dimanche 6 décembre 2009

Prévert blues

Les mots du poète le plus populaire devaient bien se marier avec le jazz dans les sonorités nostalgiques, les fraternités jubilatoires. Bonne occasion de réviser le clopeur et même si ses lanternes magiques, ses orgues de barbarie ont pris quelque poussière, ses coups de gueule enrubannés d’humour, ses rythmes évidents peuvent encore nous toucher.
Etranges étrangers
Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel
hommes de pays loin
cobayes des colonies
doux petits musiciens
soleils adolescents de la porte d'Italie
Boumians de la porte de Saint-Ouen
Apatrides d'Aubervilliers
brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris
ébouillanteurs des bêtes trouvées mortes sur pied
au beau milieu des rues
Tunisiens de Grenelle
embauchés débauchés
manoeuvres désoeuvrés
Polaks du Marais du Temple des Rosiers
Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone
pêcheurs des Baléares ou du cap Finistère
rescapés de Franco
et déportés de France et de Navarre
pour avoir défendu en souvenir de la vôtre
la liberté des autres
Esclaves noirs de Fréjus
tiraillés et parqués
au bord d'une petite mer
où peu vous vous baignez
Esclaves noirs de Fréjus
qui évoquent chaque soir
dans les locaux disciplinaires
avec une vieille boite de cigares
et quelques bouts de fil de fer
tous les échos de vos villages
tous les oiseaux de vos forêts
et ne venez dans la capitale
que pour fêter au pas cadencé
la prise de la Bastille le quatorze juillet
Enfants du Sénégal
départriés expatriés et naturalisés
Enfants indochinois
jongleurs aux innocents couteaux
qui vendiez autrefois aux terrasses des cafés
de jolis dragons d'or faits de papier plié
Enfants trop tôt grandis et si vite en allés
qui dormez aujourd'hui de retour au pays
le visage dans la terre
et des hommes incendiaires labourant vos rizières
On vous a renvoyé
la monnaie de vos papiers dorés
on vous a retourné
vos petits couteaux dans le dos
Étranges étrangers
Vous êtes de la ville
vous êtes de sa vie
même si mal en vivez
même si vous en mourez .

Mais ce soir là, à la MC2, moi qui suis plutôt amateur de mots et que pour la musique je m’applique, j’ai parfois regretté de me distraire du jazz en suivant les gestes de l’acteur. J’ai jubilé à certains traits : « …bleu, blanc, rouge : j’entends glas, glas, glas » et bien des mots inlassablement revisités recèlent toujours des trésors,mais j’ai déploré la perte de mon cœur adolescent en trouvant redondant et un peu patronage quand l’acteur peint, découpe et affiche de grands cœurs rouges sur scène. J’ai préféré les balayages du batteur, les souffles du saxo, les trépidations de la contrebasse, les inventions de la guitare, les embardées et la solidité du quartet emmené par Texier.

3 commentaires:

  1. question d'une inculte


    de qui est le poème ce litanitexte ?
    du slam
    l'auteur serait Guy ?

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  2. C'est de Prévert.
    J'aurais écrit ça, que je serai allé me coucher content, et je n'aurais plus à m'acharner pour aligner trois mots tous les quatre matins.

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  3. ben signe prévert
    na
    MTJ

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