donne droit à un ticket gratuit et que le tour dure 2h. Nous achetons finalement 3 passages valables pour 5 et embarquons après une fouille vite faite. Nous sommes ravis par la vue sur les buildings des deux côtés de l’Hudson, encore différente de celles appréciées du haut de l’Empire State Building, depuis la plateforme d’un autobus ou à pied le nez en l’air dans les rues de NY. Le bateau chemine autour de la pointe sud de Manhattan, poursuit sous le pont de Brooklyn et remonte encore. Les lumières du jour déclinant peignent le ciel de teintes fabuleuses, sur lesquelles se détache la skyline newyorkaise. Les gratte ciels s’allument peu à peu à tous les étages au mépris des économies d’énergie mais pour notre plus grand plaisir. Au retour le bateau s’approche de Miss Liberty, protectrice. Il fait froid sur le pont mais cela n’entache pas notre appréciation d’un moment grandiose. Nous débarquons à 21h, enchantés et refroidis, mangeons vers la 8° avenue un burger King, des frites, des oignons en beignets et rentrons à Jefferson street.

mardi 2 novembre 2010

Mon voisin de table de dessin est digigraphiste

Des couleurs d’une enfance au bord de la Méditerranée, en passant par les vapeurs acryliques, Etienne Bonillo, propose aujourd’hui des éditions en tirages limités en digigraphie.
Ce sont des photographies agrandies de ses œuvres et reproduites par impression de jets d'encre sur toile.
Ces lithographies numériques valorisent ainsi les productions à crayons et pinceaux.
Le jovial artiste participe activement aux ateliers de l’ACDA du côté de Grenoble et expose essentiellement sur la côte d’azur, en PACA. Un voyageur.
Ajoutant ainsi des pixels à sa palette, ses toiles accèdent à une seconde nature.
Jean Marc Lozano, chargé de cours à l’université, dit à son propos :
« l’artiste construit son épanouissement dans des créations impressionnistes ou l’œil du contemplatif se doit de construire cette image déracinée de son double »

lundi 1 novembre 2010

Nostalgie de la lumière. Patricio Guzman

Que cherchent les astronomes depuis le désert chilien de l’Atacama avec leurs télescopes braqués vers les univers les plus lointains ? Ils explorent le passé puisque les lumières observées datent de millions d’années, comme les veuves qui remuent le sable à la recherche des os de leurs maris disparus dans les camps de concentration de Pinochet. Déterrés leurs restes ont été parfois jetés en mer pour que ce passé ne laisse pas de trace. Un beau film où les années lumières constituent l’unité adéquate alors que des mesures de temps plus humaines vont vers l’oubli. A l’heure de la dématérialisation des corps morts, la quête des femmes de quelques poussières, illustre la nécessité absolue de pouvoir « faire un deuil » qui leur a même été refusé.
Péchée sur un autre site, cette citation de Kant convient parfaitement à ce film : "Le ciel étoilé au dessus de ma tête, la loi morale au fond de mon cœur…" 3000 morts et disparus, plus de 30.000 personnes torturées, des milliers d’exilés ; la dictature du général Pinochet dura 17ans.