vendredi 30 avril 2010

Mouton.

Le livre de Richard Morgiève commençait bien : « la semaine dernière le Président a déjà supprimé la quatrième semaine de congé et la dictée. Le mois prochain ça sera peut être l’accent circonflexe et les cancers de confort, on verra. » Il y a bien ces petites pastilles sur l’actualité mais qui passent aussi vite que quelques jeux de mots sans saveur, alors comme le personnage central s’appelle Mouton, les occasions s’accumulent jusqu’à l’indigestion. Une fois traversée la rue Christine Angot qui fait l’angle de la rue Yannick Noah, je me suis très peu intéressé à une histoire qui voit un double méchant venir importuner celui qui fait profession de nettoyer les cadavres dans une entreprise de pompes funèbres. Le jeu avec les polices de caractères étire un texte qui finit par devenir pénible avec une violence, une grossièreté qui ne donnent même pas d’énergie, ni de couleurs à un destin déprimant.

jeudi 29 avril 2010

Botticelli.

Le parcours même de Sandro Di Filipepi dit « Botticelli » suit les progrès et les régressions de la renaissance. J’étais resté à la surface des ses grandes œuvres :« Le printemps », « La naissance de Vénus » tellement connus qu’on ne les voit plus, sans connaître les autres.
« La naissance de Vénus » reproduit tellement les formes du baptême du Christ que le scandale était prévisible, même s’il s’agit de la reproduction d’une statue toute en pudeur qui appartenait aux Médicis. Si le florentin est surtout un graphiste, les cheveux de Vénus représentent le feu parmi les quatre éléments du célèbre tableau et « Le printemps » est un calendrier à lui tout seul qui se lit de la droite vers la gauche et se veut une synthèse entre le christianisme et le platonicisme avec ses valeurs antiques qui feraient accéder au Bien par le Beau. Ces valeurs nouvelles allaient bien à la nouvelle classe émergente : les bourgeois. Mais Savonarole, qui finira dans les flammes, fit amener, auparavant, des colifichets, des tableaux au bûcher des vanités. Et ce sont des enfants en brigade qui font régner un moment l’ordre moral avec les foules promptes à se punir. Les manières nouvelles de Botticelli oublieront la joliesse des nus, il peindra une délaissée derrière une porte, une crucifixion très noire et repentante, de même que « la calomnie » représente une Vérité sans éclat, supplantée par une femme vêtue de bure noire. Le soleil s’éteint, les visages se cachent.

mercredi 28 avril 2010

J 30. Angkor : « Des racines et des pierres »

Deuxième jour dans Angkor, sous le signe du soleil.
Après avoir passé les guichets de l’entrée principale, nous révisons les monuments d’hier en les longeant et continuons la route vers le Preah Khan : l’épée sacrée en khmer.
Il s’agit d’un monastère, une université où enseignaient 1000 professeurs. Pour nourrir tout le monde, 15 tonnes de riz étaient récoltées par jour. Encore aujourd’hui Sothy, notre guide, nous apprend qu’un cambodgien mange un kilo de riz par jour, surtout ceux qui travaillent aux champs (En 2000, la consommation annuelle de riz a été de 163 kilogrammes par habitant. La consommation moyenne en Asie du Sud a été de 78 kilogrammes). Ce temple très fréquenté doit son succès aux racines des arbres majestueux et monumentaux qui emprisonnent et écrasent les murs. Un curieux bâtiment de deux étages se distingue des autres à cause de ses piliers ronds « style gréco-romain ». Il nous semble que c’est dans une des salles de ce temple qu’on aperçoit des trous régulièrement espacés : ils recevaient les torches, les bougies, et des diamants qui réfléchissaient la lumière. Au centre un stupa à la mémoire du père du roi appelait à tant de richesse.
La deuxième visite concerne Néak Pean= serpents enroulés. Le site est très différent des autres. Il comprend plusieurs bassins avec son temple central entouré de quatre autres bassins possédant une « chapelle » alimentée par les canalisations. Chaque édifice est caractérisée par une gargouille d’où s’échappait l’eau symbolisant les quatre éléments : une tête d’éléphant ( l’eau), une tête d’homme ( la terre) une tête de lion(le feu) et une tête de cheval (l’air). Il semblerait que l’on soignait les gens d'ici, une sorte d’hôpital avec un quelque chose de Lourdes. Dans le bassin central, des paysans coupent l’herbe à grands coups de machette pour la rassembler avant d’en faire des ballots. A l’entrée du site, un groupe de musiciens se produit en continu et tente de récolter quelque monnaie : ce sont des victimes des mines déposées dans le secteur par les khmers rouges.Bien que ce ne soit pas tout à fait l’heure, Sothy nous propose la pause méridienne, ce qui nous évitera l’attente au restaurant. Nous repartons plein d’énergie après un bon repas de beef soit aux champignons, soit à l’ananas, soit au gingembre. Nous visitons le temple Ta Prohm dont le site servit à Jean Jacques Annaud pour tourner le film « Les deux frères », histoire de deux tigres. On lui doit l’allée sablonneuse d’accès ; les racines de fromagers « comme autant de reptiles à travers les anfractuosités des édifices qu’elles bouleversent et soulèvent comme des fétus de paille » (Petit futé). On retrouve une salle dédiée cette fois à la mère du roi.
Après un bref transfert en Toyota climatisée, nous escaladons les redoutables marches de Ta Keo temple montagne inachevé dépourvu de bas relief, de culte hindouiste. Puis nos terminons la visite avec un ensemble Thommanon et Chau Say Tevoda reconstitué par l’école française d’Extrême Orient qui a remplacé les blocs disparus par des blocs ou des sculptures qui tranchent avec les pierres authentiques.
Nous commençons un peu à tout mélanger lorsque nous rentrons à l’hôtel. Nous avons juste le temps de profiter de la piscine avant l’orage. En fin d’après midi je retourne à mon échoppe internet favorite, m’accordant cette fois-ci une heure complète sans contrainte pour savoir comment l’OM s’est renforcé.
Nous assistons ensemble au dîner(buffet) spectacle au « Angkor Mondial » restaurant, pour 12$ chacun , nous festoyons en goûtant la grande variété des plats proposés avant d’admirer les danseuses khmers, reins cambrés et orteils s’agitant en tous sens, pouce relevé. Des clients se précipitent sur la scène à côté des artistes pour se faire photographier. Bonne soirée, on joue la flemme et un tuk tuk nous ramène à l’hôtel.

mardi 13 avril 2010

Construire un feu. BD.

D’après la nouvelle de Jack London, Chabouté, nous fait partager les derniers pas d’un homme qui n’arrivera pas à rejoindre ses compagnons dans les étendues du Klondike par des températures où les crachats se gèlent avant d’atteindre le sol. Epreuve physique ultime, et minimalisme métaphysique, dépouillé, beau, essentiel. Le chien qui l’accompagnait ira retrouver d’autres pourvoyeurs de feu, cet homme là a été vaincu par son orgueil et ses allumettes mouillées.
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Je reprendrai la publication de mes articles le mercredi 28 avril.

lundi 12 avril 2010

Alice au pays des merveilles

Charles Lutwidge Dodgson, le professeur de mathématiques qui de l’autre côté du miroir fut Lewis Caroll, termine son livre
« Elle était certaine que, dans les années à venir, Alice garderait son cœur d’enfant, si aimant et si simple, elle rassemblerait autour d’elle d’autres petits enfants… » Et c’est Tim Burton- qui mieux que lui ?- qui nous convie au pays des merveilles. Bien sûr, rien de mièvre dans ces contrées où le maître des nuées et des forêts mystérieuses nous précipite. Le retour d’une Alice plus âgée dans un pays qu’elle a oublié, comme nous, s’accorde bien avec une iconographie fidèle aux illustrations du XIX° siècle ravivées par les techniques modernes les plus spectaculaires. En effet, c’est Burton qui est le mieux placé encore, pour nous permettre de retrouver les délices premiers de l’attraction de foire qu’était le cinématographe, avec les lunettes pour une vision en trois D. Il faut baisser la tête, quand le chapelier projette son chapeau sur l’autre rive, et s’éviter de tousser quand la chenille vous envoie, dans les yeux, la fumée de son narguilé. Des personnages familiers, avec un bon dosage de trouvailles, rendent ce conte fluide alors qu’à l’origine celui-ci est complexe et peut décourager les enfants. Je n’avais perçu les charmes de ces aventures initiatiques, et encore pas tous, que devenu adulte en revisitant les phares de la littérature enfantine. Le chat de Chester est parfait.

dimanche 11 avril 2010

Oper Opis

Traduit du suisse allemand signifie « quelqu’un, quelque chose» et c’est vrai que les objets chaises, tables, planches, cales, miroirs, participent à l’affolement du monde de Zimmermann et de Perrot. Heureusement hommes et femmes ont quelques trappes pour s’échapper. Les glissements semblent burlesques au premier abord puis la tension grandit avec la musique originale. Le plateau penche sans arrêt, d’un côté puis de l’autre, les performances des équilibristes n’en seront que plus méritoires. Les séquences sont réglées au millimètre, c’est qu’il faut beaucoup de précision pour mimer le désordre. Les couples de tous les formats arrivent à s’échapper avec légèreté à cette frénésie, un instant. Leurs silhouettes rappellent Bosch pour les acrobates difformes, Crumb pour la beauté callipyge d’une danseuse, Keaton aussi, mais cet univers précaire, bancal, en déséquilibre constant est tout à fait insolite et le public de la MC2 en redemande.

samedi 10 avril 2010

La prospérité du vice.

Le qualificatif mis entre parenthèses dans le sous titre du livre de Daniel Cohen : « introduction (inquiète) à l’économie » a rassuré le piètre consommateur d’informations économiques que je suis. Je ne saurai avoir le recul nécessaire pour apprécier si l’histoire que Fukuyama estimait arrêtée, s’est remise en marche, ou pour nier le choc de civilisations de Huntington. Mais le livre de l’économiste, tant vanté, est accessible et met en perspective nos informations touffues. Le balayage de l’histoire du monde est magistral et pédagogique mais le regard est sombre : le commerce, n’est pas « doux », et l'éducation n’apporte par forcément « la raison ». Nous passons d’un monde infini où la croissance s’alimentait d’elle-même à un monde clos par la réalité écologique. Nous sommes sortis des temps simples : « celui qui fabrique des biens , le prolétaire, qui ne dispose que de ses mains pour assurer son salaire n’est plus une source de plus value ; il est un coût qu’on cherche à externaliser » . Et si ma mémoire s’accroche mieux aux formules poétiques dont j’ai découvert que Marx en était l’auteur : « dans les eaux glacées du calcul égoïste », on pourrait souhaiter que les approches du grand barbu ne soient pas gommées de nos programmes. L’introduction, par le professeur de l'école normale supérieure, des faiblesses humaines éclaire les mécanismes. La mondialisation n’est pas venue d’une autre planète, c’est bien la réorganisation du capitalisme qui l’a précédée. Il n’y a pas qu’en Inde que les plus jeunes passent des passions politiques à des plans de carrières dans le domaine économique. Dans ces moments où l’expansion est faible, les biens à consommer se raréfient, le collectif devient trop coûteux alors ce sont les valeurs de l’individu qui sont vantées. Bien des réflexions relèvent du simple bon sens mais valent d’être rappelées : « les français sont incomparablement plus riches en 1975 qu’en 1945, mais ils ne sont pas plus heureux. » Nous sommes heureux en regard de la comparaison avec nos voisins. « Etre heureux, c'est gagner dix dollars de plus que son beau-frère ».
Dans un entretien, celui qui avait appelé à voter à gauche à la dernière présidentielle dit : « Le paradoxe du monde actuel est qu'on vit simultanément une percée dans ce nouveau monde virtuel, qui est la conséquence logique de l'enrichissement : tout devient de plus en plus simple à produire si bien qu'il ne reste plus à produire que de l'esprit pur, et dans le même temps on est rattrapé par le mal des origines. La donnée fondamentale du XXIe siècle, pour moi, c'est trois niveaux de risque majeurs. Un, celui de la répétition de nos violences par les pays émergents. Deux, le retour aux origines malthusiennes du monde, la terre devenant trop étroite ce qui entraînerait un effondrement comme on en a connu dans l'histoire. Trois, la schizophrénie. Une partie de l'humanité migre vers un cybermonde où il n'y a ni rareté, ni violence. Est-ce que les nouvelles générations qui naissent dans ce cybermonde vont être dans l'oubli du monde réel, ou au contraire vont être capables de construire un lien entre le virtuel et les ours polaires (comme symboles de la dégradation du climat) ? »

vendredi 9 avril 2010

La pension Eva.

Je remercie mon pourvoyeur en livres policiers, dont je ne partageais pas l’enthousiasme envers le célèbre romancier sicilien Camillleri, pour ce livre délicieux comme un bonbon.
L’idole des lettres italiennes s’est offert selon ses dires « des vacances narratives » avec cette histoire d’un bordel dans les années 40. Ce microcosme donne lieu à des portraits hauts en couleurs, à des histoires pittoresques vivement contées, mais la partie la plus convaincante, pour moi, est l’éveil à la vie d’un garçon avant ses dix huit ans. Faut il atteindre ses quatre vingt ans pour décrire avec efficacité, tendresse sans jamais être scabreux la découverte de la sensualité avant la première communion ?
« Après quoi tout changea, le jeu devint presque une lutte désespérée. Ils s’embrassaient, se baisaient avec rage en se mordant au sang, se caressaient, se griffaient, se léchaient, tantôt entortillés l’un à l’autre très étroitement comme deux serpents, tantôt glissant comme des poissons, la peau comme savonnée de sueur. »

jeudi 8 avril 2010

Le jardin lettré en Chine.

Dans la forêt des symboles qui peuplent l’empire du milieu, la conférencière Yolaine Escande a été bien utile pour se frayer un chemin en particulier dans « le jardin du fonctionnaire maladroit » entre le lotus qui représente la pureté et la grue qui accompagne les immortels. Ceux-ci pourront se réfugier dans une grotte de la montagne ou dans une des trois îles qui émergera de l’eau. Ce microcosme où se rencontrent, à tous coups, la montagne (Yang ) et l’eau (Yin), qui peut tenir dans un pot, sur un balcon, est à l’image de l’univers. Au pays où il y a quinze mots pour écrire paysage dont un pour « celui où arrive la lumière après la pluie », la tradition des jardins remonte à une époque très lointaine. Le paysage pictural, bien plus présent que chez nous où dominent les portraits de la figure humaine, se distingue des jardins où les fleurs sont là avant tout pour témoigner du temps qui passe, des saisons. Le jardin est un lieu de retraite et celui de la pratique des arts : musique, calligraphie, poésie, peinture. Il ne comporte pas de belvédère qui donnerait une vue d’ensemble ; pour faire connaissance, il faut emprunter des sentiers sinueux où l’imaginaire fréquente la sagesse.
Tao Qian un fonctionnaire lettré dans les années 300 a démissionné pour revenir dans son enclos personnel et mourir de faim.
« Jeune, je ne m’adaptais pas au vulgaire, de nature j’aimais collines et monts,
Par erreur, tombé dans les filets du monde, sont partis treize ans de ma vie,
L’oiseau captif regrette son ancienne forêt, le poisson du bassin, sa source passée.
J’ai défriché, au sud, des champs incultes.
Pour préserver ma simplicité, je suis revenu à la campagne. […]
Chez moi, aucun tumulte du monde de poussière, les pièces vides laissent du loisir,
Longtemps enfermé en cage, j’ai enfin pu revenir à ma nature »

mercredi 7 avril 2010

J 29 : Angkor

Nous prenons le petit déjeuner dans le restaurant de style colonial du premier étage en découvrant que le nom de l’hôtel: « Les mystères d’Angkor », est issu d’un film français joué par Lino Ventura et Micheline Presle.
Guide et chauffeur nous prennent en charge à 8h. Nous nous dirigeons vers les vestiges d’un royaume disparu vers 1400 dont les réalisations des années 1100 figurent aujourd’hui parmi les merveilles du monde.
Sur le site il faut d’abord se faire tirer le portrait et en l’espace de quelques minutes nos pass d’entrée nous sont remis. Nous commençons la visite par l’antique capitale Angkor Thom (Angkor=capitale. Des singes peu farouches sont en liberté vers l’entrée. Nous nous munissons de bouteilles d’eau et commençons la visite côté sud par un pont dont une balustrade représente une succession de démons en rond de bosse opposée à une succession de dieux sur l’autre balustrade, bagarre pour « le barattage de la mer primordiale ». Da Sothi, notre guide francophone nous fait remarquer la présence de deux trous percés dans chaque pierre qui permettaient leur transport.
« Qui a construit Angkor ? Les éléphants. »
De même, il attire notre attention sur les deux statues lions qui encadrent souvent les entrées, alors que les lions n’ont jamais peuplé le Cambodge. Par contre ils vivaient en Inde, berceau de la religion et de l’art hindouistes. Il ne reste rien de la ville de 1 000 000 d’habitants, seuls les temples et certains monuments construits en pierre ont traversé les siècles jusqu’à nos jours malgré les vicissitudes de l’histoire et les pilleurs. Un réseau hydraulique témoigne de la sophistication de cette civilisation khmère dont l’effondrement reste inexpliqué. La Cité, était une représentation du ciel avec au centre, le temple, symbolisant le mont Méru. Autour des douves et des lacs ou baray représentant la mer. Dans le Bayon, le grand temple montagne, les visages impassibles de Bouddha tournés aux quatre points cardinaux se dégagent de 54 tours représentant 54 provinces. Le guide attire notre attention sur les bas reliefs relatant la vie quotidienne, mais aussi de leurs conquêtes guerrières, contre le Siam (la Thaïlande), le Champa (le Vietnam), avec éléphants et mercenaires chinois. Un vraie BD qui décodée ne manque pas d’humour par exemple la tortue qui mord les fesses de l’homme à la palanche. Et partout des représentations des apsaras, ces danseuses célestes qui rendaient fous ceux qui se refusaient à elles. Nous poursuivons nos découvertes par le Baphom en restauration et consolidation dont nous pouvons cependant admirer des scènes du Mahabarata et la légende de Krishna, ainsi que la silhouette érodée et trouée de bouddha couché qui s’étire au dos du bâtiment.
Puis c’est le tour de Phimeanakas, édifice où le roi montait seul coucher avec la reine serpent avant de consommer 85 femmes « humaines ». La montée est raide, les marches inégales et cassées, mais la vue récompense les efforts.
Nous continuons vers la terrasse des éléphants construite aussi par Jayavarman VII qui surplombait le mail où défilaient les éléphants avec leur cornac, les militaires. Un éléphant tricéphale arrache des lotus et des herbes de ses trois trompes.
Il reste encore la terrasse du roi lépreux qui doit son nom à quelques doigts perdus. Nous remarquons aussi la disposition en trois niveaux des bas reliefs : scènes du quotidien en bas, le présent au centre, et le paradis en haut. Nous nous sentons fiers d’être français quand on constate le travail colossal de l’école d’Extrême Orient dans ces lieux grandioses
Da Sothi propose la pause repas dans un restaurant immense sur le site. Au bout d’une heure nous reprenons la visite et découvrons Angkor Vat « la ville temple » dédiée à Vishnou. Nous franchissons les douves, puis « la voie sacrée » dallée d’immenses blocs de pierre pourvue de balustrades en forme de naja. Nous visitons pratiquement seuls le spot touristique incontournable: apsaras, galerie de bas reliefs représentant le roi sous ses parapluies, le sanctuaire en forme de tour se retrouvent dans cet autre temple montagne. Notre guide nous montre des impacts de balles et les bouddhas décapités par les khmers rouges qui avaient gardé cependant la silhouette des temples sur leur drapeau. Les têtes vendues en Thaïlande rapportaient l’argent nécessaire aux armes. Les sites ont du être déminés sérieusement avant les restaurations et l’ouverture au public. Certaines pierres ont été endommagées par un usage abusif d’acide lors des restaurations. Dans les temps anciens le temple peint d’une couche noire, puis d’une couche rouge était recouvert de feuilles d’or et on peut apercevoir des bas reliefs inachevés, dessins juste ébauchés sur la pierre encore lisse. Nous prenons le chemin du retour, dans la voiture fraîche, laissant les lieux aux groupes quittant les restaurants.
Il n’est que 16h, ce qui nous laisse le temps de profiter de l’hôtel : lessive, sieste, baignade : un peu de vacances !
Vers 17h nous sortons vers le centre ville, il est facile de changer nos euros en dollars dans une petite officine en bord de rivière. Nous retournons au magasin, bar internet d’hier où la patronne nous offre le thé. Puis nous cherchons un restaurant indiqué par « Le petit futé » en vain. Nos pas nous conduisent dans un établissement plus ou moins japonais Moloppo à l’ambiance tamisée, avec musique de jazz, bon amok et rapport qualité prix intéressant. Nous avons sommeil.

mardi 6 avril 2010

Jazz club. BD

Alexandre Clerisse a un graphisme et des couleurs tout à fait adaptés à son sujet : le jazz.
Très proche dans le style, propre et distancié, de Voutch, l’ auteur de « Tout s’arrange même mal » ou « Le futur ne recule jamais ».
Rythmé, élégant, très années 60, rassurant pour mieux partir sur des improvisations loufoques. De Los Angeles, à une retraite dans le sud de la France, sur fond de crise de l’inspiration pour un joueur de saxo soprano et la grande tempête de l’hiver 2000 avec cette échéance qui alluma quelques illuminés. Le temps passe, et un air de blues l’accompagne.

lundi 5 avril 2010

Precious

Dans cette œuvre de Lee Daniels, à voir, il faut s’accrocher, tant ce film est noir. Dans les années 80, à New York, un des phares de l’humanité, le fond de l’inhumanité : une jeune fille encore enceinte de son père - son premier enfant s’appelle Mongo, puisqu’il est mongolien - va dans un collège alternatif pour apprendre à lire. Sa vie n’est qu’une suite d’horreurs. Elle la subit sous une très grosse couche de graisse avec une mère tellement odieuse. Ken Loach à côté c’est de la bluette rigolarde. Et c’est encore l’éducation qui va entretenir la possibilité d’un espoir. Celle qui s’appelle Precious rêve parfois, on la suit volontiers dans ses fantasmes de pacotille pour qu’elle détourne les yeux de toute cette merde. Quelque soit l’interprétation que l’on apporte à la fin, on sait qu’aux bouches de l’enfer, cette fille est précieuse avec ses petits.

dimanche 4 avril 2010

La passion selon Saint Jean

J’ai hérité d’un billet pour le concert unique ( pourquoi unique ?) donné par Marc Minkowski à la MC2 et j’ai apprécié d’être surpris et ému par une œuvre qui me semblait inaccessible. A l’heure où l’église catholique vit son calvaire, quand son peuple l’abandonne, c’est dans un lieu d’autres religiosités où le public se rend en rangs serrés pour passer au dessus des soucis du quotidien, pour approcher les mystères de nos vies, de la mort.
Il est des moments d’allégresse dans ces airs de Bach et la foule lyncheuse d’alors nous effraie et nous séduit. « Saint Jean, semblable à l'aigle, prend son vol au-dessus des nuages de la faiblesse humaine, et contemple d'un œil intrépide et assuré la lumière de l'immuable vérité. »
Au cœur des faiblesses humaines, des reniements, des trahisons, du mal, va naître une religion majeure. De cette vision d’une humanité chancelante, où la souffrance physique étanche sa soif au vinaigre, va naître l’espérance.
Le mariage des voix et des instruments a soulevé un public conquis, et l’on comprend que l’on ait pu dire que Bach était le cinquième évangéliste.
Je venais d’acheter « Siné hebdo » avant la fin de ses parutions, le journal satirique exploite cette semaine encore avec vigueur les scandales pédophiles dans l’église. Je suis triste, bien que laïcard avéré, de l’ampleur de ces scandales sordides qui assombrissent encore l’image des hommes. Je me réconforte à l’écoute de l’excellence des jeunes instrumentistes qui démentent bien des appréciations portant sur l’affaiblissement des exigences dans l’enseignement.

samedi 3 avril 2010

Saint Jean bouche d’or.

Depuis le temps lointain du PSU flamboyant, j’entends parler de rénovation en politique.
Le PSU est mort, pas la langue de bois.
La dissolution de « Réussir ensemble » (voir les articles des samedis précédents sur ce blog).
En mettant sur la place publique tous les éléments d’un débat y compris nos faiblesses, nos désaccords, j’ai le sentiment d’œuvrer pour un enrichissement de la politique.
« Ne pas prendre les gens pour des cons », c’est la moindre des choses.
Les non dits, les secrets font tellement de dégâts dans les familles ; entre adultes responsables la franchise est la condition de relations saines.
Je m’oppose à ceux qui confondent le porteur de mauvaises nouvelles avec les responsables des dysfonctionnements.
Il ne s’agit pas de cette transparence fallacieuse qui multiplie par exemple sur le net les grimaces, les « off » mal digérés des personnages publics.
C’est le contraire de cette superficialité. C’est faire coïncider les paroles et les actes.
Quand on prétend à des démarches démocratiques, il n’y a pas de citoyen de seconde zone.
Et pour s’excuser de prendre des positions qui paraîtraient tellement ringardes car conformes à une certaine morale, je dirai que cette démarche vise à l’efficacité et à la responsabilité.
"Les tilleuls, les lilas d'Espagne et les sureaux,
Sous l'averse chaude d'avril
S'épanouissent. Quand le soleil brillera-t-il?
Ah! quand chanteront les oiseaux?
L'herbe envahit le jardin tout entier,
Le chat s'endort dans le grenier,
J'entends grincer la pluie en haut du toit,
La girouette
Tourne sur elle trente-six fois,
Et puis s'arrête. "

Francis Carco

vendredi 2 avril 2010

Mariages et enterrement.

Daniel Bougnoux, dans le numéro 22 de la revue Médium de ce trimestre, a ficelé un article guilleret où il échangerait quatre mariages pour un enterrement car « la vie comme la culture sont l’ensemble des forces qui résistent à la mort ». Il va bien au-delà de la critique des hypocrisies qui peuvent accompagner les noces où se retrouve la cousine bréhaigne (dont le dictionnaire précise: « se dit des juments qui possèdent des canines et qui sont généralement infécondes »)
« La mort n’égalise pas seulement les conditions (que tant de mariages distinguent et hiérarchisent), elle ravive l’âme de la communauté dans son plus sûr ressort : face au désastre inéluctable, l’éminente valeur du soutien et du lien entre ceux qui restent »
La livraison de cette revue qui vise « à transmettre pour innover » est toujours aussi revigorante. L’article développé dans sa belle langue par Régis Debray concerne la bombe diasporique dans le domaine religieux : « il y aura demain moins de catholiques, mais ils seront plus cathos » et ses digressions sur Michaël Jackson valent le détour dans la rubrique « casse tête ». Des articles concernant Aragon ou Balzac nous éclairent plus sur notre société présente que bien des brèves sur BHL. Et toujours ce retour indispensable aux définitions, aux racines : la distinction entre objet technique et technologique, entre balles et ballons, l’inflation des sorciers dans le manuels scolaires, le devenir du livre : du lutrin à la vitrine…

jeudi 1 avril 2010

Manet Edouard

Dans le cycle des conférences des amis du musée « peinture et scandales de l’art », la place de Manet était toute désignée même s’il nous apparaît bien pépère aujourd’hui, « le peintre bourgeois qui faisait peur aux bourgeois ». Serge Legat qui a bâti son exposé convaincant sur « Manet, le scandaleux malgré lui » nous a décrit les cordons de policiers nécessaires pour empêcher les coups de parapluie à l’égard du « buveur d’absynthe » d’« Olympia », du « joueur de fifre », « du déjeuner sur l’herbe », de « la musique aux tuileries » ou « Lola de Valence »… Des femmes s’évanouissaient ; alors que l’objet du scandale tenait plus à la technique qu’aux thèmes : des femmes nues il y en eut bien d’autres auparavant mais tellement idéalisées. « Le dernier des anciens et le premier des modernes » fut inspiré par Vélasquez et aux Batignoles Monet peignit Zola et mit quelques grains de sable dans ses peintures qui nous ensoleillent encore