mardi 30 juin 2009

Mots d’enfants :

A la sieste.
- Ferme les yeux pour te reposer.
Maxime, 3 ans :
- Oui, mais quand je les ferme, je ne vois plus rien.
Maxime ne s’est pas endormi.

- Voyez cet arbre (Lilas) avec ces bourgeons... A votre avis, qu'est ce que c'est ?"...
- C'est un bourgeonnier, maîtresse !

Titouan, 3 ans :
- Mamie on prend l’apéro ?
- Non pas ce soir. On ne prend pas l’apéro tous les soirs.
- Oh juste une petite péro !


Le chat a l’habitude de dormir sous le bouleau.
- Tiens où est le chat ?
Brice, 2 ans et demi :
- Il est sous le travail.

- Titou, qu’est ce tu as envie de manger à midi ?
- ça m’est égal : je suis un omnivore.

Julien, 3 ans regarde sa mère pourchasser une grosse mouche avec un torchon.
- Attention ! Tu vas la morter !

Tata rouspète parce que sa pelote de laine tombe souvent.
Quand elle retourne au jardin pour tricoter, Brice propose ses services :
- Je viens avec toi, je te tiendrai ta pelaine.

Madeleine le jour de ses deux ans. Son oncle lui tend une fleur d’iris :
- Tiens c’est une rose.
- Non c’est une bleue.

- Que fait le bateau ?
- Il navogue répond Titouan.

Alors, Julien(moyen maternelle), ça va à l’école ?
- Oui.
- Tu fais des progrès ?
- Non, je fais des dessins !
Merci à Madeleine et à Martine qui ont recueilli ces mots.

lundi 29 juin 2009

« Soyez sympas, rembobinez. »

En ce moment à la Fnac, cinq DVD pour 30€ ; j’ai trouvé ce film à la gloire des cassettes vidéos VHS. Au début j’ai eu du mal à adhérer à l’humour potache de cette histoire pourtant annoncée comme déjantée par « Le Monde », puis je me suis laissé séduire par la créativité crépitante de Gondry dont j’avais apprécié la poésie contemporaine dans « Eternal sunshine ». Même si je n’ai pas toutes les clefs pour apprécier toutes les allusions à la filmographie américaine, cet hymne original au cinéma, valorise aussi l’amateurisme, la solidarité. Une parenthèse souriante.

dimanche 28 juin 2009

Les Fatals Picards

Pierre Perret était le chanteur rigolo pour toute une génération, il a donné son nom à une multitude d’écoles. Aujourd’hui les Fatals Picards qui occupent ce créneau rieur, risquent plutôt de laisser leur nom à un établissement où l’on sert, sans modération, de « la mort subite ».
Ce groupe est drôle, avec une énergie qui allume les mèches, donc décoiffante, une musique à faire vibrer les portables.
22 ième sur 24 au concours de l’Eurovision de 2007, je les ai connus par une chanson sur l’école pas vraiment politiquement correcte, donc délicieuse, et une parodie tordante de Bernard Lavilliers : « un haltère dans une main, de l’autre il a écrit des poèmes »
Mais le baraqué n’est pas le seul à passer à la moulinette : Zebda, Cure, Manu Tchao, les « Enfoirés »…
Dans la veine de Renaud, des titres politiques : « Chasse pêche et biture », « Sauvons Vivendi », « Et puis merde je vote à droite, je serai sûrement riche tout de suite après ». Eh oui, il y en a qui ont pu le penser, et « que les poubelles ne seront plus renversées », pourtant « mon père était tellement de gauche, qu’en 81, il croyait que ça changerait. Quand il est parti, la gauche aussi». Eh oui…

samedi 27 juin 2009

PS: la faute aux autres.

« Mais, bonté divine ! » Façon de dire : « mais, c’est pas vrai ! »
Quand la réalité fait mal, il reste à « sacrer » comme disent les habitants de la belle province.
Vals, de « white » habillé, au moment de s’élancer dans la course aux ambitions, se crame sur l’aire d’envol. Toute cette détermination, cette énergie qui font flop. A qui le tour ?
Pas besoin d’un piteux épisode de plus au moment où le P.S. est devenu la cible préférée des médias et par là même de bien de nos anciens supporters. Ce conformisme de la parole dominante nous rappelle qui sont les propriétaires des tuyaux. L’ascension de Bayrou et sa descente se sont déroulées dans la même unanimité. Pour ce qui est de la gauche, je me garderai d’incriminer uniquement les méchants journaux. Il y a déjà un moment, un responsable d’union locale de Roussillon, nous reprochait de « lire le journal » dans nos réunions. C’est un trait qui n’a fait que s’accentuer, tant les analyses personnelles se raréfient. Dans nos réunions, notre perception de la réalité passe par les filtres télévisés et s’éloigne du rapport des paroles déléguées. Ce poids des médias est imposant, mais je continue à m’insurger contre la tendance de certains de mes camarades à battre leur coulpe sur le dos des autres, à incriminer toujours des causes extérieures à nos propres dysfonctionnements, à nos courtes vues, à nos paresses.
Des décennies de culture d’opposition, où les consciences se fabriquaient une virginité d’autant plus blindée que les chances d’exercer des responsabilités étaient lointaines, perpétuent cette tradition qui adore tellement les erreurs de l’adversaire. La recherche louable de remonter aux causes premières s’exerce pour excuser ceux qui enflamment une voiture, voire une école, elle se constitue en réflexe lors de nos naufrages : c’est la faute de l’arbitre !
S’il fut un temps où la gauche se disait divine car elle aimait tant contempler ses mains propres, aujourd’hui les fidèles se raréfient : ils veulent voir pour croire. La preuve par les faits : c’est notre triomphe laïque.

vendredi 26 juin 2009

XXI Spécial livres

Ce numéro hors série, toujours aussi bien illustré, est un peu plus maigre que les numéros trimestriels. Si je n’ai pas été concerné par l’article de Patrick Raynal sur un commissaire caché au Mozambique, les lignes d’Orphan Pamuck consacrées à la valise de son papa valent à elles seules le temps de la lecture. Avec cette transmission précieuse et accablante de tous les écrits du père, le prix Nobel nous fait partager toute son émotion avec finesse et force. Un beau port folio où des lectrices sont saisies dans leurs habitudes de lecture et les pérégrinations d’une bible de Gutenberg dans les tourbillons de l’histoire illustrent ce qui devient une marque de fabrique de XXI : originalité et approfondissement. Quelques brèves sur la bibliothèque d’Ambérieux consacrée aux autobiographies et l’entrée de l’écrivain prostituée Grisélidis Réal dans le Panthéon genevois sont instructives. Quelques croquis saisis à la librairie le Square à Grenoble ajoutent du charme à ces pages.

jeudi 25 juin 2009

Mon petit Estève

Une première délicieuse, en ouvrant le livre que vient de m’offrir ma copine peintre : apprécier avec des yeux d’enfants, un de ses maîtres Estève. Même si je n’ai plus l’alibi de les faire découvrir à des élèves, les albums pour enfants consacrés à l’art m’enchantent en général. Avec celui-ci je suis parti à la découverte d’un inconnu, et je me suis régalé. Maintenant j’ai bien envie de connaître pour de vrai, ce peintre à la palette vive qui a son musée à Bourges. Nous sommes avec lui quand « il plonge son pinceau dans la peinture toute fraîche », avec ses personnages « enlacés, bien serrés », et une chouette apprivoisée nommée Christine « toute petite, toute noire dans un intérieur jaune » et ses objets mystérieux, arrondis sur de stables avenantes où « le bol rouge allonge son bras d’ombre ».

mercredi 24 juin 2009

Soutien. Faire classe # 35


C’est le chapitre où la distance de quatre ans séparant la transcription de mon expérience de sa relecture risque le plus de périmer quelques réflexions.
Les lecteurs pourront bien apporter leurs contradictions après la mobilisation pour la défense des RASED et des formes de soutien nouvelles proposées par Darcos qui semblent bien reçues par les parents, quant aux élèves ?
« Prenez à présent M.C. psychologue, ayant un salaire de 15 000 francs par mois. Posez le devant un pauvre[…] Comme il est animé d’idéaux forts modernes, il ne va pas tomber dans le panneau de la charité qui n’est rien, a-t-il lu, qu’une mauvaise conscience renversée. Considérant, fort philosophiquement, que la charité ne servait qu’à laver les remords des nantis pour perpétuer le mal des malheureux, il y renonce, sublimement. Que va-t-il entreprendre qui soit fidèle à ses idéaux ? [ … ] Ce philanthrope va offrir à ce malheureux, devinez quoi, un tract. »
L. Salvayre
Au pays des écoliers, triomphait parmi les beaux mots comme « humanités » qui vient d’être mazouté par De Villiers, « élever » et un terme tombé sous l’opprobre :
classe de « perfectionnement ».
Oublié sous la vague intégrative, l’expression cachait la réalité de la relégation. Cette difficulté à séparer va entraîner sur plusieurs années une assimilation de tous les handicapés dans les classes. Mais des desseins restrictifs se cachaient derrière la générosité affichée. Les structures adaptées se réduisent. Des corporatismes s’imposent avant la prise en compte des défavorisés, en principe les premiers concernés. L’ensemble du corps enseignant n’a pas anticipé, d’une façon bien zélée, les limitations annoncées chez les personnels du spécialisé souvent jalousés pour un statut jugé plutôt avantageux. Effectivement leurs conditions de travail les dispensent parfois des tâches les plus prosaïques. Ils subissent la loi de la généralisation, dans toute son outrance, alors qu’ils supportent certains groupes ou individus difficiles, tâches insurmontables aux yeux de ces chers confrères.
Les psychologues, maîtres G, E, agents des R.AS.E.D. qui officient encore, s’éloignent du terrain, leurs circonscriptions s’étendent. La prévention tourne à l’incantation : les psys en cellule seront réquisitionnés quand il y aura du sang sur le trottoir, le temps d’un flash. Mais conseiller le recours à un professionnel demande toujours beaucoup de doigté tant leur domaine impressionne. Beaucoup de temps, d’énergie sont perdus faute d’accompagnement précoce.
L’aide ponctuelle, rapide, ou au long terme, patiente se raréfie.
Pour des élèves qui peinaient, nous avions trouvé une formule assez satisfaisante. Plutôt que de poursuivre des dispositifs qui prennent en charge individuellement ou en petits groupes quelques élèves pendant la classe, la maîtresse de soutien assurait après 16h 30, une heure d’ « aide aux devoirs ». Ce travail a porté ses fruits au-delà de la formule anodine de l’intitulé et a permis de clarifier les objectifs, diversifié les approches. Les volontaires désignés, après entretien avec les parents, bénéficiaient des compétences d’une professionnelle. Elle rassurait, épaulait ces enfants peu attirés par les études, leur apportait l’attention individuelle qui ragaillardit. La disponibilité de cette collègue, la confiance de l’administration, ont permis de réaliser une aide qui ne stigmatisait pas. Ce rendez-vous hebdomadaire souple n’a pas contraint ceux qui n’en voulaient pas, et d’autres s’étaient assurés d’une attention si convaincante qu’ils poursuivaient en toute autonomie leurs apprentissages : gagné !
Que de réunions, de plans mis en place avec tant de spécialistes du spécialisé ! La règle aujourd’hui pousse à la complication, à l’inflation des sigles (P.A.I. P.A.E. P.P.E. R.) et de la paperasse, quand parfois il n’en tiendrait qu’à un bon C.D.P.A.C( coup de pied au cul). Il est tentant de succomber à ces caricatures dans un milieu qui cultive l’art de la litote, de la compassion contre productive. La prudence dans certaines prises en charge touche à la non assistance à personne en danger. La société se révèle là dans tous ses faux semblants à travers ses failles, ses faibles : nous sommes passés du cancre sympathique au revêche promis à l’enfermement, dans son clan, ses drogues, ses médicaments, la tôle.
Je ne sais plus qui disait qu’une statue dédiée au mauvais élève devrait être dressée dans la cour du ministère, tant il a pu faire avancer la pédagogie. En matière d’hommage j’avais dressé à l’entrée de la classe une sorte d’autel aux ânes en bonnet et de tous poils avec toutes les versions du figurant de la crèche. L’utilité de l ’erreur était proclamée.
Dans l’identification des déficiences, les modes sévissent : ainsi combien de droitiers contrariés quand il était devenu distingué d’être gaucher ? La dyslexie est en vogue mais pas autant bien sûr que les intellectuellement précoces qui ont contribué à la bonne fortune d’évaluateurs doués. La dyspraxie connaîtrait une certaine faveur après l’ hyper- activité.
Pris en charge, le jeune se démobilise souvent sous l’abondance des bonnes volontés qui l’accompagnent voire le précèdent et veulent à sa place. Il n’a pas besoin de courage : la société pense pour lui. Bien sûr tout ne se résout pas à coup de volonté bonne et les blessés d’une société impitoyable sont en nombre excessif. Sans investissement personnel, point de progrès possible et le seul inventaire des raisons de caler pourvoit en alibis mais n’offre pas les moyens de s’en sortir. Lorsque 1/4 d’un établissement pas spécialement à la dérive relève de plans divers d’accompagnement, cette profusion nuit aux plus nécessiteux. Quand Cyrulnick montre dans ses récits des enfants en souffrance absolue se redressant plus forts, il nous donne des raisons de ne pas nous amollir sous les faisceaux de raisons qui justifient bien des relâchements, des lâchetés.
Le relevé de paradoxes ne peut durablement tenir lieu d’analyse. La dictée de Pivot culminait à son apogée à l’époque où l’exercice était jugé obsolète dans les classes. Jamais tant de classements, de jugements définitifs, de caricatures n’ont dénigré l’éducation nationale alors que dans l’institution les jugements sont tempérés jusqu’à l’anodin, les orientations retardées, les notes gonflées. Plus dures seront les chutes après de multiples chhuuts ! Hors de quelques niches artisanales où peut on trouver des fiertés de transmettre ? Le travail est-il honorable ?
Le petit fonctionnaire a déjà du mal à conduire sa petite cohorte pendant neuf mois, les doutes l’assaillent quand sa propre progéniture biberonnée à la culture s’oriente vers des rôles d’intermittents du divertissement dans le parc des loisirs qu’est devenue la France.
Un bandeau, attribut symbolique de l’amour, nous recouvre les yeux, il étouffe quand l’attention à l’autre va du bavardage anesthésiant au silence.
A-t-on remarqué que certains ne veulent même pas appuyer sur le bouton pour appeler le fameux ascenseur social ? Les médias valorisent plus volontiers la passivité, la désinvolture goguenarde que le sérieux et la bonne volonté. Et comment souhaiter participer à une société qui se présente comme bien peu aimable ?
L’école primaire accueille tous les enfants, les orientations explicites ne surviennent pas ici.
Des assignations par défaut s’imposeront aux familles qui se seront gardées des appréciations dures mais justes. Ceux qui n’auront pas eu la souffrance silencieuse bénéficieront de plus de compréhension que les tout gentils.
Trop timidement, nous avouons nos ambitions de former des individus cultivés, des citoyens concernés, des producteurs actifs, des consommateurs éclairés.
Dans cette tentative d’écrire depuis ma fenêtre je ne saurai aller au-delà des premières impressions. Je m’embrouille avec les intelligences. A partir de quel âge proposer une orientation ? Envoyer en mécanique les recalés ne sert pas l’avenir de la filière. Dans mon parcours personnel, j’ai cherché à fuir le travail manuel et maintenant je me trouve en porte à faux à en invoquer la noblesse. Je regrette de ne pas savoir doser un béton - intelligence pratique - alors je picore des mots dans les romans, me parfume, m’enfume. Maintenant que j’ai posé mes chaussons de hussard au coin du radiateur que faire pour celui qui rêve de médecine mais préfère dormir ? Quant à celui qui pense qu’aider les enfants à grandir, c’est cool alors qu’il n’a pas grandi lui-même, je ne sais que lui dire : « eh bien travaille ! »… «

mardi 23 juin 2009

Taï Chi chuan

Il en serait ainsi pendant les jours à venir, les mois et les années, tant que la vie s'y prêterait. Elle bougerait en silence, la petite dame de 89 ans, aux yeux bridés.
Regardez-la. Elle est petite comme une enfant de douze ans. Elle porte des chaussons de toile noire, un pantalon de coton froissé. Elle ne sait que deux ou trois mots de Français : bonjour, oui, ça va, et vous ? Quelques uns vont à sa rencontre dans ce coin de la grande salle où mardi après mardi nous nous retrouvons pour bouger en silence.
- Comment allez-vous aujourd'hui ?
- Ca va. Bonjour,
répond-elle
Son visage est presque sévère. Comment savoir si nos salutations lui plaisent ou si nous l'importunons à venir la saluer au début de la séance. Son visage est bistre légèrement fripé, une énigme.
Le sol du gymnase est de caoutchouc bleu, les fenêtres haut perchées donnent à voir des arbres qui nous content les saisons, qui rapportent les humeurs des vents.
Vingt corps s'adonnent au mouvement en silence. Vingt corps vêtus de tissus flasques si l'on excepte quelques uniformes noirs à revers blancs.
La Chinoise de 89 ans, petite, dans l'angle ouest de la salle ne porte pas d'uniforme. Elle remue dans des étoffes gris rose et jamais son visage ne nous dit quoi que ce soit. Dans son coin, elle tourne comme une planète incompréhensible, inexplorable, un très vieux mystère appliqué à tourner en silence. Quand les équilibres se font audacieux, que sur un talon nous examinons la rose des vents, elle s'arrête, nous regarde impassible. Elle regarde les feuillages, frotte ses petites mains. Elle repart, meut ses membres courts sans effort. On voit rarement son visage. Elle aussi ne voit que nos dos. Le Taï chi ne sait rien de l'improvisation.
Les corps s'appliquent, tendent membres, visages, hanches, coudes et genoux. Tâtent le vide, pulsent le sang vers les orteils, le bout des doigts. Dans le silence, chacun perçoit le murmure de ses vertèbres, chevilles, rotules. Craquement d'une articulation malmenée, chuintement des talons se vissant au sol. Ronde perpétuelle. Yin, je me dérobe, m'aplatis, m'arrondis. Yang, j'attaque, tranche des mains, coups de pieds, coups de poings. Lutte avec l'air, avec la gravité, édification du squelette depuis la plante des pieds et sa précise cartographie, jusqu'au menton volontaire.
La Chinoise vibre telle une feuille de tremble. Comment imaginer un corps sous l’étoffe gris et rose?
Quelques uns vont encore la saluer à la fin de la séance après les mouvements taoïstes qui brassent l'univers.
- Au revoir, Madame.
- Au revoir,
répond-elle, le visage indéchiffrable.
On ne la voit jamais quitter la salle, ni dans les vestiaires. Peut-être arrive-t-elle la première et s'en va-t-elle la dernière. Elle apparaît, elle disparaît, telle un esprit. Elle bougera ainsi tant que la vie lui prêtera l'incalculable nombre des électrons qui font la cohésion des corps.
Son visage impassible semble dire : Tournez en silence avec moi. Je ne suis qu'une âme, vous n'êtes que des âmes, du vent, du soleil et des herbes. Vous n'êtes que du soleil, du vent et des herbes. Bougez lentement, droits, entrez dans la ronde des astres, jusqu'à la fin des jours. Abandonnez-vous au vide parfait, dans le ventre du temps.
Philomène

lundi 22 juin 2009

Amerrika

Y avait-il un autre espoir pour les Palestiniens que d’aller voir ailleurs ?
Une mère divorcée et son fils vont mesurer la distance entre le rêve et la réalité et les difficultés de l’intégration dans l’Illinois au moment où l’Amérique de Bush envahit l’Irak. Cette mère courage parfois maladroite ne va pas rester longtemps sous la dépendance du cousin qui est installé depuis des années aux Etats-Unis. Des acteurs sympathiques pour une comédie tendre. Un film pour des temps optimistes, Obama est devenu président.

samedi 20 juin 2009

En attendant Godot.

La notoriété de cette pièce de 1953 n’est pas usée. Son dispositif élémentaire et souvent repris m’avait fait penser que je l’avais déjà vue, pourtant dernièrement à la MC2, j’avais l’impression de la découvrir dans cette mise en scène de Bernard Levy avec Gilles Arbona, l’acteur de théâtre que je connais le mieux. C’est notre voisin.
Beau décor dépouillé, langage simple, acteurs évidents, situations claires, pour nous entraîner dans la complexité face à la relativité de l’amitié, à l’absurdité de la vie, à nos compassions manipulables. Le temps, l’ennui, le désespoir.
« Elles accouchent à cheval sur une tombe, le jour brille un instant, puis c’est la nuit à nouveau. En avant ! » Je n’ai pas ri, bien qu’il y ait des clowneries, et j’ai trouvé le texte poétique.
« Fous moi la paix avec tes paysages ! Parle moi du sous-sol »

Nous y sommes invités.

Ados addicts aux écrans.

Quelques mots retenus après la conférence donnée au collège Barnave par Régis Miramond, psychothérapeute au CHS de Saint Egrève.
Il y a 10 écrans en moyenne par foyer en France téléphones compris bien sûr ;
1 million d’usagers de jeux vidéo sur 28 millions atteindraient le trop plein,
les jeux en ligne étant les plus addictogènes, à en perdre le manger et le sommeil.
A l’heure où l’on introduit avec succès la Wii dans les maisons de retraite, c’est bien sûr l’excès qui est problématique, et peut sidérer ceux qui n’ont pas pris garde assez tôt aux signes avant-coureurs qui sont ceux de toute dépendance :
perte d’attention, isolement, baisse de motivation, urgence de l’immédiateté.
La parole des parents est la solution pour aller contre l’addiction, une réponse à un sentiment de l’inacceptable dont le seuil de tolérance a baissé considérablement.
Retrouver le sens du mot provocation (provocare : appeler), aider à faire la différence entre l’envie fugitive et impérieuse et le désir qui est une recherche à l’intérieur de soi, ne pas hésiter à s’opposer, oser dire ses doûtes mais poser la loi, ne pas fuir les problèmes.
Quand 15% des élèves de seconde doivent prendre des remèdes pour supporter leur scolarité, nous sommes devant un phénomène d’une société qui ne veut plus connaître de contrainte, où l’argent remplace la loi. L’enfant aime s’occuper de ses parents mais ceux-ci doivent assumer leur rôle de parents, au moment ou l’avenir doit se préciser, il faut que les histoires familiales soient dites. Dans la conduite automobile on doit anticiper, saisir tous les éléments d’un champ mouvant, les habitudes prises devant l’écran d’une vidéo qui rétrécit le champ de vision sont pénalisantes comme dans la vie qui ne se résume pas à des comportements mais requiert de la profondeur, la prise en compte d’éléments mouvants. Pour que les conduites de dépendance ne s’ancrent pas trop tôt, quelques précautions :
pas de télé avant trois ans, pas d’internet avant 6 ans, que l’ordinateur soit au centre de la maison et pas plus d’une heure devant l’écran.
Pour compléter lors d’un échange dans Libération concernant la crise des valeurs, ces mots de Catherine Dolto :« Les valeurs du commerce ont remplacé les valeurs d’humanité. Désormais, seul importe ce qui est mesurable par des machines. On a oublié que la pensée se construit à travers l’expérience. Einstein disait : « l’expérience apporte la connaissance, tout le reste n’est qu’information ». Le virtuel a éparpillé les gens et les a sortis de leur corporalité, de leur affectivité…L’humain s’il ne reçoit pas de sécurité affective, se construit dans la peur. »

vendredi 19 juin 2009

Livre de chroniques IV

J’ai connu Antonio Lobo Antunes par une de ses pièces de théâtre « Le cul de Judas » dont j'avais lu le livre qui l'avait inspirée par la suite, tellement son récit de la guerre en Angola est puissant. Ce recueil de chroniques variées de plus de 300 pages vibre de la même intensité et si les blessures de guerre reviennent encore, il sait bien faire palpiter son écriture à la description des lieux les plus humbles, des hommes et des femmes. Un rythme qui va chercher la précision, le mot juste, les formules réussies : « y a-t-il une vie avant la mort ? », « il devrait pleuvoir des larmes quand on a le cœur trop lourd », « c’est là où la femme a connu un amour heureux que se trouve son pays natal »… Je les déguste sur trois pages, le temps d’un voyage en sympathie ou je me dépêche vers d’autres surprises, d’autres enchantements d’écriture. Il faudrait tout citer, alors autant le lire. En général, la posture de l’écrivain se regardant écrire peut se révéler pompante, autant les recherches d’Antunes mêlant l’humour et la profondeur, jouant avec le temps nous le rendent familier, fraternel.

jeudi 18 juin 2009

Bruno Moyen

En allant faire un tour dans le quartier Championnet, de grandes photographies du quartier prises par Bruno Moyen attirent le regard. Présentées sur des totems ou à la devanture de magasins, l’effet de mise en abîme joue, mais pas seulement, le format et le style du photographe grenoblois distinguent ses productions. Récemment place Victor Hugo étaient accrochés des portraits de grenoblois portant un cadre, une façon d’avoir une idée générale de la ville et de quelques habitants en particulier. Là c’est un quartier qui peut se regarder au fil des heures : celle où maman conduit les enfants à l’école ou les commerçants s’apprêtent... Passé par New York et Pékin, Bruno Moyen revient dans ses rues.
http://www.brunomoyen.com/Home.html

mercredi 17 juin 2009

Sciences. Faire classe # 34

Histoire, géographie, sciences forment le triptyque de la dernière heure d’une journée de classe.
Ces disciplines jadis qualifiées d’éveil requièrent un dispositif similaire :
quatre pages A4 par thème avec des emplacements pour croquis mis au propre iront dans le classeur. Le carnet de croquis est souvent sollicité sur le vif. Ainsi que des séquences vidéo ou animations sur internet.
L’écolier d’un XXIème siècle, risque d’imaginer que l’air est composé uniquement d’ozone et de gaz carbonique, son corps le lieu menacé par le S.I.D.A. ou l’obésité : de quoi être stressé !
Alors il faut aller à la rencontre des éléments primordiaux : la terre, l’eau, le feu, l’air, le corps. Le temps, l’espace : la leçon des choses, les sciences naturelles.
Les oreilles pour le récit, les yeux pour les paysages, les mains pour la vérification des rouages.
« …ils écrivent des libelles, ou de prétendues sommes scientifiques, où ils mettent en question tout et le reste. Rien de ce qu’on pensait n’est plus vrai, à les entendre ; on a changé tout ça. Voilà que dans des verres d’eau nageraient de toutes petites bestioles qu’on ne voyait pas autrefois ; et il paraît que la syphilis est une maladie tout ce qui a de plus normale et non un châtiment de Dieu… »
P. Süskind
Les sciences constituent les piliers du temple de la raison et dans chaque école le seul saint admis s’appelle Thomas qui demandait à voir pour croire. Il ne s’agit pas de gonfler des biscotos d’un athéisme primitif parodiant d’autres fondamentalismes. Les mystères fabuleux qui ordonnent le ballet des planètes ou les alchimies fascinantes du corps éloignent de tout dogmatisme.
Dans les années soixante, je regardais le magazine « Sciences et vie » avec respect, il reflétait une croyance optimiste en l’avenir : l’eau arrivait dans les cuisines et une maman de rêve souriait de toutes ses dents de papier glacé ; ère du spoutnik. Les grands ensembles participaient au progrès repoussant les bidonvilles vers Rio à portée de Concorde. La science peut séduire aujourd’hui dans sa version « Sciences et vie junior » avec une présentation agréable qui met de la simplicité dans un domaine où la complexité nous rend souvent perplexe.
Le concept de « la main à la pâte » s’est installé alors que main et pâte sont mal vues, à l’heure des précautions par principe où les ingrédients risquent la péremption et les doigts sans gant, une désinfection draconienne. La démarche méritoire des émules de Charpak reprend le tâtonnement expérimental des pionniers Freinet. La médiatisation a été efficace mais l’ambition a paru à beaucoup difficile à atteindre. Les mises en place s’avèrent parfois trop lourdes et guider les élèves d’une façon suffisamment subtile et efficace exige une technique certaine. Quelles expériences doit-on inventer pour répondre aux questionnements ? A ne pouvoir imiter les plus passionnés, on risque de ne rien accomplir du tout. Pour permettre aux enfants de ne pas s’enferrer dans des bricolages vains, j’ai passé beaucoup de temps à batailler autour d’une aiguille ; et que je la frotte en tous sens contre un aimant, mais celle-ci refusait de donner le nord : il fallait la frotter dans un seul sens. Euréka, mais que de temps passé !
Dans les livres émouvants des années cinquante aux illustrations claires, des idées d’expériences abondent et les méthodes actives sont tout à fait recommandées autour de la conjugaison des verbes : agir, réfléchir, conclure, retenir. Pourquoi ce dernier mot fleure un peu la brocante ? Quel régal pour les élèves de manier, triturer, essayer, construire! Les manuels, les sites foisonnent. L’émission « c’est pas sorcier » avec son côté bricolo rapproche le spectateur de l’expérimentateur et procure des idées de manipulations. Les temps nous conduisent à la propreté, à l’asepsie, mais il vaut mieux que l’expérience se déroule en classe au risque de laisser une odeur persistante de bois après distillation qui enrichira la mémoire. Les cris d’effroi un peu surjoués, poussés quand il s’agit d’extraire le cristallin de l’œil d’un bœuf, se mêlent de curiosité. Réserver à l’abattoir un œil pour chaque élève comme avant que la vache ne fut folle relève du parcours du combattant, mais l’effet reste garanti. Les expérimentations réalisées pour tous les élèves demeuraient plus aquatiques avec leur lot de bouteilles en plastique pour construire des clepsydres de fortune. Un biceps de baudruche gonflé à la paille levait un avant bras plus efficacement qu’un bol d’E. P.O. Une machine à vapeur en maquette siffle et fume, elle fonctionne à l’alcool solidifié et permet de comprendre bien des mécanismes produisant de l’énergie. Un bouchon en pomme de terre au bout d’un tube a sauté après la vaporisation d’un peu d’eau qu’il contenait. Situation : qu’est ce qui va se passer ? Pourquoi ? Confrontations. La vapeur pousse dans le piston, mais la naïveté sera le ressort, la curiosité la turbine, l’étonnement le moteur.
Je me souviens de bouteilles en plastique lestées diversement qui « pesaient le vent », chez un de mes maîtres.
Les enfants n’ont plus l’occasion de voir dépouiller un lapin ou la saillie d’une vache. Canal + y pourvoit en saillies, mais les plus belles images de synthèse ne vaudront pas le plaisir de ramasser ses propres radis dans son carré de potager scolaire. Souvent les élèves ont été bien sensibilisés avec des élevages, des plantations les années précédentes, ils ont profité de séjours en classes vertes à construire des moulins à eau, à cuire des tartes avec leurs cueillettes. Ils poursuivent ces activités attractives en C.M. : montages électriques qui éclairent par exemple des boîtes à chaussures décorées pendant les temps d’arts plastiques.
Lego offre des ressources infinies pour la technologie et c’est encore meilleur depuis que cette marque ne connaît plus la même faveur chez les marchands et leurs victimes.

mardi 16 juin 2009

On n’est pas sérieux, quand on a septante ans

On n’est plus sérieux, quand on a septante ans
Un beau matin, on se lève, on n’a pas dormi
On dit adieu les rêves, on salue ses envies
On regarde au miroir ses rides de vieil enfant.

On enfile un vieux short, des baskets rose bonbon
On nettoie la bécane, on regonfle les pneus
La selle est un peu molle, propice aux abandons
Le chemin a des parfums mouillés dans les creux

Voilà qu’on aperçoit une casquette bleue
Des yeux rieurs, une barbiche claire, c’est Léon.
Septante ans, poète et vainqueur du Marathon
De New York, Paris ; on l’avait perdu des yeux

Premier mai ! Septante ans ! « - On se laisse griser »
La sève printanière, plus forte que vos artères
Est un alcool capiteux qui vous fait tanguer
- Bonjour ! – Salut ! Ce jour exauce mes prières !

On met un pied à terre, on fait des regards doux
On s’essuie la nuque, on boit à son bidon
Vous aimez pédaler sur la digue, dit Léon
On opine, on lui offre un caramel mou.

Sur la berge de l’Isère tremblent les peupliers
Les neuves hirondelles chassent les moustiques
De nos sacoches kaki, on sort nos pique-nique
Pour lui pain et fromage, pour soi du lait caillé

L’ombre est fraîche, il vous couvre de son K-Way
« Quand on a septante ans, mieux vaut être prudent ! »
Ses yeux brillent comme lacs ; on n’ose dire ouais !
On s’endort pour de vrai dans un décor charmant.

On rêve du temps jadis, on était si sérieux
L’amour unique pour toujours mettait le feu
A chaque heure. On était plein et le monde vide.
A septante ans le monde est plein et le cœur vide.

Léon rampe vers vous, à la bouche une violette
Il dit votre nom les bras pliés sous la tête
Sa main touche la vôtre, il chante un vieil air
« La belle si tu voulais… », on ne fait pas la fière.

On murmure : « nous dormirions ensemble, lonla »
Il poursuit, tremblant : « dans un petit pré carré »
On s’entête : « sous les lilas et les résédas »
On trouve sur les fougères une couche pour s’aimer

On revient chaque soir au chemin des amants
On récite Rimbaud, on chante du Ferré
Le cœur est plein, le monde aussi, chère liberté
On se fout d’être sérieux quand on a septante ans.

Marité
Rappel de l'original:
ON N'EST PAS SERIEUX QUAND ON A DIX-SEPT ANS
On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans
Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
On va sous les tilleuls verts de la promenade.
Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits, - la ville n'est pas loin, -
A des parfums de vigne et des parfums de bière...
Voilà qu'on aperçoit un tout petit chiffon
D'azur sombre, encadré d'une petite branche,
Piqué d'une mauvaise étoile, qui se fond
Avec de doux frissons, petite et toute blanche...
Nuit de juin ! Dix-sept ans ! On se laisse griser.
La sève est du champagne et vous monte à la tête...
On divague, on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête...
Le coeur fou robinsonne à travers les romans,
Lorsque, dans la clarté d'une pâle réverbère,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
Sous l'ombre du faux-col effrayant de son père...
Et, comme elle vous trouve immensément naïf,
Tout en faisant trotter ses petites bottines,
Elle se tourne, alerte, et d'un mouvement vif...
Sur vos lèvres alors meurent les cavatines...
Vous êtes amoureux. Loué jusqu'au mois d'août.
Vous êtes amoureux. Vos sonnets la font rire.
Tous vos amis s'en vont, vous êtes mauvais goût.
Puis l'adorée, un soir, a daigné vous écrire !...
Ce soir-là,... vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade...
On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans
Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade.

Arthur Rimbaud

lundi 15 juin 2009

Home

La terre est belle, le film, vu au cinéma, est beau et ce n’est pas un inconvénient !
Qui peut être contre une occasion de s’émerveiller, de s’émouvoir, de réfléchir ?
Les musiques new âge me rebutent mais ce sont ceux qui regrettent l’impact de ces images sur les votes aux européennes qui m’atterrent.
Les abus de la pêche et de l’agriculture intensives, la déforestation, le réchauffement climatique, la raréfaction des sources d’énergie fossiles ne sont pas des problèmes secondaires ! Le seul tracas, c’est que cette prise de conscience s’opère aussi tard : le Club de Rome dans les années 70 avait pointé bien de ces sujets de préoccupation. Le texte du film est pédagogique sans mièvrerie, effectivement nous sommes des fourmis sur cette planète, le point de vue loin d'être européocentré est fécond : nous n’avons plus le luxe de gloser pour savoir si Besson et Bernard Arnaud n’ont pas dénaturé le message, si de dire « home » c’est s’approprier indûment la nature. Il faut revoir nos modèles de développement.

dimanche 14 juin 2009

L’espoir luit comme un brin de paille…

Dans le livre « 366 jours de poésie » chez Omnibus, à la date d’hier, Verlaine :
« L’espoir luit comme un brin de paille dans l’étable,
Que crains-tu de la guêpe ivre de son vol fou ?
Vois, le soleil poudroie à quelque trou,
Que ne t’endormais-tu, le coude sur la table ? »

Un brin de paille.

samedi 13 juin 2009

Désarroi au P.S.

Pas d’annonce fracassante par Dame Tartine, c’est ainsi que Le Canard enchaîné surnomme Martine Aubry, il faut ben sourire.
La situation créée est plutôt sympathique- je n’ai pas écrit pathétique- car elle résiste au tempo hystérique des médias. Mais de laisser à nouveau du temps, pour des questions qui ne datent pas de ce dimanche, risque de décourager un peu plus les militants qui travaillent encore dans la maison.
Plutôt que d’ajouter une pelletée en jouant mon petit Boutih, Vals, ou Mosco, très en forme, je me contenterai de lire le journal :
Dans Libé : Gilles Finchestein de la fondation Terra Nova parle des Européens qui doutent « de la capacité des sociaux démocrates à atteindre les objectifs qu’ils se fixent.
Ils constatent que sur beaucoup de sujets,
ils hésitent entre l’abstention-ils n’ont pas de position-,
la division-ils ont chacun une position-,
et la circonvolution- ils ont une position confuse.
Ils ont le sentiment que les mots utilisés sont usés jusqu’à la corde. »
« Ce n’est pas parce qu’ils ont de mauvais résultats qu’ils sont moroses mais parce qu’ils sont moroses qu’ils ont de mauvais résultats ! Ils doivent retrouver l’audace d’adopter des positions courageuses, de formuler de nouveaux compromis, de saisir de nouveaux problèmes- tout simplement de repenser leur projet et de le porter avec enthousiasme. »

Jean Paul Fitoussi :
« Les inégalités sont inefficaces économiquement et politiquement…
elles retardent la sortie de crise. Elles empêchent les catégories les plus touchées de se projeter dans l’avenir, et donc de prendre en compte l’impératif environnemental. Les inégalités et l’écologie sont les deux questions majeures actuelles, abandonnées par le centre gauche, qui préfère avoir des discours intemporels éloignés des réalités. »
2002-2009 : 7 ans de "rénovation" au PS - Nouvel Obs
Au soir du 21 avril, Lionel Jospin, en se retirant de la vie politique, appelait les socialistes à préparer la reconstruction de l'avenir. Le 7 juin 2009, après un score plus que décevant aux élections européennes, Martine Aubry demande de l'unité et de la rénovation au PS.

vendredi 12 juin 2009

Les dépossédés

Bonne nouvelle !
Robert Mcliam Wilson vit à Paris, il est l’invité d’un nouveau fait littéraire « Paris en toutes lettres » ; et aux lecteurs de Télérama, il confie qu’il a toujours rêvé d’être éboueur, avec cet humour qui lui est si particulier.
Robert Mcliam Wilson, je l’ai rencontré en 2007, lors du Printemps du Livre Grenoblois ; il était l’évènement ; son dernier livre « Les dépossédés » venait d’être traduit de l’irlandais et bouleversait les lecteurs par l’actualité du livre, ici en France ; une France d’avant la crise pourtant, mais qui découvrait qu’au XXIème siècle, on pouvait y vivre, y travailler et ne pas pouvoir se loger.
Ecrit en 1992, alors qu’il n’avait que 27 ans mais trois livres derrière lui sur les luttes et la misère au Royaume Uni, les « dépossédés » tente une analyse d’une forme particulière de la pauvreté et décrit une classe moyenne ravagée par la politique ultralibéraliste de la Dame de Fer Margaret Thatcher ;le projet de l’écrivain est de réaliser une enquête objective, accompagné d’un photographe, sur « la pauvreté , (celle-ci) étant la seule expérience humaine, en dehors de la naissance et de la mort, que tout être humain est capable de partager ».
Pour être « dépossédé », il faut avoir « possédé » quelques biens, un emploi, une famille et c’est le processus de déchéance financière, sociale, morale vécue par des femmes et des hommes rencontrés à Londres, Glasgow et Belfast, qu’il partage et nous invite à partager : en compagnie d’ Henry « beau, intelligent enflammé, mais sans le sou, noir et gay, tu ne peux pas être plus marginal ! » ; de Gabrielle qui lui apprend qu’être pauvre c’est moche mais qu’être pauvre et femme l’a « laminée plus sûrement que tout autre facteur » ; ou bien encore de Marty et Ann, l’un travaillant dans un « club social » et l’autre, femme de ménage dans un hôpital ; fiers de leurs enfants intelligents et doués, ils se privent de tout pour que ceux-ci poursuivent leurs études au lycée .
Loin de l’étude distancée prévue, Robert MC Liam Wilson raconte avec compassion, faconde et parfois drôlerie, un an de rencontres avec des êtres auxquels il s’est attaché et dans lesquels, issu lui-même d’un quartier pauvre de Belfast, il s’est retrouvé. Il souligne leur dignité au milieu de ces situations inextricables, intenables et pourtant supportées ; il stigmatise les critiques et les clichés ordinairement proférés à leur encontre : un téléphone ? une télévision ? C’est superflu ! Et pourquoi faire autant d’enfants ?
Mais face au cynisme dominant du gouvernement et des riches, il considère que sa démarche a échoué. « Il n’a rien publié depuis plus de dix ans et sa voix nous manque » dit son traducteur.
Marie-Françoise Proust

jeudi 11 juin 2009

« Girls by girls »

« Girl » : c’est du vocabulaire anglais qui m’est encore familier, mais quand je me suis mis à la recherche du mot « junk » parce que la galerie qui expose des plasticiennes s’appelle Spacejunk, je n’ai pas vu le lien, car le lieu est propret et les œuvres présentées gentilles
Et pourtant le junky c’est le « camé », en économie les « junk bond » sont des obligations pourries, quant à la « junk food » elle donne du côté malbouffe. Cette galerie a l’intention de valoriser l’art de la rue, certaines artistes exposées se réclament de la « board culture » comme skate board, les sports de glisse, où l’artiste en équilibre avec la nature est « complice des éléments ».
Caia Koopman reproduit des personnages féminins assez stéréotypés mais à bien regarder une larme peut perler au coin de leurs grands yeux. Carole Bielicki joue aussi du rose avec des présences plus inquiétantes. Sofia Maldonado l’américaine dont j’ai photographié un des dessins pour illuster l’article a une vraie patte bien qu’un peu statique à mon goût. Mizzo une suissesse est influencée par la ligne manga, ses arabesques appliquées sur des supports inhabituels (chaussures, téléphone, skis) peuvent plaire.
http://www.spacejunk.tv/

mercredi 10 juin 2009

Récréation. Faire classe # 33

J’ai bénéficié pendant des années de locaux multiples et confortables dans une école toute neuve, de la bienveillance de mes collègues et de la confiance de certaines directrices peu enclines à une interprétation frileuse des textes. Si bien que dans le cadre rigoureux des vingt minutes de pose qui ne s’autorisaient jamais à déborder, mes élèves ont profité d’une grande liberté qui a constitué pour beaucoup une part heureuse de leur vie à l’école. Moment éducatif scandé par le son d'une cloche de vache que les élèves de C.P avaient l'honneur d'agiter pour marquer la fin de la récré. Nous étions raccord avec l'esthétique de l'école maternelle attenante avec sa salle de jeu en forme de grange Chartrousine.
Rester en classe représentait une récompense suspendue en cas de problème pour poursuivre des constructions de maquettes, jouer à l’ordinateur,à des jeux mathématiques, musarder dans le musée de classe, lire...
Des équipes se succédaient en salle polyvalente pour préparer des pièces de théâtre, des danses. Des personnalités se sont révélées, des parodies très drôles d’émissions de la télévision prouvaient s’il en était besoin que les enfants ne sont pas forcément dupes. Ces créations annoncées par affiche, combinaient liberté individuelle et compte rendu au groupe.
D’autres pouvaient regarder une cassette amorcée ensemble.
Ainsi en comptant les vidéos proposées dans le car au retour du ski, les élèves découvraient une bonne vingtaine de films en une année scolaire : Chaplin, Wallace et Grosmitt , « L’appel de la forêt », « Le ballon d’or », « L’enfant de Calabre », « Fanfan la tulipe ». Il y eut bien des émotions partagées par une dizaine d’enfants voire en solitaire devant « Jeux interdits », « Le gône du Chaaba », « Le vieil homme et l’enfant », « Cuore », « La guerre des boutons » « Rue Case nègres ». J’ai accueilli « le Titanic », « Babe », « Billy Elliot »… Et j’ai renoncé à « Germinal »après des remarques judicieuses de parents. Je me suis gardé des trop connus « Madame Doubtfire », mais sans me lasser j’ouvrais chaque saison sur « La gloire de mon père » pour partager cette croyance en l’école qui ne renie pas la lumière des vacances mais la prolonge. Nous tricotions un petit patrimoine culturel avec aussi « Un sac de billes » et « L’argent de poche » …
Dans une école qui s’ouvrait, les architectes avaient négligé les propositions des enseignants qui demandaient des toilettes à l’extérieur. Immanquablement, le coin des lavabos installé dans les bâtiments est devenu cachette pas toujours poétique. Il est vrai que l’installation de points d’eau extérieurs n’a pu perdurer. Ils ont été vite détruits lors d’incursions nocturnes. Les aménageurs n’avaient pas noté non plus le souhait de planter un mûrier pour nourrir quelques vers à soie. Et l’idée d’un atelier qui échapperait à la dictature des femmes de ménage relevait trop de l’utopie : les salles sont blanches aujourd’hui, pas de copeaux par terre. Pas de craies floues qui fondent sous les giboulées, la municipalité a tracé des marelles qui y ont perdu de l’aléatoire.
Dans cette école qui cherchait ses marques, les règles de vie en commun et la part attendue des enfants ont suscité la constitution d’un conseil d’enfants. Ils eurent d’abord à inventer pour ces temps de récréation. Assez répressifs au départ, les délégués élèves guignaient le rôle de petits kapos ; les enseignants ont réaffirmé leur rôle de garant de la tranquillité de chacun. Les caïds des bacs à sable ont été contrariés. Pour éviter que l’instance ne dégénère en récriminations perpétuelles le conseil a été orienté vers plus de propositions. Les élèves ont tenus des stands et animé une vraie fête de l’école organisée de leur propre initiative, une occasion de bons moments pour clore l’année scolaire.
Les territoires implicites dans une cour de récréation s’ordonnent beaucoup autour des parties de foot des grands. Les maîtresses peu enclines à amortir quelque centre au deuxième poteau avaient imposé l’usage exclusif de ballons en mousse n’entravant pas la virtuosité des footeux. Parfois quelques parties à l’Agorespace voisin avec ballon cuir laissaient de la place aux petits. Mais cette exception réservée aux beaux jours dérogeait trop au principe du partage des surveillances. Car la cour offre une vitrine sur le quartier, la communauté éducative y concrétise sa cohérence en un langage commun. La force, les connivences, la sérénité, le soutien entre adultes se jouaient dans ces moments essentiels pour l’ambiance d’un groupe scolaire.
La récréation ne procure pas vraiment une pause pour les enseignants qui préparent par leur vigilance, une suite sereine à la journée.
J’ai appris qu’il existait désormais des animateurs pour apprendre à jouer aux enfants. Passé le moment de consternation, j’admets finalement ce type d’intervention s’il réamorce de l’inventivité, et n’empiète pas sur le temps de distraction réel de l’enfant ; la paix !
Les déclarations d’assurances concernent essentiellement ces périodes. Les compagnies dicteront-elles encore plus la loi ? Verra-t-on des vacataires privés pour garantir la sécurité dans les couloirs et aux abords des bunkers éducatifs ? Si les tourmenteurs des toboggans passent au « 20 heures », je crains ne pas avoir abusivement extrapolé.
Que crie le moineau ?
La joie me tient chaud.
Que crie l’alouette ?
J’ai le ciel en fête.
Et que crie la pie ?
Qui rit, s’enrichit.
Maurice Carème

mardi 9 juin 2009

Elle est à toi

Il m'a dit : Elle est à toi, cette maison.
Puis il a chaussé ses godasses de montagnard, il a enfilé son anorak, enfoncé son bonnet sur sa tignasse qui grisonne. Il a ajusté son sac à dos, vérifié que ses gants étaient bien accrochés à sa ceinture. Il m'a encore regardée. Regard sans faiblesse, au gris pâli mois après mois dans son visage aminci. " N'oublie jamais qu' elle est à toi cette maison, quoi qu'il arrive…"
Devant la porte, il s'est arrêté, il s'est retourné, il a posé sa main gauche sur mon épaule droite qu'il a un peu serrée, comme si cela lui faisait mal cet effort dans ses doigts. J'ai regardé sa bouche demeurée fraîche, une bouche d'enfant. La porte s'est refermée sans bruit sur la brume d'altitude. Ses semelles ont raclé les grosses pierres au delà du perron et le silence est revenu petit à petit gelant l'espace, posant dans ma poitrine des cristaux acides.
J'ai cherché du regard la pendule et les réveils, j'ai froissé le journal de la veille, j'ai serré mes bras contre mon ventre. J'ai allumé un feu dans la cheminée histoire de dégeler la glace qui pressait mes côtes. Quand l'eau bouillante a empli la théière m'envoyant au visage sa vapeur, j'ai entendu le mot " solitude ".
Je ne reverrai plus jamais Jean.
Au matin je l'avais trouvé s'affairant autour de son sac. Il avait très mal dormi : " Ca ne peut plus durer ; je vide mon compte en banque. Je pars voir le monde, les fleurs, les bêtes et les hommes quoi ! Ne dis rien même si tu ne comprends pas. Tu as la maison ; j'ai fait le nécessaire. Tout est en ordre. Moi, il faut que j'arpente la terre avant la fin… " IL s'était appuyé du front et des mains contre le manteau de la cheminée. Ses épaules pointaient sous le pull bleu qu'il ne quittait plus. Ses hanches étroites, des hanches d'ado, avaient encore fondu ; son pantalon faisait des poches sous ses fesses. Ses jambes si longues tremblaient un peu.
Il est parti maintenant.
J'ai bu un bol de thé et j'ai installé un matelas près de la cheminée. J'ai bu de l'eau chaude toute la nuit. Le vent s'est levé vers minuit. La branche du cèdre a frotté contre les lauzes. Jean n'avait pas eu la force de la couper ; je m'y mettrai demain. J'ai écouté France-Culture. La nuit les voix sont proches, elles sont dans la pièce, feutrées, chuchotantes. J'ai écouté les voix des femmes et des hommes, surtout celles des hommes. J'ai peut-être dormi.
Au matin, j'ai remis le matelas dans la chambre d'amis, j'ai pris un petit déjeuner, beaucoup de miel. La brume s'était levée, on apercevait la muraille éclatante du Mont Aiguille. Au printemps je partirai, je vendrai le chalet. Je quitterai ce cul-de-sac. Cette maison est un bateau échoué. Bientôt elle sentira le moisi.
Jean est parti. Il n'a pas voulu partager les derniers mois. Je l'aurais aidé pourtant mais que savait-il de mon amour ? Il a choisi cette marche contre la mort qui me laisse à moitié vivante.
Dans la salle de bain, sur l'étagère de Jean, j'ai trouvé ses boîtes de pilules… la galère de la trithérapie. Aura-t-il le temps d'atteindre les premiers déserts africains?
Le café, c'est vraiment une grande invention. Je vais en boire beaucoup aujourd'hui. Je couperai la branche du cèdre comme on coupe l'avenir. Le temps me portera le temps qu'il voudra.
Philomène

lundi 8 juin 2009

Etreintes brisées

J’aime bien me distinguer parfois en tenant des propos pour le plaisir de contredire des majorités. Mais mon peu d’enthousiasme à la vue du dernier Almodovar me remplit de doute : aurai-je tant émoussé mes capacités à admirer ? Tout le monde applaudit tellement à chaque apparition du grand prêtre de « La Movida » qui commence à faire long feu pourtant, me semble-t-il. Oui, toujours ses couleurs, et Pénélope est bien gironde, les citations de propres films de Pedro sont drôles, mais l’annonce des possibilités de multiples histoires nous détache de l’émotion d’une seule qui nous empoignerait. Comme un peintre que l’on connaît bien et qui nous présenterait sa palette, mais nous n’avons plus la surprise. Le plaisir de se retrouver en territoire familier s’est éventé : l’épicerie « moderne » a pris des années.

dimanche 7 juin 2009

Renan Luce

Sautillant, le jeune homme est parfait pour accompagner une matinée de printemps.
Il nous conte des histoires de tendresse, même s’il n’est pas très crédible avec sa voix juvénile en « Repenti ». Par contre il est charmant dans les « Voisines » et dans « La lettre », s’inscrivant dans la tradition d’un Renaud décoléré, sans parigotisme, il renouvelle le stock des trousseurs de rimes, boucleurs de courts métrages à la patte fraîche.
« Cherche regard neuf sur les choses
Cherche iris qui n'a pas vu la rose
Je veux brûler encore une fois
Au brasier des premières fois
Mais j'ai croisé sur mon chemin
Deux grands yeux bleus, deux blanches mains
Ses menottes ont pris mes poignets
Et ce sont ses yeux qui m'ont soigné »

samedi 6 juin 2009

Coupe - coupe

En football, la coupe de France en mettant en compétition toutes les équipes du territoire laisse espérer à chaque joueur de pouvoir fouler un soir la pelouse du stade « deuf » après avoir écarté une série d’adversaires de tous niveaux par élimination directe. Tout le monde de Valencogne à Paris, sur la même ligne de départ.
Il y avait des surprises jadis et mythologie éternelle et mobilisatrice : Goliath pouvait chuter.
Cette année l’équipe de Guingamp (8000 habitants ; stade de 15 000 places) a gagné contre l’équipe de Rennes, la métropole régionale. Et les éditorialistes paresseux de reprendre la même image : « le foot des champs a gagné contre le foot des villes ». Hypocrites ! La multiplication des compétitions, conduit les entraîneurs à faire des impasses. Maintenant la coupe est devenue accessoire. D’ailleurs quelle coupe ? Celle là, l’historique qui convoque les souvenirs, ou les autres, celle de la ligue ou celle à Toto ? Le spectateur se lasse- d’ailleurs dit-on encore spectateur ? On parle de supporters. Allant à Gerland pour un match de rugby, j’avais refusé à la charmante hôtesse, un maquillage aux couleurs de Clermont, je crois.
L’équipe de France, elle, est devenue un produit TF1 et les campagnes publicitaires ne peuvent rien pour convaincre que des individualités surpayées se bougent pour une étoile de plus sur la poitrine. C’est Domenech qui ramasse pour ce qu’est devenu le foot : une arène pour la com’ où les convictions se sont enfuies. On ne joue pas impunément avec l’innocence éternellement.
J’ai applaudi, encouragé, le GF 38 promis à redescendre en ligue 2, nous restons en une : bien fait! Mais pour une fois qu’ils passaient à la télé, en demi-finale de la coupe, les « grenoblois » nous ont gratifié d’une prestation insipide, sans conviction. Derrière la même vitre passent des matchs anglais à 100 à l’heure, sans jérémiades, et là le désinvestissement des deux équipes sautait aux yeux. Difficile de faire plus banal que l’injonction de « mouiller le maillot », mais le pauvre môme qui dort avec l’écharpe de club est bien peu respecté. Grenoble reste en ligue 1, Guingamp vainqueur de la coupe, la ligue des champions au Barça : parfait. L’OM de la ville des passions et des réprouvés, que j’aime aussi parce son destin est capricieux, a finalement réussi sa saison. Si j’aime poser en amoureux des faits, des fois ce sont les fées qui me font môme. De surcroit l’équipe d’Aulas, l’OL, a perdu de sa superbe. Il voulait un championnat genre NBA (basket américain) avec des équipes immuables jouant entre elles au niveau européen : une élite sous cloche à donner en spectacle aux pauvres. Cette mise en retrait laissera un sursis au rêve pour toutes les équipes même celle où votre boulanger garde les buts.

vendredi 5 juin 2009

Celui qui n’est jamais venu

Alain Rémond a quitté Télérama, je me suis détaché de Sa Sainteté bien pensante.
Mais je me suis lassé plus tard de ses chroniques dans Marianne où il a usé beaucoup du cintre et de l’anodin. Dans ce dernier livre lu avec jubilation, je retrouve la veine autobiographique qui m’avait fait acheter de nombreux exemplaires pour offrir de « Chaque jour est un adieu ». Il excelle dans le genre en racontant une fois encore ses vingt ans, sans jamais renier ses exaltations poétiques d’alors. Il ne poursuivra pas sa vocation de prêtre, et évoque sa solitude, ses amitiés, son amour. Il reprend les conseils que lui a adressés Jean Cayrol « L’inspiration lâchée sans bride peut paraître neuve à celui qui écrit soumis à ses pulsions, mais en réalité elle traine tout l’héritage d’une culture et le tout venant des images et des paroles dans lesquelles nous baignons… »
Il est question du destin, de cœurs brulants comme avec les pèlerins d’Emmaüs, dans la simplicité, la limpidité, l’évidence d’une vie honnête. Merci.

jeudi 4 juin 2009

Richter Gerhard

Dimanche premier juin, c’était le dernier jour, pour l’exposition au musée de Grenoble du peintre allemand aux productions très variées. Le professeur reconnu est en recherche constante avec des couleurs aux nuanciers semblables à ceux du commerce, jusqu’au gris qui recouvre des séries de toiles.
Des couches recouvrent et se découvrent sous les coups de spatules, elles produisent des repentirs qui n’en finissent pas et entretiennent l’éternelle interrogation du moindre barbouilleur : quand arrêter son geste ?
Il réinvente « les vanités » qui ont jalonné l’histoire de la peinture. Je préfère ses flous, sa marque de fabrique, à ses tableaux abstraits. Ses dialogues avec la photographie contredisent ceux qui annoncent la mort de la peinture.

mercredi 3 juin 2009

Profession des parents et métier de parents . Faire classe # 32

La « transparence » est l’un des maîtres mots de la communication et pourtant des enfants méconnaissent le métier de leurs parents. Cette ignorance me semblait un signe de déficit de maturité.
Il faut constater que les lieux d’activités se sont éloignés des lieux de vie et l’éclatement des statuts participe aux difficultés à se connaître d’une société tout entière. De plus en plus de jobs apparaissent difficilement compréhensibles par les enfants (et par les adultes aussi d'ailleurs). Les salariés soumis aux fonds de pension à l’appétit sans fond, ne connaissent plus leur patron ; les cadres auront besoin de stages pour cultiver le patriotisme d’entreprise, mais où sont les fiertés dans le travail ?
Au moment des choix d’orientation, les représentations des débouchés sont floues et il est de mise désormais de viser un Bac +3 sans préciser la destination. Les filières tournées vers la production sont souvent inadaptées, le temps est à la tertiarisation et là les qualités de réactivité, d’adaptation requises ne sont pas toujours bien cultivées à l’école.
La grande arnaque qui confond démographie scolaire et démocratie scolaire quand les facs ajoutent des zéros à leurs effectifs, va-t-elle se révéler ?
Qui produit en France ? Les métiers aux créations tangibles rejoignent les imagiers obsolètes avec la cocote minute qui sifflait au rebord de la fenêtre. Le chant du coq dérange comme la cloche du village. Cet éloignement de la diversité et des rythmes humains, accompagne le silence des pères - en particulier- à la table familiale. Ceux-ci se sont effacés surtout dans les milieux déjà les plus fragiles : quand on dit famille mono parentale, c’est maman parentale qu’il faut entendre.
« Plus rien ne me semblait dangereux parce que j’étais à vingt pieds du sol, dans les bras de mon père qui, par la seule force de sa volonté, faisait en sorte que rien ne m’arrive ! Rien ne pouvait m’arriver ! » Michel Tremblay.
Gardons nous de généralisations hâtives; en ces années que Ségo traversa, beaucoup d’enfants ont gagné des pères attentifs, présents, ils grandissent du bon côté de la fracture, la sociale facture. Mais souvent la table familiale a disparu, remplacée par un zapping dans le réfrigérateur. Concernant le mobilier, de dévorantes machines ordinatrices gardent trop bien les enfants. Livrés à eux même, ils tombent plus facilement sur le petit prince « taillant une pipe » que sur des sites incontestablement enrichissants. Les relations se tendent, tournent parfois à l’hystérie ; la cellule familiale pèse sur les libertés des enfants d’avantage par amour dévorant que par manque d’investissement. Papa parti, petit perd sous les tonnes de sentiments de maman.
Il faut cesser de croire que l’école fournit toutes les solutions à tous les problèmes en déresponsabilisant les familles. Mais nous avons à aider ces chères têtes (les blondes et les brunes) à s’échafauder une identité dans le monde des grands en complétant les références parentales parfois défaillantes. L'école doit maintenir un lien avec son environnement social et humain.
Le temps d’une scolarité dure trois ou quatre quinquennats. 50% des emplois futurs n’existent pas pour les enfants qui entrent au C.P. , mais ce n’est pas plus mal que l’école s’épargne les urgences de la conjoncture.
De toutes façons le long terme sied mieux à ses rythmes pachydermiques, elle a la possibilité de regarder plus loin que la réalité du moment.
Les défauts d’orientation des jeunes tiennent aussi à cette difficulté à se représenter des professions autres que bateleur télé. Faudra-t-il travailler pour atteindre mon objectif ?
Travail : gros mot à éloigner des oreilles enfantines comme s’il s’agissait de la honte remontant au XIXième siècle des corvées pour enfants !
Il est tentant de considérer l’école comme un sanctuaire; mais les murs sont en carton, les familles et les enseignants débattent avec difficulté. « L’école c’est l’affaire de tous » s’inscrivait en gros sur nos affiches fraternelles quand nous voulions nous mêler aussi de médecine et d’agriculture et d’énergie et de justice… et que tout était politique. Nous souhaitions mieux impliquer les parents dans la vie de l’école pour assurer une meilleure cohérence éducative. Aujourd’hui le consommateur, l’usager demandent des comptes. Le « tout à l’égo » gouverne ; et la politique n’offre plus les moyens pour investir à long terme au moment où le mot « durable » ponctue tous les discours. Que les professeurs des écoles continuent avant tout à être des instituteurs qui instituent, donnent sens à leur travail, et réaffirment que ce sont eux les mieux placés pour choisir leur méthode ! La confiance, en face, est décisive pour laisser s’approcher le monde. Il ne s’agit pas d’aimer tout ce qui est proposé mais en prendre connaissance. Si en maternelle : « la maîtresse a dit » annonce un impératif catégorique, plus tard trop de parents affichent une défiance aux enseignants qui coïncide avec une aversion envers les savoirs.
- L’efficacité se gagne avec des rapports francs et cordiaux. Combien l’hostilité naît des craintes, des manques d’assurance ?
- Dans ma classe, une fiche navette devait être signée toutes les deux semaines par les parents pour attester qu’ils avaient pris connaissance du travail du petit. Cela évitait la vérification laborieuse des signatures sur les cahiers, et permettait de relancer les parents oublieux.
- Recevoir papa, maman en présence du petit non pas entre deux portes mais sereinement après rendez-vous, permet de ne pas perdre de temps. Le respect se conquiert aussi dans la réciprocité.
Même s’il y a des attitudes inédites qui vous scient. Une mère défendait ainsi son fils qui avait traité une surveillante de naine : « Si elle n’arrive pas à assumer son complexe, ce n’est pas mon problème ». Les gens sont petits parfois et les temps sulfuriques.
Le redoublement par exemple ne sera profitable que s’il y a accord de toutes les parties ou au moins une compréhension (pourquoi? et dans quel but?)
L’enfant nous étonne de plus en plus avec des réflexions adultes et les parents Casimir aiment régresser. Mais gardons l’humour, la distance, ne brûlons pas les étapes. Que d’enfants de maternelle invités à être autonomes, une fois devenus étudiants n’ont pas accédé à la maturité !

mardi 2 juin 2009

Dormir, dormir encore…

Dormir, dormir encore. Le chat est couché sur les pieds de l’enfant, chaton léger, si léger. C’est un chat qui jamais ne ronronne. C’est un chat de guerre qui craint les guerres. Son refuge, ce n’est pas la cave. Son refuge, il le trouve sur les pieds d’une enfant qui respire lentement pour retarder l’avenir. Elle rêve vite, elle veut terminer son rêve avant que ne se fende le silence. Le silence quand on le laisse tranquille, c’est le poids d’un chaton.
On marche dans la rue. La mère regarde par la fenêtre. Dans le ciel des fleurs de lumière achèvent de se faner. Les tirs de la défense anti-aérienne font leur boulot d’éclairagiste. Le spectacle son et lumière commence par la lumière. Faut bien qu’ils y voient, ceux qui vont tuer et ceux que l’on tuera. Les étoiles du feu d’artifice dégringolent quand se tait le chant des sirènes. Ils glissent sur les toits, le beffroi, disparaissent. On va peut-être mourir cette fois, murmure la mère, c’est beau pourtant ce ciel en fleurs.
L’homme et l’enfant ont sursauté. Ils ne se sont pas réveillés. Peut-être qu’ils rêvaient de l’enfer. Il faudrait réveiller l’enfant avant que le ciel ne lâche la mort. La mère regarde la rue, comme si c’était la chose la plus importante à faire par cette nuit d’été : prendre le frais à la fenêtre. Des ombres marchent, chuchotent. La petite s’enfonce sous son drap. La mère se penche pour l’écouter respirer. Dormir, dormir encore, c’est ce que disent les cheveux, le front de l’enfant, sa main posée sur la patte du chat… Elle n’a pas entendu les sirènes. Les nuits précédentes, elle était la première à jaillir du lit. Elle n’a pas entendu les jurons de l’homme répandu, long et large au travers du lit. « Merde ! Je ne descends pas, laisse-moi, tant pis… Y en a marre… Va… Prends l’enfant ou laisse-la avec moi… J’veux pas mourir sous terre… »
Déjà, il se fout la tête sous l’oreiller.
Dormir. Elle voudrait s’étendre près de l’homme long et large. Cacher son visage à l’aisselle de son homme, respirer sa vie, laisser passer la guerre, confier l’enfant au chat, à la maladresse des bombardiers. S’endormir, ne pas rêver, ne jamais se réveiller.
Elle se redresse. C’est ce silence. Un bloc de gelée aux tympans. Ses oreilles guettent les vibrations qui font de la gelée du silence imbécile mille aiguilles de terreur. C’est un bruit qui prendra à peine le temps de passer par les oreilles, qui ira droit au ventre pour le saccager. Alors, il sera trop tard.
Elle enroule la petite dans sa couverture.
Le couloir, c’est du goudron dans la gelée du silence. L’enfant ne pèse pas lourd, le sommeil l’allège encore. Parfois elle murmure, ne veux pas, veux pas… Mais la mère fait son travail de mère avec douceur et furie, c’est une chatte son petit entre les crocs.
La rue a le gris des vieilles rues sous les nuages frôleurs de lune. La mère évite les trottoirs, les murs traîtres ; elle gagne le milieu de la chaussée. Tout ce qui est de main d’homme lui fait peur. Soudain le vent les frappe. Pas de bruit formidable, à peine quelques cliquetis de tôles, le grincement de la girouette au carrefour de leur rue et du boulevard. La lumière arrive brutale sur le front de l’enfant. Elle ouvre si grand les yeux que la mère trébuche. Elle dit à la mère qu’elle veut marcher. Elle montre le disque filant sous l’effilochure des nuages.
- C’est une bombe ?
- C’est la lune, la pleine. Vite, on n’a pas le temps.
Le bourdonnement qui se retenait de l’autre côté du ciel, lance son boucan. Une sauvagerie, un hurlement. Retour des titans d’acier.
Les deux courent. Les tigres à leurs trousses lancent des rafales de frelons : c’est la lune bien sûr, c’est cette saleté de lune. Si elle brille de son gros ventre obscène, alors les tigres et les frelons arrivent pour le percer. Rien à faire. La petite pleure. Elle court plus vite que sa mère, ses pieds nus font clap, clap sur les pavés. Les mères ne sont pas rapides quand les coursent les tigres : elles hésitent entre fuir ou faire face.
- Regarde ! Ils sont là, les salopards ! Regarde bien, n’oublie pas !
Elles sont pétrifiées au carrefour. Puis sèchement l’enfant libère sa main. Volte-face. Elle court vers leur maison ;
- On a oublié le chat ! On l’a oublié !
Dans la chambre, l’homme n’a pas bougé. Tout est blanc et noir : des zébrures jaunes de plus en plus rapprochées. La maison tremble. Une gravure pieuse tombe dans un fracas de verre. A terre, saints, saintes, dieux et grigris ! Ils font une drôle de gueule les dieux lares ; personne ne sera épargné surtout pas les ventres des mères, aucun enfant, aucun chat. C’est contre eux que se font les guerres.
L’enfant compte, elle ne sait pas ce qu’elle compte. La voix froide qui jamais n’a peur lui dit de compter. Elle lui dit que si l’on entend le sifflement c’est que la bombe n’est pas pour vous. Alors elle espère les sifflements et se glace quand le silence revient.
Près de la mère, sous la table aux pieds grêles, elle guette les sifflements. Les pieds de l’homme font une drôle de danse. Ils courent. L’homme court dans son sommeil. Les tigres le pistent, rugissent dans son rêve.
La mère, son enfant, leurs dents claquent dans leur mâchoire… qu’une mâchoire pour hacher la peur… leurs entailles se vident… un seul ventre… ventre labouré, troué, explosé… oh…oh…oh… les serpents ne sifflent pas sur les têtes… les serpents se tordent et mordent dedans…
Les tigres sont repartis. Ils ont griffé la lune, ils ont chié dans les nuages, ils ont pété les tympans. Les pieds de l’homme sont au repos. L’enfant s’est rendormie, le chat entre les bras. La mère s’accoude à la fenêtre. Les gens sortis des abris regagnent leur demeures : c’était Five les usines de locos, ça brûle là-bas… Ce coup c’était pas pour nous… Ils sont heureux de respirer l’air de la nuit après la puanteur des souterrains.
On saura demain qui a casqué.
La mère se recouche. Pour se faire une place elle repousse le bras de l’homme. Le ciel est une fumée. Elle regarde la lutte que font les nuages aux fumées de la guerre. Elle ne peut pas dormir. Elle ne peut pas dormir. Elle ne veut plus dormir.
Lille 1943 ou 44 ou… ?
Kaboul, Bagdad, Gaza, Darfour, Sri Lanka, Peshawar et cetera.

Philomène

lundi 1 juin 2009

Looking for Eric

Tout pour me plaire : foot et cinéma social. C’est le film qui m’a le plus ému à la suite de la série de vingt quatre vus à Cannes. Histoire d’amour et d’amitié, avec de l’humour, de l’autodérision pour Cantona, et même un morceau de thriller, un nuage de fantastique et ce regard empreint de nostalgie de Loach sur la classe populaire, la solidarité. Toujours des gueules d’acteurs crédibles, les mystères du football mis à la portée de tous les manchots et une profondeur, une noirceur que je n’avais pas soupçonnées en écoutant les cris des « mouettes » fascinées par le tapis rouge cannois. Le temps a passé, Manchester a été racheté par les américains, et les enfants abandonnés dans la vie ne recousent pas forcément tout ce qui est déchiré comme dans cette fin trop mièvre, à mon goût. Elle fait, disons, partie d’un rêve qu’on voudrait prolonger. Comme on se repasserait le plus beau geste dont Eric C. se rappelle : non pas un but mais une passe, comme une caresse. Un sport collectif.