mercredi 26 novembre 2008

Ecole sensible. « Faire classe » # 10


Sensibles : se disait des quartiers, autrefois avant que Lagardère et Bouygues ne soient les dispensateurs de nos informations.
Et si l’école qui est au cœur des cités n’avait pas aussi ses délicatesses ?
Je risquerais de manquer de cohérence dans mon propos, si je n’exhumais pas quelques réflexions livrées à chaud, il y a maintenant trois ans, en regard de la situation actuelle, où je ne sais percevoir d’améliorations.
INCENDIES :
Tout n’avait pas commencé par l’acte fou, suicidaire de s’enfermer dans un transformateur à Clichy.
Les classes sociales ne datent pas de l’année dernière, la relégation ne date pas de novembre 2005.
Même si C.N.N. a exagéré à l’époque ; les lueurs des incendies de belles écoles, de gymnases neufs sont parvenues dans le monde entier jusqu’aux établissements d’enseignement sans toit, dans des aires misérables où se mime la francophonie. Que pouvaient-ils comprendre les petits qui font sept kilomètres à pied pour venir à 40 dans un lieu dit école, là-bas au Cameroun ?
Le pays d’Hugo a pris un coup à l’espérance démocratique. Les ascenseurs absents à l’étage disparaissent des métaphores ; qui parle d’ascenseur social en ce moment ? Leurs portes ouvrent sur le vide.
« Tu viens d'incendier la bibliothèque ?
- Oui.
J'ai mis le feu là.
- Mais c'est un crime inouï !
Crime commis par toi contre toi-même, infâme !
Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme !
C'est ton propre flambeau que tu viens de souffler !
Ce que ta rage impie et folle ose brûler,
C'est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage
Le livre, hostile au maître, est à ton avantage. »

V. Hugo conclut le poème par l’aveu de l’incendiaire : il ne sait pas lire.
AN 3 AVANT SARKO
Est-il fécond encore de pointer quelques paradoxes glanés au cours de débats et d’articles de l’époque ?
Il ne fallait pas donner raison aux casseurs, mais les réflexions se sont accélérées, les subventions n’étaient plus jugées infructueuses, un service civil a été proposé, les dossiers dans la presse s’épaississaient. Le modèle républicain n’était plus en cause mais plutôt sa non - application.
Aujourd’hui les leurres se multiplient : Amara ne fait plus illusion, elle n’a pas de budget et l’effet Obama qui nous met du baume au cœur, ira-t-il contre les désespérances creusées par les désengagements de l’état ?
Les effets de la suppression de la carte scolaire sont d’une portée infiniment plus lourde et inversement proportionnelle aux annonces de visites médiatisées avec GIGN sur les toits et qu’un président du CRAN au perron de l’Elysée.
Vanité des mots, mais aussi cristallisation autour d’une expression.
Ce fut « racaille ».
Selon un bon mot de J.P. Chevènement, « N. Sarkozy n’a pas inventé la poudre ». Mais le parler djeun’, stratégie publicitaire pour faire semblant d’abolir la distance entre les politiques et le peuple en employant des mots chocs est revenu comme un boomerang.
Il y a eu des moments de sourire quand un casseur regrettait la police de proximité. Les mots attendus qu’il fallait dire.
Il y avait doute quand un jeune pensait avoir épuisé ses chances d’obtenir un emploi malgré ses efforts de porter le costard - cravate pendant un mois. Le look.
Il y a eu inquiétude quand un maire avouait sa peur, celle qui annihile bien des réflexions.
Il y a contradiction évidente entre l’attente d’annonces immédiates et l’ardente nécessité du long terme.
Honorable madame Daty, elle pouvait au départ marquer de son sceau des progrès en intégration, mais elle voisinait avec des chaudrons suspects où immigration se touille avec identité nationale. Comment ne pas être méfiant lorsque nous sommes invités à admirer cet exemple photogénique de mérite républicain alors que dans le même temps il faudrait oublier l’arrogance des nantis et de leurs serviteurs à casquette de yachtman ?
L’idée s’installe cependant que le passé, l’origine des habitants de notre pays compte moins que l’avenir que nous tisserons ensemble. Les idées grises n’ont pas disparu mais les mentalités évoluent.
En 98, l’équipe de France colorée a ravi son monde au delà de quelques coups de klaxon, comme la familiarité avec Arsenal équipe de la banlieue de Londres enracine l’idée européenne.
SOLIDARITE RENOUVELLEMENT URBAIN (SRU)
La reprise du chômage touche d’abord les emplois en intérim, ce n’était déjà pas terrible, ça ne va pas aller vers le mieux. Il faut augmenter les impôts si l’on veut que l’état retrouve la capacité d’investir, lui qui a brûlé les meubles du patrimoine national.
Les néos convertis à une régulation du cannibalisme financier ne désespèrent pas de revenir sur la loi SRU : ils n’ont pas changé ! L’offre de logements se réduit. Il est fondamental que des habitats à loyer modéré ne poussent pas seulement là où quelques bonnes volontés, de plus en plus rares, acceptent quelques pauvres. Jusque dans les plus petites communes les anciennes complicités se brisent sur le Plan d’occupation des sols et autre PLU ; les urbains parfois généreux en pétitions charitables voient d’un mauvais œil des lotissements nouveaux sous leurs fenêtres. Quand on surprend des écolos contre les éoliennes ou un nouveau tracé de chemin de fer, il faut revoir un peu de ses candeurs.
DEVOIRS
Et l’école, celle qui est encore debout, qui croit encore à ses valeurs, qui voit son autorité rabotée à longueur d’émission par ceux qui ont réussi « parce qu’ils étaient des cancres » est appelée une fois de plus comme recours universel. Celle-ci aura des chances de répondre aux attentes si on n’empile pas des animations, mais si on laisse aux personnels le temps d’assurer les fondamentaux. La baisse des effectifs n’est pas la solution miracle, mais la casse actuelle de l’école abrase les énergies, et c’est une dégradation des conditions de travail qui est à l’ordre du jour. Les horaires d’enseignement et d’éducation sont réduits.
Les personnels spécialisés dans l’aide aux enfants en détresse étaient déjà en nombre insuffisant : ils luttent en ce moment pour leur survie ! S’il y a des bénéfices pour certains enfants de retrouver leur maîtresse en petit comité, les difficultés des plus démunis ne seront pas résolues. On a parlé de soutien pour mieux remettre en cause le travail des professionnels du soutien. Où en est l’hypocrisie des textes qui bannissaient les devoirs mais dont les thuriféraires pensent qu’une aide… aux devoirs peut être salutaire?
Beaucoup d’enseignants donnent des devoirs malgré les conseilleurs qui les interdisent : tragique démagogie qui veut faire croire que le travail n’est pas nécessaire.
Que soit contrarié le conformisme qui jette l’opprobre contre « l’intello ». Valorisons les élèves « qui en veulent » pour redonner de l’espoir à ceux qui ont cru qu’il faut travailler à l’école pour réussir dans un emploi : bourses, internat d’excellence, une autre orientation pour ceux qui n’ont pas envie à un moment et des possibilités pour reprendre des études plus tard.
SE VOILER LA FACE
La banalité de la dichotomie entre collectif et individuel se retrouve entre l’approche sociologique de la gauche et le recours au psychologique de la droite. Est ce participer à un unanimisme benêt, à un centrisme paresseux que de regretter l’hémiplégie qui exclut une des causes des problèmes ?
Les détresses matérielles alimentent toutes les déraisons, les mises en cause des valeurs accélèrent les désarrois. Voilà pourquoi votre fille se voile. Fastoche.
Ce ne sont plus les mêmes qui s’aveuglent : « circulez, y a rien à voir !»
ou qui proposent : « vous voulez du feu pour la bougie d’anniversaire des émeutes? » derrière la caméra qui s’impatiente.
Quand une grenade éclate près d’une mosquée que de jeunes pour s’indigner ! Quand une école brûle…
Qui expliquera comment certains d’entre eux sans repères vont plutôt vers les cadres contraignants de la religion que vers les valeurs bienveillantes de l’école républicaine ?

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